HAROLD B. LEE LIBRARY
BRIGHAM YOUNG UNIVKflSITY
PROVO, UT AH
NOV 1 6 1W
:
LA MUSIQUE A
L'ACADÉMIE DE LYON
AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
PAR
LÉON VALLAS
ÉDITIONS DE LA
REVUE MUSICALE DE LYON
NOVEMBRE
I908
IL A ETE TIRE :
10 exemplaires sur papier de Hollande numérotés de i à 10
390 exemplaires sur papier ordinaire numérotés de 1 1 à 400
110 exemplaires pour l'Université, non numérotés.
Exemplaire No.
TABLE DES MATIERES
Pages
Avertissement xi
Introduction xiii
Bibliographie xvii
IMPARTIE.
Les Concerts de l'Académie des Beaux-Arts
(1713-1774).
I. Fondation et débuts de l'Académie des Beaux-Arts (17 13-17 18). — -
Les fondateurs : Christin et Bergiron du Fort-Michon. — Organisation de
la société : recrutement, administration, choix du titre, composition de
l'orchestre, Bergiron batteur de mesure. — Le répertoire. — U Impromptu
en l'honneur du Maréchal de Villeroy. — Bergiron compositeur. —
L'Académie reconnue officiellement. — Mgr de Villeroy, archevêque de
Lyon, compositeur et chef d'orchestre. — Le clergé et l'Académie. —
Les motets 3
II. Rameau a Lyon; l'Académie de 1718A1724. — Rameau, organiste à
Lyon en 17 14: quelques unes de ses œuvres, motets et cantates, auraient
été composées pour l'Académie. — Le Retour de 'Pyrrhus Nèopto/ème. —
Villesavoye et David, maîtres de musique de l'Académie. — Le répertoire
et les " divertissements " de Bergiron. — L'Académie des Jacobins. —
Fête pour la convalescence du Roi 35
III. L'Académie de 1724 a 1736. — L'Académie obtient des Lettres-
Patentes, et se constitue officiellement. — Construction de l'Hôtel du
Concert. — Villesavoye, maître de musique, et les musiciens de profession:
Jean-Marie Leclair le second. — Difficultés financières. — Quelques
cérémonies 53
viii TABLE DES MATIERES
IV. L'Académie de 1736 a 1759. — Transformation de l'Académie : les
instrumentistes amateurs cèdent la place à des gagistes. — La débâcle
financière : la Ville de Lyon devient propriétaire du Concert. — Grenet,
maître de musique de l'Académie; la cantatrice Selim. — Mondonville et
Guignon à Lyon en 1744 ; Jean-Marie Leclair l'aîné ; les artistes de
passage. — Les maîtres de musique de l'Académie après Grenet : Mathieu
Bellouard, Mangot, Le Goux l'aîné. — Le personnel de l'Académie
en 1757. Le répertoire 73
V. Bollioud-Mermet et la " Corruption du goût dans la musique
FRANÇAISE " 99
VI. Le Concert de 1759 a 1768. — Les Tetites Affiches de Lyon publient
presque chaque semaine le programme des concerts. — Le répertoire latin
et français : abondance des œuvres nouvelles. — Œuvres de Gluck et
de Haendel à Lyon. — Les virtuoses. — Concurrence d'une société
d'amateurs. — Vogue des ariettes et autres petits morceaux. — Les
" symphonies ". — Les clarinettes. — Brijon, violoniste. — Installation
d'un orgue. — Budget du Concert en 1765. — Etat des pensionnaires en
1765 et 1766. — Le premier organiste: Beauvarlet-Charpentier. —
Mozart à Lyon en 1766. — Difficultés financières et expédients . . . 105
VII. Dernières années de l'Académie: i 769-1 773. — Mort de Bergiron
du Fort-Michon. — Le répertoire et les artistes pendant les dernières
années. — Charpentier et le répertoire de l'orgue. — Rousseau à Lyon :
il fait exécuter un de ses motets au Concert. — Les successeurs de
Charpentier : Broche, Belmard, Colesse jeune. — Débuts du piano. —
Derniers expédients administratifs. — Mlle Fel à Lyon. — La fin de
l'Académie des Beaux-Arts et du Concert. — L'hôtel du Concert
après 1773 131
VIII. La bibliothèque du Concert. — Note des Almanachs de Lyon. —
Les partitions formant la bibliothèque ; leur origine. — Une partie de ce
fonds conservé dans la bibliothèque du Palais des Arts. — Les bibliothé-
caires de l'Académie. — Les dons de Christin et de Hedelin. — Coignet,
garde de la bibliothèque. — La bibliothèque de Bergiron. — Inventaire de
la bibliothèque du Concert, avec indications bibliographiques des ouvrages
conservés 149
TABLE DES MATIÈRES ix
2e PARTIE.
Les discussions musicales a l'Académie des Beaux-Arts, et
a l'Académie des Sciences et Belles-Lettres
(1700-1793).
I. La Musique dans les deux Académies. — La Musique, poëme du Père
Fellon. — Une leçon de musique, de Brossette à Boileau. — Liste par
ordre chronologique des mémoires sur la musique lus dans les deux
Académies. — Les Académiciens musiciens : Bordes, Cheinet, Clapasson,
le Père Dumas, Joannon, Mathon de la Cour, le Père Tolomas, Thorel
de Campigneulles, etc 171
II. L'actualité musicale et l'histoire de la musique. — L'Académie
néglige l'actualité musicale, peut-être par esprit rétrograde : les idées de
Bollioud-Mermet approuvées par ses collègues ; une lettre concernant la
Guerre des Bouffons. — Opinions sur la critique. — Bordes et l'opéra
italien. — L'histoire de la musique : la musique des Anciens et leur
déclamation dramatique 179
III. L'harmonie. — Tous les mémoires sur l'harmonie présentent des idées
empruntées à Rameau. — Mémoires de Joannon, de Mathon, de Bollioud-
Mermet. — Eloge de Rameau par Cheinet : la génération de la tierce
mineure. — Le traité d'harmonie du Père Dumas 193
IV. Le tempérament. — Un mémoire de Bollioud-Mermet sur l'accord des
instruments à clavier, cause l'intervention de Rameau. — Lettre de
Rameau. — Bollioud-Mermet devient un adversaire du tempérament
égal. — Les travaux du Père Dumas et ses Entretiens en réponse aux
objections de Bollioud 207
V. Divers mémoires. Inventions et travaux soumis a l'approbation de
l'Académie. — Mémoires consacrés à la théorie musicale et à l'esthétique.
— Inventions et travaux soumis par des Académiciens et par des Etrangers.
— Le dernier travail présenté à l'Académie, en 179 1, est dû à Brijon. —
Dispersion de l'Académie au mois d'août 1793 219
Table Alphabétique des Noms Cités 229
»
Z' 'UNIVERSITÉ de Lyon nous a fait ï1 honneur d'accepter ce volume
d'histoire musicale comme thèse pour son doctorat es-lettres. Nous lui en
sommes profondément reconnaissant, et nous exprimons nos remerciements respec-
tueux à M. le Doyen Léon Clédat, et à M. le Professeur Fernand Baldensperger,
chargé du rapport sur notre thèse. La musique, généralement exclue, pour
I enseignement, de la catégorie des " Beaux-Arts " , n'avait pas fait encore son
entrée officielle à V Université de Lyon. Ce n'est pas une petite satisfaction pour
nous que d'avoir, grâce à l'indulgence de nos maîtres de la Faculté, le grand
honneur d'être le premier à y représenter la musique.
Nos recherches ont été facilitées par la complaisance de diverses personnes,
et, principalement, par : M. Georges Tricou, qui se dépouilla en notre faveur
des nombreux documents qu'il avait amassés concernant la musique à Lyon ;
M. M. Michel Brenet et Lionel de la Laurencie, de Paris, dont le dévouement
pour leurs confrères égale la haute érudition en matière d'histoire musicale ; les
divers dépositaires des fonds publics de Lyon, auprès de qui nous avons toujours
trouvé le meilleur accueil, et spécialement M. Georges Guigue, archiviste en chef
du département du Rhône, M. Richard Cantinelli, bibliothécaire en chef de la
ville de Lyon, M. Marc Brisac, bibliothécaire du Palais des Arts, M.M. Rochex
et Boulieu, chef de bureau et rédacteur aux Archives communales.
INTRODUCTION
Nous réunissons dans ce volume l'historique de Y Académie
des Beaux-Arts et du Concert, société de concerts hebdo-
madaires, et l'examen rapide des discussions concernant
la musique, qui eurent lieu dans deux compagnies savantes de
Lyon : Y Académie des Sciences et Belles-Lettres et Y Académie des
Beaux-Arts ou Société Royale, dont la fusion donna naissance, en
17585 a l'actuelle Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon.
L'histoire de Y Académie des Beaux-Arts et du Concert n'a
jamais été écrite ou même esquissée. Quant à l'histoire de Y Aca-
démie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, elle a été racontée de la
façon la plus incomplète par J. B. Dumas dans deux volumes
publiés sous le titre : Histoire de l'Académie royale des Sciences,
Belles-Lettres et Arts de Lyon (Lyon, chez Giberton et Brun, 1839).
Nous donnons ci-dessous une sorte de tableau chronologique qui,
en indiquant les dates essentielles des différentes Académies de
Lyon, nous montrera aussi les rapports de ces sociétés entre elles,
et nous justifiera d'avoir réuni leur histoire musicale en un seul
volume :
Mai 1700 : Fondation, sous le titre à' Académie des Sciences et
Belles-Lettres, d'une société de beaux esprits se réunissant en con-
férences irrégulières.
Année 171 3 : Fondation, sous le titre à' Académie des Beaux-
Arts, d'un " concert de musique composé de plusieurs citoyens
de cette ville, amateurs de cet art ".
xiv LA MUSIQUE A LYON
introduc- Août 17 14 : U Académie des Beaux-Arts est officiellement
tion constituée sous la protection du Maréchal Duc de Villeroy, gou-
verneur de Lyon.
Août 1724 : Lettres-Patentes portant établissement d'une
Académie des Sciences, des Belles-Lettres et des Beaux-Arts, divisée
en deux compagnies : l'une sous le nom à' Académie des Sciences et
Belles-Lettres, l'autre sous celui d' Académie des Beaux-Arts. Cette
double compagnie, formée d'éléments réellement indépendants,
était placée sous la protection du Maréchal Duc de Villeroy.
L'Académie des Beaux-Arts fit alors construire une salle de concert:
sa seule occupation consistait à cette époque en l'organisation de
séances musicales hebdomadaires ; pourtant ses statuts, dès 1724,
faisaient mention de conférences consacrées aux Beaux-Arts, en
général. Ces conférences n'eurent lieu qu'exceptionnellement.
Avril 1736 : Les conférences de l'Académie des Beaux-Arts
s'organisent régulièrement ; en même temps, l'exécution des con-
certs est entièrement confiée à des musiciens professionnels, gagistes.
30 décembre 1741 : A la suite d'une délibération prise à
cette date, la ville de Lyon acquiert la propriété de l'immeuble et
du mobilier de l'Académie des Beaux- Arts (section des Concerts).
En conséquence de cette situation nouvelle, le titre d3 Académie des
Beaux-Arts désigne à la fois deux compagnies entièrement dif-
férentes : une compagnie savante, et une entreprise de concerts.
Cette dernière société est parfois plus spécialement désignée sous le
nom & Académie des Beaux-Arts et du Concert.
Ier juin 1748: Lettres-Patentes (modifiées par de nouvelles
Lettres du Ier novembre 1750) portant désunion de la Société des
Concerts, qui garde le nom à! Académie des Beaux-Arts, et de la
Société des Conférences, qui reçoit le titre de Société Royale des
Beaux- Arts.
Novembre 1752 : Lettres-Patentes portant confirmation de
l'établissement de Y Académie des Sciences et des Belles-Lettres.
Juin 1758 : Lettres-Patentes portant réunion de Y Académie
des Sciences et Belles-Lettres et de la Société Royale des Beaux-Arts,
en une seule compagnie appelée Académie des Sciences, Belles-
AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE xv
Lettres et Arts de Lyon. Cette Académie fonctionna régulièrement introduc-
jusqu'au mois d'août 1793. A cette époque, elle fut dispersée. Sa TION
reconstitution date de l'année 1800.
YS Académie des Beaux-Arts et du Concert donna des concerts
hebdomadaires, presque sans interruption, jusqu'en 1773 ou 1774.
Elle disparut alors, et ne fut jamais rétablie.
Il est difficile, comme le montre ce tableau, d'imaginer une
plus grande confusion historique, aggravée encore par l'indécision
d'une nomenclature un peu fantaisiste. Ainsi, X Académie des Sciences
et Belles-Lettres, fondée en 1700, devint X Académie des Sciences,
Belles-Lettres et aArts à la suite de sa fusion avec la Société Royale
des Beaux-nArts . Cette Société Royale tirait son origine de XzAcadémie
des Beaux-aArts qui, d'abord, avait été exclusivement une société
de concerts, puis s'était divisée en deux sections, s'occupant l'une de
musique, l'autre de conférences scientifiques. UaAcadémie des
Sciences et Belles-Lettres, dans ses séances, traitait surtout des sujets
littéraires ; la Société Royale des Beaux-tArts (ancienne section des
conférences de X Académie des Beaux-zArts) discutait des questions
scientifiques; et XiAcadémie des Beaux-zArts proprement dite orga-
nisait des concerts.
J. B. Dumas, dans son histoire, ne s'est pas inquiété de ces
distinctions un peu subtiles : il a laissé complètement de côté, non
seulement les concerts de XzAcadémie des Beaux-zArts — ce qui était
excusable — mais encore X ^Académie des Beaux-zArts en tant que
société savante, et la Société Royale. Les trois compagnies lyonnaises,
dont nous avons indiqué les avatars, eurent pourtant assez de points
communs, soit dans leur origine, soit dans leurs transformations
successives, pour mériter d'être étudiées ensemble. (1)
(1) Références concernant l'historique des origines des académies : Divers
manuscrits académiques: n° 157 (p. 96 et 130-133), n° 269 tout entier; n° 270 ;
registres des procès-verbaux des deux académies. Archives municipales : dossiers spé-
ciaux. Archives départementales : dossier D. 448. Manuscrit n° 1.032 du Fonds Coste
(bibliothèque de Lyon), etc.
BIBLIOGRAPHIE
Les principales sources de notre histoire musicale de l'Aca-
démie sont :
A. — Manuscrits.
i. Les Archives de l'Académie de Lyon conservées dans la
bibliothèque du Palais des Arts, et comprenant : les registres des
procès-verbaux de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts
de Lyon, de 1724 à 1793 (vingt et un volumes in-40) ; — les
registres des procès-verbaux de l'Académie des Beaux-Arts ou
Société Royale de Lyon, de 1736 à 1758 (quatre volumes in-f°) ; —
la collection très incomplète des mémoires présentés aux deux
Académies de 1724 à 1793 ; — la correspondance académique
(quatre volumes).
2. Les Archives de la Ville de Lyon, et spécialement les
registres des délibérations du Consulat (série BB), et les dossiers
de l'Académie et du Concert (Inventaire Chappe, XX, p. 3 3 3-
355, séries DD et GG).
3. Les Archives départementales du Rhône.
4. Les Archives hospitalières de la Charité.
5. Divers manuscrits de la Grande bibliothèque de Lyon.
B. — Imprimés.
1. Collection des Almanachs de Lyon au XVIIIe siècle.
2. Affiches, Annonces et Avis divers de Lyon, ou Petites
Affiches, publication hebdomadaire, puis bi-hebdomaire, dont,
xviij LA MUSIQUE A LYON
bibliogra- malgré nos recherches à Lyon et Paris, nous n'avons pu nous
phie procurer que quinze années (1750, et 1759 à 1772).
3. Le Mercure de France et le "Journal de Trévoux.
C. — Fonds musical de la bibliothèque du Palais des
Arts, qui renferme une partie de la bibliothèque de l'Académie
des Beaux-Arts et du Concert, et auquel nous consacrons un
chapitre spécial.
Nos recherches ne nous ont pas permis de découvrir les
registres du Concert de l'Académie des Beaux-Arts, disparus
peut-être lors de la vente de l'Hôtel du Concert en 1792. Nous
n'avons pas non plus retrouvé un mémoire écrit vers 1750 par
Bollioud-Mermet sous le titre : Observations sur rétablissement, le
progrès et la décadence du Concert de Lyon. Ces registres et ce
mémoire, ainsi que quelques-unes de ces correspondances particu-
lières du xvme siècle, qu'il est de tradition dans les familles
lyonnaises de ne jamais communiquer, nous auraient permis d'écrire
une histoire vraiment musicale de l'Académie, tandis que nous
avons été réduit à faire l'historique pour ainsi dire extérieur de
cette Compagnie dans ses rapports avec la musique.
Nul travail d'ensemble — ouvrage ou simple article — n'a
été jusqu'à présent consacré à la musique à Lyon au xvnie siècle.
Aussi n'existe-t-il pas à proprement parler de bibliographie sur ce
sujet. Nous n'avons pas à citer les différents travaux concernant,
en général, l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de
Lyon, ni les ouvrages d'histoire de Lyon qui se sont contenté
le plus souvent de signaler l'existence de l'Académie musicale
du Concert en reproduisant les quelques lignes officielles com-
muniquées par cette société aux Almanachs, ou celles publiées
par le Père de Colonia dans son Histoire littéraire de la Ville
de Lyon.
Cinq ouvrages généraux seulement, croyons-nous, doivent
être indiqués dans une bibliographie musicale lyonnaise du
xvme siècle. Ce sont les suivants :
AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE xix
Ant.-Fr. Delandine : Manuscrits de la bibliothèque de Lyon... bibliogra-
(Paris, Renouard, 1812, 3 vol. in-8°). On y trouve une brève PHIE
indication des manuscrits académiques relatifs à la musique, dont
l'examen constitue la seconde partie de notre étude. L'ouvrage de
Delandine, comme nous le signalerons, a été utilisé par Fétis dans
la Biographie des Musiciens.
F.-George Hainl : De la musique à Lyon depuis 171 3
jusqu'à 1852 (Lyon, Vingtrinier, 1852, in-8° de 32 p.). Discours
de réception à l'Académie de Lyon prononcé en 1852 par George
Hainl, alors chef d'orchestre du Grand-Théâtre. La première partie
est une notice historique de la musique à Lyon ; la seconde partie
expose quelques considérations sur " la nécessité d'un enseignement
musical organisé sur de larges bases ". Cet intéressant discours n'a
pas de valeur historique ou documentaire. La première partie en a
été plagiée par M. Reuchsel dans l'ouvrage cité plus loin.
Emmanuel Vingtrinier : Le Théâtre à Lyon au XVIIF siècle,
article de la Reloue du Lyonnais publié en tirage à part (Lyon,
Meton, 1879, in-8° de 130 p.). Cette étude sérieuse mentionne
les séances musicales de l'Académie des Beaux-Arts.
Prosper Holstein : Le Conservatoire de musique et les salles de
concert à Lyon, article de la Reloue d'Histoire de Lyon, également
publié en tirage à part (Lyon, Rey, 1904, in 8° de 52 p.). Etude
consciencieuse qui n'a que le défaut de s'en remettre parfois,
comme référence, à l'ouvrage suivant.
Maurice Reuchsel : La Musique à Lyon, article publié
d'abord dans YExpress musical, puis en tirage à part (Lyon, Le-
gendre, 1903, petit in-8° de 107 p.). Dans cette plaquette,
dépourvue de tout intérêt et de toute documentation, M. Maurice
Reuchsel consacre aux xvne et xviif siècles réunis une dizaine
de petites pages, au cours desquelles il est plus facile de relever dix
erreurs grossières doublées d'ingénus plagiats, qu'une seule in-
dication exacte.
A ces ouvrages lyonnais, il est impossible de ne pas ajouter la
si complète étude publiée par M. Michel Brenet, Les Concerts en
PHIE
xx LA MUSIQUE A LYON
bibliogra- France sous l'ancien régime (Paris, Fischbacher, 1900, in-12 de
407 p.), et parue d'abord dans le Guide musical de Bruxelles. C'est
une œuvre définitive, véritable livre de chevet pour les érudits et
les amateurs s'intéressant au xvme siècle musical, et qui doit servir
de modèle à tous les ouvrages du même genre. Nous nous y
sommes reporté sans cesse au cours de la préparation et de la
rédaction de notre étude. (1)
Quant aux quelques articles spéciaux concernant divers points
de l'histoire musicale lyonnaise, et publiés pour la plupart dans
notre Reloue musicale de Lyon, nous ne croyons pas utile d'en
établir la liste ici. Leur référence exacte, ainsi que celle des
nombreux ouvrages que nous citons dans notre étude, est indiquée
en note à chaque page ; on la retrouvera facilement grâce à
l'index alphabétique des noms cités.
(1) L'histoire musicale des provinces françaises, si longtemps négligée, semble
prendre son essor. C'est sans doute à l'influence indirecte de M. Michel Brenet que
nous devons le remarquable ouvrage de M.L. de la Laurencie sur Y Académie de musique
et le Concert de Nantes (Paris, Ste Fse d'imprimerie, 1906, in 8° de 21 1 p.), et
l'intéressante plaquette de M. Léon Lefebvre sur le Concert de Lille (Lille, Lefebvre-
Durocq, 1908, in 8° de 66 p.). A ces deux ouvrages, nous ne saurions joindre le
volume récent de M. André Gouirand sur la Musique en Provence et le Conservatoire
de Marseille (Marseille, Ruât, 1908, in-12 de 484 p.) dont la première partie est écrite
presque entièrement d'après Fétis !
PREMIERE PARTIE
LES CONCERTS DE L'ACADÉMIE
DES BEAUX-ARTS
(1713-1774)
I
Fondation et Débuts
de l'Académie des Beaux-Arts
(1713-1718).
La fondation de la société musicale qui, sous le titre d'Aca-
démie des Beaux- Arts ou d'Académie du Concert, devait
vivre pendant plus de soixante années, fut l'œuvre presque
exclusive de deux jeunes gens : Jean-Pierre Christin, et Nicolas
Bergiron du Fort Michon.
Le premier n'est pas un inconnu : ses travaux scientifiques, et
surtout ses recherches sur les thermomètres à mercure ou "thermo-
mètres de Lyon " ont répandu son nom dès le milieu du
xvme siècle; un legs fait par lui à l'Académie pour la création
d'un prix annuel l'a même rendu populaire dans les milieux
intellectuels lyonnais; J. B. Dumas, dans son Histoire de l'Académie,
n'a pas oublié de le mentionner. Mais, comme musicien, Christin
est resté presque ignoré.
Fils d'un négociant de notre ville, il était né à Lyon le
31 mai 1683. A l'âge de dix neuf ans, il se rendit à Paris où il se
livra surtout à la musique pour laquelle, rapporte un de ses
contemporains, il semblait être né. " L'aptitude à toucher des
instruments, la propreté du chant secondé par les accents d'une
voix mélodieuse, faisaient une partie de ses talents, et le firent
admettre dans une société musicale parisienne, celle des Mélophiletes,
qui donnait des concerts chaque semaine chez le P* Lubert (1)".
(1) Histoire manuscrite de l'Académie par Louis Bollioud-Mermet (Mss du
Palais des Arts, n° 270), et Mémoire lu par Pernetti à la Société Royale de Lyon le
16 mai 1755 (id.n0 124).
4 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation H resta dix années à Paris, puis revint dans sa ville natale qu'il ne
et débuts deVait plus quitter (i).
1713-1718 gon coiiaborat:eur est? par contre, totalement inconnu. On ne
trouve, croyons-nous, le nom de Bergiron du Fort-Michon que
dans un ouvrage du XVIIIe siècle consacré au commerce des vins
dans le Beaujolais (2), et dans une récente étude de la Revue
d'Histoire de Lyon (3). Encore, dans cette dernière étude, n'est-il
question que du père de notre musicien, et, dans l'ouvrage ancien,
Bergiron n'est-il cité que comme propriétaire et viticulteur,
l'année même de sa mort (1768).
Nicolas-Antoine Bergiron du Fort-Michon était né à Lyon
le 12 décembre 1690 (4). Son père, Antoine Bergiron, avocat au
Parlement de Paris, s'occupait principalement de ses propriétés et
de ses vignes beaujolaises situées à Saint-Lager, Belleville, Morgon,
Dracé, Saint-Jean d'Ardières, et dont l'exploitation lui fournit
matière à d'interminables procès dont on retrouve la trace dans de
curieux et originaux manuscrits multicolores laissés par lui (5).
(1) Il y mourut le 19 Janvier 1755, en laissant tous ses recueils de musique à
la Société qu'il avait contribué à fonder. (V. plus loin : Bibliothèque du Concert).
Lors de l'établissement des Conférences régulières à l'Académie des Beaux-Arts en
1736, il fut nommé secrétaire perpétuel de cette Compagnie. Comme nous le verrons
dans la seconde partie de ce volume, il s'occupa presque exclusivement de physique
au cours des séances.
(2) Le commerce des vins reformé, rectifié et épuré... par M. C*** S*** [Brac de
la Perrière]. Amsterdam 1769.
(3) J* Fayard, Un précurseur beaujolais de la Révolution française (Reyue d'histoire
de Lyon, 1906, 3e fascicule).
(4) Registres paroissiaux de St-Pierre et St-Saturnin, année 1690, page 275:
" Nicolas Antoine, fils de Monsr Antoine Bergiron, ad* au Parlement de Paris et de
Dame Renée Françoy, sa femme, né hier, au quartier des Feuillans, a esté baptisé par
moy curé soussigné, ce treize décembre mil six cent quatre vingt dix, et ont été
parrain Sr Nicolas Bergiron, bourgeois de Lyon, et marraine dame Anne des Brosses,
femme de Léonard Bathéon, ancien échevin de Lyon..." Son père, Antoine Bergiron
était né en 1654 de Nicolas Bergiron, marchand, rue Longue, et de Christine des
Brosses, et mourut en mai 1 73 1. Il avait alors le titre de "gentilhomme de la
Vénerie du Roy ". Bergiron père et fils habitaient rue de la Vieille-Monnaie, vis à
vis de la Croix-Paquet (Registres de S1 Pierre et S1 Saturnin).
(5) Archives départementales, E. 125 et 126. — Mss de la Bibliothèque de
Lyon: Fonds général, n° 1749.
Partie AU DIX-HUITIÉME SIECLE 5
Un de ces volumes, sorte de livre de raison, nous renseigne inopi- fondation
nément sur le jeune Nicolas Bergiron et sur ses dispositions ET DEBUTS
intellectuelles. En effet, le Ier janvier 1705, Bergiron le père I7I3_I7I
interrompt la rédaction de son manuscrit, pourtant exclusivement
réservé à des questions d'administration terrienne, et écrit ces
quelques lignes inattendues :
" Pendant cinq ans de mes basses classes, mon régent le P. de
Vaucluse m'a toujours fait monter le Ier, 2 e ou 3e inter eximios, et m'a
toujours donné en me nommant acri et acerbo puer ingenio, pour me
caractériser, ou me donner un éloge comme on a coutume de faire aux
3 ou 4 premiers inter eximios. Le mot & Acerbus n'est guère obligeant, et
il marquoit la haine et l'inimitié que j'avois contre 2 ou 3 de mes camarades
qui vouloient me surpasser et que je croyois au-dessous de moy ; mais
pour le mot d'Acer, il signifie dans nos meilleures autheurs de latinité,
pénétrant, vif, subtil, prompt à concevoir, etc. Mon fils a le même caractère,
et par dessus cela, il me surpasse memoriâ facili et tenaci. Il y a un an qu'il
apprit cent vers latins d'Ovide en une heure, et tous les jours il apprend
10 à 12 cartes écrites de ma main sur toute sorte de littérature, où j'espère
le rendre universel, et le plus distingué de tous ses parents, amis et
compatriotes. Dieu le conserve et à la fin lui donne le Ciel. Ier janvier 1705 (1)".
Le jeune Bergiron semble donc avoir fait dans sa famille ses
études classiques. Il dut ensuite étudier le droit, à Lyon, avec
l'unique professeur J. B. d'Antoine (2), et, malgré " un fatal et
violent entêtement de la musique " qui, à cette époque, le
détourna un peu de l'étude, il était, au mois de juillet 171 5,
en état de se présenter à la licence devant l'Université de Paris,
et d'obtenir " sa matricule " au Parlement. Sa conduite était
régulière, et, lors de ses débuts musicaux, " il passait dans Lyon
pour un homme fort sage (3).
(1) Archives départementales, E. 125 p. 39.
(2) Brouchoud, Recherches sur l 'enseignement public du droit h Lyon ; Lyon, 1865.
(3) Archives hospitalières de la Charité, E. 11 74 : Lettre de Bergiron le père
à un de ses amis de Paris pour lui recommander son fils. (Le rédacteur de V Inventaire-
Sommaire de ces Archives, pour avoir mal lu les documents qu'il avait à analyser,
attribue à notre Bergiron " une jeunesse orageuse ". Profiterons-nous de cette occasion
pour protester une fois de plus contre la rédaction imbécile des Inventaires-
Sommaires des Archives françaises, qui constituent une collection considérable, fort
coûteuse, complètement inutile et souvent dangereuse ?)
6 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation Christin et Bergiron étaient âgés, l'un de trente ans à peine,
et débuts l'autre de vingt-deux ans, quand ils provoquèrent la fondation
I7I3~I7l8 de la société musicale qui devait grouper de nombreux amateurs
et quelques professionnels bénévoles en vue d'exécuter dans une
sorte d'intimité des œuvres musicales de toute espèce. Malgré des
affirmations intéressées émises plus tard, comme nous le verrons
au début du second chapitre de cette histoire, les séances de
la future société n'avaient d'abord d'autre but que des exécutions
musicales. Il n'était pas question en 171 3 de conférences sur les
sciences plus ou moins voisines de la musique. Tout au plus,
fit-on quelques rares assemblées pour examiner des poésies,
œuvres d'Académiciens, destinées à être mises en musique. Il
est vraisemblable que les jeunes fondateurs se proposaient sim-
plement d'imiter les institutions musicales parisiennes, comme
la Société des Mélophiletes dont Christin avait fait partie, et
où Bergiron avait sans doute fréquenté lors de quelque voyage
à Paris. Au concert des Mélophiletes ■, rapporte Mathieu Marais (1),
tout le monde entrait, personne ne payait, et nul musicien de
profession n'était admis. Les sociétaires se réunissaient pour
exécuter eux-mêmes; ils faisaient rimer et composer spécialement
pour leurs séances de grands divertissements (2). L'ambition de
nos musiciens lyonnais n'allait pas plus haut, et l'un et l'autre
ne prévoyaient guère que leur compagnie mondaine deviendrait
plus tard une grande société de concerts, solidement établie,
et donnerait du même coup naissance à une grave académie
scientifique.
Leur premier souci fut probablement de n'accueillir que
" des personnes choisies de l'un et l'autre sexe (3) ", et Bergiron,
qui devait prendre la direction effective des concerts, usa-t-il
aussitôt de son titre "du Fort-Michon", médiocre noblesse qu'on
ne retrouve pas toujours dans son état-civil. La société naissante
(1) Journal de Mathieu Marais, t. III, p. 92.
(2) Sur le Concert de Mélophiletes, v. Michel Brenet : Les Concerts en France
sous l'ancien régime, p. 165.
(3) Mercure de France, septembre 1721, p. 197.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 7
se réjouissait du concours de " plusieurs Mrs et Dames de la Cour fondation
des Monnoyes ", et tenait à " exercer la musique d'une manière ET D^BUTS
également noble et agréable (i) ". ï?^-1?1»
Une autre grave préoccupation eut pour cause le choix
du titre de la Société. Autour de ce baptême, longues furent les
discussions dont l'écho nous est parvenu grâce à un manuscrit
conservé dans les papiers de l'Académie de Lyon (2). Aujourd'hui,
simplement, nous appellerions une organisation analogue " Société
de Concerts ". A nos ancêtres du XVIIIe siècle, il fallait un
titre plus noble. On n'imaginait guère une réunion d'honnêtes
gens sous un nom qui ne rappelât pas les attiques jardins d'Aca-
demus. Le nom pompeux d'Académie s'imposait, et tous les
membres, exécutants ou honoraires, tenaient à porter le titre
d'Académicien. Du reste, que de bonnes raisons ne trouva-t-on pas
pour éliminer le nom commun de Concert, et justifier le choix
d'académie ! Concert en effet " ne peut s'attribuer à des personnes
qui ne concertent pas ; plusieurs académiciens ne savent même pas
la musique, et ne se sont associés que pour partager le plaisir des
exercices académiques... Si le terme de Concert pouvait être pris
pour une compagnie, chaque membre s'appellerait concertant; on
appelle honoraire celui qui n'exerce pas la musique ; son nom serait
donc Concertant honoraire ; c'est comme si l'on disait un Concertant
qui ne concerte pas. Pour les Dames, qui sont une des plus belles
parties de l'Académie, dirait-on : Madame est une Concertante de
notre Concert? ... Ce terme blesserait les oreilles délicates si on osait
s'en servir..." Il ne semblait guère possible d'employer le titre de
Mrs du Concert, car on serait obligé de dire un M1 de Messieurs du
Concert, ou une dame de Messieurs du Concert...'" Tandis que le nom
d'académie convient parfaitement, " puisqu'il signifie assemblée de
gens qui cultivent un ou plusieurs des beaux-arts ou les sciences. "
Le nom d'Académie fut définitivement arrêté, et il n'y eut
plus qu'un peu d'hésitation pour éliminer le titre d'Académie de
(1) Mercure de France, septembre 1721, p. 197.
(2) Réflexions en forme de dissertation sur le titre d'académie des Beaux-Jtrts et sur
le nom de Concert (Mss acad. n° 263, f° 1 1 1 et suiv.).
8 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation Lyon, trop général, et, du reste, utilisé officieusement depuis
et débuts l'année 1700; celui à' Académie du Concert, "impropre parce que
I7I3-I7I y ces deux noms collectifs signifient chacun une assemblée"; et
celui & Académie de musique, réservé à l'Opéra. On s'arrêta enfin au
nom à' Académie des Beaux-Arts puisque, parmi les concertants
ou les membres honoraires, " il y avait des personnes capables de
s'en tirer avec succès dans divers genres ". Argument qui n'était
guère péremptoire, mais que devaient fortifier ensuite d'une
manière imprévue les destinées de l'Académie naissante.
Ce résumé des discussions autour d'un titre nous a entraîné
trop loin, et a révélé déjà une partie de la constitution de la
Société. Sur les débuts de l'Académie des Beaux-Arts, nous ne
possédons comme renseignements que peu de mots, lambeaux de
phrases incidentes dans quelque discours académique. Et il ne faut
guère s'étonner du silence des archives là-dessus, puisque cette
pompeuse Académie n'était qu'une petite société d'amateurs " qui
avaient du goût pour la musique ", " un concert où plusieurs
personnes de la ville exécutaient elles-mêmes et s'assemblaient pour
se perfectionner dans la musique ", en somme, " de simples
amusements (1) ". Ses règlements étaient vraisemblablement analo-
gues aux statuts publiés en 1724, et que nous reproduisons au
début du chapitre III. L'administration était confiée à un groupe
à! Officiers portant les titres de Directeur, Inspecteur, Bibliothé-
caire, Trésorier, Syndics et Secrétaires (2). Les membres de la
(i) Notice sur P origine de P Académie de Lyon (Mss acad. N° 157, f° 130). —
Mémoire pour Mgr le Procureur général du Parlement (Id. f° 96). — Mémoire pour
F enregistrement des Lettres-patentes de la Société Royale de Lyon (Archives départementales,
D. 448).
(2) A partir de l'année 1742, et jusqu'en 1774, les Almanachs de Lyon con-
tiennent la liste des Officiers du Concert; nous y renvoyons ceux de nos lecteurs que
pourrait intéresser cette nomenclature. Certaines pièces d'archives nous donnent le
nom des Officiers pendant quelques années avant 1742. En 17 18 : Connelere, trésorier ;
et Bergiron du Fort Michon, bibliothécaire. En 1724: de la Frasse de Seynas, direc-
teur; Girard, inspecteur; Doûet l'aîné, trésorier. En 1726: de la Frasse de Seynas,
directeur ; Michon et Girard, secrétaires ; Michel, Palerne, Barailhon, Christin,
Boesse, officiers. En 1727: de la Frasse de Seynas, directeur; Quinson, trésorier;
Michel, Christin, Roch, Boesse de la Choule, de Parvilly, Massara, Michon, Bol-
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 9
Société se divisaient en Académiciens honoraires ou ordinaires et fondation
associés. Les Académiciens associés étaient " ceux qui, ayant des ET D^BUTS
talents pour la musique, ne contribuaient pas à la dépense du l7iyi7l°
Concert et n'en recevaient pas de rétribution (i) ". Les Acadé-
miciens ordinaires payaient une cotisation annuelle pour l'entretien
de la Compagnie. Un bon nombre, du reste, des Académiciens
ordinaires — Bergiron lui-même portait ce titre — prenaient part
à l'exécution de la musique.
La salle des réunions était sur le quai S* Clair, qui ne res-
semblait nullement à la belle promenade ombragée d'aujourd'hui (2).
Les réunions n'étaient pas quotidiennes en dépit de la poétique
description de l'académicien Bordes, que Bergiron, en 1714, devait
mettre en musique (3), et que nous reproduisons ci-dessous :
Cest ici * qua Tenvy les filles de Mémoire t * La sa.1Ie de
Rassemblent chaque jour leurs plus chers favoris ; Beaux-Aru **
Des sons les plus touchans ils disputent le prix
Et leur plaisir sert à leur gloire. * La salIe est
Que ces lieux * désormais soient le sacré Vallon^ Clair6 lur^ les
Ces bords les rives du Permesse... bords'du Rhône
La réalité devait être assez différente de ce gracieux tableau.
Il est permis de supposer que " les plus chers favoris des filles de
Mémoire " ne devaient pas toujours réaliser les " sons les plus
touchants ", et, en l'absence de tout document contemporain,
lioud de Fétan, Terrasse, Maindestre, officiers ; En 1748 : Girard, Mayeuvre père et
fils, Chanorier, Christin, Posuel de Verneaux, Massart, Cannac fils, Pernon fils, Chalut
de la Croisette, Claret de la Tourette, Dutrieu, Siran, Chappe, Rousset de Saint-Eloy.
(1) Changement proposé du nom d'académicien honoraire... Mémoire lu par Christin
à l'Académie des Beaux-Arts, le 4 septembre 1743. (Mss acad. n° 263, f° 148).
(2) Nous n'avons pu déterminer l'emplacement de cette salle de concert. Dans
son Histoire du Quai S1 Clair (Lyon, 1883), Th. Aynard n'en parle pas.
(3) V. plus loin : Impromptu pour Mgr le Maréchal de Villeroy. — Dans son
Histoire Littéraire de la ville de Lyon ; Lyon, 1 728-1 730, Tome II, p. 837, le Père
de Colonia dit simplement que les Académiciens " s'assemblaient plusieurs fois la
semaine " (L'article concernant l'Académie des Beaux-Arts avait été rédigé par
Christin lui-même qui en donna lecture à ses collègues dans la séance du 1 1 juillet
1736). Les Académiciens devaient donc, aux débuts de leur Société comme plus tard,
donner un seul concert par semaine préparé par une ou deux répétitions.
IO LA MUSIQUE A LYON Première
fondation nous ne pouvons que nous représenter les premiers concerts de
et débuts l' Académie d'après ceux que nous offrent, au XXe siècle, les sociétés
1713-171» symphoniques d'amateurs, plus soucieuses de " leur plaisir " que
de " leur gloire ". Dès le début, à vrai dire, quelques musiciens
de profession s'étaient joints aux nobles académiciens ; ils n'étaient
du reste pas des gagistes, et ils ne se distinguaient pas en principe
des académiciens " associés ". A ces professionnels devaient être
confiés les soli et les parties essentielles des symphonies, tandis que
la masse des amateurs se chargeait surtout des parties de remplis-
sage, appelées aussi parties médiantes, moyennes, ou fiches, et dont
l'importance semblait si minime qu'elles n'étaient pas portées sur
les partitions, et que leur réalisation était laissée au goût des
copistes. Ainsi était certainement justifiée d'avance la remarque
piquante et d'apparence naïve de Rousseau : " Ceux qui sont aux
parties de remplissage peuvent s'arrêter quand ils veulent, et la
musique n'en va pas moins ".
Il n'est pas impossible, malgré l'absence de documents précis,
de se représenter la composition de cet orchestre d'amateurs. Si
les parties séparées d'orchestre de la bibliothèque du Concert, sauf
pour deux ou trois œuvres, ont complètement disparu, de leur
dépouillement nous n'aurions pu rien conclure concernant cette
composition, car les arrangements des diverses parties devaient se
faire aux répétitions mêmes et d'une manière très libre : les violes
les plus diverses et les plus désuètes pouvaient trouver leur place
dans le cadre des violons et des violoncelles ; les guitares et les
luths pouvaient doubler lourdement la partie de basse du clavecin
ou des théorbes, d'autant plus que la contrebasse n'était pas encore
d'un usage courant. Les aigres mandolines elles-mêmes que les
nombreux Italiens de Lyon avaient dû importer bien avant la
grande faveur du laid instrument vers 1760, pouvaient à l'occasion
renforcer les " dessus ". Tout porte à croire que les violons
étaient très peu nombreux. Lecerf de la Viéville écrivait, au
début du xviif siècle (1), à propos du violon : " Cet instrument
n'est pas noble en France.... On voit peu de gens de condition qui
(1) Comparaison de la musique italienne et de la musique française (1705).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIECLE II
en jouent et beaucoup de bas Musiciens qui en vivent. Mais fondation
enfin un homme de condition qui s'avise d'en jouer ne déroge pas...." ET débuts
Un autre musicien, en 1740, estimait aussi que " le ton élevé et IVI3~I7iy
le son éclatant du violon ne sentent point du tout sa personne de
qualité, ni une éducation noble " (1). Une lettre trouvée dans les
archives académiques nous apprend d'ailleurs que, aux débuts de
l'Académie de Bordeaux, fondée sur le modèle de celle de Lyon,
on ne trouvait pas un seul violoniste capable de jouer de la musique
italienne ; à Lyon, n'en était-il pas ainsi ? Cette même lettre,
écrite par Sarrau, secrétaire de l'Académie de Bordeaux (2) à
Christin, nous révèle aussi que ce dernier jouait du pardessus de
viole. Voici d'ailleurs ce document dont l'intérêt est assez grand
pour la comparaison du violon et du pardessus de viole :
" Monsieur, je n'ai pas oublié votre nom parmi ceux de Mrs vos con-
frères qui me firent l'honneur de m'écrire en 17 13. J'appris alors avec grand
plaisir l'établissement de votre académie qui servit d'exemple à celles
qui furent établies bientôt après, dans presque toutes les villes du royaume.
"L'inclinaison que j'ai toujours eu pour la musique italienne m'a fait
jouer du dessus de violle dans un temps où nous n'avions pas à Bordx
un seul joueur de viollon en état de l'exécuter. J'ai regretté la perte de ce
temps-là où j'étois encore assez jeune pour me former au viollon, in-
strument supérieur à tous égards à celui que vous et moi exerçons. Mais
son rapport avec la basse de violle dont j'avois appris à jouer de feu
Mr Marais dès l'année 1701 me donnant quelque facilité, je m'y engageai
insensiblement. Je n'ai jamais eu d'autre vue que celle d'imiter l'effet du
viollon. C'est, je crois, le seul guide qu'on puisse prendre pour porter
notre pauvre instrument au-delà de ses étroites bornes. Vous me paraissez
bien au fait de ce qui concerne ces deux instruments et j'adopte toutes vos
(1) Hubert Le Blanc, Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et
les prétentions du violoncel. — Cette distinction de caste entre les violes et les violons
est signalée dès le xvie siècle par le musicien lyonnais Philibert Jambe-de-fer dans
son Epitome musical (Lyon, Dubois, 1556) : " Les violes, dit Jambe-de-fer, sont celles
desquelles les gentilhommes, marchants et autres gens de vertu passent leur temps,
tandis que le violon sert à la dancerie commune. " Cf. Georges Tricou, Philibert
yambe-de-fer^ dans la Revue Musicale de Lyon du 15 mai 1908.
(2) Mss acad. n° 267, I, p. 280. Lettre datée de Bordeaux, 12 août 1738. — La
bibliothèque de Bordeaux possède plusieurs dissertations et discours manuscrits de
Sarrau sur la musique, 1713-1720 (Mss n° 828, I et XVI).
12 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation idées. En voulant vous instruire, Monsieur, je vous dois l'obligation de
et débuts m'avoir instruit.
1713-1713 "Je suis seulement d'un avis différent du vôtre pour la position de la
main. Puisque l'on joue avec facilité à double corde sur le viollon,
pourquoi ne pas nous servir du même ordre des doigts sur le manche de
notre dessus de violle, ce qui nous donne un doigt de plus. Il semble
même que le peu d'intervalle des touches doit l'exiger pour ne pas tout
ramasser la main. Mon instrument est un dessus de violle monté en
pardessus. 11 est de Paris par Bongard en 1665. La distance du chevalet
au sillet est de douze pouces une ligne */2. Il a un son assez fort et
gracieux. Il peut se détendre comme un viollon ordinaire "
Le pardessus de viole, instrument noble, était certainement
plus en faveur que le violon " de basse condition (1); il ne céda
la place à ce dernier qu'à la fin du xviif siècle. Vers 1760, la
plupart des professeurs de violon de notre ville enseignaient en
même temps le quinton, et, en 1780, on trouve encore des
professeurs de cet instrument. (2) Les violes d'amour et les violes
de gambe étaient peut-être plus nombreuses que les instruments
modernes correspondants ; toute la famille des violes ne devait-elle
pas avoir la préférence d'amateurs peu entraînés, à qui des
" touches " fixes permettaient de jouer juste ? La vielle, enseignée
aussi jusqu'à la fin du xvnf siècle, et dont la vogue causa la
transformation ou plutôt la destruction de tant de luths, pouvait-
elle aussi renforcer quelque partie d'orchestre ? Les flûtes étaient
en grand nombre (3) : flûtes à bec, d'un jeu aisé, (4) ces " flûtes
(1) H. Le Blanc, Défense de la basse de viole.
(2) Almanachs de Lyon au xviuc siècle.
(3) La partition d'une des œuvres écrites pour l'Académie vers 1 7 1 8 (motet Notus
in Judœa de l'archevêque de Villeroy), comporte deux parties de flûtes écrites chacune
pour plusieurs instruments, plus une partie pour violons et flûtes ; il y avait donc alors
au moins trois " pupitres " de flûtes.
(4) J. J. Rousseau, en 1769, jouait encore de la flûte à bec. Il le déclare dans une
lettre du 19 septembre 1769, adressée à son amie Mme Boy de la Tour, alors à Lyon.
Il la prie de lui procurer soit un clavecin en location pour six mois, soit un violoncelle,
soit un cistre, soit, comme pis-aller, une flûte à bec [Lettres inédites de J. J. Rousseau
publiées par H. de Rostchild, Paris 1892). Les Petites Jffiches de Lyon, par les offres
d'instruments, à vendre " de rencontre," nous montrent qu'au milieu du xvmc siècle,
les flûtes à bec étaient encore d'un usage courant.
Partie AU D IX- H U ITI È M E SIÈCLE 13
douces " de l'orchestre de Lully, et flûtes traversières, plus récentes, fondation
se disputant la première place. A côté des hautbois, des bassons et ET DEBUTS
des cors de chasse, on voyait, si nous nous en rapportons au fron- I/I3-I7I
tispice d'une des publications de Y Académie (1), le serpent dont,
cinquante ans plus tard, Y 'Encyclopédie vantera encore le bel effet
et les sons singuliers qui tiennent à la fois du cor et du basson. La
musette certainement complétait le groupe des instruments à vent,
la musette dont les partisans étaient nombreux dans la ville où fut
publié l'intéressant Traité de l'avocat Borjon de Scellery (2). Cet
auteur n'écrivait-il pas en 1672 : " Le sieur Lissieux qui, depuis
quelques années s'est étably à Lyon, en construit [des musettes]
avec beaucoup de propreté et de justesse, aussi bien que de toutes
sortes d'instruments à vent. Je n'en connois point qui approche
davantage de l'adresse des sieurs Hotteterre. Les sieurs François et
Lambert fils font tous les jours dans la même ville de bons
Escoliers ". (3) .Quelques-uns des " Escoliers " de 1672 faisaient
peut-être partie de l'Académie ; du reste, au xviir3 siècle, la
musette, comme toutes les bergeries, jouissait partout d'une grande
vogue. (4)
Un autre instrument oublié apparaissait dans les concerts de
l'Académie. C'est la légendaire trompette marine, chère à Mon-
sieur Jourdain, chère aussi à un musicien inconnu, Jean-Baptiste
Prin. Grâce à un précieux manuscrit que nous avons eu la bonne
fortune de retrouver et que nous avons publié tout récemment (5),
nous savons de façon certaine que la trompette marine était très
répandue à Lyon à la fin du xvne siècle et au commencement du
(1) La Chasse (V. page 45).
(2) [Borjon de Scellery], Traité de la Musette ; Lyon, Jean Girin et Barthé-
lémy Rivierre, 1672.
(3) ière partie, p. 39.
(4) Borjon, dans son traité, cite des facteurs de musettes à Mâcon et à Bourg-
en-Bresse. Sur la vogue de la musette, v. M. Brenet, Les Concerts en France.... p. 211.
— H. Lavoix, Histoire de l'instrumentation ; Paris, Firmin-Didot, 1878, p. 118.
(5) Mémoire sur la Trompette Marine.... par J. B. Prin, Maître à dancer de Paris
et Musicien de la Ville de Strasbourg.... (Strasbourg, Janvier 1742, Ms. in-f° obi.)
publié dans le Bulletin français de la Société internationale de Musique (n° du 1 5 Novem-
bre 1908).
I4 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation xviii6. Dès le xve siècle même, ce vieux instrument servait à la
et débuts distraction des châtelaines du Lyonnais et de la Bresse. Prin, qui
I7I3_I7I était venu à Lyon comme danseur lors de la fondation de l'Opéra
en 1688, avait, comme tant d'autres, inventé un chevalet mer-
veilleux qui donnait au fameux monocorde " la force d'une
trompette de bouche, la douceur d'une flûte et l'harmonie d'un
clavecin." Selon sa méthode, les luthiers Goutenoire, Seraillac et
Imbert en avaient construit un grand nombre, et la trompette
s'était ainsi répandue. Elle remplaçait parfois la trompette de
cuivre, et, lorsque Prin, en 1742, fit don à " Messieurs les Acadé-
miciens du Célèbre Concert de la Ville de Lyon " de son traité et
de son instrument, il joignit à l'envoi plusieurs recueils d'airs de
trompette extraits des opéras de Lully pour servir aux concerts
lyonnais. Lui-même fit entendre sa " trompette aimée " à l'Acadé-
mie, où bien d'autres fois les " bruits de guerre ' furent réalisés
par des mains de femmes sur le grand monocorde, si peu guerrier.
L'orchestre était complété par quelques instruments à per-
cussion ; peut-être une timbale ; peut-être aussi un tambour, ainsi
que le montrent deux œuvres de Bergiron où la musette doit
alterner, selon le poème, avec les hautbois, les tambours, les
trompettes (1).
Quant aux chœurs, ils ne devaient être que très médiocres.
Un auteur du dernier siècle prétendait, il est vrai, que " Lyon est
une des villes de France qui a produit dans tous les temps le plus
de personnes de l'un et l'autre sexe, douées de l'avantage d'une
belle voix " (2). Il nous est bien difficile de partager une telle
opinion : tout le monde sait que les belles voix sont rares à Lyon,
et que notre climat leur est très défavorable. Que d'artistes ne
purent le supporter ! On verra plus loin l'histoire de la célèbre Fel
qui, engagée au Concert pendant l'hiver 1771-72, dut résilier
aussitôt son engagement à cause d'un " rhume opiniâtre " provoqué
par les brouillards. Tout le monde sait aussi quelle difficulté
éprouvent les sociétés chorales lyonnaises à recruter leur personnel.
(1) V. plus loin V Impromptu et la Chasse.
(2) Fortis : Voyage pittoresque et historique à Lyon... Paris, 1821.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 15
Du moins, les choristes amateurs du xvnie siècle connaissaient-ils fondation
mieux la musique ? ET °ebuts
A la tête de ces troupes bien disparates et recrutées tant bien I7I3-I7I
que mal dans la haute bourgeoisie, la noblesse et le clergé, se
plaça, dès le début, le jeune et ardent Bergiron du Fort-Michon.
C'est du moins ce qui résulte d'une note parue dans le Mercure de
France au mois de février 1730. En 1729, il fut publié à Lyon
un recueil de cantates françaises sous le nom de M. B*** de
Briou (1) ; en annonçant l'édition de cet ouvrage, le Mercure
écrivait :
" M. Bergiron de Briou, l'un de ceux qui ont le plus contribué à
l'établissement de l'Académie des Beaux-Arts de Lyon, et qui a conduit
les Concerts pendant six années entières, avec autant de succès que s il ètoit
musicien de profession, vient de donner au public un Recueil de Cantates
françaises de sa composition qu'il a fait graver Les paroles de cet
(1) Un exemplaire de ce recueil de cantates existait dans la bibliothèque de
l'Académie des Beaux-Arts ; nous ne l'avons pas retrouvé. Mais M. Michel Brenet
a bien voulu relever pour nous le titre exact sur l'exemplaire de la Bibliothèque
Nationale (Vm 7,261). Le voici :
" Cantates françoises à voix seule avec symphonie et sans symphonie mises en
musique par M. B*** de Briou. Prix sept livres dix sols en blanc. Gravées par
J. L'Hoste. Se vendent à Lion chez le Sr Thomas Marchand épicier à la grand rtie
Mercière près de S1 Antoine Et à Paris chez le Sr Boivin, md rue S1 Honoré à la
Règle d'Or. Avec Privilège du Roy. " (In f° 92 p. et 2 ff. n. ch.)
Ce recueil comprend : Les Sirènes, le Supplice de Cupidon, le Songe d' Anacrèon,
Narcisse, le livre d'Orphie en Astre, et une ariette détachée : Bacchus et l'Amour. Un
exemplaire manuscrit du Supplice de Cupidon avait été fait par Christin, et est conservé
dans la bibliothèque (Christin l'avait porté simplement sous le nom de " M. Bergiron.")
Le privilège porte : " Par grâce et privilège du Roi, donné à Versailles le
il Aoust 1729, signé Sainson, Il est permis au sieur B*** de Briou de faire graver
et imprimer ses pièces de musique tant vocales qu'instrumentales avec une ou plusieurs
parties, de les vendre et débiter au public et ce durant le tems et espace de six
années. "
Eitner mentionne ce livre de cantates sous le nom de Briou. C'est également
sous ce nom qu'est enregistré le privilège de librairie: "17 août 1729. Privilège
général pour six ans, du 11 août 1729, au sr de Briou pour plusieurs cantates de sa
composition. " (Cf. Brenet La Librairie musicale etc.... dans le Recueil trimestriel de
V Internationale Musikgesellschaft, tome VII, p. 432).
l6 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation ouvrage sont de différents auteurs. Il y a plusieurs sujets qui n'ont jamais
it débuts été traités en Poésie de ce genre-là (i) ".
T*7T O — t'? t ô
161 Bergiron de Briou et Bergiron du Fort-Michon ne font
qu'une personne, ainsi que le montrent quelques-uns des états-
civils de la famille Bergiron (2). Ce nom de de 'Briou, rarement
employé et dont nous ignorons l'origine, était presque un pseu-
donyme pour l'avocat mélomane à qui sa grave profession ne
permettait guère de publier sous son nom ordinaire des composi-
tions musicales.
Ainsi, l'Académie des Beaux-Arts était tout à fait une société
d'amateurs ; d'ailleurs elle n'était pas assez riche, à son début, pour
rétribuer des musiciens de profession et surtout un batteur de
mesure. Les concerts se donnaient donc, comme nous l'avons dit,
dans une sorte d'intimité. L'Académie était un salon musical
où l'on n'admettait que " quelques Etrangers en petit nombre et
la compagnie d'une seule personne de la Ville avec chaque Dame
de l'Académie " (3). Les séances devaient réunir moins de cent
amateurs, y compris les symphonistes et les chanteurs.
La tâche de Bergiron n'était pas facile ; ces instrumentistes
très médiocres, parfois très ignorants, manquaient certainement et
de docilité et de souplesse ; avec quelle violence leur chef n'était-il
pas obligé de frapper du pied le sol et de marquer, à l'aide d'un
rouleau de musique tenant lieu de baguette, les temps d'une
mesure dont certains exécutants se souciaient peu ! Et que de
temps perdu avant de commencer le concert ou les répétitions,
dans les conversations particulières commentant les événements du
jour, les faillites successives des directeurs de l'Opéra de Lyon, les
(1) Mercure, février 1730, p. 335.
(2) Acte de décès de Bergiron père (2 mai 1731): " Sr Antoine Bergiron,
seigneur du Fort Michon et de Brioux, gentilhomme de la vénerie du Roy ". — Acte
de baptême du fils de Nicolas Bergiron (20 Août 1732) : " Jean-Marie, fils de noble
Nicolas-Antoine Bergiron, Seigneur du fort Michon et Debrioux. " (Registres parois-
siaux de St Pierre et S1 Saturnin). — Bergiron épousa, en 1722, Jeanne de Thibault
de Pierreux (famille beaujolaise) et n'eut d'elle que le fils indiqué ci-dessus, qui
mourut le 8 avril 1741. (Id.)
(3) Mercure, Septembre 1721, p. 197.
Partie AU D I X - H U IT IÈ M E SIÈCLE 17
liaisons des belles artistes avec les plus graves magistrats de la cité, fondation
la crise monétaire, la banqueroute du Consulat, la misère du ET DEBUTS
peuple et les défaites des armées du Grand Roi : toute la brûlante I7I3~1/1
actualité. Le salon artistique de l'Académie, en réunissant une
société nombreuse et désœuvrée, ne favorisait-il pas aussi les ga-
lantes causeries, les ébauches de romans ; si les chœurs " partaient "
mal, c'est que quelques choristes oubliaient la musique en contant
fleurette à leurs voisines, ou traduisaient en simple prose les amou-
reuses fadeurs d'un livret de Quinault. Les concerts n'étaient pas
alors, comme ils le sont devenus, des offices artistiques, quasi
religieux. On ne considérait pas la musique comme une chose
grave ou comme " une matière bien relevée (1) ". Elle n'était
qu'un passe-temps élégant et honnête, un art et un plaisir galant.
Il convenait donc de ne pas apporter à son exécution une gravité
excessive, une attention trop minutieuse. La symphonie, " partie
la moins essentielle de la musique ", était surtout négligée, car
le chant était tout, " l'orchestre n'existant que par accident (2) ".
Et quelle cacophonie prolongée dans l'accord des instruments
prenant le ton du " choriste " ! " Que dire, écrivait trente années
plus tard un amateur lyonnais, que dire de la longueur excessive
du temps employé à l'accord ? de ces préludes sans fin où les
symphonistes, chacun sur un mode différent, fatiguent l'auditoire
par leurs essais, et lui font acheter bien chèrement le plaisir qu'il
attend ? (3) " Peut-être l'exécution d'une œuvre nouvelle était-elle
parfois interrompue parce que des Lullystes intransigeants, cham-
pions de la simple et claire musique française, se refusaient —
et pour cause ! — à exécuter une partie difficile, sous le prétexte
honorable qu'ils ne sauraient prendre part à l'interprétation de
musiques laides, bizarres et triviales, que le bon goût désapprouve,
de musiques, pour tout dire, italiennes. Et c'étaient vraisemblable-
ment alors des discussions sans fin dans le genre de celles dont
(1) Mercure, août 1726.
(2) Lecerf de la ViÉville : Comparaison
(3) L. Bollioud-Mermet : De la corruption du goust dans la musique françoise ;
Lyon, de la Roche, 1746.
l8 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation Lecerf de la Viéville de Fresneuse nous a laissé un intéressant
et débuts spécimen dans sa Comparaison de la musique italienne et de la musique
l/î3~ïlI française, et dont l'écho nous est aussi parvenu dans l'ouvrage de
notre compatriote Louis Bollioud-Mermet, cité ci-dessus. Ne peut-
on imaginer même l'Académie divisée, dès ses débuts, en deux
clans irréductibles : d'une part lullystes exclusifs, d'autre part
modernistes, partisans des Italiens ou de Campra, qui s'efforçait
" de mêler avec la délicatesse de la musique française la vivacité
de la musique italienne " (i). Ces musiciens avancés devaient se
transformer bientôt en ramistes ou " ramoneurs ". Lutte éternelle
qui se reproduit à chaque époque entre les partisans de l'art d'hier
et ceux de l'art du jour ou du lendemain, et au cours de laquelle
sont sans cesse reproduits les mêmes arguments ; lutte qui ne dut
pas être moins vive à Lyon qu'à Paris, si nous nous en rapportons
à la violence des combats artistiques récents qui mettaient et
mettent encore aux prisés wagnériens et défenseurs de l'ancien
répertoire, et qui vont se renouveler entre les wagnériens, novateurs
d'hier devenus réactionnaires, et les debussystes. Lutte certaine en
raison de l'esprit conservateur de nos concitoyens que devaient
effaroucher les audaces d'un répertoire ne se réduisant pas aux
nobles opéras de Lully, et l'initiative intelligente du jeune directeur
de l'Académie.
En ce qui concerne le répertoire musical de l'Académie à ses
débuts, nous n'en sommes pas en effet réduit à de simples hypo-
thèses, car nous possédons le catalogue de la bibliothèque de la
Société, heureusement conservé dans les Archives municipales, et
ce catalogue semble présenter la liste des œuvres à peu près dans
l'ordre de leur entrée et de leur exécution. A côté de quelques
motets, dont nous parlerons plus tard, et de quelques œuvres de
chambre, telles que les " concerts " de Corelli, d'Alberti, ou de
Rosenmuller, de Senaillé, l'Académie jouait surtout de la musique
française, soit que les directeurs de l'Opéra de Lyon ne se crussent
pas gênés par la faible concurrence de cette réunion d'amateurs,
(i) Campra. " Avertissement " du Ier livre de ses Cantates françaises (Paris,
Ballard, 1708).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 19
soit qu'ils eussent cédé le droit de jouer les œuvres contemporaines fondation
en vertu d'un traité régulier (1). La première œuvre entrée dans ET débuts
la bibliothèque est le ballet les Fêtes Vénitiennes. On sait que ce x7 I3~I7I
ballet de Campra avait été créé, avec un énorme succès, à Paris,
le 17 juin 17 10. Dès l'année suivante, il paraissait sur le théâtre
de Lyon avec un succès non moins éclatant (2). En même temps
pour compenser sa relative audace, et peut-être pour ménager des
susceptibilités redoutables, l'Académie faisait exécuter deux œuvres
" classiques ", Phaéton et zAtys de Lully. Phaéton avait été le
premier opéra joué à Lyon, et il avait tenu la scène à lui tout seul
pendant six mois (janvier-juin 1688) ; aAtys, créé en 1689, n'avait
pas eu une carrière moins longue (3). Puis ce fut une nouveauté,
les <*Amours déguisés de Bourgeois, qui venait de paraître chez
Ballard ; puis deux autres œuvres de Lully, zAcis et Galathêe et
ïAmadis des Gaules ; le ballet des Saisons de Colasse et Louis Lully;
la Musette de Suresnes de Gillier ; la Sérénade de Campra. Puisque,
en raison de leur extrême rareté, aucun des documents concernant
le Concert ne peut nous être indifférent, nous noterons le nombre
des parties d'orchestre et de chœurs copiées pour l'exécution de
ces premières œuvres, ce qui nous permettra du reste de constater
que les académiciens ordinaires étaient déjà fort nombreux. aAcis et
Galathêe, les zAmours déguisés, la Musette de Suresnes, la Sérénade, ne
nécessitaient que de quinze à vingt-cinq parties séparées, mais les
autres œuvres en exigeaient jusqu'à soixante-trois, ce qui suppose
un chiffre énorme d'exécutants, pour le xvme siècle surtout.
A ces grandes œuvres, chantées évidemment " en extraits "
(1) Le livret de Phaéton, publié à Lyon chez Amaury, éditeur du Mercure galant,
en 1688, porte des extraits du privilège de Lully pour la représentation et l'édition, et
indique la cession de ce privilège par la veuve Lully à Le Gay, directeur de l'Opéra
Lyonnais.
(2) Nous en avons pour preuve le chiffre de la recette produite par la représentation
de cet opéra, donnée en faveur des pauvres le 9 mars 171 1 : 1.100 livres (Archives
de la Charité, E. 312, p. 42).
(3) Archives municipales : Inventaire Chappe, GG,XVI, p. 469, n° I. V. Fer-
nand Baldensperger: Notes sur les débuts de l Opéra à Lyon {Revue Musicale de Lyon
du 14 Octobre 1906).
20 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation suivant l'habitude du temps, se joignaient de nombreuses cantates
et débuts gUj étaient parfois de véritables opéras en miniature. Les premières
' J ' acquises furent celles, récemment parues, de Batistin, de Bernier,
de Morin ou de Clérambaut. Ces diverses compositions, grandes et
petites, permettaient d'utiliser toutes les bonnes volontés dans les
chœurs et l'orchestre, et de mettre en vedette de nombreux solistes.
Malheureusement nous avons vainement recherché, dans les par-
titions conservées, l'indication du nom de quelques-uns des
chanteurs : les gens du monde qui composaient l'Académie n'avaient
pas la sotte habitude d'inscrire leur nom sur les partitions dont ils
usaient, et c'est grand dommage pour l'historien (i).
L'œuvre qui porte le numéro io dans l'inventaire des pièces
françaises à grand chœur et symphonie, mérite une particulière
attention. Elle est la première composition de Bergiron du Fort-
Michon, alors âgé de vingt-trois ans et demi ; elle est la première
aussi des œuvres originales lyonnaises, et elle marque enfin une
date dans l'histoire de l'Académie des Beaux-Arts.
Le Maréchal de Villeroy, le grand favori de Louis XIV, le
protégé de Mme de Maintenon, venait de se rappeler subitement,
au cours de sa vie à Versailles, qu'il était gouverneur de notre ville,
ou selon le mot très juste de Saint-Simon, qu'il était le " roi de
Lyon ". Une émeute suscitée par des bouchers venait d'éclater. Le
Maréchal jugea sa présence indispensable au salut de la ville. Il
arriva, à vrai dire, quand tout était fini On ne lui en fit pas
moins une admirable réception (2).
L'Académie devait se distinguer au milieu des fêtes organisées
à l'occasion de cet heureux voyage ; par ses brillantes relations et
(1) Cependant, dans une partition manuscrite d'Idas et Dorisy datée de 17 15, et
écrite par un nommé du Breuil sur un poème de Fessard, avocat au Parlement, nous
avons trouvé les noms de Mme Borne, de Mrae Perrodon et de M'"6 Verdier. Cette
partition, évidemment composée pour mettre en vedette de nombreux chanteurs,
nécessite, outre les chœurs, dix solistes : une haute-contre (ténor), deux basses, et sept
dessus (soprani).
(2) Cf. H. Morin-Pons, les Villeroy (discours de réception à l'Académie de
Lyon, 21 décembre 1861). Dans ce discours, Morin-Pons signale l'Impromptu, mais
sans parler de la musique.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 21
son noble recrutement, elle mérita l'insigne faveur et la grâce fondation
d'être placée sous la protection du tout-puissant Maréchal, Duc et ET D^BUTS
Gouverneur. 7 3" 71
C'est pour cet éminent protecteur qu'un divertissement fut
rimé par Bordes (qui n'a rien de commun avec le prosateur et
poète Charles Borde, ami, puis adversaire de J. J. Rousseau, dont
nous parlerons dans la seconde partie de cet ouvrage). C'est aussi à
cette occasion qu'eut lieu la première peut-être de ces rares con-
férences littéraires qui, dix ans plus tard, devaient servir d'argu-
ment pour l'obtention de Lettres-patentes. Dans les différents
mémoires rédigés à l'occasion de ces Lettres-patentes, revient sans
cesse, en effet, cette affirmation : " L'Académie des Beaux-Arts,
dès 171 3, fut formée par des amateurs de la poésie, de la musique
et des beaux-arts qui tinrent des assemblées et des conférences. Ils
composaient des paroles, les examinaient, les mettaient en musique,
et exécutaient eux-mêmes. Il subsiste un cahier, imprimé en 17 14,
des paroles et de la musique d'un divertissement que cette com-
pagnie donna à M. le Maréchal de Villeroy " (1). L'œuvre
poétique de Bordes fut donc examinée et approuvée par les
académiciens, puis confiée à Nicolas Bergiron du Fort-Michon
pour être mise en musique. Poème et partition ont été conservés.
Nous avons vu plusieurs exemplaires du livret, notamment aux
Archives municipales, dans le dossier de l'Académie, et dans le
fonds Coste de la grande Bibliothèque. En voici le titre :
" Impromptu divertissement en musique, pour Mgr le Maréchal
duc de Villeroy, gouverneur de la Ville de Lyon, et des Provinces du
Lyonnois, Forests, et Beaujollois, Protecteur et Chef de l'Académie des
Beaux-Arts établie à Lyon. Chanté en sa présence dans la même Académie
le Ier août 17 14. La musique est de la composition de M. B**** du
F* M**, académicien ordinaire, et les paroles sont de M. B**, académicien
associé " (2).
La partition autographe de Bergiron porte le même titre,
(1) V. Série de pièces aux Archives départementales, D. 448.
(2) Lyon, André Laurens, seul imprimeur ordinaire de la Ville, mdccxiv.
(in-40 de 1 1 p.)
22 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation mais avec une indication plus explicite des auteurs : " La musique
et débuts est ^e ]yj Bergiron du Fort-Michon, et les paroles sont de
1713-171 jyj Bordes, tous deux académiciens ".
Le poème de Bordes ne sort pas de la banalité et de la platitude
courtisanesque des pièces de circonstance. Il met en scène le Génie
• de la musique et un de ses suivants, le Rhône, Bellone, une
Nymphe, et utilise pour le développement de son action des
allusions aux événements contemporains. Nous avons déjà cité le
début de la première scène, présentant l'Académie composée des
plus chers favoris des Muses ; la strophe que nous avons reproduite
s'achève par un compliment au Maréchal :
Un héros pour eux s'intéresse
Quil soit toujours leur Apollon.
Puis " les symphonies sont interrompues par un bruit de
guerre ", et une note nous indique l'allusion au " camp sous Lyon
sur les bords du Rhône ". C'est ensuite l'apparition du Rhône,
puis des nymphes du fleuve, représentant " les Dames de Lyon qui
ont été visiter le camp ". Enfin le concert troublé reprend, sur
l'invitation du génie de la musique, pour célébrer le Maréchal
" héros redoutable ". Nos ancêtres trouvaient ainsi, dans les plus
tristes situations, matière à de galants poèmes.
La musique de Bergiron — œuvre d'un amateur de vingt-
trois ans — est fort intéressante. L'écriture en est généralement
correcte ; l'instrumentation, très simple, comme celle des œuvres
de la même époque. L'orchestre comprend le quatuor avec,
naturellement, le clavecin pour la basse continue, et des flûtes,
hautbois, bassons. De plus les trompettes interviennent dans les
" bruits de guerre ". Les bois se joignent le plus souvent à la
masse de l'orchestre ; les hautbois et les bassons dialoguent aussi
avec le quatuor ; les flûtes, écrites à deux parties, sont soutenues
tantôt par la basse continue, tantôt par les violons seuls en guise
de basse. Les chœurs sonnent bien. L'ensemble, malgré la mono-
tonie des rythmes, est assez varié et fort agréable.
Dans la composition de sa partition, qui semble être originale,
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 23
et non composée de "fragments assemblés" (1) le jeune musicien fondation
a suivi de très près certains maîtres. L'ouverture est écrite d'après ET débuts
les modèles de Lully ; c'est une ouverture française : thème lent, I7I3~I7l8
puis mouvement vif et fugué, et conclusion de quelques mesures
lentes. L'ensemble de l'œuvre est fortement imité de Campra.
On y remarque même une adroite utilisation de thèmes de ce
dernier maître, thèmes transformés et développés. Nous citerons
deux exemples du procédé pratiqué par Bergiron.
Pour une ariette chantée par la nymphe du Rhône, il em-
prunte presque textuellement le début d'un air de Campra, et le
développe d'une façon personnelle.
I. Campra : Festes vénitiennes (2). Ariette de la Bohémienne.
- U sumoô fra - ces.
II. Bergiron : Ariette de la Nymphe du Rhône (p. 59).
- sur ut henrciçc ri • va - <to . . .
Pour écrire deux de ses danses, Sarabande et Deuxième Menuet,
Bergiron emprunte encore aux Festes vénitiennes (Entrée de l'Opéra,
Scène II, air de Léontine) la " cellule " suivante, comme nous
dirions aujourd'hui :
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(3)
(1) Nous n'écrivons pas sans hésitation cette phrase, car, pour affirmer l'origina-
lité d'une telle partition, il faudrait connaître tout le répertoire musical ancien...
(2) L'ariette de la Bohémienne fait partie de X Entrée des Devins de la place
S1 Marc, qui avait été ajoutée à la pièce en septembre 17 10.
(3) Le thème qui débute ainsi est écrit en ré mineur.
24 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation il en modifie le rythme, et en tire les deux jolis morceaux
ET DEBUTS gue V0ici (i) :
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(1) Nous avons transcrit sur deux portées ces danses écrites à quatre parties.
Nous n'avons pas cru excessif de donner une place si grande à des fragments qui
servent en quelque sorte à présenter musicalement le fondateur et premier chef d'or-
chestre de l'Académie des Beaux-Arts.
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La cérémonie musicale faite en présence du Maréchal
Gouverneur fut une véritable consécration pour la jeune Académie,
qui songea aussitôt à s'organiser d'une façon plus officielle. Elle
s'adressa à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres qui, au cours
du xvnie siècle, eut en quelque sorte le monopole des devises
pour les monuments, des inscriptions pour les feux d'artifices, de
la rédaction des statuts pour les sociétés diverses.
Le 6 août, une séance ordinaire de l'Académie se tint chez
de la Valette, directeur de la Compagnie. Sept membres seulement
y assistaient, parmi lesquels le Père de Colonia, et Brossette, le
correspondant de Boileau et de J. B. Rousseau. Le procès-verbal
de cette séance nous apprend ceci :
" Brossette a dit que depuis peu il s'est formé en cette ville une
compagnie de personnes qui aiment la musique, et qui font des concerts
réglez tous les Mècredis. Monseigneur le Maréchal de Villeroy, Gouver-
neur de cette Province, ayant honoré cette assemblée de sa présence, et
même ayant marqué qu'il voulait y être agrégé, ces Messieurs ont voulu
marquer combien ils étoient sensibles à cet honneur, en donnant à leur
compagnie une forme certaine et régulière. Pour cet effet, ils ont pris le
dessein de se donner des statuts qu'ils m'ont prié de rédiger. Ils m'ont
aussi prié de demander à notre assemblée un nom pour la leur et une
devise. La Compagnie a résolu d'y réfléchir, et chacun apportera ses
pensées Lundi prochain ".
FONDATION
ET DÉBUTS
I7I3-I7I8
28 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation Le lundi suivant, 1 3 août, deux Académiciens seulement
et débuts « apportèrent leurs pensées ". Le Père de Colonia souhaitait que le
17 13-17 18 corpS de ja devise représentât "un essaim d'abeilles qui vole dans
une ruche au bruit des cymbales ", et soumettait au choix de ses
collègues les épigraphes suivantes :
1 . Concen*u ciet harmonico.
2. Harmonise sic urget amor.
3. Sonitum vocemque sequuntur.
4. Du/ces invitant undique cantus.
5. Sonitus ciet undique dulces.
6. Dulci concurrunt uudique cantu.
Un autre académicien, Laisné, proposait de conserver le
corps de l'emblème proposé par l'Académie de musique elle-même:
un Orphée jouant de la lyre devant un lion qui l'écoute. Autour
du dessin, ces mots d'Horace : " Voce feros cultus format ", ou
ceux-ci tirés d'Ovide : " Cogitur dulcedine cantus (ou vocis) ".
Dans la séance du 20 août enfin, Brosette lut les statuts et les
règlements dont le Maréchal de Villeroy lui avait, dans l'intervalle,
confié la rédaction. Qu'étaient ces statuts ? Ils n'ont pas été con-
servés. Nous savons seulement que le Maréchal tint à les signer
lui-même (1). Quant à sa devise, l'Académie des
Beaux-Arts eut le bon goût de laisser de côté les
emblèmes et les épigraphes proposés par l'Acadé-
mie des Sciences et Belles-Lettres, et de se con-
tenter d'un cachet assez simple : une lyre et un
caducée avec les mots : Et voce et arte. <iAcad. hugd.
Nob. aArt. 171 3 (2). Nous le reproduisons ci-
contre.
Cette protection officielle, cette sorte de déclaration d'utilité
publique, ne pouvait que donner un nouvel essor à l'Académie.
(1) Mercure, Septembre 1721, p. 197 ; et Mss acad. n° 263, f° III et suivant.
(2) Ce cachet, ainsi que des médailles frappées pour l'Académie des Beaux-Arts,
a été reproduit par H. Morin-Pons dans sa Numismatique de l'Académie (Lyon 1900).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 29
L'année suivante, en 171 5, elle allait trouver un autre protecteur fondation
en la personne du fils du Maréchal de Villeroy, l'abbé Paul- ET débuts
François de Neufville de Villeroy, qui, à la surprise générale, fut I7I3_I7I
nommé archevêque de Lyon. Il n'est pas très facile de se faire une
opinion précise sur le prélat lyonnais (1). La basse courtisanerie de
ses contemporains de la haute société a fait de lui, comme de tous
les membres de sa famille, une manière de héros doué de toutes
les vertus. " Il se faisait aimer par son affabilité et la douceur de
son caractère, il possédait l'art de parler facilement et avec grâce,
se plaisait à obliger les citoyens et à appuyer de son crédit les
intérêts de la ville" (2). L'impartialité d'historiens modernes le
pare au contraire de bien des vices ; son père lui-même, le Maré-
chal de Villeroy, le jugeait parfois avec la plus grande sévérité (3).
Peu nous importe. Il était en tout cas un esprit cultivé : il se montra
le protecteur éclairé et de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres
qu'il recevait dans son palais archiépiscopal, et de l'Académie des
Beaux-Arts aux exercices de laquelle il prenait part très souvent.
Son entrée solennelle à Lyon, qu'il ne fit que longtemps
après sa nomination, au mois de mars 171 5, fut marquée par une
fête musicale vraisembablement donnée avec le concours des
Académiciens. Un document contemporain nous rapporte que, le
17 mars, " Messieurs du Consulat sont allés en corps inviter
l'archevêque à se transporter à l'Hôtel de Ville où, après la visite
des salles, on lui a offert une collation, accompagnée d'un concert
de musique des mieux entendus" (4). Le Mercure de France, dans une
correspondance de Lyon que nous avons déjà citée (5), nous
apprend que " M. l'Archevêque a honoré l'Assemblée, dès qu'il a
(1) V. L£on V allas, Un archevêque de Lyon compositeur et chef d'orchestre (Reyue
musicale de Lyon, 18 octobre 1908).
(2) Bollioud-Mermet, Histoire de l'Académie (Mss acad. n° 270, p. 37).
(3) Archives municipales, série A. Lettre du Maréchal de Villeroy au secrétaire
Perrichon (9 décembre 17 15).
(4) Morel de Voleine, Petite chronique lyonnaise d'après une correspondance du
XVIIIe siècle (Revue du Lyonnais 1852, p. 360).
(5) Mercure, Septembre 1721, p. 197.
30 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation été Archevêque de Lyon, des mêmes faveurs que M. le Maréchal
et débuts son père lui avait faites". Monseigneur de Villeroy devait plus
1718-1718 tar(j manifester avec éclat sa sympathie pour l'Académie musicale
en prenant part de la façon la plus active à ses exercices. La
bibliothèque du concert contenait en effet deux motets à grand
chœur et orchestre composés par le prélat (1) qui, très probable-
ment, en dirigea lui-même l'exécution (2).
Nous avons indiqué, au début de ce chapitre, que des ecclé-
siastiques assistaient aux concerts, au même titre que les laïcs.
Nous avons en effet trouvé plusieurs noms de prêtres dans les
documents : un abbé Falais, académicien, donna en 1725 à la
bibliothèque du Concert une partition de la Grotte de Versailles de
Lully ; l'abbé de la Croix, obéancier de Saint Just, était académi-
cien en 1721 (3) ; enfin, un motet, joué au Concert à une date
indéterminée, était dû à la collaboration de deux membres du clergé,
les abbés Garon et Bouzon (4). La présence et l'assiduité de
l'Archevêque aux exercices académiques dut engager les clercs à
faire partie d'une société mondaine protégée par leur supérieur,
généralement très sévère (5).
Peut-être faut-il attribuer aussi — mais ceci n'est qu'une hypo-
(1) Un seul, Notus in Judœa Deus, a été conservé. Nous l'avons analysé dans la
Revue Musicale de Lyon du 18 octobre 1908 (article cité sur Mgr de Villeroy).
(2) Témoignage de Lantin de Damerey dans V Académie de musique de 'Dijon
en 1728, (tome VIII de la Revue Les T)eux Bourgognes, Dijon, 1838, p. 55) : " Lyon,
qui va de pair avec la capitale du Royaume, eut aussi son concert où Y Archevêque de
Villeroy battait, à ce qu'on dit, quelquefois la musique. "
(3) L'abbé Léonard de la Croix, prédicateur du roi, officiai métropolitain, et chef
du chapitre de St Just, céda, en 1734, sa dignité à son neveu qui fît partie de l'Aca-
démie des Sciences et Belles Lettres. {Journal de Lyon, 11 octobre 1786). Il mourut
avant 1740. Il n'a rien de commun avec l'abbé de la Croix, chapelain et maître de
musique de la Sainte Chapelle du Palais à Paris, cité par M. Brenet (Les Concerts en
France...)
(4) " Laudemus viras fortes, motet à grand chœur par M. l'abbé Garon, mis en
symphonie par M. l'abbé Bouzon. " (Ms.).
(5) Par des ordonnances, en 17 16 et en 1727, Mgr de Villeroy avait interdit
aux prêtres de son diocèse la chasse avec une arme à feu, la fréquentation des cabarets
et tavernes, le port de la cravate et des justaucorps de couleur. (Mandements).
Dans d'autres académies provinciales, les clercs et les prêtres eux-mêmes étaient
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 31
thèse — à l'influence personnelle de l'archevêque-musicien la très fondation
grande importance accordée aux motets — à la " musique latine " — ET débuts
dans le répertoire de l'Académie. Pendant presque toute la durée I7I3-I7I°
de la Société des Concerts académiques, l'exécution d'un motet fut
de rigueur à chaque séance ; ce qui fit croire à un rédacteur du
Dictionnaire encyclopédique du xvin* siècle que, " par un statut,
chaque concert devait finir par un motet à grand chœur " (1).
Le prélat-académicien partageait-il l'opinion émise vingt ans
auparavant dans un livre édité à Lyon : " Chantez si vous avez de
la disposition, écrivait l'abbé Bourdelon ; mais ne chantez jamais
rien qui puisse blesser et embarrasser la pudeur de ceux qui vous
écoutent, et vous gâter l'imagination.... Ne pourrait-on point
trouver le moyen de plaire à tout le monde en chantant, sans être
obligé de ne chanter comme on fait que les triomphes de la passion
la plus dangereuse, je veux dire de l'amour ? que le public serait
redevable aux musiciens et aux poètes, s'ils trouvaient le moyen "(2).
Le motet, à vrai dire, tel qu'on le concevait au xvine siècle,
n'avait guère de religieux que son texte latin ; le style musical de
ces compositions, essentiellement profane, ne différait pas du style
de l'opéra. Les modèles en étaient les célèbres pièces de La Lande,
écrites pour la chapelle de Louis XIV. Ce qu'étaient ces motets,
M. Michel Brenet l'a parfaitement indiqué :
" De l'ancien motet liturgique, ces œuvres n'avaient plus guère
conservé que le titre et le langage ; c'étaient de grandes cantates dont les
textes — psaumes, hymnes ou proses — étaient divisés, raccourcis ou
répétés, selon les exigences de la facture musicale, en fragments successifs
et variés, pouvant se détacher, se supprimer, se remplacer à volonté. Une
ouverture ou du moins une ritournelle instrumentale précédait un premier
grand chœur avec orchestre ; des récits et des duos, accompagnés de solos
parfois engagés comme musiciens appointés : ainsi à Pau et à Moulins, comme l'indi-
quent certaines pièces d'archives. Cf. L. de la Laurencie, U Académie de Musique et
le Concert de Nantes, pp. 60-6 1, et 139.
(1) Un statut de ce genre existait au Concert de Lille (1733). V*. Léon
Lefebvre, Le Concert de Lille.
(2) Abbé Bourdelon, La belle éducation; Lyon, V" Guillemin, 1694 (pages
162-163).
32 LA MUSIQUE A LYON Première
fondation de flûte, de violon ou de basse de viole, alternaient avec d'autres ensembles
et débuts d'allures et de dispositions soigneusement contrastées ; la conclusion était
1 7 13-17 1 8 formée de nouveau par quelque imposante réunion de toutes les voix, de
tous les instruments. Dans tout le cours de l'ouvrage, la recherche de la
variété et celle de la symétrie l'emportaient sur le souci de l'expression,
qui se trouvait tantôt solennelle et vaguement religieuse, tantôt délibéré-
ment indifférente ; dès que le texte prêtait à un commentaire descriptif,
apparaissaient les formules d'usage pour peindre l'image indiquée ; des
rythmes de pastorale et des murmures de flûte inclinaient un verset du
côté de la bergerie ; ou bien les timbales et les trompettes faisant bande à
part et dialoguant avec l'orchestre et les voix, amenaient dans le psaume
l'éclat d'une musique guerrière. Les broderies, les agréments, les " pretin-
tailles", se pressaient dans les récits destinés à d'habiles chanteurs. La variation
mélodique ornementale remplaçait l'art oublié de développer un thème (1)..."
Ce caractère profane et très extérieur des motets ne frappait pas
les amateurs d'autrefois; bien au contraire. C'est ainsi que le Lyonnais
Bollioud-Mermet écrivait, en 1746, au sujet des motets de Lalande:
" ...Tantôt on entend le pécheur demander grâce : les accents qu'il
porte vers le Ciel sont si touchans que le musicien semble pour lors
disputer de zèle et de force avec le plus pathétique prédicateur : tantôt
l'âme juste répand dans le sein de son Créateur la joie qu'elle a de le
connaître, de le servir Le musicien réussit si heureusement dans les
divers sentiments qu'il peint qu'on l'oublie pour ne plus penser qu'à se
livrer aux mouvements qu'il exprime.
" Un récit affectueux pénètre de dévotion ; un chœur également
spécieux par la noblesse de son sujet et par l'art avec lequel il est traité,
inspire de grandes idées des merveilles du Très Haut, de la gloire des
saints, des délices du Ciel. Ici une symphonie hardie et travaillée annonce
la colère de Dieu, la terreur de ses menaces, les effets de sa vengeance ;
on se sent ébranlé, saisi d'effroi ; là, tout est employé à exalter ses
miséricordes ; on est attendri, touché, consolé (2) ".
Les motets de La Lande ne devaient pourtant pas être les
premiers chantés au Concert de Lyon ; deux ou trois furent
introduits de bonne heure, mais leur entrée en masse dans la
bibliothèque de l'Académie, qui n'en posséda pas moins de
quarante-trois, ne date que de leur publication en vingt volumes,
(1) Les Concerts en France sous F ancien régime, p. 1 20-121.
(2) 1)e la Corruption du goust dans la musique françoise.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
33
après la fondation du Concert spirituel de Paris. Le premier motet fondation
chanté à Lyon fut In conlpertendo de Campra, pour l'exécution ET débuts
duquel on fit copier quarante-cinq parties ; ce fut ensuite In te I7I3~I7l8
Domine speravi de Bergiron, que nous n'avons pas retrouvé, Judica
Domine de Valette de Montigny. Ce Valette de Montigny était-il
un compositeur de profession, ou un amateur ? Nous l'ignorons, et
nous ne connaissons son nom que par les œuvres manuscrites qu'il
dédia à " Messieurs de l'illustre Académie de Lyon " : la biblio-
thèque du Concert possédait de cet auteur trois motets à grand
chœur et un " motet à voix seule accompagné d'une flûte alle-
mande et de deux basses en plusieurs endroits ".
Outres ses motets " à grand chœur et symphonie ", on ins-
crivit au répertoire de nombreux motets à une et à plusieurs voix
avec ou sans symphonie, anciens ou nouveaux, de Chelleri, Lotti,
Brossard, Morin, Polavoli, Ziani, Clerici, La Touche, Scarlatti,
œuvres des styles les plus divers, ignorées aujourd'hui, et dont le
nom même de quelques-uns des auteurs est totalement oublié :
Peut-être faudrait-il rechercher l'origine de l'introduction de telle
œuvre transalpine inconnue, dans les anciennes et incessantes
relations des Lyonnais avec les Italiens
Comme intermèdes aux motets, aux extraits d'opéra, aux
cantates, étaient choisies des "symphonies", c'est-à-dire des pièces
quelconques d'orchestre, empruntées à des compositeurs Italiens
tels que Vivaldi, Alberti, Albinoni, mais cueillies surtout à travers
les opéras de Lully. Un " Recueil de Symphonies de Lully ",
faisant partie de la bibliothèque de l'Académie, nous indique
nettement ce qu'étaient ces " symphonies " ; ce volume manuscrit
contient en effet les ouvertures et les gigues de T'roserpine, de Ro/and,
de ^Psyché, le rondeau de Pkaè'ton, la passacaille de Ga/at/iée, etc.
La musique de chambre proprement dite, comme nous la
concevons aujourd'hui, était représentée par quelques pièces in-
strumentales de Corelli, types des audaces italiennes, de Michel
Mascitti (i), violoniste napolitain qui publia à partir de 1708
(1) Sur Michel Mascitti, v. L. de la Laurencie, PtAcadêmie de Musique et le
Concert de Nantes, p. 40 et suiv.
34 LA MUSIQUE A LYON
fondation huit livres de sonates, "dans le goût français " disait Daquin (i),
et débuts et qUj? selon un poème publié à Lyon, avait su allier le goût
1713-1718 français et le goût italien ;
Des deux Muses, Michel allia les douceurs (2).
Quelques sonates pour violon et basse de Senaillé, des pièces pour
viole de Marais, des morceaux de Chambon, d'Aubert complétaient
ce répertoire de chambre. Il ne faut pas s'étonner de voir si réduite
la part de la musique de chambre et de la musique symphonique.
La musique pure comptait pour si peu au xvme siècle ! La
fameuse boutade de Fontenelle : " Sonate, que me veux-tu "
traduit bien l'incompréhension de nos ancêtres pour une forme
d'art qui nous semble, au xxe siècle, si essentielle à notre vie
musicale. Les sonates n'étaient guère alors qu'un prétexte à l'exhi-
bition de virtuoses, et disparaissaient derrière l'interprète. Elles
étaient " une musique comme le papier marbré est une peinture...
La musique pure, c'est une marionnette qui voltige inutilement :
c'est moins que cela... (3) " La musique alors, n'était-elle pas
presque toujours souillée de littérature ? Les moindres pièces de
viole de Marais, par exemple, étaient de la musique à programme :
l'une d'elles peignait un labyrinthe ; une autre prétendait décrire
l'opération de la taille !
Ce répertoire de musique latine, française et italienne,
d'œuvres de chambre et de symphonies, permettait à l'Académie
des Beaux-Arts une grande variété de programmes. De 171 5 à
171 8, les exercices du Concert durent être tranquilles, son
existence normale, car nul document sur cette période ne nous est
parvenu. Vers 171 8, quelques événements notables traversèrent la
vie paisible de l'élégante compagnie. Avant de les signaler, nous
avons à exposer une série d'hypothèses basées sur un fait nouveau,
qui nous porte à croire que les débuts de l'Académie, et sa
première année même, furent honorés d'une collaboration entre
toutes précieuse : celle du grand Rameau.
(1) Lettres sur les Hommes célèbres ; Paris, 1757.
(2) Serre de Rieux, La Musique, poème en quatre chants ; Lyon 17 14.
(3) Pluche, Le Spectacle de la Nature, 1732.
II
Rameau a Lyon. — L'académie de
1718 à 1724.
Lorsque Jean-Philippe Rameau mourut en 1764, son ami
Chabanon écrivait : " Toute la première moitié de sa vie
est absolument inconnue. Il n'en a rapporté aucune parti-
cularité à ses amis, ni même à Mme Rameau, sa femme (1). " Le
patient effort de quelques musicologues contemporains n'est pas
encore parvenu à percer le mystère qui enveloppe toutes les années
de jeunesse de l'illustre musicien. Les deux plus récents ouvrages
consacrés à la vie et aux œuvres de Rameau — l'un et l'autre
parus dans le courant de cette année 1908, et tous deux si remar-
quables — présentent une biographie à peine plus explicite que
celles publiées il y a cent cinquante ans (2). Nous aurions été
heureux d'apporter une solide contribution à l'histoire de la
jeunesse de Rameau et de la période qu'il passa à Lyon : nos
recherches dans les archives ont été presque vaines, et nous ne
pouvons apporter à la biographie de Rameau qu'un seul document
original, fait nouveau sur lequel nous basons quelques hypothèses
singulièrement séduisantes et dont une trouvaille inattendue
montrera peut-être un jour le bien-fondé.
Rameau a signalé lui-même, dans un des ses écrits théoriques
son passage à Lyon : c'est en effet au parterre de l'Opéra de notre
ville qu'il remarqua pour la première fois que l'harmonie nous est
(1) Chabanon, Eloge de M. Rameau ; Paris, 1764, p. 7.
(2) Louis Laloy, Rameau; Paris, Alcan. — L. de la Laurencie, Rameau;
Paris, Laurens.
36 LA MUSIQUE A LYON Première
rameau naturelle (i). Pendant ce séjour, il se fit connaître et admirer
a lyon comme un grand organiste, ainsi qu'en témoignaient, en 1722, les
Mémoires de Trévoux (2). Ses biographes avaient généralement
placé son séjour entre 171 5 et 1720, c'est-à-dire après un passage
à Dijon, le 10 Janvier 171 5, et avant son second voyage à Cler-
mont-Ferrand. En réalité, et c'est là le document inédit que nous
apportons, Rameau vécut à Lyon pendant l'année 171 4 tout entière
et y occupa le poste d'organiste chez les Jacobins.
Les Jacobins, dans leur couvent situé entre Bellecour et
l'actuelle place qui porte leur nom, possédaient un orgue dès le
xvie siècle, mais en 1709, ils le firent réparer complètement, et
la réfection, confiée d'abord à Jacques Morlet de Lyon, puis à
Julien Tribuot de Paris, demanda quatre années de travail et coûta
plus de huit mille livres (3) Rameau devait être le premier orga-
niste titulaire ainsi qu'en témoigne le document suivant emprunté
à l'Inventaire des Jacobins (4) :
" Gages de l'organiste
" Nota qu'on ne voit pas dans aucun livre de comptes qu'on ait
donné des appointements à l'organiste qui a joué nos orgues avant le temps
marqué dans les quittances cy-après.
"P. n° I. Quittance de main privée passée à Lyon le Ier juillet 1 7 14
(1) Mercure de France, Octobre 1752 : Réflexions sur la manière de former la voix
(p. 91)... "Ce qui me fit remarquer pour la première fois que l'harmonie, nous étoit
naturelle, ce fut un homme âgé de plus de 70 ans qui, dans le Parterre de l'Opéra de
Lyon, se mit à chanter tout haut et assez fort, la basse fondamentale d'un chant dont
les paroles l'avoient frappé ; j'en fus d'autant plus frappé que, par la rumeur que cela
fit dans le Spectacle, ayant cherché à savoir quel étoit ce particulier, j'appris que
c'étoit un Artisan d'une profession dure et grossière, que sa condition et ses occupa-
tions avoient longtemps éloigné de la Musique, et qui ne fréquentoit l'Opéra que
depuis que la fortune l'avoit un peu favorisé. "
(2) Les Mémoires de Trévoux d'Octobre 1722 (p. 17 17) commencent ainsi leur
compte-rendu du Traité d' Harmonie : " L'Auteur de ce traité est connu depuis long-
temps à Dijon, à Clermont, surtout à Lyon, et déjà même à Paris, pour un des plus
grands maîtres qu'il y ait dans le jeu de l'Orgue... "
(3) Archives départ. Inventaire des Jacobins, III (lère partie) f° XXXII. Nous
avons donné la description de l'orgue de Rameau dans un récent article de notre
Revue {Revue musicale de Lyon, n08 du Ier et du 8 novembre 1908).
(4) IVe sac Raymundus, f° CIV.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 37
par le Sr Rameau Organiste de la somme de ioo livres qu'il a reçue du rameau
Père Alissan Procureur des Jacobins pour ses appointements de 6 mois a lyon
échus à la S* Jean dernière. Signé Rameau.
"P. n° II. Quittance de main privée passée à Lyon le 13 décembre
17 14 par le susd. Rameau de la somme de 50 livres qu'il a reçue du Père
Alissan Procureur des Jacobins pour un quartier de ses appointements
échu à la fin du mois de septembre dernier. Signé Rameau."
Ces deux quittances sont les seules de Rameau signalées dans
l'inventaire, mais il est presque certain que l'organiste occupa son
poste jusqu'à la fin de l'année, puisqu'il était encore à Lyon le
1 3 décembre. Il l'abandonna ensuite, et il eut pour successeurs, en
171 5, Antoine Fioco et Etienne Le Tourneur. Ses gages étaient
supérieurs à ceux de ses remplaçants, ainsi que l'indique l'inven-
taire dans la note suivante.
" Il paroit par les livres des comptes que les gages des susd.
Organistes étoient sçavoir pour le Sr Rameau de 200 livres par an, pour le
Sr Fioco de 160 livres, et pour le Sr le Tourneur de 150 livres par an
qu'on a ensuite augmentés à 180 livres et comme on n'a pu trouver dans
les années suivantes des séculiers pour toucher l'orgue, le Père Antonin
Jacquier s'est chargé de cet employ..."
Rameau ne reprit donc pas dans la suite son poste d'organiste
aux Jacobins. Il est permis de supposer que, après son voyage à
Dijon, Rameau revint dans notre ville où on lui avait peut-être
offert un poste plus avantageux. Cette hypothèse d'un second
séjour ne pourra que difficilement être vérifiée, car la plus grande
partie de la comptabilité des paroisses et des couvents, qui pourrait
contenir quelque quittance révélatrice n'a pas été conservée dans
les Archives départementales. Du moins savons-nous que Rameau
habita Lyon pendant l'année 17 14 tout entière. Sur ce fait, voici
les hypothèses que nous basons.
Tout nous porte à croire que Rameau fut en relations suivies
avec l'Académie des Beaux-Arts. Il serait bien étonnant en effet
que des amateurs éclairés comme Christin ou Bergiron n'eussent
pas recherché le concours d'un organiste de la valeur de Rameau,
déjà connu comme compositeur. D'ailleurs nous avons la preuve
38 LA MUSIQUE A LYON Première
rameau des bons rapports de Rameau et de Christin dans l'importante
a lyon lettre reproduite en fac-similé dans la seconde partie de ce volume:
41 J'ai été charmé, écrivait le compositeur à Christin, en 1741, de
trouver votre nom au bas de lettre adressée à M. de la Roque :
cela m'a fait naître le dessein de vous adresser celle-ci... pour vous
assurer de ma reconnaissance sur le passé.. ." Cette phrase n'engage-
t-elle pas à penser que Christin avait ouvert toutes grandes à
l'organiste les portes de l'Académie des Beaux-Arts ? Bergiron du
Fort-Michon était également connu et très estimé de Rameau (1).
De là à supposer que l'illustre compositeur écrivit à l'intention des
musiciens lyonnais quelques-uns de ses œuvres, motets et cantates,
il n'y a qu'un pas. Cette hypothèse bien tentante apporterait
quelque clarté dans la chronologie très obscure des premières com-
positions de Rameau.
Aujourd'hui encore, on ne sait rien de la date de composition
des motets de Rameau. L'un d'eux, In convertendo fut joué au
Concert Spirituel de Paris, en 1751, comme "ancien motet de
M. Rameau ". De deux autres, Quam dilecta, et Deus noster refugium,
on ne sait même pas s'ils furent exécutés en public. Le champ est
donc ouvert à toutes les suppositions. Il sont pourtant antérieurs à
1727, puisque Rameau, le 25 octobre de cette année, écrivait à
Houdar de la Motte: "Je pourrais encore vous faire entendre
des motets à grand chœur, où vous reconnaîtriez si je sens ce que
je veux exprimer (2) ". Tous les trois se trouvaient dans la biblio-
thèque du Concert où ils existaient en partition et aussi, au moins
Deus noster refugium et In convertendo, en parties d'orchestre. Le
catalogue indique formellement l'existence, pour le premier, de
quatorze parties séparées, pour l'autre de soixante.
Ces deux motets furent donc exécutés à Lyon, car on n'ima-
gine pas que l'Académie ait fait copier de nombreuses parties
d'orchestre et de chœurs pour les laisser dans sa bibliothèque.
L'examen attentif de l'inventaire du fonds musical, grâce à quelques
points de repère fournis par des indications de copistes, nous a
(1) Petites Affiches de Lyon, 27 avril 1768. Cf. début de notre septième chapitre.
(2) Mercure, mars 1765, p. 36-40.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 39
permis, croyons-nous, de fixer approximativement les dates rameau
d'acquisition des différentes œuvres. Chacune d'elles porte un A LYON
numéro qui semble correspondre à son ordre d'entrée dans la
collection musicale. Or, Deus nos ter refugium a reçu le numéro
onze et aurait été, par suite, une des premières partitions acquises;
il daterait des premiers mois de l'Académie, et précisément, de
cette année 17 14 que Rameau passa tout entière à Lyon. Cela
n'est malheureusement qu'une probabilité, car toutes les partitions
de Rameau ont disparu. Quant à In convertendo avec ses soixante
parties séparées, il doit, d'après l'ordre du catalogue, être entré
dans la bibliothèque entre 171 8 et 1722, soit que Rameau l'ait
écrit à Lyon même au cours de son second séjour (probléma-
tique), soit qu'il l'ait envoyé de Clermont-Ferrand à ses anciens
amis Lyonnais ; en tous cas, il fut exécuté, et une seconde par-
tition fut acquise par l'Académie antérieurement au 27 mai
1754 : comment ne pas supposer que les Académiciens, lors
de l'exécution du motet à Paris, en 1751, avaient manifesté le
désir de comparer la version moderne, avec ses deux cors obligés,
à celle qu'ils possédaient depuis trente années? Enfin, Quant dilecta
qui, toujours selon le catalogue, serait postérieur de quelques
années à In convertendo^ il ne fut pas exécuté, ou, du moins, les
parties séparées avaient disparu avant 1754. Un autre motet
appartenait à l'Académie, dont l'existence n'a jamais été signalée :
c'est une œuvre à trois voix et symphonie que le catalogue men-
tionne ainsi : " Exultet cœlum laudibus par Rameau, partition et
sept parties." De ce motet, porté sans numéro d'ordre, nous ne
savons rien.
Si nous admettons provisoirement que un, deux, ou trois
motets de Rameau ont été composés pour les Lyonnais en 1714
et vers 171 8, nous serons bien tentés de supposer que le musicien
écrivit aussi dans notre ville quelques-unes de ses cantates. Rameau
d'ailleurs, a daté approximativement deux de ses cantates en
écrivant à Houdar, en 1727: " Informez-vous de l'idée qu'on a
de deux cantates qu'on m'a prises, depuis une douzaine d'années,
et dont les manuscrits se sont tellement répandus en France que je
/ 4° LA MUSIQUE A LYON Première
rameau n'ai pas cru devoir les faire graver... " La douzaine d'années ne
a lyon correspond-elle pas à l'année 17 14? Sans doute, pour étayer cette
hypothèse, nous n'avons pas d'indication du catalogue de l'Aca-
démie. La bibliothèque ne possédait pas de partition générale des
cantates de Rameau, mais elle pouvait en posséder les parties
séparées dont l'inventaire ne fut pas établi. (Le catalogue réunit
dans 1' " Ordre N " une certaine quantité de " Cantates françaises
en parties séparées, " ainsi qu'on peut le voir dans le chapitre que
nous consacrons à la bibliothèque de l'Académie) (1). Un commen-
tateur de Rameau suppose que les livrets des cantates " furent
commis par quelques rimeurs de province, quelques beaux esprits
de Lille ou de Clermont (2)." Un de ces beaux esprits n'était-il
pas Lyonnais? Un poète de notre ville fournissait, vers 171 5, de
nombreuses pièces rimées aux théâtres de Lyon : nous voulons
parler de l'avocat Barbier. N'aurait-il pas été le collaborateur de
Rameau ? Rameau, vivant à Lyon et cherchant des paroles à
mettre en musique, ne se serait-il pas naturellement adressé à ce
spécialiste ? Les quelques œuvres de Barbier qui ont été conservées
nous portent à le croire. Nous ne voudrions pas entreprendre ici
une expertise poétique, mais que l'on examine la " moralité " des
diverses cantates de Rameau et qu'on la compare avec quelques
vers analogues de Barbier : on trouvera le même style, parfois la
même métrique, et aussi la même... philosophie. Pour ne pas
allonger une démonstration qui dépasse le cadre de notre travail,
opposons simplement la "moralité" des Amants trahis de Rameau,
à deux strophes prises au hasard dans celle d'une comédie de
Barbier, intitulée V Heureux naufrage.
" Les Amants Trahis. "
Quand une volage Beauté Un cœur capable de changer
D'un tendre amour brise la chaîne^ Mérite feu qu'on le regrette
Nos pleurs flattent sa vanité \ Gardons-nous même d'y songer.
Elle riroit de notre peine^ C'est en oubliant la coquette
Rions de sa légèreté. Qu'il faut chercher à s'en venger.
(1) Dans sa bibliothèque qu'il légua à l'Académie, Christin possédait la "deuxième
cantate" de Rameau (partition et deux parties manuscrites).
(2) Julien Tiersot, Ménestrel du 28 mai 1893.
Partie AU D I X- H U ITI È M E SIÈCLE 41
" L'heureux Naufrage. "
Si F himen flatte vos souhaits,
Filles, ne vous rendez, jamais :
Car, après un fatal naufrage,
Tôt ou tard T Amant se dégage,
Et la Belle en est pour ses frais.
Contre F effort d'un Damoiseau
JO homme est un foible vaisseau:
Et la vertu la plus sauvage,
Au seul aspect d'un beau visage,
jy elle-même s en va a vauSeau..
La ressemblance, on l'avouera, est frappante.
Souhaitons que nos hypothèses concernant les dates de com-
position des œuvres de Rameau soient vérifiées, un jour, par la
trouvaille de quelque document inédit !
L'année 171 8 donna à l'Académie des Beaux-Arts l'occasion l'académie
de manifester brillamment son existence et sa vitalité. Le Consulat, DE Î7Ï% A
toujours prêt à organiser à tout propos de grandes réjouissances x724
populaires, désastreuses pour les finances communales, prépara, au
mois de mai 171 8, une solennelle réception à un jeune prince de la
famille des Villeroy, le Marquis d'Halincourt (1). Le gouverneur
de Lyon tenait beaucoup à l'éclat de cette fête : " Malgré les
beautés qu'il a vues en Italie, disait-il du marquis d'Halincourt,
j'espère qu'il n'en sera pas moins content de Lyon (2) ". Au pro-
gramme des fêtes on avait porté un grand ballet dansé au théâtre
et une réception musicale à l'Académie des Beaux-Arts. Les
librettistes des deux divertissements durent lutter d'ingénieuse
platitude. L'auteur du ballet, Gacon, le fameux "poète sans fard,"
avait éprouvé quelque difficulté à louer un prince dont les exploits
étaient nuls. Aussi le Prévôt des Marchands lui fit-il savoir qu'il
fallait parler " davantage de la personne à qui le divertissement est
destiné. Il est vrai, ajoutait-il avec une candeur déconcertante qu'il
(1) François-Camille de Neuville, marquis, puis duc d'Halincourt, puis duc de
Villeroy (1698-1732) ne fut connu que par une série d'histoires scandaleuses, notam-
ment par celle qui lui valut d'être exilé le 2 août 1722 (v. à ce sujet le Journal de
Barbier, le Journal de Mathieu Marais, les Mémoires de Maurepas, la correspondance
de la duchesse d'Orléans etc.)
(2) Archives municipales. Correspondance du Consulat. AA. 65. f" 376.
42 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie y a encore très peu de choses à dire, mais c'est justement là où
de 171 8 a j'on veut qUe l'esprit de l'auteur paraisse (1)." Le librettiste de
J724 l'Académie était Nicolas Barbier, celui même que nous supposons
être le collaborateur de Rameau. Il eut la sage pensée de se réfu-
gier dans la mythologie, ce qui lui permit de comparer flatteuse-
ment le jeune prince au fils d'Achille. Le divertissement avait pour
titre : Le retour de Pyrrhus Néoptoleme en Epire après le siège de
Troye. Le livret en fut imprimé (2).
La musique, cette fois, n'était pas l'œuvre d'un amateur de
l'Académie. Elle avait été composée par Villesavoye. Celui-ci, dont
nous ignorons l'origine, était né en 1683 ; il avait dû s'installer de
bonne heure à Lyon, et faire partie, dès 171 3, du groupe des
Académiciens associés, car un Kyrie et un Gloria de sa composition
figurent avec le numéro 4 sur le catalogue des motets du Concert,
et une Idylle héroïque portée à son nom, est inscrite sous le numéro
22 de l'inventaire des pièces françaises. Le titre du livret, que nous
avons reproduit en note, le désigne comme maître de musique de
l'Académie. Fut-il le premier successeur de Bergiron comme chef
d'orchestre, ou bien était-il simplement salarié par l'Académie
comme répétiteur et professeur ? Nous ne le savons pas. Toujours
est-il, comme nous le verrons dans le cours du prochain chapitre,
qu'il signa en 1726, comme directeur des concerts, un engagement
qui semble être le premier de ce genre.
Vers la même époque, un autre musicien professionnel portait
le titre de maître de musique de l'Académie. Celui-là était un
nommé David. Ce David fut en relation avec Jean-Jacques
Rousseau, lors des premiers voyages du philosophe genevois à
(1) Ballet représente a Lyon devant 3\4. le ^Marquis d' Halincourt, au mois de 3\4ai
IJ i&; Lyon, André Laurens, 17 18. — Correspondance adressée à Gacon (Mss de
la bibliothèque de Lyon, n° 773) : lettre du 5 février 17 18. — La musique de ce
ballet fut demandée à Campra.
(2) " Idylle héroïque chantée à Lyon dans l'Académie des Beaux-Arts devant M.
le Marquis d'Halincourt, le 25 de May 17 18. Les paroles sont de M. Nicolas Barbier,
l'un des Académiciens, et la musique du S1' Ville-Savoye, Maître de musique de la
même Académie "; Lyon, André Laurens, 17 18. Le faux-titre porte : le Retour de
Pyrrhus Nèoptoième en Epire après le siège de Troye.
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE 43
Lyon (i). Il était installé dans notre ville dès l'année 17 17, ainsi l'académie
que l'indique le titre d'un manuscrit de quelques pages conservé DE I71% A
dans la bibliothèque du Concert, première ébauche d'un traité de l'2^
musique publié plus tard (2). Il avait été d'abord "ordinaire"
de la musique du roi d'Espagne, et vécut longtemps à Lyon.
Nous savons qu'il fut maître de musique de l'Académie grâce
à une partition "en extrait " faite par lui, en 1722, de Ylphigénie
de Campra, partition qui porte l'indication : "Extrait par David,
maître de musique de l'Académie. " Il écrivit quelques œuvres
jouées au Concert et malheureusement disparues : un motet à grand
chœur et symphonie Qui habitavit ; un divertissement intitulé
r^Amour et l "Hymen réconciliés ; et deux motets à voix seule et
symphonie, In hoc mundo et Quid me tentabis. Il publia enfin un
traité de musique qui eut au moins deux éditions (3).
Le répertoire se développait considérablement. Un mémoire
fourni par un copiste, nommé Lestoublon, et conservé dans le
(1) Dans ses Confessions (séjour à Lyon en 1741) J. J. Rousseau écrit : " Je
revis le musicien David, qui m'avait rendu service dans ma détresse à un de mes
précédents voyages. Il m'avait prêté ou donné un bonnet et des bas que je ne lui ai
jamais rendus, et qu'il ne m'a jamais redemandés, quoique nous nous soyons revus
souvent depuis ce temps-là. Je lui ai pourtant fait dans la suite un présent à peu près
équivalent. Je dirais mieux que cela s'il s'agissait ici de ce que j'ai dû ; mais il s'agit
de ce que j'ai fait, et malheureusement ce n'est pas la même chose. "
(2) " Livre des Principes de la musique, mis en ordre par M. David, ci-devant
ordinaire de la musique de Sa Majesté Catholique Philippe Cinq, Roy d'Espagne, et
à présent me de musique à Lyon. Ce 19 août 17 17 (Ms. inachevé in 40 de 28 pages).
(3) " ^Méthode nouvelle, ou Principes généraux pour apprendre facilement la musique
et Part du chant " Paris, Boivin, 1737 (Ex. Bibl. Nat. et Bibl. Roy. de Bruxel-
les). Privilège du 10 octobre 1737 enregistré le 13 décembre.
" ZMéthode nouvelle, ou principes généraux pour apprendre facilement la musique et
l'art de chanter par Mr David, dédiée à Monsieur Perrichon, chevalier de l'ordre du
Roy, coner d'état ordre Prévôt des Marchants et Commandant de Lyon" (sans date);
Paris, chez de la Chevardière, et Lyon, chez les Frères Le Goux, place des Cordeliers.
In f° obi. (Ex. Grande bibl. de Lyon : Fonds Becker).
Dans la préface de cette édition lyonnaise : ".... Depuis plus de trente années,
il y plû à un nombre infini de personnes de la ville de Paris, et de celle de Lyon, de
m'approuver sur les principes que j'y ai enseignés avec tout le succès auquel on pouvait
s'attendre — " David déclare aussi que par sa méthode, on apprend, en un an, à tout
déchiffrer, et annonce qu'il prépare un traité de composition.
44 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie dossier de l'Académie des Beaux- Arts (i), nous donne des points
de 171 8 a de repère dans le catalogue de la bibliothèque et nous permet ainsi
x724 de connaître la liste des œuvres exécutées après 171 8. Ce sont des
motets de Campra, quatre ou cinq de Desmarets, la célèbre Messe
des Morts et plusieurs motets de Gilles, d'autres œuvres latines
d'Aresti, de Pellegrin, de La Lande, Chellery, Collasse, Bernier,
et quelques motets d'auteurs lyonnais : le Miserere de Mgr de
Villeroy, le Jubilate Deo de Bergiron, et le Jubilate Deo Lugdunum
de La Croix. Ce La Croix était sans doute l'abbé, obéancier de
S* Just, que nous avons cité déjà.
Le fonds de la musique française est toujours formé par les
opéras de Lully, Proserpine, F Idylle de Sceaux, la Grotte de Versail-
les, Persée, Roland, le Triomphe de l'amour, Thésée, Armide toutes
ses œuvres en somme. Ce sont ensuite les Muses, le Carnaval de
Venise, Tancrede, de Campra ; Médée et Jason, de Salomon ; des
opéras de Desmarets, de Destouches, Clérambaut, Alarius et Matho,
Montéclair ; les nouveautés même les plus discutables sont exécu-
tées en extraits sitôt après leur création à Paris : ainsi paraissent
les ^Amours de Protée de Gervais, joués à l'Opéra en 1720. Beau-
coup d'œuvres aussi sont composées par Bergiron du Fort-Michon
à la manière des rapsodies: airs, récits, chœurs et symphonies
détachés de côté et d'autres, empruntés aux partitions les plus
diverses, modifiés, ça et là par l'adaptation de nouvelles paroles,
mêlés parfois à des parties originales : œuvres rapiécées, incohérentes
qui nous sembleraient aujourd'hui monstrueuses, et que le cata-
logue porte sous le nom de l'adaptateur, avec le titre : " Divertis-
sement de fragments modernes assemblés. " Ces divertissements,
écrits quelquefois pour une circonstance spéciale, s'appellent
aAréthuse ou le Retour de la Paix, la Pastorale, la Jalousie ou X<tApo-
théose d'Hercule. Quelques-uns sont conservés et pourraient exercer
la patience et l'art du diagnostic des amateurs de musiques vieil-
(1) Pour ne pas laisser tomber la moindre miette de documents trop rares,
notons que cette pièce nous révèle que, pour la copie, " le tarif est 5 sols la feuille
(de copie) et 16 sols la main de papier réglé. •' Le mémoire du copiste a été contrôlé
par Bergiron du Fort Michon, inspecteur, et par Connelere, trésorier de l'Académie.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 45
lottes. Le livret d'une de ces œuvres a été imprimé sous le titre de l'académie
la Chasse (i), et un avertissement placé à la dernière page nous DE I7I" A
apprend que "la musique vocale et instrumentale de ce divertisse- l' 4
ment est tirée des Opéra de Zéphire et Flore, Fêtes de /'Eté, Hyper-
mnestre, zAmours de Momus, 'Ballet de l'Inconnu, Creuse, Théonœ,
Télephe, Carnaval de Venise. " On le voit, nos ancêtres n'étaient
nullement rebutés par cet horrible mélange formé des musiques
des fils de Lully, de Montéclair, de Gervais et du duc d'Orléans,
de Desmarets, de Lacoste, de Salomon et de Campra. (2).
Le livret anonyme de la Chasse est pitoyable : fut-il suivant
l'usage de l'Académie, lu, discuté et approuvé au cours d'une
séance? Nos ancêtres lyonnais n'étaient pas difficiles sur le choix
des poèmes ! La Chasse, au cours d'une anecdote brève et sans
intérêt met en scène des personnages nommés Agatine, Céphise,
Dorante, Lisidor, et entourés d'une " troupe de chasseurs et de
chasseresses " et d'une " troupe de bergers et de bergères. " Ces
acteurs falots tiennent des discours de ce genre :
Rendez à votre tour,
Beautés cruelles,
Rendez à votre tour,
Au tendre Amour:
Dieu charmant
Fais leur sentir un doux tourment.
que tes traits de leurs rigueurs
soient vainqueurs.
Prends tes ailes,
suis les belles :
vole sans cesse à la chasse des cœurs....
(1) " La Chasse. Divertissement. Fragments d'auteurs modernes assemblés par
Mr B*** D* F* M**, Académiciens ordinaire. Chanté pour la première fois dans
l'Académie des Beaux- Arts le Mercredy 10 Février 1723. A Lyon, de l'imprimerie
de l'Académie des Beaux-Arts, 1722 " (sic). 20 pages in 40.
(2) Ce genre de divertissements était encore bien préférable à certains arrange-
ments joués au Concert Spirituel de Paris; le Mercure signale en avril 1733 (p. 816)
certain Pange Lingua que confectionna Mouret en soudant, avec quelques bribes de
sa composition, une sarabande de Montéclair et une bergerie de Lully (cf. Michel
Brenet: Les Concerts en France p. 143.)
46 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie L'œuvre se termine par un chœur rappelant un de ceux de
de 171 8 a \ Impromptu et opposant une fois de plus les musettes et les trom-
I(724 pettes. La partition a disparu.
Bergiron n'était pas le seul à fournir l'Académie de ces
" divertissements de fragments modernes assemblés." Idas et Doris
de du Breuil, que nous avons cité, n'était peut-être pas autre chose.
Ces sortes de pots pourris pouvaient donner à bien des amateurs
de musique l'auréole du compositeur, et Christin lui-même sut
s'arracher à ses recherches scientifiques pour écrire, grâce au même
procédé, un Iriomphe de Vénus dont le manuscrit existe encore.
D'autres transcriptions étaient plus artistiques : ainsi cet
arrangement, écrit de la main de Bergiron, conservé dans la biblio-
thèque, et dont le titre indique la nature : " Enée et Didon, diver-
tissement par Mr Campra : la Cantate d'Enée et Didon du 2e livre
de cet autheur, mise avec symphonie, fait le sujet de ce divertisse-
ment. " A Bergiron encore, bibliothécaire infatigable, l'Académie
devait un grand nombre de transcriptions d'opéras en un ou deux
" concerts. " Le décousu des œuvres dramatiques du xvif et
du xvme siècle facilitait des arrangements de ce genre, faits parfois
par les compositeurs eux-mêmes. De Bergiron, on peut consulter
aujourd'hui, dans la bibliothèque du Concert des " extraits "
manuscrits d'opéras de Bertin (Le jugement de Paris, aAjax) ou de
Destouches (Sémiramis, le Carnaval et la Folie). Ces partitions,
transcrites par Bergiron, présentaient un grand avantage : " toutes
avaient leurs parties de remplissage, ce qui ne se trouve pas dans
les partitions gravées (1)."
Le répertoire était complété par de nombreuses cantates,
telles que celles de Rameau et de Bergiron, dont nous avons parlé,
et par un petit nombre d' " oratoires en latin" : <t4dam de du Manssa,
S* Eugénie de Melani, St Nicolas de Bononcini, S* Ursule de
Scarlatti, et Ste Cécile d'Androvandini. Ces partitions de musiciens
peu connus ou même ignorés, étaient manuscrites, et avaient été
peut-être rapportées d'Italie par quelque amateur en même
(1) Affiches, Annonces, et Avis divers de Lyon du 27 avril 1768.
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE 47
temps qu'un très grand nombre de cantates italiennes anonymes l'académie
réunies en cinq volumes (i). de 171 8 a
Le succès de l'Académie des Beaux-Arts eut pour conséquence 1 '24
la création d'une autre société similaire, fondée en 171 8, grâce à
l'initiative de Mme Poulletier, femme de l'Intendant de Lyon (2).
Cette nouvelle compagnie artistique, qui s'intitulait ^Académie des
Jacobins, du nom du quartier où était sa salle de réunion, ne dura
que quelques années: avant 1725, elle s'était réunie à l'Académie
des Beaux-Arts, et les quelques partitions de Lully, Campra,
Lalande, etc. qui formaient son répertoire, furent versées dans la
bibliothèque du Grand Concert : ces partitions existent encore et
portent, l'un près de l'autre, les cachets des deux
académies (3). Voici une reproduction du cachet
de la Société présidée par Mme Poulletier :
L'Académie des Jacobins, croyons-nous, avait
pour maître de musique un nommé Estienne, dont
les talents, après la fusion des deux sociétés, furent
utilisés par l'Académie des Beaux-Arts. Celle-ci
assura même au musicien une rente viagère de trois cents
livres (4). Estienne, dont nous ne savons rien (5), avait composé,
(1) V. Bibliothèque du Concert: Ordre Q.
(2) Pierre Poulletier de Nainville fut Intendant de Lyon de 17 18 à 1739. Il est
souvent question de lui dans la Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur
de Saint-Fonds et le Président Dugas (1711-1739), publiée par W. Poidebard; Lyon,
Paquet, 1900, 2 vol. Mme Poulletier était née Henriette Guillaume de la Viéville.
Elle est citée assez fâcheusement dans le Journal àe. Barbier (I, p. 223).
(3) Quelques-unes de ces partitions portent, en lettres d'or, sur la reliure, des
inscriptions rappelant qu'elles avaient été offertes par Mme Poulletier " Intendante de
AOÏ\
(4) Archives municipales BB, 306, fos 185-189.
(5) Un Pierre Estienne était organiste à Dijon au début du xvuie siècle. Il était
né à S1 Dizier en Champagne, et était entré en fonctions en 1705 ; il avait renouvelé
son traité en 17 12, en 17 17, et en 1720, pour six ans. (Inventaire-sommaire des
Arch. com. de Dijon, tome III, L. 176. — Dietsch : Souvenirs sur la 5te Chapelle du
Roy (à Dijon), dans le Bulletin d'histoire et d'archéologie religieuse du diocèse de Dijon,
1884, p. 30). Il ne semble pas que cet organiste ait quelque chose de commun avec
l'Estienne de Lyon.
48 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie pour l'Académie des Jacobins, dix-huit motets à grand chœur et
de 171 8 a orchestre: la partition de onze d'entre eux existe encore.
l724r De cette éphémère société d'amateurs, il n'est pas resté de
trace dans les archives lyonnaises, ce qui n'est pas étonnant. Les
seuls renseignements que nous possédions sur elle sont fournis par
le Mercure de France de 1721 et 1722. Le premier article du
Mercure créa même entre les deux Académies une fâcheuse con-
fusion qui s'est renouvelée récemment (1). Voici cet article:
"Lundi, 14 de juillet, veille de Sfc Henry, l'Académie de Musique
donna à Madame Poulletier un très beau concert à l'occasion de sa fête, où
toutes les Dames les plus qualifiées de Lyon assistèrent, de même que la
plus grande partie des principaux du païs, qui sont membres de cette
académie formée par les soins de Madame l'Intendante ; le nom d'Henriette
qu'elle porte y fut célébré par divers faits à la louange de ses charmes et
de toutes ses rares qualités. Le lendemain, à l'entrée de la nuit, un grand
bateau, artistement décoré, (qui portoit dans son enceinte un magnifique
salon, dont les portiques étoient ornés de guirlandes de fleurs, avec les
armes de Mmo l'Intendante, et des H qui marquoient son nom et le sujet
de la fête) fut conduit sur la Saône, au son des timbales et des trompettes,
par des matelots, en habits galans et uniformes, chargés de rubans de ses
livrées : ce grand bateau étoit précédé d'un brigantin, et suivi de quatre
gondoles, où les Académiciens étoient placés ; ils se rendirent dans cet ordre
à la vue d'un appartement que Madame l'Intendante occupe à l'Arsenal ;
l'ancre fut jetée au milieu de la rivière, et le bateau qui représentoit le
temple d'Apollon s'arrêta devant les fenêtres de Madame Poulletier ;
Monsieur le Comte de Suze, chef de l'Académie de Lyon, et Monsieur de
Grange Blanche, avocat général de la ville, s'approchèrent de la terrasse qui
donne dans les jardins de l'appartement de Madame l'Intendante. On lui
présenta, au nom de toute l'assemblée, un bouquet des plus belles fleurs
de la saison, et on lui fit un discours aussi galant que rempli d'éloquence ;
dans l'instant, le Temple d'Apollon, éclairé par plusieurs lustres de cristaux
en dedans et par une infinité de lampions et de quantité de gros flambeaux
de cire blanche placés au dehors, retentit du son des hautbois, flûtes,
violons et autres instruments de musique, qui firent un Concert qui ne
cédoit en rien à celui de la ville ; le concours des personnes de l'un et
l'autre sexe, formoit sur la rivière le plus agréable spectacle que l'on ait vu
(1) Notamment, dans l'ouvrage de M. Michel Brenet sur les Concerts en France
sous l'ancien régime, p. 176.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 49
de longtemps ; diverses illuminations étoient dans les petits bateaux que l'académie
chacun avoit embellis à qui mieux mieux, et rendoient dans le plus fort de de 171 8 a
la nuit la clarté nécessaire pour se reconnoître d'assez loin ; les Académiciens 1724
montèrent sur la terrasse, où Madame l'Intendante offrit à la Compagnie
tous les rafraîchissemens de la saison ; on y dansa et les Dames qui étoient
avec elle se mêlant avec celles que la fête y avoit attirées, formèrent un bal
qui ne cessa que le lendemain fort avant dans la matinée. Le bruit de
l'artillerie que Monsieur le Chevalier de S1 Mars fit tirer pour honorer
cette fête, ne contribua pas peu à la rendre parfaite. Chacun se retira fort
content, et Madame l'Intendante donna lieu à tous ceux qui y étaient
accourus de l'être extrêmement de ses manières gracieuses et préve-
nantes (1) ".
Charmante fête, on le voit, mais bien peu musicale si l'on
s'en rapporte seulement à la relacion du Mercure ; le souvenir de la
fête donnée dans le salon de Mme Poulletier nous a été conservé par
une brochure imprimée qui montre que la jeune Académie s'était,
comme son aînée, offert le luxe d'un divertissement original mis
en musique par des Marais (Desmarets ?) (2).
L'article du Mercure ne pouvait passer inaperçu ; son titre
surtout devait amener une protestation de l'Académie des Beaux-
Arts. N'était-il pas intitulé : " Relation d'une fête donnée à Lyon
à Madame Poulletier, Intendante, par Messieurs de l'Académie de
Musique et Beaux-Arts, établie en cette ville sous la protection de
M. le Maréchal Duc de Villeroy qui en est le chef?" La pro-
testation ne se fit pas attendre, et le Mercure de France publiait
dans son volume du mois de septembre le long article que voici.
Nous le reproduisons tout entier, en raison de son grand intérêt
historique, et bien que nous y ayons fait déjà plusieurs emprunts :
il nous donne, après la rectification de l'erreur précédente, un
tableau très vivant de notre Académie et de ses distractions à la
fois musicales, religieuses et mondaines (3).
(i) Mercure, Juillet 1721, p. 8.
(2) La Fête de la Saône mise en musique par des Marais. Exécuté à Lyon devant
Mme l'Intendante dans son salon de PArcenal, le 14 juillet 1721, veille de sa fête.
Lyon, Philibert Chabanne, in-40.
(3) Mercure septembre 1721, p. 197.
50 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie " On s'est trompé lorsqu'on a mis dans le précédent Mercure que
de 171 8 a l'Académie des Beaux- Arts de Lyon, qui est sous la protection de Mr le
1724 Maréchal duc de Villeroy, et dont il est le chef, a donné une fête à
Madame Poulletier, Intendante de cette Ville. C'est la seconde Académie
qui l'a donnée, laquelle a été établie depuis peu d'années sous la protection,
et par les soins de Madame l'Intendante, et plusieurs années après
l'établissement de la première, qui commença en 17 13. M. le Maréchal de
Villeroy, Gouverneur de cette Province, étant venu à Lyon en 17 14,
honora non seulement cette première Académie de sa présence et de sa
protection, mais encore il voulut que son nom parut dans la liste des
Académiciens. Il souhaita aussi que l'on fit des Règlemens pour rendre
cet établissement plus solide, qu'il a eu la bonté de signer. Cette assemblée
a le nom d'Académie des Beaux-Arts qu'elle a mérité par plusieurs Pièces
de Poésie et de Musique qui s'y sont faites, quoique ses exercices les plus
fréquens ayent pour objet la Musique, qui est exercée d'une manière
également noble et agréable. Cette première Académie est composée de
personnes choisies de l'un et l'autre sexe, parmi lesquelles il y a plusieurs
Mrs et Dames de la Cour des Monnoyes, qui forment un magnifique
concert chaque semaine, dans lequel l'on n'admet pour auditeurs que
quelques Etrangers en petit nombre, et la compagnie d'une seule personne
de la Ville avec chaque Dame de l'Académie. M. l'Archevêque a honoré
l'Assemblée dès qu'il a été Archevêque de Lyon des mêmes faveurs que
M. le Maréchal son père lui avoit faites. Cette Académie n'a pu retenir sa
joye sur la convalescence du Roy. Elle en a voulu donner des marques
par un Te Deum qu'elle a chanté à huis clos aux Carmélites dont le
Monastère est fondé par la maison de Villeroy, et où Madame de Villeroy,
fille de M. le Maréchal est Supérieure. L'Académie s'y rendit en corps le
matin du Dimanche 17 août, ce fut avec un empressement singulier, et
chacun se fit un devoir de n'y pas manquer. Le Concert fut composé de
quatre-vingt dix personnes, outre les Académiciens honoraires, parmi
lesquels étoient M. le Premier Président de la Cour des Monnoyes, et
M. le Prévôt des Marchands, comme membres de l'Académie (1). La
messe fut célébrée par M. l'Abbé de la Croix, Obéancier de Saint Just,
l'un des Académiciens ; on chanta un très beau motet de la composition de
M. l'Archevêque, après quoi le Te Deum composé par Monsieur Bernier
fut chanté dans tout son lustre, et sans prévention avec une exécution
digne de sa beauté. Le Te Deum fut précédé et suivi des salves ordinaires
de la Ville et de celles de la mousqueterie de plusieurs Quartiers de la
(1) Le Prévôt des Marchands était alors Cholier ; le premier Président, de
Sève de Flechère.
Partie AU D IX- H U ITIÈ M E SIÈCLE 51
Bourgeoisie, qui s'y étoient rendus sous les armes, dont les Capitaines l'académie
sont Académiciens. Au sortir M. l'Archevêque retint toute l'Assemblée de 171 8 a
pour la régaler d'un superbe ambigu, qu'il avait fait préparer d'une 1724
manière digne de sa grandeur et de sa générosité. Le soir, les Académiciens
s'assemblèrent dans leurs salles pour célébrer la santé du Roy par un
magnifique souper, pendant lequel on entendit un bruit d'artillerie et de
mousquetterie des mêmes Quartiers, qui s'étoient trouvés le matin devant
les Carmélites, et qui se rendirent le soir sur le Quay, devant l'Académie,
pour empêcher la confusion du peuple qui y étoit accouru. Ce bruit fut
accompagné de plusieurs acclamations de Vive le Roy, formées par les
Académiciens, et par le peuple qui y répondit avec une joye singulière.
M. l'Archevêque honora de sa présence l'Assemblée sur la fin du repas,
pour partager avec l'Académie la joye qu'elle ressentoit. La façade de la
maison de l'Académie étoit illuminée d'une façon très brillante, et tout le
Quay de Sfc Clair l'étoit aussi par nombre de pots à feu. Le souper fut
suivi d'un feu d'artifice, après lequel M. l'Archevêque s'étant retiré, on
commença un très beau bal, qui ne finit qu'au jour, où quantité de
personnes distinguées de la Ville s'y rendirent, et où les rafraîchissements
furent servis à profusion à toute l'Assemblée. "
Et comme l'Académie des Jacobins ne pouvait pas rester en
retard, le Mercure ajoute :
" Le dimanche suivant, [24 août], la seconde académie, qui est la
même qui avoit donné sur la rivière la brillante fête à Madame Poulletier,
Intendante, chanta à son tour dans la chapelle des Dames Religieuses de
Blie, le Te Deumy à portes ouvertes, suivant la coutume. "
Les deux académies ne se faisaient d'ailleurs pas concurrence ;
quelques amateurs inlassables jouaient dans l'un et l'autre concert,
ainsi que l'annonce encore le Mercure : " Les personnes qui
exécutent le concert de la place des Jacobins, établi depuis peu
d'années, continuent régulièrement leurs exercices. Ce concert
devient chaque jour meilleur, surtout depuis que plusieurs Aca-
démiciens de l'Académie des Beaux-Arts y ont été reçus. Ils vont
également à l'un et à l'autre concert, attirés par le seul plaisir de
la musique " (1)
Après 1722, il n'est plus question de l'Académie des Jacobins.
Pendant ce temps, l'Académie des Beaux-Arts prospérait, et
(1) 34ercure, octobre 1722, p 95.
$2 LA MUSIQUE A LYON
l'académie les fêtes succédaient aux fêtes. Le Mercure publiait au mois
de 171 8 a d'octobre 1722 (1) une lettre de Lyon datée du 3 septembre et
lT1^ rendant compte du concert donné la veille :
" Mr le Maréchal de Villeroy, protecteur de l'Académie des Beaux-
Arts établie dans cette ville, assista hier aux exercices académiques avec
M. l'Archevêque de Lyon, ce qui fit venir à l'Assemblée plusieurs
personnes des plus qualifiées de la Ville et des environs. Les Académiciens,
au nombre de 70, firent un concert des plus magnifiques. On y chanta des
morceaux de l'Opéra à'Ajax rassemblés par les soins de Mr B., l'un des
Académiciens (2). Le rôle de Cassandre fut chanté par M. E***, l'une
des plus belles voix que nous ayons, et celui de Corebe par M. M*** le
jeune. Tous les autres rôles furent chantés par des Académiciens et des
Académiciennes. A la fin du concert on chanta Dixit Dominus de M. Cam-
pra, qui fut exécuté avec toute la justesse imaginable. M. le Maréchal parut
si content qu'il accabla d'honnêtetés tous les membres de l'Académie, dont
les principaux allèrent le lendemain le remercier de l'honneur qu'il leur
avoit fait. Il leur fit espérer qu'il les honoreroit souvent de sa présence...
L'Académie voyait ses concerts ordinaires fréquentés non
seulement par la famille de Villeroy, mais aussi par le Prévôt de
Marchands et les Echevins de la ville (3). Les Académiciens
n'allaient pas tarder à user de la protection du Consulat pour
établir définitivement et de façon grandiose leur société musicale ;
ils voulaient, à la fois, obtenir, du Roi, des Lettres-Patentes con-
sacrant officiellement l'enterprise, et du Consulat, l'autorisation de
construire au centre de la ville un hôtel particulier réservé à leurs
concerts et à leurs délibérations.
(1) ^Mercure, octobre 1722, p. 94. Par suite d'un lapsus, M. Michel Brenet,
dans les Concerts en France sous l'ancien régime (p. 182) a indiqué ce concert comme
ayant eu lieu à Orléans. Cette erreur sans importance a été reproduite par M. L. de
la Laurencie dans Y Académie de musique de Nantes (p. 139)
(2) Il s'agit ici de YAjax de Bertin, " extraits en deux concerts " par Bergiron.
(V. Bibliothèque du Concert.)
(3) V. Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur de S1 Fonds et le
Président Dugas. Quand Dugas fut nommée Prévôt des Marchands, S1 Fonds le
remercie de trouver le temps de lui écrire malgré ses nombreuses occupations parmi
lesquelles il cite: " ...honorer le Concert de votre présence". — Cette même
correspondance nous fait supposer que l'Intendant Poulletier lui-même ne craignait
point de prendre part aux concerts de l'Académie des Jacobins en s'y faisant entendre
comme chanteur (Tome Ier, p. 235).
III.
L'Académie de 1724 a 1736.
Nous sommes arrivé à une période qui semble marquer
l'apogée de l'Académie des Beaux-Arts, sous sa forme
primitive de société d'amateurs. Le nombre des membres
exécutants s'était accru progressivement, et atteignait la centaine.
Grâce à la protection du Maréchal de Villeroy, les Lettres-Patentes
du 4 septembre 1724 établissant une Académie à Lyon consacrè-
rent en même temps l'Académie des Sciences et Belles-Lettres et
l'Académie des Beaux-Arts. Cette dernière, à vrai dire, usa d'un
subterfuge pour obtenir le diplôme royal. En effet, " il était sans
exemple que des lettres patentes eussent été accordées pour l'établis-
sement d'un concert, la permission du gouverneur étant suffisante
pour autoriser ces sortes d'assemblées ; c'est l'objection qui fut faite
à ceux que les sollicitaient ; pour la faire cesser, le Concert fut
décoré du titre d'Académie des Beaux-Arts, et dans les statuts
composés de trente-huit articles, présentés pour être joints aux
Lettres-Patentes, il en fut inséré quatre ou cinq qui font mention
de conférences académiques ayant pour objet les Beaux-Arts....'
Et le mémoire auquel nous empruntons ces lignes, et qui fut rédigé
sans bienveillance, et peut-être sans bonne foi, par l'Académie des
Sciences et Belles-Lettres, ce mémoire ajoute : " Il est évident que
ces articles ne furent imaginés que pour autoriser le titre d'Acadé-
mie des Beaux-Arts qui était sans objet, puisqu'il est certain que
pour lors la musique faisait l'unique préoccupation de cette
académie ; la devise qu'elle avait, et qui est gravée au frontispice
54 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie des statuts imprimés, en est une preuve suffisante (i)
de 1724 a Aussitôt après l'obtention des Lettres-Patentes, l'Académie
l73 des Beaux- Arts fit imprimer ses statuts (2). Ceux-ci comprenaient
trente-huit articles. Nous les reproduisons intégralement ci-dessous.
I. — L'Académie aura un protecteur perpétuel.
II. — L'Académie sera composée de deux classes ; la première des
Académiciens ordinaires et honoraires ; la seconde des Académiciens associez.
III. — Les seuls Académiciens ordinaires et honoraires auront voix
délibérative dans les assemblées ; les Officiers ne pourront être choisis que
dans cette première classe.
IV. — L'Académie aura pour Officiers, un Directeur, un Inspecteur,
un Bibliotécaire, un Trésorier, quatre Sindics, et deux Secrétaires. Le
Bibliotécaire et le premier Secrétaire seront perpétuels. Le Trésorier
exercera sa fonction pendant trois années consécutives. Tous les autres
Officiers seront annuels.
V. — Le directeur présidera à toutes les assemblées, les convoquera
extraordinairement lorsqu'il sera nécessaire ; et veillera à l'observation des
Statuts et des Règlemens de l'Académie.
VI. — L'Inspecteur sera chargé du détail des exercices de l'Académie ;
il fera les fonctions du Directeur en son absence.
VII. — Le Bibliotécaire prendra soin de tous les Livres, Papiers et
autres effets qui concernent les Beaux-Arts ; à la réserve des Papiers qui
regardent les Conférences Académiques ; il en sera chargé conjointement
avec l'Inspecteur sur deux Regîtres signez par eux et par le Directeur ;
l'un desquels Regîtres restera dans la Bibliotèque, et l'autre sera déposé
dans les Archives. Tous les ans l'Inventaire sera augmenté des nouvelles
acquisitions, et vérifié à la fin de décembre, en présence des officiers.
VIII. — Le Bibliotécaire fera les fonctions de l'Inspecteur, et
l'Inspecteur celles du Bibliotécaire, réciproquement, en cas d'absence.
IX. — Le Trésorier recevra tous les deniers de la Compagnie, et
payera toute la dépense sur les mandats des autres Officiers. Il rendra
Compte à la fin de chaque année.
X. — Les quatre Sindics donneront les ordres nécessaires, les jours
de Concert, afin qu'on n'introduise dans la Sale de l'Académie que ceux
qui doivent y entrer ; ils en feront les honneurs, et s'aideront mutuellement
(1) Mss acad. n° 157 : Notice sur l'origine de l'Académie (f° 130- 133), et Mémoire
pour {Monseigneur le Procureur général du Parlement (f° 96).
(2) Statuts et règlements de V Académie des Beaux- Arts établie h Lyon par Lettres
patentes du Roy ; Lyon, Laurens, 1724, in-40.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 55
dans leurs fonctions, dont le détail sera spécifié dans les Règlemens parti- l'académie
culiers qui seront faits par la compagnie, tant pour eux que pour les autres de 1724 a
Officiers. Le premier Sindic distribuera aux Etrangers les Billets qui leur 1736
seront destinés pour entrer au Concert.
XI. — Le premier Secrétaire sera chargé des Titres de l'Académie
qui doivent rester dans les Archives ; il en fera un Inventaire, et tiendra
un Regître sur lequel seront écrits les présens Statuts et Règlemens, avec
un Catalogue de tous les Académiciens, selon l'ordre de leur réception. Il
assistera à toutes les assemblées, dont il écrira les délibérations. Il raportera
sur un autre Regître le précis de toutes les Conférences Académiques, et
aura soin de tous les Papiers qui les concernent. Il sera aussi chargé d'écrire
les Lettres de la Compagnie. Le sceau de l'Académie sera entre ses mains.
Le Second Secrétaire aidera le premier dans ses fonctions et les fera
seul en son absence.
XII. — Le nombre des Académiciens Ordinaires et Honoraires, sera
fixé à deux cens. Les Dames seront reçues dans cette classe.
XIII. — Ceux qui se présenteront pour être reçus Académiciens
Ordinaires et Honoraires seront proposés par le Directeur dans une
assemblée; et quand ils auront été agréez, leurs Noms seront inscrits par
ordre de datte, sur un Regître particulier, tenu par le Premier Secrétaire,
dont chaque Article sera signé par le Directeur et les autres Officiers. La
première place à remplir sera donnée à celui qui se trouvera le plus ancien-
nement inscrit. Le nouvel Académicien signera sa réception, et se sou-
mettra aux Règlements.
XIV. — Les Académiciens Associez seront reçus avec le seul agrément
des Officiers.
XV. — Aucun Académicien Ordinaire ou Honoraire, ne pourra être
exclu de l'Académie, que pour des causes que l'assemblée Générale, à la
pluralité des deux tiers des voix aura reconnues graves et importantes.
Les destitutions des Académiciens associez pourront être faites par déli-
bération des Officiers seulement.
XVI. — L'Académie s'assemblera deux jours de chaque semaine, l'un
pour les CONFÉRENCES qui auront pour objet les BEAUX-ARTS, et
l'autre pour le CONCERT. Le jour des Conférences sera fixé au Samedi
à trois heures, et celui du Concert au Mercredi à quatre heures et demie,
depuis le commencement du mois de Novembre jusqu'à la fin d'Avril ; et
à cinq heures depuis le commencement du mois de Mai, jusqu'à la fin
d'Octobre. Lorsquele Mercredi se trouvera être un jour de Fête, le Concert
sera remis au lendemain, ou à un autre jour indiqué par les Officiers. A
l'égard des conférences, elles se tiendront toujours le Samedi.
56
LA MUSIQUE A LYON Prem.ère
l'académie XVII. — Les exercices de l'Académie seront suspendus la quinzaine
de 1724 a de Pâques.
1736 XVIII. — Les assemblées pour les Conférences ne seront composées
que des Académiciens Ordinaires et Honoraires qui voudront s'y trouver,
et de ceux entre les Associez qui auront été choisis par les Officiers.
XIX. — Dans les Conférences, il sera libre aux Académiciens de
choisir le sujet qu'ils voudront, pour entretenir la compagnie, chacun à leur
tour.
XX. — Il n'y aura point d'Assemblée pour les Conférences depuis le
quinzième du mois de Septembre, jusqu'au premier samedi après la fête
de St. Martin.
XXI. — Tous les Académiciens Ordinaires exécuteront leur Partie
dans le Concert, et lorsqu'ils ne pourront pas s'y trouver, ils auront soin
d'en avertir quelques jours auparavant l'Inspecteur, ou en son absence le
Bibliotécaire.
XXII. — Il n'y aura que les seuls Académiciens qui soient admis à
chanter ou jouer des instruments au Concert, et qui puissent entrer dans
l'espace de la sale destiné à l'exécution de la musique. Les Officiers pour-
ront excepter de cette règle les Etrangers capables d'exécuter leur Partie.
XXIII. — Chacun des Académiciens Ordinaires et Honoraires, pré-
sent ou absent, fera remettre au Trésorier, dans le mois de Novembre ou
de Décembre de chaque année, la somme de cinquante livres pour les
dépenses de l'année suivante ; après lequel temps, sa place d'Académicien
sera censée vacante : ce terme néanmoins pourra être prolongé jusqu'au
quinzième de janvier, en faveur des absens.
XXIV. — Les Académiciens Ordinaires ou Honoraires payeront
soixante et quinze livres, pour l'année dans laquelle ils seront reçus.
XXV. — Les Académiciens Associez ne contribueront pas à la
dépense de l'Académie. Les Officiers n'admettront dans cette classe que
des personnes d'une capacité reconnue pour les conférences ou pour les
concerts. Ceux qui auront des talents pour la Musique ne pourront se
dispenser d'exécuter leur Partie dans le Concert, ni s'en absenter sans avoir
averti l'Inspecteur quelques jours d'avance, ou en son absence le Biblio-
técaire.
XXVI. — Au commencement de l'année, le Directeur remettra à
chaque Académicien Ordinaire et Honoraire, un Billet Particulier qui
contiendra son Nom, et qui sera signé par le Trésorier, et par le Premier
Secrétaire ; Les Académiciens le représenteront chaque concert au Sindic,
à l'entrée de la Sale, pour se faire connaître.
XXVII. — Les Académiciens Associez auront aussi, pour entrer au
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 57
concert des Billets Particuliers, qui ne leur seront accordez et continuez, l'académie
qu'en conséquence de leur assiduité. de 1724 a
XXVIII. — Les seuls Académiciens entreront dans la Sale de l'Aca- 1736
demie ; à la réserve néanmoins, d'un certain nombre de personnes, qui y
seront admises les jours de Concert, avec des Billets qu'elles remettront
aux Sindics en entrant : ce Privilège sera uniquement pour les Dames de
la Ville et pour les Etrangers qui n'y font pas leur résidence. Le nombre
des Billets pour les Dames sera fixé à trente pour chaque Concert, et celui
des Etrangers à quinze.
XXIX. — Le Directeur distribuera les Billets destinez aux Dames
de la Ville pour entrer au Concert. Il aura soin d'y écrire le Nom de celles
à qui il les donnera, afin qu'ils ne puissent servir à d'autres, et que la
compagnie soit composée de Personnes choisies. Le Premier Sindic en
fera de même, à l'égard des Etrangers.
XXX. — Les Officiers s'assembleront un des derniers jours de
chaque mois, pour délibérer sur les affaires de la Compagnie.
XXXI. — Tous les ans on tiendra une Assemblée Générale, le
premier samedi du mois de décembre, dans laquelle, à la pluralité des
voix, on élira les Officiers pour l'année suivante ; ils entreront en fonction
dans l'Assemblée des Officiers qui se tiendra sur la fin du même mois.
XXXII. — Le jour que les nouveaux Officiers entreront en exercice,
les Anciens qui ont des Comptes à rendre, les présenteront pour les faire
arrêter, en présence des Anciens et des Nouveaux Officiers, et de trois
Académiciens qui auront été nommés par la dernière Assemblée Générale.
XXXIII. — On ne fera aucune acquisition, ny dépense extraordinaire,
sans une délibération et le Consentement de six Officiers, au moins ; et
dans les cas importants on décidera dans une Assemblée Générale.
XXXIV. — Les Appartements de l'Académie, les Livres, Papiers,
Meubles, et autres Effets qui lui appartiennent, ne serviront qu'à son
usage.
XXXV. — Il ne sera permis à aucun Académicien de produire au
nom de l'Académie, ou comme Académicien, aucun Ouvrage, qu'il n'ait
été auparavant examiné et approuvé dans les Conférences, et que l'Appro-
bation n'en soit couchée sur le Regître.
XXXVI. — Les difficultés imprévues seront décidées par le Directeur
et les autres Officiers ; quand elles seront d'une grande conséquence on
convoquera une Assemblée Générale ; et suivant l'exigence des Cas, on
s'adressera au Protecteur.
XXXVII. — L'Académie continuera à se servir de son sceau ordi-
naire, qui représente pour sa devise une Lyre et un Caducée, avec ces
58 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie mots: Et Voce et Arte ; elle en pourra marquer ou sceller ses Lettres,
de 1724 a Papiers, Livres, et autres Effets, et les Actes qui émaneront d'Elle.
1736 XXXVIII. — L'Académie pourra étendre et expliquer les présens
statuts et Règlements, et y ajouter ou diminuer, suivant les occurences,
avec l'agrément du Protecteur.
Ces statuts servirent de modèle à toutes les Académies de
musique fondées plus tard dans les grandes villes du royaume. Ils
se passent de commentaires. Relevons seulement deux détails.
L'article vu signale l'existence de registres tenus en double : il est
possible que ce règlement soit resté lettre morte ; en tout cas, nous
n'en avons trouvé aucun. L'article xxix exige que la Société soit
composée de personnes choisies : l'Académie restait essentiellement
aristocratique (r) ; On trouvait ainsi, dans les réunions, suivant le
curieux discours prononcé au xvme siècle à l'Académie de
Caen, " le beau optique, dans le spectacle brillant des personnes
que le spectacle assemble; le beau moral, dans les bienséances
qu'on y observe; le beau spirituel, dans le choix des pièces qu'on
y joue ; et le beau harmonique, dans la justesse de l'exécution. Ce
qui forme un tout ensemble si propre à rappeler si agréablement
l'idée du beau éternel et suprême, le seul capable de nous satisfaire
pleinement. " (2)
En même temps les Officiers, c'est-à-dire les administrateurs
de l'Académie, s'occupaient activement des démarches nécessaires
pour la construction de l'édifice qui devait être YHotel ou la
Maison du Concert. Ils avaient choisi un emplacement de l'actuelle
place des Cordeliers, compris aujourd'hui entre les Magasins des
Cordeliers et les Halles. Certains, grâce à leurs relations, d'obtenir
les autorisations indispensables, ils avaient demandé d'avance à un
(1) On ne pensait guère à cette époque que "le peuple a droit à la beauté".
Le théâtre n'était-il pas interdit aux gens de livrée qui ne pouvaient y entrer même
en payant ? (Ordonnance du Consulat concernant les spectacles : Archives muni-
cipales BB. 342, f° 65).
(2) Discours sur le beau, prononcé devant l'Académie de Caen par le Père André,
Académicien de cette ville, (publié dans V Essai sur le beau, Paris 1763). Le protecteur
de l'Académie de Caen était Mgr de Luynes, archevêque de Sens ; un chanoine en
était le secrétaire.
A
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 59
architecte de Milan, nommé Federic Pietra Santa le plan de leur l'académie
futur Hôtel. Pietra Santa leur envoya, le 20 mars 1724, des plans DE x724
et un mémoire explicatif (1). *73
L'emplacement convoité par l'Académie appartenait à la ville,
qui l'avait reçu des Pères Cordeliers sous la condition qu'il ne
pourrait y être élevé aucun bâtiment. Les Officiers de l'Académie
des Beaux-Arts durent donc demander le consentement des religieux
de S* Bonaventure. Un acte capitulaire du 11 mars 1724 le leur
accorda sous certaines réserves: élévation du bâtiment fixée à vingt
cinq pieds, promesse de ne jamais employer l'immeuble à des usages
profanes, tels que comédies, bals, opéras ou autres spectacles
publics, et de ne pas le céder à des communautés ecclésiastiques (2).
Un acte consulaire du 27 avril donna à l'Académie l'auto-
risation définitive. La ville abenevisait au profit de la société
" cent quinze pieds de longueur dans la place des Cordeliers, du
côté du Rhône, sous le cens et service annuel de six deniers
portant laods et ventes en cas de mutation ", à condition que les
plans de Pietra Santa ne fussent pas modifiés et que la construction
ne dépassât vingt-cinq pieds en hauteur et quarante en largeur. Il
était ainsi établi de chaque côté deux ruelles, larges d'une vingtaine
de pieds, conduisant de la place au quai du Rhône (3).
Nous ne croyons pas indispensable d'exposer le détail complet
du plan de l'ingénieur italien ; comme nous l'avons noté ci-dessus,
projets et mémoires explicatifs sont conservés aux archives de la
ville, où chacun peut les consulter. La nouvelle construction,
disait le Père de Colonia, " est un bel édifice d'un goût particulier,
et dont la forme semble nous rappeler celle que les anciens
Romains donnaient à leurs temples. " (4) Les Lyonnais septuagé-
(1) Archives municipales, Inventaire Chappe, XX, 345 et suiv. : Liasse de cinq
pièces comprenant les plans de Pietra Santa et leur explication en italien et en français.
(2) Actes capitulaires des Cordeliers (copie de l'acte du 11 mars 1724 aux
Archives municipales, même dossier que ci-dessus). — On peut se rendre compte de
l'emplacement exact de la salle sur les plans des immeubles des Cordeliers conservés
aux Archives départementales (Q. 1-26).
(3) Archives municipales, registres des Actes consulaires, BB. 287, f° 69-72.
(4) de Colonia, Histoire littéraire de la Fille de Lyon.
ÔO LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie naires se rappellent encore cette petite maison — détruite en
de 1724 a 1856 — et dont nous donnons une reproduction : le "goût
x736 particulier " ne nous semble pas aujourd'hui se confondre entière-
ment avec le bon goût.
L'Hôtel du Concert comprenait un rez-de-chaussée et un
étage. L'étage était réservé au logement du maître de musique ;
au rez-de-chaussée se trouvait la grande salle de concert, précédée
d'un vestibule carré, et derrière laquelle deux pièces servaient
l'une de bibliothèque, l'autre de foyer des artistes. La grande salle
avait la forme d'un parallélogramme, ou plutôt d'un trapèze, long
d'un peu moins de treize mètres, et large d'une dizaine de mètres,
avec une différence d'un pied en moins du côté de l'orchestre.
Deux balcons, larges d'un mètre environ, s'étendaient des deux
côtés de la salle, sur la longueur presque entière, et à une hauteur
de deux mètres au-dessus du sol ; une tribune, large d'un mètre et
quarante centimètres, occupait tout le fond de la salle du côté de
l'entrée à une hauteur de trois mètres. L'orchestre, séparé des
spectateurs par une balustrade, était composé d'une estrade et de
plusieurs gradins en charpente ; il occupait plus d'un tiers de
la salle.
C'était, on le voit, une petite salle, mais bien suffisante à une
compagnie aristocratique puisqu'elle contenait environ deux cent
cinquante places.
Le devis de l'architecte italien prévoyait une dépense de
trente mille livres ; cette prévision, suivant l'usage séculaire, devait
être bien dépassée. Dès 1724, l'Académie s'occupa de trouver les
moyens les plus convenables pour réaliser les emprunts nécessités
par la construction de son hôtel. Elle arrêta le projet suivant :
remboursements par annuités de cinq mille livres, faits grâce au
concours des académiciens de bonne volonté. Chaque année le
Directeur dresserait une liste des sociétaires qui voudraient bien
s'obliger. " Si la liste du Directeur contient quarante académiciens
voulant contribuer au remboursement, ceux-ci auront la bonté de
donner chacun cent vingt cinq livres ; si elle en contient cinquante,
ils donneront chacun cent livres ; s'ils sont soixante, quatre vingt
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 61
trois livres, six sols, huit deniers " "Comme le Prévôt des l'académie
Marchands et les Echevins, ajoutaient les Officiers de l'Académie, DE I724 A
veulent bien, en cas que le Concert vienne à se désunir, se charger '73
des bâtiments et dépendances en payant le montant des déboursés
suivant les quittances remises au secrétariat de la ville, les Direc-
teurs, Sindics et Officiers de l'Académie feront une reconnaissance
sur parchemin imprimé, timbré et numéroté, aux Académiciens
qui auront contribué au remboursement " LAcadémie, naïve-
ment, prévoyait pour les premières années jusqu'à cent souscripteurs,
et poussait même l'optimisme jusqu'à établir la clause suivante :
" Comme, dans la suite, le nombre des Académiciens peut
augmenter considérablement, et que les revenus de l'Académie
peuvent par conséquent suffire et au-delà pour son entretien, le
surplus des revenus sera employé au remboursement des reconnais-
sance ci-dessus faites par Messieurs les Officiers par tirage au
sort, (i) L'Académie n'eut pas, est-il besoin de le dire ? à
procéder à ce tirage Son entrée dans l'Hôtel du Concert devait
marquer pour elle le début de la gêne financière et des expédients.
L'Académie, d'ailleurs, ne fut pas très satisfaite de son hôtel.
La salle du concert en effet " était sans résonance, les sons n'y
rendaient point, et les amateurs de la musique, les citoyens zélés
pour les établissements distingués de leur patrie, cherchèrent avec
le plus vif empressement à remédier à un inconvénient aussi
désagréable ". Cette fâcheuse acoustique engagea un Académicien,
à qui nous avons emprunté les lignes précédentes, à rechercher les
causes de ce défaut et les moyens de le faire disparaître : cet
Académicien, Joannon de Sfc Laurent, avait fait des recherches sur
les échos : il étudia soigneusement les proportions de la salle, et
remarqua que " l'on entendait beaucoup mieux à la tribune qu'aux
balcons, et qu'aux balcons il y avait peu de différence de la façon
dont on entendait sur le niveau de la salle ", et arriva à conclure
que l'on pourrait améliorer l'acoustique de la salle grâce aux
(i) ^Mémoires concernant les emprunts et remboursements qui seront faits par les
Académiciens des Beaux-Arts^ pour parvenir à l'entière construction du bâtiment pour le
Concert (Arch. mun. dossier de l'Académie.)
62 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie réparations suivantes : changement du pavé de brique, toujours
de 1724 a mouillé par l'humidité du terrain ; changement de la disposition
l7$ du plafond; démolition de la tribune et des balcons; établissement
d'une voûte sous la salle, et construction d'un orchestre de pierre.
Ces vœux, exprimés dans un mémoire présenté en 1739 à
l'Académie des Beaux-Arts (1), ne purent, faute d'argent, être
pris en considération ; on ne fit pas, sauf en 1761 (2), de répara-
tions à la salle, qui resta peu favorable aux exécutions musicales.
Nous ne savons à peu près rien de la vie artistique de l'Aca-
démie, de 1724 à 1736. Pendant la construction de l'Hôtel de la
place des Cordeliers, les Concerts durent continuer dans l'ancienne
salle du quai S* Clair ; il semble que la construction fut lente (3),
et que l'inauguration n'eut pas lieu avant 1726. A la fin de cette
année, une note du Mercure de France nous l'indique assez
vaguement :
" L'Académie des Beaux-Arts qui fait un corps à part de l'Académie
des Sciences et des Belles-Lettres, vient de finir le superbe édifice destiné pour
les Conférences. Les Concerts qu'on donne toutes les Semaines, deviennent
de jour en jour plus parfaits, par le soin qu'ont les directeurs de faire venir
de toutes parts les meilleurs Musiciens. Le Public attend, par la perfection
de la Musique, que les autres Arts, qui sont l'objet de cette Académie,
auront bientôt leur tour, et qu'elle deviendra enfin une Ecole des plus
habiles gens dans tous les genres. " (4)
Cette note nous indique aussi la transformation que peu à peu
subissait l'Académie : l'élément professionnel et payé tendait de
plus en plus à remplacer les amateurs chez qui se ralentissait
l'ardeur pour la musique — ce decrescendo est de tradition dans
(1) Mémoire de Joannon sur F Application des principes du système des échos à la salle
du Concert de la Fille de Lyon, présenté à l'Académie des Beaux-Arts le 16 mars 1739
(Mss acad. N° 12 1, p. 35-40.) Ce mémoire fut relu à l'Académie, le 5 août 1739,
en présence de Barnier et Genève, Officiers du Concert, invités à cette occasion.
(2) Du 5 janvier 1 75 1, "mandement de 1.100 livres pour Cannac, trésorier
du Concert, payées à Page, charpentier, pour réparations et constructions faites à
la Salle du Concert. " (Arch. mun. BB. 317, f° 9).
(3) Toutes les quittances d'ouvriers, maçons, tailleurs de pierre, ou autres, sont
conservées aux Archives municipales, (dossier de l'Académie).
(4) Mercure, décembre 1726, p. 2939.
Façade de la Maison du Concert
Projet de Pietra Santa
(Archives municipales)
A
Partie AU D IX- H U ITI È M E SIÈCLE 63
les institutions artistiques lyonnaises — et qui peu à peu " se faisaient l'académie
une peine d'être confondus avec des musiciens à gages (1). DE *724
Nous avons dit déjà que Bergiron du Fort Michon avait l73
renoncé dès 171 8 à la direction des symphonistes et des chœurs de
l'Académie ; mais il resta officier du Concert, d'abord inspecteur,
ensuite, et jusqu'à sa mort, bibliothécaire. David et Villesavoye lui
avaient succédé comme maîtres de musique. En 1726, Villesavoye
signa, comme batteur de mesure, un engagement de neuf années
conservé dans les Archives municipales (2). Cette pièce est fort
intéressante : elle nous montre que l'Archevêque de Lyon protégait
toujours l'Académie, elle nous est une preuve de l'introduction dans
le personnel instrumental des musiciens de profession salariés, et
elle nous renseigne sur les fonctions du maître de musique du
Concert. En voici le début :
" Je, soussigné, Paul Villesavoye, maître de musique, offre à Mon-
seigneur l'Archevêque et à Messieurs les Officiers de l'Académie des
Beaux-Arts de battre la mesure dans le concert qui s'exécute un jour
de chaque semaine dans leur salle de la place des Cordeliers, comme aussi
de me trouver aux Règlements des concerts qui se font chaque mois, de
visiter quand il sera nécessaire les Académiciens et Académiciennes qui
auront besoin de mon ministère pour pouvoir répéter et exercer ce qu'ils
auront à exécuter, et généralement de faire tout ce qui dépendra de moi
pour la plus grande perfection des concerts.
" J'offre encore d'assister et de battre la mesure aux répétitions qui
seront ordonnées par Messieurs les Officiers, d'avoir soin et de répondre
en mon propre et privé nom des partitions, des copies tant d'opéra que de
motets qui me seront remis par le bibliothécaire, dont je me chargerai par
écrit à mesure qu'elles me seront remises.
" J'offre encore et m'engage de faire venir en cette ville Dlle Suzanne
Palais ma femme deux mois après ses prochaines couches, de la faire
chanter dans tous les rôles qui lui seront indiqués par les règlements des
concerts, de l'engager à se trouver tous les jours de concert dans la salle
pour y chanter dans les chœurs quand elle n'aura aucun autre rôle à
exécuter, et je promets enfin qu'elle donnera toute son application et ses
talents pour contribuer de sa part à la perfection des concerts, à l'effet de
quoi je m'oblige à lui faire ratifier les présentes "
(1) Mss acad. N° 157, f° 130-133.
(2) Arch. mun. dossier de l'Académie.
64 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie Villesavoye pour ce double engagement demandait une
de 1724 a pension de dix huit cents livres et la jouissance de l'appartement
l73" du premier étage de l'Hôtel du Concert. La pension devait être
augmentée de cinq cent livres dans le cas, qui ne se présenta pas,
de l'organisation de deux concerts par semaine. En cas de décès de
l'un des époux, l'engagement du survivant devait subsister avec
une réduction de six cents livres sur le chiffre de la pension. Suzanne
Palais conservait le droit de chanter en dehors du concert ; quant
à Villesavoye, il avait la liberté de battre la mesure dans les églises,
chapelles ou oratoires (1), mais non pas dans un concert public
sans permission écrite.
Ce projet d'engagement daté du 6 février 1726 fut accepté
par l'Académie, " sous le bon plaisir de Mgr l'Archevêque, " le
15 mars suivant. Villesavoye était dispensé de "montrer la musi-
que " aux académiciens et académiciennes. L'engagement était
fait pour neuf années à dater du Ier janvier précédent.
Quels étaient les autres musiciens de profession engagés dans
l'orchestre ou dans les chœurs ? C'étaient vraisemblablement, outre
quelques artistes de passage, des instrumentistes ou des chanteurs
de l'Opéra de Lyon ; pour la période que nous étudions dans ce
chapitre, nous avons peu de documents précis, mais il est permis
de supposer que les artistes de l'Opéra étaient heureux d'offrir
(1) Par délibération consulaire du 6 juillet 1722 (Arch. mun. BB. 285, f° 103),
le Prévôt des Marchands et les Echevins de Lyon avaient décidé la fondation d'un
salut à perpétuité en reconnaissance du rétablissement de la santé du Roi. On y devait
chanter un motet en musique, et, de 1722 à 1726, (la cérémonie était fixée au
8 août) le soin de la composition de motet avait été confié à divers musiciens. Dans
sa délibération du 19 décembre 1726. (Arch. mun. BB. 289, f° 136), le Consulat
reconnaissant " l'inconvénient de changer tous les ans de maître de musique pour la
composition du motet, ce qui donne lieu à des sollicitations embarrassantes et
contraires à la dignité des intentions qui ont donné lieu à cette fondation, choisit
Villesavoye, maître de musique de l'Académie des Beaux Arts, pour composer
annuellement ou faire exécuter le motet du 8 août. " Après le départ de Villesavoye,
cette charge resta à ses successeurs, jusqu'à l'année 1764 où le motet fut supprimé
par les Lettres-Patentes réorganisant le Consulat et ordonnant des économies. Les
frais de cette cérémonie annuelle, pour la partie musicale, s'élevaient à 2000 livres
environ (Arch. mun., délibérations consulaires, registres de 1 75 1, f° 105; 1755,
f0 142; 1757» f0 I09; !759> f0 I04; 1761, f° 93 ; Ï762» fo ^5 ; i763> f0 J39)-
Partie AU DIX- H U ITIÈ M E SIÈCLE 65
leurs services au Concert. Le Grand-Théâtre était, en effet, fort l'académie
mal dirigé par une femme de mœurs douteuses, la Desmarais, qui DE !724 A
n'était, maintenue à la tête de l'exploitation de l'Académie de !736
musique qu'en raison de sa liaison avouée avec le Prévôt des
Marchands Camille Perrichon. A plusieurs reprises, de 1725 à
1738, le spectacle avait dû être suspendu faute d'argent pour payer
la troupe, en dépit des subventions assurées par le Consulat (1).
Choristes, solistes du chant, ou instrumentistes de l'orchestre,
n'avaient d'autre ressource que de jouer ou chanter aux séances de
l'Académie des Beaux-Arts. Et l'on dut entendre alors, aux con-
certs hebdomadaires, des chanteurs tels que Villiers, du Bourg, les
demoiselles Monville, Gaumenil ou Tulou. D'ailleurs, une délibé-
ration du Consulat nous montre que, dès l'année 1732, théâtre et
concert avaient des instrumentistes communs. A cette époque en
effet nous trouvons la trace de l'engagement simultané d'un
violoniste lyonnais à l'Opéra et à l'Académie. Ce violoniste, c'était
Jean Marie Leclerc ou Leclair le second, dont la personnalité n'a
été mise en lumière que récemment (2). Ce Leclair le second est
celui que les principaux historiens ont prénommé, nous ne savons
pourquoi, Antoine-Remy ; il était le frère cadet de Jean Marie
Leclair l'aîné, le célèbre violoniste et compositeur, qui vécut à
Paris.
Jean Marie Leclair le second, né à Lyon le 23 septembre
1703, s'était d'abord fait connaître comme violoniste dans sa ville
natale. Puis, l'Académie de Besançon, fondée en 1726, l'engagea
comme premier violon, et une délibération du Consulat de cette
(1) Arch. raun. série BB, passim.
(2) Sur Jean Marie Leclerc le second et sa famille, v. deux études de M. Lionel
de la Laurencie : Jean Marte Leclair /'aîné (Recueil trimestriel de la Société internationale
de musique, janvier 1905J et Jean Marie Leclair le second (Courrier musical Ier juillet
1905J; v. aussi l'article de M. Georges Tricou sur Les Leclair [Revue musicale de Lyon
du 5 mars 1905). Il est impossible de justifier le choix d'une des orthographes
Leclair , Le Clair, Leclerc ou Le Clerc ; toutes se trouvent dans les états civils des divers
membres de la famille. Ainsi l'acte de mariage d'un des frères Leclair est rédigé au
nom de Le Clerc, et signé Antoine Leclair et Pierre Le Clair. (Reg. paroissiaux de
S1 Nizier, 30 janvier 1730). Les actes consulaires orthographient généralement Le
Clerc.
66 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie ville, le 14 juillet 1732, lui assura une pension de cent cinquante
de 1724 a iivres (j). Le Maire et les Echevins de Besançon lui firent même
l7?> des propositions très avantageuses pour l'engager pendant toute sa
vie. Alors le Consulat lyonnais, en décembre 1732, lui fit écrire
" pour lui représenter son dessein de le rappeler dans sa patrie,
et de l'y conserver en lui assurant une pension viagère pour
contribuer à sa dépense annuelle ; à quoi le dit sieur Le Clerc,
ayant répondu d'une manière très convenable, et s'étant rendu
en cette ville, avait offert ses services au public, sous telles
conditions que le Consulat jugerait à propos de lui imposer "
En conséquence, l'administration municipale décida de faire
à Le Clerc une pension viagère de 300 livres à compter de
Noël 1732, "à la charge de rester attaché au service de la
Ville et de l'Académie des Beaux-Arts tant qu'elle susbsistera
en convenant de ses appointements avec Mrs les Officiers ; comme
aussi de continuer ses soins pour l'éducation des enfants de la Ville
et même des Etrangers dans l'art de jouer du violon, dont il a
acquis une connaissance parfaite, qui lui peut être aussi utile dans
la ville de Lyon que partout ailleurs ; toutes lesquelles conditions
ayant été acceptées par le dit sieur Le Clerc, il a très humblement
remercié le Consulat d'avoir bien voulu contribuer à le rendre à
sa famille et à sa patrie, en le faisant renoncer à des avantages
étrangers qui le flattaient bien moins que l'honneur que le Consulat
veut bien lui faire dans cette occasion (2) "
Huit ans après, Leclair était récompensé de son assiduité au
(1) Arch. communales de Besançon. Cf. Auguste Castan, Notes sur ï 'histoire
municipale de Besançon ; Besançon, 1898.
(2) Arch. mun. BB. 297, f° 73. Comme on le verra ci-dessous, Leclair cadet ne
quitta plus Lyon. C'est vraisemblablement de son frère Pierre, né en 1709 et marié
en 1730 avec Suzanne Biolet, qu'il s'agit dans cette phrase de Y Académie de musique
de Moulins au XVIIIe siècle par E. Bouchard :
" Le 16 août 1736, Leclair et sa femme venant de Lyon sont engagés au prix
unique de 600 livres... " {Réunion des St& des Beaux Arts des départ. Tome XXV,
1897, P- 592).
Un Leclair, violon, faisait partie en 1762 de l'Académie d'Orléans (Id. XXI,
p. 788).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 67
Concert et à l'Opéra. Une nouvelle délibération consulaire, prise l'académie
en 1741, nous apprend les faits suivants : DE *724 A
1736
" Le sieur Leclerc a bien voulu s'engager pour premier violon dans
Lorquestre de l'Opéra, en sorte que son talent à jouer du violon, avec une
perfection qui lui attire journellement des applaudissements, ne laisse rien
à désirer au public à cet égard ; un pareil talent est un objet considérable
pour le soutien du Concert et de l'Opéra de cette ville, puisque, par ses
soins, la symphonie est bien plus régulièrement exécutée dans l'un et dans
l'autre ; d'ailleurs il forme journellement des jeunes gens de famille dans
l'art de jouer du violon, de manière que l'on peut dire que les personnes
de tout âge profitent de l'habileté du sieur Le Clerc (1)"
Le Consulat tint à " assurer à la ville un si bon sujet et à
l'engager à fixer son séjour pour longtemps. " Aussi augmenta-t-il
sa pension annuelle de deux cent livres, " à la charge par lui de ne
point quitter cette ville et de continuer à jouer du violon tant au
Concert que dans l'orquestre de l'Opéra tant que les deux établis-
sements subsisteront ; de laquelle augmentation de pension viagère,
le dit sieur Le Clerc a très humblement remercié le Consulat et a
promis d'exécuter la présente délibération en tout son contenu,
suivant sa forme et sa teneur.... "
Les registres des délibérations consulaires nous signalent aussi
la présence parmi les pensionnaires de l'Académie des Beaux-Arts,
d'une chanteuse professionnelle, nommée Marguerite Huguenot.
Engagée depuis plusieurs années au Concert, où elle " partageait
les premiers rôles à la satisfaction de tous les académiciens et du
public, " elle fut sollicitée, en 1737, d'aller à Paris pour entrer
dans la musique de la Reine et à l'Académie royale de musique.
Elle offrit alors au Concert de Lyon de rester dans notre ville " s'il
plaisait au Consulat d'assurer son état et de le fixer de manière
qu'en cas que par des événements imprévus l'Académie vint à
cesser, ou qu'elle perdit sa voix, " elle n'ait pas à regretter sa
détermination. Le Prévôt des Marchands et les Echevins délibérè-
rent à ce propos, et reconnurent que les qualités et la voix de la
Huguenot étaient supérieures à celles de tous les sujets qui s'étaient
(1) Arch. mun. BB. 306, f° 95-96.
68 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie présentés jusqu'alors pour entrer à l'Académie, et que l'excellente
de 1724 a artiste serait difficile à remplacer. Ils décidèrent en conséquence de
:73" lui garantir, pendant le reste de sa vie, et quoi qu'il arrive, la
pension de mille livres que lui versait l'Académie (1). Cette
subvention déguisée, nous le verrons plus loin, fut continuée à
l'Académie même après le départ de la cantatrice pour Paris.
L'Académie avait depuis un an à peine la jouissance de son
Hôtel, quand elle dut, par suite du mauvais état de ses finances,
le vendre à la Ville. La construction avait coûté cinquante mille
livres au lieu de trente mille, et les fonds nécessaires avaient été
avancés par le trésorier de l'Académie. Dans l'impossibilité où ils
se trouvaient de rembourser ces avances, les Officiers de l'Académie
proposèrent au Consulat d'user de suite de la faculté qu'il s'était
réservée d'unir et incorporer au patrimoine de la ville les construc-
tions, en payant vingt-cinq mille livres ; mais, en raison des frais
réels, supérieurs aux devis primitifs, le Concert, " qui emploie tous
ses soins et ses attentions pour rendre ses exercices de plus en plus
utiles et agréables au public, " demandait quarante mille livres au
lieu des vingt-cinq mille proposés. Le Consulat ne crut pas inutile,
à cette occasion, de visiter officiellement l'Hôtel du Concert ; il
reconnut les avantages et les agréments de l'Académie, et l'utilité
pour la ville de s'assurer sans retard la propriété d'un " fonds
considérable ejt bien placé. " Il accepta donc l'acquisition proposée,
mais au prix de vingt-cinq mille livres seulement ; il laissait à
l'Académie la libre disposition à perpétuité du bâtiment et la
faculté, pendant quinze années, de racheter l'immeuble. (2)
Il est inutile de remarquer que jamais l'Académie n'eut la
possibilité financière d'user de son droit de rachat. Bien au
contraire : ses difficultés s'accrurent chaque année. A la fin de
l'année 1727, lorsque le trésorier Quinson rendit ses comptes, il
établit qu'il avait fait vingt quatre mille quatre cent dix sept livres
d'avances à la Compagnie. De cette somme, la plus grosse part
(dix-sept mille livres) était le résidu des dettes de la construction ;
(1) Arch. mun, BB. 302, f° 69.
(2) Délibération consulaire du 1 1 juillet 1727 (Arch. mun. BB. 291, f° 105.)
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 69
le reste provenait des dépenses ordinaires. L'Académie décida de l'académie
rembourser immédiatement deux mille quatre cent dix sept livres DE x724 A
et de considérer les vingt deux mille livres restant comme emprunt z73"
à cinq pour cent (1). Deux ans plus tard, elle dut avoir recours
de nouveau à la générosité du Consulat, en exposant ainsi ses
doléances :
" Quelque soin que les directeurs et officiers de l'Académie se soient
donné pour soutenir et pour perfectionner le Concert, il ne leur a pas
encore été possible d'éviter que la dépense annuelle n'excède la recette,
quoiqu'ils avoient lieu d'espérer que n'ayant rien épargné pour attirer à
Lion les sujets les plus propres à plaire au public, et à rendre le Concert
un des plus beaux du royaume, les citoyens s'empresseroient davantage de
contribuer à le soutenir.
" Mais comme la difficulté des temps et la crainte de s'engager dans
les dettes anciennes de TAcadémie retiennent encore plusieurs personnes
de s'y associer, les Directeurs et Officiers n'ont plus de moyen pour le
soutenir ni pour payer des dettes échues et exigibles, si le Consulat n'a
pas la bonté de faire de nouveaux efforts pour éviter la chute d'un
établissement aussi honorable et dont tous les Etrangers paraissent aussi
surpris que satisfaits "
Le Consulat ne résista pas à ce navrant exposé. " Ayant
considéré que la suppression des Concerts serait déshonorante pour
une grande ville, et fort désagréable aux personnes qui ont du
goût pour la musique, et qui l'entretiennent à la faveur de cet
établissement, " il accorda pour six années une subvention annuelle
de deux mille livres, et laissa à l'Académie la permission de
recevoir le tout ou partie par anticipation suivant ses besoins (2).
L'Académie toucha aussitôt et d'un coup les douze mille
livres, subvention pour six années ! Dix huit mois plus tard,
elle se plaignit de nouveau au Consulat, car elle avait " la douleur
de voir que la dureté des temps ayant suspendu le zèle et l'émula-
tion que les honnêtes gens devraient avoir pour s'associer dans cette
compagnie, " il ne lui était plus possible de soutenir l'établissement
(1) Extrait de la délibération de l'Académie des Beaux-Arts du 29 décembre
1727 (Arch. mun. dossier de l'Académie).
(2) Délibération consulaire du Ier décembre 1729 (BB. 293, f° 154).
70 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie artistique du Concert, si le Consulat ne consentait à continuer
de 1724 a pendant quelques années encore sa subvention annuelle de deux
l^^ mille livres. Le consulat se rendit sans hésitation à l'invitation de
l'Académie : il prorogea, pendant six années à dater du Ier janvier
1735, la jouissance des deux mille livres accordées en 1729, et
renouvela l'autorisation du paiement de la subvention par antici-
pation.
Quelques jours après, c'est-à-dire au mois d'août 1 73 1 , l'Aca-
démie touchait, en une fois, les douze mille livres dont le dernier
versement aurait dû être fait seulement huit années plus tard, en
1739..... (i)
C'était, on le voit, la grande détresse financière.
De la vie artistique du Concert pendant cette période, il ne
nous est resté, en dehors des vagues indications du catalogue de la
bibliothèque, que le souvenir de quelques fêtes ou cérémonies.
L'une date du 4 octobre 1727 et nous est indiquée parla relation
manuscrite d'un Père Cordelier de St Bonaventure :
" Les musiciens de la ville, raconte ce religieux, voulant offrir, à
Monseigneur l'Archevêque, un bouquet le jour de sa fête, ils choisissent
notre église, et, le jour de S* François d'Assise, ils firent célébrer une basse
messe au maître autel pendant laquelle on exécuta un motet à grand chœur
et une grande symphonie ; on avoit préparé en face de l'autel un prie dieu
couvert d'un tapis de velours avec des coussins, où se plaça Monseigneur
qui, avant la messe, eut la complaisance de monter dans la chambre du
Père Michel, et d'y recevoir de ses mains un bouquet fait de différents
coquillages de mer et représentant des fleurs naturelles (2). "
" Les musiciens de la ville " étaient sans doute, pour le bon
Cordelier, les symphonistes et chanteurs de l'Académie.
Une autre messe en musique fut chantée, l'année suivante,
dans la grande salle de l'Hôtel-de- Ville, pour rendre grâces à Dieu
du rétablissement de la santé du Maréchal de Villeroy (3). L'exé-
(1) Délibération consulaire du 14 août 1731 (BB. 295, f° 94.)
(2) Evénements particuliers arrivés au Couvent de S1 Bonaventure depuis l'année
1720. (Mss de la Ville de Lyon, Fonds général, n° 1423, p. 46).
(3) Arch. mun. BB. 292, f° 80.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 71
cution, en raison des bons rapports du Consulat et de l'Académie, l'académie
avait été certainement confiée à cette dernière. DE i724 A
Au cours de cette même période, l'Académie des Beaux- Arts r736-
perdit ses deux protecteurs : le Maréchal de Villeroy, mort en 1730,
et l'Archevêque de Lyon mort en 173 1 (1). La Compagnie, qui
devait tant à ces deux princes, ne pouvait manquer de faire chanter
des messes solennelles pour le repos de leurs âmes. Le 7 août 1730,
elle fit célébrer dans l'église des Pères de S* Antoine un service au
cours duquel fut exécutée la Messe de Gilles " dont la musique est
des plus parfaite " (2) ; la messe fut chantée par les académiciens
mêmes, placés dans la grande tribune. Cette même messe fut
chantée, sous la direction de Villesavoye, au cours de la grande
pompe funèbre de l'Église de la Charité, le 1 5 septembre sui-
vant (3). A cette époque d'ailleurs, "il ne se faisait presque point
de service funèbre en musique où l'on n'exécutât la messe de
Gilles (4). Nous n'avons pas trouvé de documents sur les céré-
monies funèbres organisées par l'Académie en l'honneur du prélat
qui s'était mêlé si intimement à sa vie artistique.
Enfin, en 1735, l'Académie vit partir son maître de musique,
Villesavoye, dont l'engagement était terminé. Villesavoye fut
nommé aussitôt à la cathédrale de Strasbourg (5). Il fut vraisem-
(1) Les publications de l'Académie, comme la Chasse dont nous avons parlé plus
haut, portaient, sur un frontispice, orné d'une mitre et d'une couronne ducale, l'épi—
praghe : " Auspiciis Villaregiorum. "
(2) Grisard : Documents pour servir à l'histoire du Couvent des Carmélites... ; Lyon,
Pitrat, 1887, p. 61.
(3) Description de la Pompe funèbre (Mss fonds général n° 1463, f° 225). —
Archives de la Charité, E. 613. — Arch. mun. BB. 294, f° 191 et 205.
(4) Sentiment d'un harmoniphile sur divers ouvrages de musique; Paris, I y 57>
P- 15-10-
(5) Le {Mercure de juin 1736 contient un air noté de "M. de Villesavoye,
maître de Musique de la catédrale de Strasbourg. " Villesavoye mourut à Strasbourg
en 1760. Dans son ouvrage Beitrage zur Geschichte der tMusik im Elsass und besonders
in Strassburg...; Strasbourg, Dannbach, 1840. J. F. Lobstein indique (à tort) l'année
1738 comme date de l'entrée en fonctions de l'ancien musicien lyonnais, et donne
sur lui les renseignements suivants : "De Villesavoye (Paul), geb. 1683, starb nach
einer Geisteszerrtttung am 28 Mai 1760 ; er dirigierte am 5 Oktober 1744 die grosse
Musik bei gelegenheit der Ankunst Ludwigs XV in Strassburg. "
72 LA MUSIQUE A LYON
l'académie blablement remplacé par Estienne, l'ancien batteur de mesure de
de 1724 a l'Académie des Jacobins, qui occupa son nouveau poste pendant
I736- quatre ans à peine (1).
(1) C'est ce qui semble résulter d'une délibération consulaire du 30 décembre
1741 (Arch. mun. BB. 306, f° 185-189), signalant une délibération de l'Académie
des Beaux-Arts du 29 novembre 1739, qui accordait une pension de retraite à Estienne.
IV
L'Académie de 1736 a 1759
En 1736, comme nous l'avons indiqué dans notre introduction,
l'Académie des Beaux-Arts se transforme complètement.
Les amateurs ne prennent plus part à l'exécution des
concerts (1), et, pour occuper leurs loisirs, songent à faire les
conférences sur les Beaux-Arts prévues dans les statuts de 1724.
L'Académie est donc formée dès lors de deux groupes tout-à-fait
distincts : d'une part, les Académiciens qui se réunissant, chaque
semaine une fois, pour discuter des questions artistiques et scienti-
fiques ; d'autre part, le Concert, administré et entretenu par les
Académiciens, mais dont les auditions hebdomadaires sont confiées
exclusivement à des musiciens de profession. De loin en loin
pourtant, quelques amateurs, chanteurs ou instrumentistes se firent
entendre.
Ce changement dans le recrutement des instrumentistes dut
amener des modifications profondes dans la composition de l'or-
chestre : les violons prirent définitivement la place des pardessus
(1) Vers la même époque, une transformation analogue s'opéra au Concert de
Bordeaux. Dans la lettre à Christin que nous avons citée dans le premier chapitre,
Sarrau écrivait, le 12 août 1738 : " Le Concert de l'Académie de Bordeaux est devenu
un concert public comme le vôtre. Ce n'est plus l'Académie qui s'en mêle. Mais j'ai
continué d'en faire un avec mes amis où l'on n'exécute que de la musique italienne.
Nous avons des sujets formés dans ce genre pour le chant et les instrumens, qui s'en
acquittent assez bien..." Certains Concerts d'autres villes, dès le début n'avaient été
composés que de gagistes: ainsi celui de Marseille où "les particuliers n'osaient s'exercer
à la musique à cause du grand nombre d'auditeurs qui leur en ôtaient la liberté. "
(Mss acad. n° 263, f° 1 1 1 et suiv.)
6
74 LA MUSIQUE A LYON Premier*
l'académie de viole ; les violes en général disparurent, et le violoncelle, qualifié
de 1736 a pourtant à cette époque encore de "misérable cancre, hère et
r759 pauvre diable (1), le violoncelle s'installa dans les basses ; la
contrebasse elle même fit son apparition (2). " Le luth, le théorbe,
si nobles et si propres à l'accompagnement " (3) furent supprimés.
L'orchestre se débarrassa de tous les instruments parasites que la
vanité artistique de certains académiciens imposait inutilement ;
ses éléments furent réduits de moitié, mais la qualité des exécutions
musicales ne perdit rien à cette diminution. Les chœurs surtout
furent vraiment décimés, puisque, à la place des nombreux acadé-
miciens et académiciennes qui formaient un groupe plus élégant
et gracieux que sonore, chantèrent les seuls pensionnaires de
l'Académie, au nombre d'une vingtaine, comme nous le verrons
plus loin. (4)
L'histoire du Concert pendant cette période n'est encore que
l'histoire de ses difficultés financières et de ses expédients. En
1738, Marguerite Huguenot se retire à Paris où elle est appelée
dans la musique de la Reine : aussitôt les Officiers de l'Académie
représentent aux Echevins qu'il est indispensable de remplacer
cette artiste par " un ou deux sujets capables de soutenir le Concert,"
et qu'ils ne peuvent le faire que si la Ville leur laisse la jouissance
de la pension de mille livres accordée à la Huguenot ; du reste,
ajoutent-ils, " ce n'est pas une dépense nouvelle pour la Ville, et,
si l'Académie manquait de fonds pour se soutenir, elle serait
toujours obligée d'avoir recours aux bontés et à la générosité du
Consulat. " Et le Consulat, " voulant donner de plus en plus des
marques de son affection pour le soutien d'un établissement conve-
nable dans une grande ville, " décide le maintien de la pension qui
aidera l'Académie à former de bons sujets et à faire vivre le
Concert (5). Cet état financier de la société musicale était la fable
(1) H. Le Blanc, Dèfence de la basse de Viole...
(2) Un inventaire des meubles de l'Hôtel du Concert, fait en 1756, signale
l'existence de " deux contrebasses avec leur étui de sapin. "
(3) Bollioud-Mermet, De la Corruption du goust dans la musique française.
(4) Etat des pensionnaires de l'Académie en 1757 et 1765.
(5) Délibération consulaire du 30 décembre 1738 (BB. 303, f° 176).
1759
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 75
de la ville ; on chansonnait l'Académie, et on proposait mille l'académie
moyens humoristiques DE x73° A
Pour prévenir la décadence
Du Concert toujours en balance.
Pour lequel depuis si longtems
On cherche des expèdiens ;
Voulant lui donner la ressource
Qu'il na pu trouver dans la bourse
De tant de protecteurs divers, (i)
L'année 1741 devait voir la débâcle financière. Le 30 décembre,
en effet, le Prévôt des Marchands et les Echevins délibérèrent
longuement au sujet de l'Académie, et les registres consulaires ont
conservé l'exposé navrant et confus de la situation du Concert, que
nous allons résumer. (2)
L'Académie des Beaux-Arts ou ses créanciers étaient dans le
dessein d'user de la faculté qui leur avait été réservée par la
délibération consulaire du 1 1 juillet 1727, faculté, pendant l'espace
de quinze années, de racheter l'Hôtel du Concert en remboursant
les vint cinq mille livres versées par la municipalité. Mais ce rachat
ne pouvait que grossir les dettes de la Société : or, celle-ci n'avait
fut aucune épargne depuis l'année 1727. C'était dans l'espérance
du contraire que le Consulat n'avait pas jugé, quatorze ans plutôt,
de liquider entièrement l'Académie, et s'était contenté de rem-
bourser vingt-cinq mille livres au lieu des quarante mille demandées:
grâce à cette économie de la Ville, les dettes du Concert avaient
augmenté sans cesse tant par le payement des intérêts que par
l'augmentation des appointements donnés aux pensionnaires. Ainsi,
malgré différentes libéralités du Consulat, elles s'élevaient alors à
la somme considérable de quarante et un mille livres. L'Académie
ne voyait de solution à cette situation déplorable que dans l'autori-
sation que pourrait lui donner le Consulat d'aliéner tous ses biens
mobiliers et l'immeuble même du Concert. La proposition, on
(1) Extrait d'un Brevet de la Calotte au sujet des bals du Concert de Lyon : Mss de
la Ville de Lyon, Fonds général, n° 1503, f° 185-186 (sans date).
(2)BB. 306, f° 185-189.
76 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie l'avouera, était singulièrement audacieuse, puisqu'elle consistait à
de 1736 a vendre au profit de l'Académie la maison du Concert, acquise par
1 759 la Ville de Lyon quelques années auparavant. Il n'apparaît pas que
les Consuls lyonnais aient été choqués par cette étonnante propo-
sition. Ils considérèrent simplement ces étranges représentations
comme "assez importantes". Accepter l'offre du Concert, pensèrent-
ils avec bienveillance, c'était anéantir sans ressources un établisse-
ment qui avait déjà occasionné à la Ville et aux Académiciens des
dépenses considérables ; d'ailleurs, quand même ils l'accepteraient,
la Ville ne serait pas remboursée des vingt-cinq mille livres qu'elle
avait versées pour l'acquisition de l'immeuble, puisque, malgré le
prix des constructions (55.719 livres), on ne pouvait espérer les
vendre à ce prix en raison des frais nécessités pour les transformer
en appartements privés. Il sembla plus convenable au Consulat de
se charger de l'entière liquidation de l'Académie en acquérant tous
ses effets mobiliers ; de la sorte, la Ville, devenue propriétaire,
pourrait faire, dans l'administration de la Société, les modifications
nécessaires pour éviter de nouvelles dettes. A la suite de ces consi-
dérations, le Prévôt des Marchands et les Echevins prirent les
décisions suivantes : la Ville achetait, moyennant quarante et un
mille livres, tous les droits et propriétés sur le bâtiment et ses
dépendances, et sur les effets du Concert ; les magistrats municipaux
étaient déclarés inspecteurs généraux et perpétuels de la Société ;
la Ville se chargeait du payement du cens et de la pension due aux
Cordeliers, ainsi que d'une pension viagère accordée par l'Académie
à Estienne, ancien maître de musique ; le Concert devait remettre
chaque année au secrétariat de la Ville l'inventaire des œuvres
musicales nouvellement acquises ou copiées, et, deux fois par an, au
Ier janvier et au Ier juillet, la feuille des pensionnaires, avec le
montant de leurs appointements ; deux fois par an aussi, le trésorier
de l'Académie devait soumettre l'état des recettes et des dépenses
du Concert ; enfin, les délibérations précédentes accordant une
pension annuelle de deux mille livres étaient annulées, tandis que
la pension de mille livres, accordée le 30 décembre 1738, était
maintenue.
Partie AU D I X- H U ITI È M E SIÈCLE 77
Ainsi, la ville achetait pour la deuxième fois une maison dont l'académie
elle était pourtant propriétaire, et qui, avec quelques meubles et DE z73^ A
partitions, lui coûtait soixante six mille livres ! Et, du même coup, r759
elle inaugurait, dès l'année 1742, le système de la régie municipale
appliquée à une entreprise artistique. Elle n'eut, pas plus que les
municipalités du xxe siècle, à se louer d'un essai prématuré de
socialisation dont les effets pourtant devraient être heureux. Il
semble d'ailleurs que le plus parfait désordre n'ait cessé de régner
dans les rapports du Consulat avec le Concert : c'est ainsi que les
inventaires de la bibliothèque et des meubles du Concert ne furent
fournis que beaucoup plus tard, l'un en 1754, l'autre en 1756.
Nous consacrerons à la bibliothèque un chapitre spécial ; quant à
l'inventaire du mobilier de la société (1), nous en relèverons de
suite certains détails qui peuvent nous intéresser. Il avait été évalué,
en 1727, à douze mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf livres : le
28 décembre 1756, on l'estima à treize mille cinq cent livres.
Dans la salle de la bibliothèque et des assemblées étaient : douze
armoires contenant partitions et archives, la traditionnelle "grande
table avec ses allonges et le tapis vert pour les assemblées " — car
cette salle servait aux réunions de la Société Royale — , " un
clavessin fait par Donzelague avec son pupitre, " sur les cheminées
" deux tableaux peints en camayeux, l'un représentant Apollon et
les Muses assemblées sur le Parnasse, et l'autre Minerve dans un
cabinet. " Dans les deux pièces de l'entresol : deux tableaux repré-
sentant les premiers protecteurs de l'Académie, le Maréchal de
Villeroy et son fils l'Archevêque, "le portrait de Lully en estampes
gravées par Edelinck dans un cadre doré et un verre devant, " " un
choriste à soufflets de quinze pouces de long pour fixer le ton au
concert, deux contrebasses avec leur étui de sapin, une trompette
marine avec son étui, une haute-contre de violon, un violon, une
trompette d'Allemagne. " Dans la grande salle : " l'orquestre de la
composition ou de l'invention du Sr Coignet, un clavessin par
Donzelague avec son pupitre, 20 pupitres en place et 16 pupitres
(1) Arch. mun. Dossier de l'Académie de Concert : inventaire du 28 décembre
1756, établi par Coignet (sur Coignet, v. chap. la Bibliothèque du Concert).
78 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie ambulants, 30 sophas garnis et couverts en toile verte, dont dix
de 1736 a dans les balcons, neuf chaises couvertes en toile verte.... 12 chaises
1759 garnies en paille, 168 chaises qui sont ambulantes dans les salles et
les balcons ; " ces derniers détails nous renseignent approximative-
ment sur la contenance de la salle de concert. L'éclairage était
assuré par " 7 lustres de bohème taillés à 8 lumières, et 2 girandoles
à 1 1 lumières. " A cette époque, l'Académie n'avait pas encore
acquis l'orgue qui, plus tard, devait être utilisé si souvent.
Aussitôt après la délibération municipale de 1741 , les Officiers
du Concert rédigèrent une circulaire pour informer les Académi-
ciens de la décision et des libéralités du Consulat. (1) Ace" faire-
part, " ils ajoutèrent les lignes suivantes soumettant les projets de
la Société :
"...Pour ne pas rendre infructueuse la bonne volonté du Consulat, et
trouver les moyens, après avoir liquidé le Concert, d'en assurer la conti-
nuation, ce qui ne peut être qu'autant que les Citoyens, amateurs des
Beaux-Arts et de la musique, voudront y contribuer de leur côté pour
les dépenses annuelles, l'on a cru devoir faire part des bonnes intentions
de la ville à tous ceux qui ont composé et composent actuellement le Con-
cert.... et les inviter à signer au bas du présent avertissement, pour
servir d'assurance qu'ils continueront pendant trois années, ou deux années
au moins, à être du Concert sur le pied de cent livres pour mari et femme
et leur famille, ou de soixante livres pour les garçons. Il est absolument
nécessaire que Mrs les Officiers du Concert, qui regardent le parti qu'on a
proposé comme l'unique qui puisse l'assurer pour toujours, sachent à quoi
s'en tenir : ainsi l'on prie ceux à qui le présent avertissement sera remis de
le renvoyer.... avec leur signature en bas qui tiendra lieu d'engagement... ;
ayant été délibéré qu'au cas que l'on ne puisse pas compter sur 80 per-
sonnes à 100 livres et 70 personnes à 60 livres, pour fournir chaque année
à la dépense du Concert, suivant l'état réduit qui en a été arrêté, on cessera
au Ier Octobre prochain l'exécution des concerts, jusqu'à ce qu'on puisse
avoir les soumissions qu'on demande, sans quoi on ne peut s'assurer de la
(1) A vrai dire, cette circulaire fut envoyé dans le courant du mois de septembre
1741, c'est-à-dire plus de trois mois avant la délibération officielle du Consulat. Mais,
dans l'Assemblée générale du Concert tenue le 23 août, le Prévôt des Marchands et
les Echevins avaient accepté le principe de la liquidation de la Société " pour se
conformer aux vues de Mgr le duc de Villeroy, qui a toujours accordé une pro-
tection singulière à cet établissement, et pour donner aux citoyens des marques de
leur attention dans tout ce qui les intéresse. "
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 79
réussite de ce projet. Si le nombre ne se trouve pas rempli d'ici au tems l'académie
fixé, on rendra les engagements à ceux qui les auront donnés, et l'on n'en de 1736 a
fera aucun usage qu'autant que le Concert subsistera. " 1 759
Nous verrons tout-à-1'heure que cette circulaire, dont un
exemplaire a été conservé dans la grande bibliothèque de Lyon
sous le numéro 109.893, nous indique approximativement le
budget de l'Académie du Concert en 1742. Constatons auparavant
que cette acquisition du Concert par la ville entraîna la séparation
des deux groupes formant depuis 1736 l'Académie des Beaux- Arts.
Dans les registres des procès-verbaux des Conférences académiques,
on trouve, à la date du 21 février 1742, la note suivante: " Jusques
à présent, les intérêts de l'Académie et ceux du Concert étaient
joints ensemble, tant pour les Lettres-patentes que pour la dépense
nécessaire pour ses assemblées académiques et le logement : mais
M" du Consulat ayant fait acquisition, pour la Ville, vers la fin de
l'année dernière, des bâtiments, papiers et autres effets du Concert....
les intérêts de l'Académie se trouvent aujourd'hui entièrement
séparés de ceux du Concert..." Cette séparation, confirmée officiel-
lement plus tard, par l'attribution du titre de Société Royale à la
section des conférences de l'Académie des Beaux-Arts, fut fort
heureuse. Elle coupait court à différents inconvénients. L'état
financier du Concert pouvait empêcher certains amateurs de fonder
des prix à l'Académie, et surtout les Académiciens n'appartenant
qu'à l'un des deux groupes croyaient pouvoir user des avantages de
chacune des Académies : " Le Concert ne subsistait qu'au moyen
d'une contribution personnelle et d'une somme que donnait chaque
Académicien ; il n'y entrait, des habitants de la ville, que ceux
qui payaient et les étrangers gratis ; l'Académie [section des
conférences] n'obligeait à aucun payement, et on y était reçu à
proportion du talent ; il résultait de l'union que ceux qui payaient
pour le Concert se croyaient en droit d'assister aux séances de
l'Académie et ceux de l'Académie au Concert sans payer, ce qui
formait toujours des contestations... (1) "
(1) Lettre au Procureur Général du 22 août [1748]. Arch. mun. Dossier de
l'Académie des Beaux-Arts.
8o LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie D'après la circulaire que nous avons citée, les recettes néces-
de 1736 a saires à l'entretien du Concert, représentées par la cotisation de
l759 cent quarante Académiciens payant soixante livres pour une seule
personne ou cent livres pour une famille, se montent à douze mille
deux cents livres par an. Ce chiffre fut sans doute atteint pendant
les trois premières années de la nouvelle combinaison financière, et,
joint à la subvention de mille livres, il suffit aux dépenses. Mais,
le Consulat se voit bientôt obligé de combler le déficit de l'exploi-
tation : c'est ainsi qu'en 1745,11 est remis à Chanorier, trésorier de
l'Académie des Beaux-Arts, plus de quatre mille livres " accordées
pour contribuer aux frais nécessaires et indispensables à ladite
Académie et au payement de ceux qui exécutent la musique et la
symphonie (1) ". L'année suivante, c'est une nouvelle subvention
supplémentaire de près de trois mille livres (2). Pendant l'hiver
1747- 1748, le déficit s'aggrave, et, par ordre de Mgr de Villeroy,
le Concert est suspendu pour quelque temps (3).
De telles dépenses ne sont pas les seules qui incombent à la
Ville devenue propriétaire de l'entreprise musicale. Le Consulat
se voit obligé de servir des pensions à quelques-uns des meilleurs
artistes de l'Académie. Nous avons déjà signalé la pension de Jean-
Marie Leclair le second. Les registres consulaires nous indiquent
encore que des pensions furent accordées à deux artistes connus :
le compositeur Grenet et la cantatrice Selim.
François-Lupien Grenet, sur qui Fétis était mal renseigné (4),
était né à Paris ; il fut reçu enfant de chœur à la Sainte-Chapelle, le
19 août 1705, alors que Nicolas Bernier y était maître de musique.
Il quitta son service avant que son temps fût expiré (5). Nous ne
(1) Arch. mun. BB. 311, f° 93 et 117.
(2) Arch. mun. BB. 312, f° 12.
(3) Lettre citée au Procureur général.
(4) Dans sa Biographie des musiciens, Fétis fait mourir Grenet en 1761, à Paris
(Grenet mourut en 1753) et indique l'année 1759 comme date de l'apparition
d'Apollon, berger a" Admet e : cette date est celle de la représentation de l'œuvre à Paris.
De Lajarte, dans sa Bibliothèque musicale de l'Opéra (Paris 1876), t. Ier p. 240,
déclare qu'il ignore la date d'Apollon.
(5) Archives nationales : Registres de la Sainte-Chapelle (Communiqué par M.
Michel Brenet.)
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 81
savons rien de sa jeunesse. En 1737, il fit représenter à l'Opéra de l'académie
Paris le Triomphe de V Harmonie ; il était alors, d'après le privilège DE I73^ A
de cette œuvre, changeur à Paris où il habitait "rue et vis-à-vis x759
de la Monnoye, au change du Roi. " Son œuvre lyrique fut repré-
sentée à Lyon en mai et juin 1740 ; en 1745, il y ajouta un acte
sous le titre <iApollon, berger cTiAdmete (1). Grenet, rapporte un
acteur nommé Marignan, qui le connut beaucoup, " était un homme
très vif, plein du génie de son art.... grand harmoniste, de plus
homme d'esprit (2)."
En 1739, Grenet était à Lyon, et, le 3 décembre de cette
année, le Consulat lui accordait une pension annuelle de trois cents
livres, ** à la charge pour le musicien de rester et résider en cette
ville, de donner tous ses soins aux Ecoliers et Ecolières qui voudront
apprendre la musique, la prononciation, et la propreté du chant ".
Grenet succédait ainsi, comme professeur officiel de musique, aux
sœurs Hullot dont l'une, Angélique, venait de mourir, et l'autre,
Gabrielle, ne pouvait plus chanter et devait se contenter de
" montrer à jouer du clavessin ". Cette délibération, qui substituait
en outre Grenet à Gabrielle Hullot, après le décès de celle-ci, pour
u^ supplément de pension de trois cent livres (3), nous apprend
que Grenet, maître de musique à Paris, avait été appelé à Lyon
par les Consuls, et qu'il avait " donné des preuves de sa capacité,
de ses talents, et de son goût pour la musique et pour le chant, ce
qui se trouve conforme à la réputation qu'il s'était acquise dans la
capitale ". La petite pension qui lui était accordée avait pour but
de " contribuer à son établissement et de le dédommager en partie
des dépenses qu'il serait obligé de faire pour faire venir sa famille,
(i) " Apollon, berger cC Admet e, nouvel acte adjouté au Triomphe- de V Harmonie,
dédié à Messieurs du Consulat de Lyon..." Paris, Boivin, et Lyon, chez l'auteur, 1745.
(2) " Eclaircissements donnés à Fauteur du Journal encyclopédique sur la musique du
Detin du yillage, par le sieur de Marignan, comédien"; Paris Vve Duchesne, 178 1,
in-8°. Cité par M. Arthur Pougin dans /./. Rousseau musicien ; Paris, Fischbacher,
1901, p. 82-84.
(3) Grenet ne put profiter de ce supplément de pension, car Marie-Gabrielle
Hullot "fille native de Paris" ne mourut que le 21 septembre 1772, à l'âge de 92
ans (Registres paroissiaux de S4, Nizier).
82 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie indépendamment des autres avantages qu'il pourra trouver dans
de 1736 a l'Académie des Beaux-Arts et dans l'Académie royale de musique(i)".
J759 Grenet trouva de suite, au Concert, les avantages que prévoyait
cette délibération. Nul document ne nous permet de fixer la date
de sa nomination comme maître de musique de l'Académie, poste
qu'il devait occuper jusqu'à sa mort (2), mais il est vraisemblable
qu'il succéda immédiatement à Estienne qui, nous l'avons vu, fut
mis à la retraite au mois de novembre 1739. Le Concert de Lyon
devait profiter avec empressement de la venue d'un maître de
musique parisien dont une œuvre dramatique avait été représentée
avec succès à l'Académie royale.
Quant à la demoiselle Selim, elle avait chanté peu de temps,
en 1738, au Concert Spirituel de Paris, puis était venue s'installer
à Lyon. Elle avait été bientôt engagé à l'Opéra de notre ville pour
remplir les premiers rôles, et, dès l'année 1740, elle avait été
admise à chanter au Concert " où elle donna tous ses soins pour
remplir ses engagements ". Ses appointements étaient modiques, et,
au début de 1744, elle se proposait de quitter Lyon, pour " profiter
des offres qu'on lui faisait d'un établissement avantageux dans
l'Opéra et le Concert de Bordeaux. " C'est alors que 1 administration
municipale pensa qu'il était indispensable " de conserver en cette
ville un sujet tel que la dite Dlle Selim dont la voix et les talents
peuvent être également utiles et nécessaires et agréables, soit au
Concert et à l'Opéra pour contribuer aux délassements et aux
plaisirs des citoyens ". Il fut convenu alors entre le Consulat et
l'artiste que celle-ci resterait à Lyon pour chanter à l'Opéra et au
Concert aux appointements convenus entre elle, la Ville et le
directeur de l'Opéra ; que " lorsqu'elle aurait des appointements à
l'Opéra, ceux du Concert seraient diminués à proportion, sans que
néammoins la dite diminution puisse avoir lieu lorsqu'il y aura
seulement la comédie en cette ville " ; que, dans le cas où il n'y
aurait ni Concert ni Opéra, elle pourrait se retirer à condition de
revenir au premier avertissement ; enfin, que " pour engager ladite
(1) Arch. mun. BB. 304. f° 131.
(2) Almanachs de Lyon, 1 742-1 753.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 83
Dlle Selim d'exécuter les conditions, et en y satisfaisant par elle l'académie
régulièrement pendant quatre années commencées le premier DE T73^ A
janvier 1744", le Consulat lui accorderait une pension de six cent *759
livres " alimentaire et non saisissable tant et si longuement qu'elle
vivrait, quand même elle viendrait à perdre sa voix (1) ".
L'année suivante, l'Opéra de Lyon avait fermé ses portes, et
la Selim, par ce fait, vit ses appointements très réduits, à une
époque " où toutes choses nécessaires à la vie et à l'entretien ont
considérablement augmenté de prix " ; elle eut de nouveau recours
au Consulat, et s'engagea à chanter au Concert moyennant un
traitement fixe de dix-huit cents livres qui pourrait être réduit de
huit cents livres au cas de la réouverture de l'Opéra. De plus, la
pension de six cents livres promise l'année précédente lui devait
être servie de suite (2). Enfin, trois ans plus tard, par un acte du
2 mai 1748, cette pension était portée à mille livres (3).
A cette époque, les pensionnaires de l'Académie des Beaux-
Arts, tous ou presque tous, faisaient partie de la troupe de l'Opéra.
Les principaux étaient alors les demoiselles Selim et Jacquet, et
les sieurs Fontenay, Desormeaux, Gouget, Arthaud, Pinet et
Besson. Nous savons qu'ils chantaient au Concert, grâce à un
précieux " tableau de répétitions " que nous avons trouvé, en
établissant le catalogue du fonds musical du Palais des Arts, dans
une partition du ^haéton de Lully (4). Ce tableau est une feuille
écrite, croyons-nous, de la main de Grenet, maître de musique, et
indiquant le détail de la répétition préparatoire au concert du
mercredi 24 janvier 1742. En voici la transcription complète :
Phaeton. Prologue entier.
Astrée, MUe Selim. Saturne, M. Fontenay.
On passe au prélude en geresol mineur, page 79 de l'acte 2e.
Mérops, M. Desormeaux... "roys qui pour souverains daignez me
(1) Arch. mun. BB. 310, f° 30.
(2) Arch. mun. BB. 311, f° 36.
(3) Arch. mun. BB. 314, f° 67.
(4) Cette partition porte actuellement le n° 35 du fonds musical du Palais des
Arts. C'est un exemplaire de la première édition de Phaèton.
84 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie reconnoître " jusqu'à la page 106, de la on passe à l'acte 4e page 139 à la
de 1736 a ritournelle en Befasi bémol.
1759 Le rôle de l'automne pour M. Gouget qui dit, "C'est par vous o
soleil etc ".
Le soleil, M. Besson. Phaéton, M. Arthaud jusqu'à la fin de l'acte
icompris le chœur qui dit " allez répandre la lumière ".
Le motet Super flumina babilonis.
M. Besson, " Illic sedimus " au milieu du chœur.
M. des Ormeaux, " In salicibus in medio ejus ".
M. Pinet, " quia illic himmum cantate ".
M. Fontenay, "Si oblitus fuero ".
Mlle Jaquet, " Memor esto domine ".
M. Fontenay, "Et beatus qui retribuit", dans le chœur.
Pour en faire la répétition dimanche prochain 21 de ce mois 1742.
Il faudra le mettre dans chaque partie.
Cette simple feuille de papier nous est très précieuse. Elle
nous indique d'abord ce que furent pendant longtemps les pro-
grammes de l'Académie : deux " numéros ", extrait d'opéra et
motet à grand chœur (1) ; disposition typique que nous retrou-
verons dans les premiers programmes que les Petites ^Affiches nous
ont conservés (1759). Elle nous montre ensuite comment on
pratiquait ces extraits d'oeuvres dramatiques : que les lecteurs
qu'intéressent vivement les questions musicales d'autrefois, consul-
tent la première édition de Phaéton et se rendent compte du choix
fait par Grenet.
Nous avons aussi quelques renseignements un peu précis sur
la vie musicale de l'Académie des Beaux-Arts en 1744. C'est
pendant cette année là que les deux célèbres violonistes Mondonville
et Guignon firent à Lyon le séjour indiqué par Daquin dans ce
passage fort connu de ses Lettres sur les hommes célèbres :
" Il y a quelques années que Mrs Mondonville et Guignon voyagèrent
et se firent entendre ensemble à Lyon et dans d'autres villes. Les duo
qu'ils exécutoient étoient des airs simples et connus, mais qui, embellis
sous leurs doigts, prenoient tout ce brillant qui en impose et qui éblouit.
Les stras artistement montés n'ont-ils pas le coup d'œil des diamans ? Ces
(1) Une partition en extrait de Dardanus porte aussi l'indication manuscrite
suivante : " Eglé des Talens Lyriques, Confitemini de La Lande pour le 6 mars ".
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 85
deux hommes célèbres revenus à Paris où l'on est avide de nouveautés, l'académie
n'ont pas moins surpris par ces petits morceaux délicatement tournés que de 1736 a
par l'union qui régnoit entre eux. Ils ont le même talent, et ils étoient 1759
amis (1) ".
Le séjour des deux virtuoses est indiqué aussi dans un livre
de raison du xvme siècle, celui de J. Ch. Dutilleu (2). Dutilleu,
qui fit partie comme secrétaire de l'administration du Concert en
1752 (3), notait sur son journal de famille, au mois d'Août 1744,
au moment de la révolte des ouvriers en soie : " Pour moi, n'ayant
à jouer aucun rôle dans ces événements, j'essuyai assez courageuse-
ment un siège de deux heures, tandis qu'un nommé Guignon et le
violoniste Mondonville prêchaient les rebelles dans la rue... (4) ".
Guignon et Mondonville prêchant les grévistes lyonnais du xvme
siècle, voilà, certes, un détail piquant qui a échappé aux biographes
des deux célèbres artistes !
Ce que fut le répertoire de Guignon et de Mondonville, nous
ne le savons que par le témoignage de Daquin, mais nous verrons
au début du prochain chapitre que quelques amateurs réactionnaires
s'indignèrent vivement des audaces novatrices des brillants virtuoses.
Ceux-ci ne jouèrent pas qu'au Concert ; ils prirent part à d'autres
fêtes musicales. C'est ainsi que deux relations contemporaines nous
apprennent qu'ils se firent entendre dans des églises de Lyon : le
16 août, " Mre les Académiciens du Concert firent célébrer dans
l'église de Saint-Antoine, en action de grâces de la santé du Roy
recouvrée, une messe basse pendant laquelle on chanta le Te Deum
à plusieurs chœurs de musique, après lequel on exécuta une
symphonie où le Sr Guignon, excellent violon de chez le Roy, se
(1) Daquin, Lettres sur les hommes célèbres dans les Sciences, les Lettres et les Arts
sous le règne de Louis XV; Amsterdam et Paris, 1752. p. 134.
(2) Breghot du Lut, Le Ihre de raison de J. C. Dutilleu... ; Lyon, Mougin-
Rusand, 1886. Dutilleu était le père de Pierre Dutillieu cité par Fétis.
(3) Id. p. 33 et Almanach de Lyon de 1752.
(4) Id. p. 32. L'ouvrage imprimé porte le nom de Guignar, au lieu de Guignon.
Mais c'est là évidemment une erreur de copie : M. Bréghot du Lut, qui publia le
Livre de raison de Dutilleu, nous a déclaré lui-même que le manuscrit était difficile
à lire et que des erreurs d'orthographe ont pu se produire dans la transcription.
86 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie distingua... (i) " Quinze jours plus tard, le 31 août, au salut
de 1736 a solennel célébré chaque année, depuis 1722, dans la chapelle des
T759 Jésuites, pour le rétablissement de la santé du Roi " on exécuta en
musique un motet de la composition du sieur Mondonville, fameux
violon de la musique du Roi, qui fut accompagné du sieur
Guignon, premier violon de la Chapelle du Roi... (2)" Ainsi,
Grenet avait cédé à Mondonville le fructueux honneur de composer
le motet annuel, réservé, comme nous l'avons vu, depuis l'année
1726, au maître de musique de l'Académie des Beaux- Arts.
D'autres documents signalent la part prise par l'Académie à
certaines réceptions ou fêtes officielles au cours de la même année
1744. Le 19 février, lors de son passage à Lyon, Dom Philippe,
Infant d'Espagne, " honora de sa présence l'Académie du Concert
où l'on exécuta une musique choisie et de goût, dont le Prince
fut très satisfait (3) "; "le concert ne dura qu'une demi-heure : la
musique lui en parut admirable et bien exécutée (4) ". Quelque
temps après, l'Infante, duchesse de Parme, de passage dans notre
ville, refusa les distractions habituelles, et ne voulut ni bal ni
comédie ; " on y suppléa par une illumination générale, une messe
en musique où l'on exécuta un motet de Grenet musicien lyonnais,
et où chanta Mlle Selim, cantatrice renommée (5)."
Si Guignon et Mondonville furent longuement fêtés à Lyon,
on peut supposer que bien d'autres virtuoses de passage durent se
faire entendre au Concert. Les programmes des séances que nous
possédons depuis 1759 nous montrent que sans cesse des artistes
étrangers étaient invités. Un des plus célèbres violonistes du xvnr3
siècle dut se faire entendre quelquefois : Jean-Marie Leclair l'ainé
(1) Relation en forme de journal des fêtes et réjouissances qui ont été faites à Lyon
pour le rétablissement de la santé du Roy ; Lyon, 1744.
(2) Récit de ce qui s'est passé de plus remarquable à Lyon pendant P année 1744;
Lyon, 1744.
(3) Almanach de 1745.
(4) Arch. mun. BB. 310, f° 54.
(5) Manuscrit de la bibliothèque de Lyon, disparu, mais analysé par Delandine
sous le n° 1312 (Delandine, ^Manuscrits de la bibliothèque de Lyon... ; Paris et Lyon,
18 12, 3e volume).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 87
dont toute la famille était restée à Lyon, dont deux frères, Jean- l'académie
Marie et Pierre, et le père lui-même (1) faisaient partie de l'orchestre DE '73° A
du Concert. Il était très naturel que les Officiers de l'Académie 17$9
profitassent de ses voyages dans notre ville pour faire entendre un
Lyonnais de grande réputation. Du reste, le Journal de Trévoux
signale expressément les succès de Leclair l'aîné à Lyon (2). Les
Petites Affiches de Lyon, de l'année 1750, qui ne donnent pas
encore les programmes du concert de chaque semaine, notent le
passage de plusieurs virtuoses. Le 16 mai 1750, "les sieurs
Chinzer et Vestri, musiciens de Mgr le duc de Modène, ont
exécuté un Concert de plusieurs pièces de musique italienne, un
Concert de trompettes, un de flûtes traversières, et plusieurs
grandes symphonies à grand chœur ". Le 29 juillet, " les sieurs
Rucker et Hericourt, musiciens allemands, ont donné un grand
concert de symphonie, où ils ont exécuté différens morceaux avec
basse, basson, flûtes et hautbois. Le sieur Dilesius a joué un concerto
de cor de chasse ". Le 6 août " deux musiciens étrangers ont
exécuté un concerto de flûte et de hautbois, avec une chasse ".
Le 23 septembre enfin, " le Sieur Marmini a exécuté plusieurs
Concerto et Sonnâtes de basson ; et Mrs les Musiciens de la ville
ont donné plusieurs symphonies et autres morceaux de musique.
Mlle Selim y a chanté. La signora Angelica Saiz, musicienne de
S. A. R. le Prince Charles de Lorraine, a chanté un air italien (3)".
Ces quatre derniers concerts, relatés par les Petites Affiches,
seul journal de l'époque, ne faisaient pas tous partie des séances
régulières de l'Académie ; l'un d'eux, même, celui du 6 août, fut
donné au Théâtre après deux comédies. Mais il est probable que
les artistes et virtuoses de passage à Lyon se faisaient entendre de
préférence à l'Académie, puis, en cas de vif succès, organisaient
(1) Antoine Leclair le père, d'abord maître passementier, était "symphoniste"
dès 1730 (Reg. de la paroisse St. Nizier, mariage de son fils Pierre, également "sym-
phoniste de cette ville", 30 janvier 1730) ; un état des pensionnaires du Concert en
1757 porte les noms de Leclair père et des frères Leclair (Jean-Marie le second et
Pierre).
(2) Journal de Trévoux, décembre 1746, I, art. cxxxi, p. 2629-2652.
(3) Annonces, affiches et aYis dhers, 1750 : 20 mai, 4 et 18 août, 29 septembre.
88 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie une séance à leur bénéfice, au Théâtre ou ailleurs. Un document
de 1736 a assez inattendu, trouvé dans la Correspondance municipale, peut
l7$9 justifier cette hypothèse (1). Il nous montre aussi que le Consulat,
en dehors des subventions attribuées au Concert devenu municipal,
savait encourager par des cadeaux les meilleurs virtuoses.
Nous ne savons presque rien du personnel du Concert avant
1757. Nous avons indiqué déjà les noms de Leclair le second, qui
occupa le poste de violon solo du Concert jusqu'à sa mort, de
MIle Selim, cantatrice, et de Grenet, maître de musique. Les
Petites (^Affiches du 1 8 août 1750 nous signalent le nom du violoniste
Carminati qui, à cette époque, donna un concert à son bénéfice :
" Samedi 1 5 août, il y a eu un Concert accordé au sieur Lorenzo
Carminati, violon de l'Académie des Beaux-Arts de cette ville, qui
a commencé par une grande Symphonie ; le sieur Carminati y a
exécuté un Concerto et deux Sonates; Mademoiselle *** a chanté
une ariette italienne, accompagnée du Sr Carminati. On a exécuté
quelques Trios nouveaux, et le Concert a été terminé par un
concerto de cor de chasse exécuté par le sieur Dilesius ".
Carminati était un Vénitien dont le nom figure, dès 1753,
comme maître de violon sur les Almanachs de notre ville. Il était
professeur de musique à l'Académie du Roi, école pour la noblesse.
Burney, lors de son voyage à travers la France, l'Italie et l'Alle-
magne, l'entendit à Lyon en 1770. et écrivit: "Le premier
violon de cette ville est un vieux Vénitien nommé Carminati. C'est
un des premiers écoliers de Tartini (2) ". Carminati se fit entendre
(1) Arch. mun. AA. 142. Lettre de La Rochette au Prévôt des Marchands
alors à Paris (ier décembre 1757) : " Mlle Lepry, italienne, à qui vous avez permis de
donner un concert dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville, le donnera lundi prochain;
elle me rendit hier visite avec M. Soubry [alors directeur du Concert] pour engager
le Consulat à y assister; je témoignai à Soubry que, tandis que nous n'allions point au
spectacle ordinaire qui mérite d'être soutenu, et que nous nous en abstenions par des
vues d'économie, il ne conviendroit pas de paroître en corps dans un spectacle pas-
sager ; il m'ajouta que Mlle Lepry devoit chanter au Concert de la place des
Cordeliers et que toutes les fois que des gens de talent y avoient paru, vous leur aviez
donné une récompense ; il fut convenu entre lui et moi que j'aurois l'honneur de
vous en écrire pour suivre ce que vous régleriez à cet égard..."
(2) Burney, De l'Etat présent de la musique... (traduction française) ; Genève, 1809.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 89
en soliste au Concert de Lyon ; il eut même l'honneur de jouer au l'académie
Concert Spirituel de Paris en 1753 (1). Sa renommée ne l'empêcha DE *73° A
pas de vivre assez misérablement, puisque, le 10 mars 1762, on '59
saisissait ses meubles et ses effets pour payer ses petites dettes de
ménage (2). Il avait un fils également violoniste. Le musicien
Dilesius, qui prêtait son concours au concert du 15 août 1750, et
aussi à celui du 29 juillet précédent, était un Lyonnais, professeur
de cor de chasse et pensionnaire du Concert.
Les Archives municipales nous indiquent encore le nom de
deux pensionnaires de l'Académie en 1752 : la demoiselle Bon et
le sieur Touchain dont les engagements ont été conservés (3).
Nous reproduisons en fac-similé celui de Touchain. La demoiselle
Bon était " reçue pensionnaire pour partager les premiers rôles
[évidemment avec la Selim], et chanter les seconds " à dater du
Ier avril 1752, aux appointements de mille livres par an. Une
clause de cet engagement indique que la cantatrice faisait partie de
la troupe du Grand-Théâtre (4). Touchain fut engagé à dater du
Ier décembre de la même année jusqu'à la Pâque suivante " pour
chanter la haute-contre dans les premiers, seconds rôles et aussi
dans les chœurs " ; ses appointements étaient de " 72 livres par
mois, plus 30 livres pour frais de voyage ".
En 1753, Grenet mourut, et un Père Cordelier de S* Bona-
venture, à qui nous avons déjà fait plusieurs emprunts, rapporte
que l'Académie fit célébrer une messe solennelle à cette oocasion :
" Monsieur Grenet, maître de musique du concert étant décédé, les
musiciens de Lyon choisissent notre église pour faire chanter une grande
messe pour le repos de son âme ; plus de cent musiciens placés dans notre
chœur exécutèrent cette messe, il y avoit deux maîtres de musique qui
battoient la mesure, et malgré ce grand nombre de musiciens, cette messe
fut exécutée parfaitement bien (5). "
(1) M. Brenet, Les Concerts en France... p. 247.
(2) Arch. départ. C. 269.
(3) Arch. mun. Dossier de l'Académie des Beaux- Arts.
(4) Une demoiselle Bon faisait partie dès 1739 de la troupe de l'Opéra de Lyon.
(5) Evénements particuliers... de S1 BonaVenture (Mss de la grande Bibliothèque de
Lyon, n° 1423.) p. 88.
9o
LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie
DE I736 A
1759
ACADEMIE ROYALE
DES BEAUX ARTS.
L
CONCERT.
ES Dire&eur, Infpe&eur & Officiers de l'Académie des
Beaux Arts, dans leur Aflèmblée w^^/rO- — -de ce jour,
fur le rapport de M. Çokff&tt *z*~~£ tu/a* /^> Infpedeur^O
& après avoir examiné 'oLc/lc^ut- £ct£f/>a*uS> — —
l'ont reçu en qualité de Penfîonnaire pour cAavtZîa ô*d atU*-rfntÀLZ5—
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à commencer àw ^'^em'teo- VeouuJtQ m&&tyt &»**!(£„*„*«&-*
&C lui ont accordé la fbmme dc/M^va*t t£_j <uTb#u%f é^tsA^ltaJ-itt^l^
h - / 1 annuellement , qui lui fera payée «taMBBBMMfo— fa-»?! la
a«/^ir^..ucharge par te diA-<*y ££*&-> ■»_ . de fe conformer aux Régle-
c U LyJU*.- mens , Se de rendre la copie du préfènt Engagement, qui lui fera
r fTfT~" délivrée par le Secrétaire de l'Académie, lorfqu'il ceflèra d'avoir Ç' /md<^>
y>i*i»J%<eliJieVi> lequel a été fait pouni^^^^^^^/^ofâuf à le '-%*'/ """
7
^v^^^prolonger à l'expiration; fi les Parties en conviennent. En foi
&b yv^âc quoi lefdits Sieurs Officiers ont figné avec d.OiJL-c/?*''^ <uo6a*>n^
A Lyon, ce vl^uy%^u^J^y2^^^^e.^7 t> Z
Extrait du Re^ifirt de f Actic'm'it , fcl. 3p itïivrt' ptr Nçut Sicrittht fouflignt.
Engagement du chanteur Touchain à l'Académie des Beaux-Arts en 1752
(Archives municipales).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 91
A Grenet succéda un nommé Mangot, sur la carrière duquel l'académie
nous ne savons presque rien. Sans doute était-il ce Jacques-Simon DE r73° a
Mangot, qui, en 17 18, avait une charge de hautbois et musette de x?59
Poitou, et qui, en 172 1, était symphoniste de la Grande Ecurie (1).
Beau-frère de Rameau (2) (Rameau avait en effet épousé en 1726
Marie-Louise Mangot), il était, en 1749, tout-à-la fois directeur
et acteur du Grand-Théâtre de Lyon où il fit représenter le
Triomphe de Vénus, ballet héroïque de sa composition (3). En 1756,
il avait déjà quitté Lyon. Si nous nous en rapportons au témoignage
de l'acteur Marignan, Mangot n'aurait pas succédé immédiate-
ment à Grenet. Un maître de musique nommé Mathieu Bellouard
aurait fait l'intérim (4).
Mathieu Bellouard, plus connu sous le nom de Mathieu,
était maître de musique vocale à Lyon dès 1740. Il avait été
batteur de mesure à l'Opéra lyonnais et intéressé dans la direction
des spectacles. S'il occupa le poste de maître de musique au Concert,
ce ne fut que pendant quelques mois, car l'Almanach de 1754
indique déjà Mangot comme titulaire de cette fonction. Il
avait composé pour le Concert trois motets à grand chœur, et
deux divertissements le Triomphe de la Constance et X Amour vain-
queur. Une seule de ces œuvres, le motet Dominus regnavit, a été
conservée ; c'est une composition assez faible d'inspiration, mais
correctement écrite. De Mangot, aucune œuvre ne fit partie de la
bibliothèque du Concert ; pourtant un motet fut composé par lui,
en 1755, pour le salut solennel du mois d'août (5).
Le successeur de Mangot comme directeur de l'Académie
devait garder son poste pendant près de dix années. C'est André-
Louis Le Goux dont le nom n'est pas inconnu, car, associé avec son
(1) L. DE Laurencie, Quelques documents sur J. P. Rameau et sa famille (S. I. M.
du 15 juin 1907) et M. Brenet, Notes et croquis sur J. P. Rameau et sa famille
{Guide musical^ 1899).
(2) et (4) Eclaircissements... sur la musique du Devin de Village, p. 82-84.
(3) Mangot, Le Triomphe de Venus, ballet héroïque représente par 1 Académie de
musique de Lyon au mois de septembre 1749 ; Lyon, 1749.
(5) Arch. mun. BB. reg. de 1755, f° 142. Mangot toucha 2.000 livres.
92 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie frère cadet Claude, il tint dès 1757 un des principaux magasins de
de 1736 a musiqUe de Lyon (1).
*759 André-Louis Le Goux était né vers 1723 (2). Fils d'un
maître écrivain, il enseignait la composition, le goût du chant et la
flûte. Il sollicita et obtint en 1756 la place de maître de musique
de l'Académie. Une lettre de lui signalant au Consulat sa nomina-
tion a été conservée ; nous la transcrivons ci-dessous :
" Attaché au Concert depuis 24 ans (3) avec de très petits appointe-
rons, j'ai travaillé à acquérir des talens qui puissent me procurer un
établissement solide pour l'avenir ; mon attachement pour ma patrie m'a
empêché de chercher ailleurs des avantages plus considérables ; j'ai attendu
avec patience un événement favorable ; le départ de M. Mangot a laissé la
place de maître de musique vacante ; Mrs les Officiers du Concert viennent
de me l'accorder; mais la situation des finances de cette académie n'ont pas
permis à Mrs les directeurs de me donner les mêmes appointemens dont
jouissoient mes prédécesseurs ; ils m'ont offert une diminution de plus de
la moitié en me faisant espérer de l'honneur de votre protection le6
avantages dont Mrs du Consulat ont honoré cette place ; j'ai tout
accepté, mon attachement pour l'Académie me fait fermer les yeux sur
mes propres intérêts. Je n'ai plus rien à désirer si vous daignez, Monsieur,
m'honorer de votre protection ; j'ai composé un Domine sahum pour le
Vœu de la Ville, au jesuiste, le huit du mois d'aoust prochain. Je vous
supplie de m'honorer de vos ordres pour cette cérémonie ; j'emploierai
tout ce que mon zèle m'inspire pour m'acquitter de cette fête avec la
même attention dont mes prédécesseurs m'ont donné l'exemple... ' (4)
(1) Les affiches de Lyon publièrent très souvent, à partir de 1757, la liste des
nouveautés musicales en vente chez les frères Le Goux.
(2) Nous n'avons pas retrouvé son acte de baptême. Le Goux épousa Marie-
Antoinette Desvignes dont il eut plusieurs enfants. Deux de ses filles, Marguerite et
Suzanne moururent en avril 1766 (Reg. de S1 Nizier) ; une autre devint religieuse de
Ste Claire en 1775 (Arch. départ. H. 57). Son fils, Claude-Louis, fut une victime de
la Révolution : il fut tué, le 20 septembre 1793, à l'âge de trente ans, par un éclat
de bombe, place du Petit-Change (Actes de décès, 1793).
André-Louis Le Goux mourut le 24 avril 1765, à l'âge de quarante-deux ans
(Reg. de S* Nizier). Les frères Le Goux, à la mort de leurs parents, héritèrent d'une
rente de l'Aumône Générale (Arch. Charité E. 848 n° 1).
(3) On le voit, Le Goux avait fait partie du Concert dès son enfance ; il est
d'ailleurs indiqué, sur les Almanachs, comme professeur, depuis 1736.
(4) Arch. mun. Dossier de l'Académie des Beaux-Arts. — Le Goux obtint,
comme ses prédécesseurs, la commande du motet annuel de 1756 à 1763, et reçut
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 93
Si nous ignorons à peu près complètement les noms des l'académie
pensionnaires de l'Académie des Beaux-Arts jusqu'en 1756, par DE J73" A
contre nous possédons la liste complète des membres de l'orchestre '59
et des chœurs pour l'année 1757. Cette liste nous l'avons décou-
verte d'une façon inattendue (1), et nous la reproduisons ci-dessous :
1757. Liste des pensionnaires du Concert de l'Académie
des Beaux-Arts :
M. Legout
MIle Andro (?)
M.
LoiSEAU
MUe Selim
M. Drougeon
M.
Petit
Mlle Faure
M. Furin
M.
Rousset
Mlle Roset
M. Castaud
M.
DlLESIUS
Mlle Cardinal
M. VlLLER
M.
Leclair père
Mlle L'Hospital
M. Valencier
M.
Guillot
M. Caillo
M. COLESSE
M.
Sembat
M. Cuinier
MM. Leclair frères
M.
Granier
M. LoBREAU
M. GlAY
M.
DoNZELAGUE
M. Philippe
M. Deloule
M.
Honns (?)
Mlle Benoit
M. Debrotonne
M.
Sauge
Mlle Chartron
M. Belouard
M.
Chiffri
Mlle Clavel
M. Legout cadet
M.
Creiser.
Mlle Chady
M. Déroche
Il y avait donc, à cette époque, outre le maître de musique,
quarante pensionnaires, dont dix femmes. Plusieurs nous sont
connus par des indications renfermées dans tes Almanachs de
à ce titre, chaque année, quinze cent ou deux mille livres. En 1764, il reçut cent
cinquante livres " en dédommagement de la musique qu'il avait préparée pour le
motet.... laquelle musique n'a pas été exécutée, le Consulat ayant jugé à propos de
faire chanter ce motet en plainchant (Arch. mun. BB. 332, fol. 161). Cette
décision avait été prise à la suite des Lettres-Patentes de 1764 imposant des
économies au Consulat.
(1) La feuille de papier portant cette liste avait été utilisée dans la reliure d'une
partition de la bibliothèque (2e concert manuscrit extrait des Ages de Campra). Nous
l'avions découverte par hasard, et nous avons pu la reconstituer après l'avoir arrachée
par lambeaux en détruisant la reliure. Par le même procédé, nous avons découvert, sur
une partition manuscrite des Caractères de la Folie de Debury, un double de l'inven-
taire des meubles du Concert établi en 1756. Singulières archives que celles du Concert!
94 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie Lyon, ou par les " distributions ' des opéras joués dans notre
de 1736 a viUe} qUe i'on avait l'habitude de reproduire sur les livrets. Nous
liW pouvons ainsi déterminer qu'il y avait dix chanteurs, dix chanteu-
ses, et vingt " symphonistes ".
En tête de la troupe chantante se trouvait encore la Selim
pourtant autorisée déjà à prendre sa retraite (1). Quelques-unes de
ses collègues professaient la musique : Mlle Cardinal (rue de Flan-
dres) enseignait le goût du chant et le clavecin ; MUe L'Hospital
(aux Chazeaux), la musique vocale française ; MUe Benoît (port
S* Clair, puis rue Basse Ville), la musique vocale française, le
clavecin et la vielle. Les chanteurs de l'Académie enseignaient
presque tous la musique vocale française. C'étaient : Caillo, Cuinier
ou Cunier (petite rue Mercière) ; Philippe (place des Carmes),
copiste de musique ainsi que l'indiquent les comptes du Concert
de 1765 ; Drougeon (rue Lanterne) ; Furin le père (près le Puits-
pelu) ; Castaud (rue Puits-Gaillot), qui devait devenir le principal
marchand de musique lyonnais ; Lobreau que nous n'avons pu
identifier (2); Vallancier (rue Pizay), qui enseignait la composition
(1) Arch. mun. Délibération consulaire du 18 juin 1754 (BB. 321, fol. 132-
133) : La demoiselle Selim a rempli ses devoirs à la satisfaction du public toutes les
fois que sa santé le lui a permis. Elle demande que, selon l'usage de toutes les
Académies et de l'Opéra de Paris, qui accordent une pension de retraite aux sujets
ayant servi pendant quinze ans, on lui donne une pension en 1756, puisque, depuis
treize ans, elle consacre " ses talents et sa jeunesse au service du Concert ". Ainsi
elle pourra se retirer dans sa famille ou ailleurs. Le Consulat décide en conséquence
que la pension de la Selim lui sera toujours continuée, et donne à l'artiste la permission
de se retirer le Ier janvier 1757.
(2) Nous avons rencontré plusieurs Lobreau au Lobereau, musiciens. Michel
Lobereau, prêtre et maître de musique, mourut le 5 mai 1758, " en l'hôtel de
M. Pupil ". On vendit ses effets pour payer ses créanciers. La vente atteignit la
somme de 197 livres (Arch. départ. C. 337). — Un autre clerc, Jean Lobreau,
originaire de la paroisse S1 André de Bordeaux, était entré le 21 mars 1739, à sept
ans et demi, à la maîtrise de la Cathédrale de Chartres d'où il sortit, tonsuré, en
1749 (Cf. Clerval, L'Ancienne maîtrise de N. D. de Chartres, p. 305). — Gabriel
Lobreau, de Bordeaux, chantait au Concert de Nantes (Cf. de La Laurencie). —
Un Lobreau débuta au Concert en 1766, et devint, comme nous le verrons, maître
de musique : Ce dernier était vraisemblablement le mari de la directrice du Grand-
Théâtre de Lyon.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 95
selon les principes de Rameau, et qui publia plusieurs œuvres (i); l'académie
enfin Colesse ou Collesse qui semble être le frère de Collesse l'aîné, DE lT$*> A
le facteur d'orgues bien connu, et le père de Collesse le neveu, *?59
organiste (2). Drougeon, Furin, Vallancier et Colesse faisaient ou
avaient fait partie de la troupe du Grand-Théâtre.
Les premiers violons de l'Académie étaient Jean-Marie
Leclair le second, dont nous avons longuement parlé, et un de ses
frères. Ce dernier est vraisemblablement Pierre Leclair, né en
17 10, et dont les affaires ne furent pas brillantes comme celles de
ses frères, puisque les registres paroissiaux de S* Nizier nous
apprennent qu'il fut enterré " par charité ' le 3 avril 1784. Les
autres violonistes ou altistes étaient : Giay (rue Buisson), marchand
de musique, et professeur de violon chez les Jésuites depuis l'année
1737 ; Deloule (rue du Bât-d' Argent), qui était aussi maître de
danse ; de Brotonne, mort en 1757, éditeur et marchand de
musique dans la grande rue Mercière, à côté de la Bannière de
France, et dont le fonds, en 1763, fut vendu par sa nièce,
Mme Grassy, aux frères Le Goux (3) ; Mathieu Bellouard, dont
nous avons déjà parlé ; Claude Le Goux (4), frère cadet et associé
(1) Vallancier habita aussi " rue de la Vieille-Monnaie, dans la maison des
dames religieuses Ursulines, où il enseigne la musique... Il publia en 1750
" L'aveuglement des hommes du siècle, troisième ode sacrée de Rousseau, tirée du psaume
Audite hcec omnes gentes ; en un Concert spirituel à grand chœur et symphonie, dédiée
à Mme Rossignol de Bernage, intendante de la Ville et Généralité de Lyon " (à Lyon,
chez l'auteur, prix 6 livres). " Les autres odes paraîtront successivement " {Affiches de
Lyon, 6 octobre 1750).
(2) Collesse l'aîné fit annoncer dans les Petites Affiches du 27 mars 1766, qu'il
était " arrivé depuis peu de temps dans cette ville pour y exercer ses talents, en
qualité de facteur et maître de clavecin ". Pourtant, dès 1754, et jusqu'en 1 77 1, un
Collesse fut chargé de l'accord de l'orgue des Jacobins, qu'avait touché Rameau.
(Arch. départ. Inventaire des Jacobins, IV. p. 169). Il n'est porté, sur les Almanachs
de Lyon, qu'à partir de 1766, comme facteur d'instruments, rue Grenette.
(3) de Brotonne est indiqué comme marchand de musique dès 1735 (Partition des
trios de Mangean édités à Paris chez Boivin, et à Lyon chez Leclerc et de Brotonne.)
(4) Claude-Marie Le Goux né le 2 décembre 1724 ; son parrain fut Claude
Le Goux, maître de musique (Registres paroissiaux de S1 Pierre-le- Vieux). Il avait
épousé une demoiselle Desvignes, sœur de la femme de son frère. Il mourut
le Ier avril 1780 (Registres paroissiaux de S* Nizier). Le Goux le cadet, nous le
verrons, succéda à son frère aîné comme maître de musique du Concert.
96 LA MUSIQUE A LYON Première
l'académie commercial du maître de musique du Concert, professeur de
de 1736 a chant, de violon et de pardessus de viole (rue de la Gerbe, puis
r759 rue de la Poulaillerie), qui fut, en 1759, adjoint à Giay comme
professeur de musique au collège de la Trinité ; Déroche (place
Louis le Grand) ; Loiseau (place des Jacobins), qui enseignait
aussi la composition.
Les violoncellistes étaient : Guillot (rue du Bât-d' Argent),
professeur de violon, violoncelle, pardessus de viole et vielle ;
Sambat et Granier. Sambat, teinturier en drap, (rue Basse Ville,
puis rue Lafont), occupait ses loisirs à enseigner la composition,
la musique vocale française, le goût du chant, le violoncelle et le
pardessus de viole ; il était professeur depuis l'année 1739 ; avant
1771, il quitta Lyon pendant quelque temps, et fit annoncer à son
retour, par les Petites ^Affiches du 10 novembre 177 1 , qu'il avait
fait pendant son absence beaucoup d'observations sur la musique
instrumentale et vocale, et qu'il avait une nouvelle méthode
beaucoup plus courte et plus intelligible que l'ancienne. Sur
Granier nous possédons des renseignements assez complets grâce
au témoignage de l'acteur Marignan (1) : D'abord musicien à
Grenoble et à Chambéry en 1750, où il avait épousé la nièce de
Legrand, (acteur de la Comédie-Française et directeur d'une
troupe de comédiens), il était venu à Lyon en 175 1. Violoncelle
au théâtre et à l'Académie, il composa, en 1757, quelques airs de
danse qui lui étaient " pour ainsi dire dictés et calqués " par
Noverre, maître de ballets. En 1760 il quitta Lyon pour entrer
dans l'orchestre de la Comédie-Italienne ; il resta peu d'années à
Paris, et revint dans notre ville, où il mourut en 1777. Ses faibles
notions de musique, reçues du fameux abbé Roussier, lui per-
mirent de composer des ballets. A ces trois violoncellistes, il faut
peut-être ajouter Leclair le père, dont nous ignorons la spécialité
instrumentale.
Petit (aux Terreaux) et Rousset (rue de la Pêcherie) étaient
les deux musiciens chargés à la fois, suivant l'usage, des parties de
(1) Marignan, Eclaircissements...
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 97
hautbois et de flûte. Le cor de chasse était joué par Dilesius (rue l'académie
Ste Catherine), que nous avons déjà vu prendre part à des concerts DE *73° A
en 1750. Au clavecin de remplissage s'asseyait Donzelague, dont I7$9
nous savons seulement qu'il était le facteur des deux instruments
portés sur l'inventaire des meubles du Concert en 1756. Des
derniers musiciens de la liste, Honns, Sauge, Chifferi et Creiser,
nous ne savons rien.
Cet orchestre de vingt musiciens était en grande partie, et
peut-être en totalité, celui de l'Opéra lyonnais.
Nous avons dû, faute de documents précis, négliger d'in-
diquer quel fut le répertoire du Concert depuis 1724 jusqu'à
1759. Important intervalle de trente-cinq années dont, au point
de vue strictement musical, nous ne savons rien en dehors des
vagues renseignements que nous fournit le catalogue de la
bibliothèque de l'Académie.
Il ne semble pas que le Concert Spirituel de Paris ait exercé
une grande influence sur le répertoire lyonnais de musique latine.
La plupart des motets célèbres furent exécutés à Lyon avant de
paraître à Paris : parmi ceux-là, on peut citer le Miserere de
Lalouette, le Confitebor de Petouille, le Te Deum de Desmarets,
et celui de Colin de Blamont. D'autres œuvres par contre furent
inscrites sur les programmes postérieurement à leurs succès à
Paris : ainsi les motets de Mondonville que le compositeur révéla
probablement lui-même aux Lyonnais à l'époque où il se fit
applaudir comme virtuose. Les maîtres de musique de la province
avaient l'habitude d'adresser leurs compositions à leurs confrères
de Lyon, et, de la sorte, apparut la musique latine du marseillais
Belissen, de Petouille, connu à Lyon avant sa nomination à Paris,
en 1727. Enfin, les musiciens de notre ville, amateurs ou pro-
fessionnels, faisaient exécuter des œuvres que peut-être jouèrent
encore d'autres Académies provinciales, mais que Paris dut
ignorer : ainsi, de nombreux motets de Bergiron, de David,
d'Estienne, de Mathieu Bellouard, de Mangot ou de Grenet. On
trouvera dans le catalogue de la bibliothèque du Concert, publié
dans notre huitième chapitre, la liste des nombreux compositeurs
98 LA MUSIQUE A LYON
l'académie qui fournirent à l'Académie son répertoire très varié de musique
de 1736 a latine : on y remarquera la place importante occupée par les
l'*9 œuvres de La Lande.
Pour la musique française, on trouve de même, à côté des
noms les plus illustres, les noms lyonnais de Bergiron, dont plusieurs
œuvres subsistent, de Bellouard, de David, dont il n'est rien resté,
et de Leclair cadet qui, seul, ou en collaboration avec un nommé
Charville, écrivit un Divertissement champêtre et le Rhône et le Saone>
malheureusement disparus. Le fonds du répertoire français était
toujours constitué par les " extraits " d'oeuvres. Nous avons déjà
indiqué, à propos du Phaéton de Lully, comment on pratiquait ces
sélections. On pourra en voir d'autres spécimens en consultant
notamment la partition de Scylla et Glaucus de Leclair l'aîné et
celle du Triomphe de l'Harmonie de Grenet. La partition de Leclair,
ainsi que le montrent de nombreuses collettes et inscriptions manus-
crites, était jouée tantôt en un, tantôt en deux concerts. Le premier
concert comprenait les parties essentielles du prologue et des deux
premiers actes précédées de l'ouverture ; le deuxième se composait
des autres actes pour la préface desquels on devait " trouver une
seconde ouverture de la composition de Mr Leclair l'Aîné ". La
partition de Grenet, reliée avec ^Apollon berger d'^idmete, est fort
intéressante, non seulement par ses coupures, mais aussi par les
nombreuses corrections, et par quelques pages manuscrites ajoutées
par Grenet lui-même : on y trouve des passages nouveaux et
inédits, tel qu'un chœur des démons (p. 13), un récit de Pluton
(p. 33), des changements dans le texte du livret (p. 61), quatre
nouvelles pages (p. 153) ; enfin la chaconne finale est allongée de
deux pages.
En extraits, apparaissaient sans doute la plupart des œuvres
françaises jouées à Paris, et, ainsi, le répertoire présentait une
grande variété dont on se rendra compte en parcourant le catalogue
de la bibliothèque.
V.
Bollioud-Mermet et la " Corruption du Goût.
L'introduction de tant d'éléments modernes dans le répertoire
du Concert rencontra bien des résistances. Il fallut compter
avec les réactionnaires artistiques qui, de tout temps, furent
nombreux et tenaces à Lyon, ville très conservatrice. Un groupe
d'amateurs de l'Académie ne pouvait admettre que la musique évoluât :
ils éprouvaient cette affreuse tristesse que bien des musiciens ressentent
en présence d'oeuvres nouvelles, neuves, et profondément différentes
des compositions qui leur sont familières. Un écrivain lyonnais,
membre des deux Académies, et dont nous aurons à nous occuper
longuement dans la deuxième partie de ce volume, prit, la parole, en
1746, au nom de ses collègues réactionnaires, et fustigea violem-
ment tous les représentants du modernisme musical, compositeurs
ou virtuoses. C'était Louis Bollioud-Mermet, qui rédigea ses
doléances dans un mémoire présenté à l'Académie sous le titre : De
la Corruption du Goust dans la Musique Françoise ( 1 ) .
Que de plaintes ! et quel réquisitoire ! Ce mémoire semble
être le type de la traditionnelle lamentation contre le progrès
artistique. " Aristoxène de Tarente faisait commencer le décadence
de la musique à Sophocle, et Platon, d'un goût plus pur, trouvait
que, depuis le vne siècle et les mélodies d'Olympe, on n'avait
plus rien fait de bon. De siècle en siècle, on a répété que la musique
(1) Lyon, de la Roche, 1746, in-12. Le manuscrit est conservé (Mss acad. 161,
F 64-71).
IOO LA MUSIQUE A LYON Première
bollioud- avait atteint son apogée, et qu'il ne lui restait plus qu'à décliner (i)
mermet Bollioud-Mermet reprit pour son compte personnel toutes les
critiques adressées de tout temps aux œuvres nouvelles, et les
CORRUPTION
du gout présenta d'une façon si heureuse que son petit volume se vendit à
un nombre considérable d'exemplaires, et que, cinquante ans plus
tard, un autre amateur de la région lyonnaise, voulant critiquer la
musique de la fin du xvine siècle et opposer sa laideur à la beauté
de la musique de l'époque précédente, ne trouva rien de mieux à
faire que de rééditer mot pour mot la Corruption du goût en rem-
plaçant simplement le nom de Lully par celui de Gluck, et le nom
de La Lande par celui de Sacchini (2) !
Nous ne croyons pas sortir de notre cadre en analysant
rapidement le mémoire de notre compatriote, seul document, pour
ainsi dire, qui nous soit parvenu concernant le goût musical à
Lyon au xvme siècle.
Le mémoire débute par les habituelles considération sur le
but de la musique. La banale théorie de l'imitation de la nature,
chère aux musiciens du xvme siècle, se retrouve dès les premiers
mots de notre compatriote, théorie essentiellement imprécise
qui fut étudiée récemment avec une grande pénétration (3). Quel-
ques amateurs déjà, à vrai dire, se lassaient des considérations
habituelles sur ce sujet, remarquaient qu' " imitation de la nature "
ne signifie pas grande chose en musique, et que de telles expres-
sions servaient simplement aux prétendus musiciens à se donner,
auprès des ignorants, quelque air de connaissance (4). Cependant,
Bollioud précisait ce qu'il entendait ainsi : pour lui, le musicien
doit exprimer avec justesse et élégance le sens des paroles s'il
(1) Romain Rolland, Musiciens d'autrefois; Paris, 1908, p. 8.
(2) Lettre sur la musique moderne par G*** M*** (Gabriel de Moyria) ; Bourg,
Dufour et Josserand, 1797. L'auteur ne dissimula même pas son larcin et déclara,
vers la fin de sa brochure qu'il avait emprunté à Bollioud-Mermet " quelques idées et
même son expression lorsqu'il avait cru ne pouvoir pas mieux dire ! "
(3) J. Ecorcheville, De Lully à Rameau (1690-1730), P Esthétique musicale;
Paris, 1906.
(4) Mercure de France, Septembre 1749, p. 58-85 : article consacré à la réfuta-
tion de l'ouvrage de Bollioud.
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE IOI
compose de la musique vocale, prêter pour ainsi dire des paroles bollioud-
aux sons et de la vie aux cordes, s'il travaille pour les instruments; MERMET
l'harmonie doit satisfaire l'oreille et être "avouée par la raison".
CORRUPTION
Et voilà le grand mot lâché ! La confiance aveugle, la foi éperdue DU GOUT#
en la raison ! L'art, si essentiellement subjectif, est traité objec-
tivement par les " musicographes " d'autrefois.
Au nom de cette raison infaillible, Bollioud déclare que le
modèle suprême de la musique théâtrale, c'est Lully ; le modèle de
la musique latine, La Lande ; les modèles de la musique instru-
mentale, Senaillé, Marais et Couperin. Ces musiciens n'ont pas
de rivaux et ne sauraient pas davantage avoir de dignes successeurs
qui n'imiteraient pas leur manière : la monotonie, le piétinement
sur place, voilà le principe qui semble se dégager des affirmations
de notre compatriote. Mais glissons sur cette première partie du
mémoire qui traite de la corruption du goût dans la composition
musicale ; la seconde partie se rapporte directement à notre sujet :
elle est consacrée à la corruption du goût dans l'exécution.
Dans l'exécution, pense notre musicographe, la corruption
est plus à craindre que dans la composition, parce qu'elle est plus
facile et à la portée d'un plus grand nombre de coupables. Bollioud
s'en prend surtout aux instrumentistes qui " pèchent le plus
souvent par la hauteur excessive du ton, par la vitesse outrée des
mouvements, et parce qu'ils dénaturent le caractère propre à
chaque instrument. ' Les instrumentistes ont élevé le diapason
normal, ce qui produit " des ébranlements plus violents, des ^
secousses plus promptes, des battements plus fréquents ", mais
entraîne une diminution de l'effet propre aux instruments et aussi
amène le déclassement des voix. Ils précipitent les mouvements,
aboutissent à une vitesse outrée, et oublient la beauté des mesures
graves et lentes. Ils dénaturent enfin le caractère des instruments.
Ici nous trouvons une critique qui mérite d'être intégralement
reproduite :
" Examinons attentivement un musicien qui joue des sonates dans le
nouveau goût, nous verrons que, des quatre cordes de son violon, il ne
touche presque que les deux chanterelles. La plus haute surtout est celle
102 LA MUSIQUE A LYON Première
bollioud- sur laquelle il s'exerce de préférence. Il quitte toute l'étendue de son
mermet instrument ; et, méprisant pour ainsi dire, les tons sonores qu'il y trouve-
et la roit, il s'attache à tirer des sons aigus, souvent faux, d'une corde que le
corruption démanchement a réduite à deux pouces de longueur. On admire cependant
du goût, les efforts qu'il fait comme des prodiges de l'art. On diroit, à le voir, qu'il
a fait une gageure où il s'est engagé, en dépit de l'oreille et du goût, à
grimper au-delà des bornes du manche. Les applaudissemens l'encouragent
de plus en plus à affronter le voisinage périlleux du chevalet ; et tous ses
succès se terminent à faire rendre à une corde raccourcie des sifflemens
plutôt que de sons. L'ambition de briller lui fait prendre un ton s.i excessif,
que des cordes d'une grosseur naturelle n'y tiendroient pas ; et qu'il est
obligé de monter son violon, pour ainsi dire, avec des cheveux, des cordes
qui donnent des sons maigres, dont l'harmonie n'a rien de mâle ni de
nerveux..."
Cela s'adresse évidemment à Guignon et à Mondonville.
Guignon était " persuadé que la musique est faite pour tirer
l'homme de l'ennui ", et il cherchait, par suite, à amuser et à
surprendre. Mondonville n'avait pas d'autre but, et il avouait que
c'était l'envie de plaire au public qui l'avait poussé à écrire (i).
Quand l'un et l'autre parurent au Concert Spirituel de Paris, le
1 1 avril 1745, le Mercure s'écria : " On a entendu du nouveau et
du nouveau inimitable (2) ". Mondonville " étonnait par le feu
et la rapidité de son exécution (3) ", et Rousseau parle de " toutes
les folies du violon de M. Mondonville (4) ". Tant de nouveautés,
pour Bollioud, n'étaient que des atteintes au bon goût et au bon
sens musical. Notre académicien ne pouvait supporter non plus
les ornements ajoutés par les virtuoses aux œuvres qu'ils interpré-
taient avec tant d'éclat ; il ne voulait pas se rendre compte que de
tels ornements étaient nécessaires aux oreilles blasées en raison
même de la stagnation musicale qu'il préconisait, et qu'ils con-
stituaient en quelque sorte une revanche de la fantaisie sur un
classicisme desséchant. Ces recherches des sonates n'étaient d'ail-
(1) Préfaces des Sons harmoniques.
(2) Mercure^ avril 1 745, p. 140.
(3) AncELET : Observations sur la musique.
(4) Dictionnaire de musique : article Sonate.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 103
leurs pas inutiles ; dans son compte-rendu de la Corruption du goût, bollioud-
le Mercure remarquait qu'elles sont " comme des matériaux jetés mermet
au hasard, dont les grands maîtres savent profiter pour certaines ET LA
CORRUPTION
occasions... C'est un bien pour l'Art même.... C'est préparer des Du G0UT
couleurs pour les peintres ".
Cette sorte de dénaturation, Bollioud la constate encore pour
d'autres instruments, pour la viole, " autrefois instrument grave et
majestueux " qui imite maintenant la musette ou la vielle, pour
l'orgue qui ne cherche qu'à copier les instruments les plus vulgaires,
enfin pour le clavecin. Là, notre auteur vise peut-être Rameau qu'il
ne nomme pas à ce propos, et dont d'ailleurs, il ne cite pas le nom
une seule fois : il reproche surtout aux compositeurs d'avoir inau-
guré le croisement des mains — que Rameau utilise à plusieurs
reprises dans ses Nouvelles suites de pièces de clavecin. " Quelle idée
aurait Couperin, dit-il aussi, s'il revivait, en voyant les subtilités
puériles dont on s'est avisé d'orner le jeu de cet instrument ? " Et
pourtant la plupart des subtilités que Bollioud se plaint de remar-
quer chez ses contemporains, Couperin les avait utilisées déjà...
Dénaturation aussi de la vielle et de la musette, propres à la
musique champêtre, que l'on a le tort d'introduire dans les " sym-
phonies régulières ". Disparition enfin d'instruments nobles et
propres à l'accompagnement tels que le luth et le théorbe...
En somme, Bollioud déplore toutes les innovations quelles
qu'elles soient. Pour lui, la perfection dans la composition et dans
l'exécution a été atteinte à la fin du xvne siècle et au début du xvme ;
ce qui permit au Mercure de remarquer plaisamment : " Comment
n'a-t-il point dit qu'on ne trouverait plus de bon souffleur d'orgues
comme au temps du Grand Roi ? " On change, dit-il en terminant
son mémoire, on change notre musique de forme, parce qu'on veut
faire du neuf, parce qu'on n'a d'attrait que pour le difficile, et
parce qu'on imite les étrangers. Vaines critiques dont le Mercure
et le Journal de Trévoux (1), dans leurs sévères compte-rendus,
(1) Mémoires de Trévoux, décembre 1746, II, article 13 1. Ce compte-rendu,
comme celui du Mercure, est très développé, et présente le plus vif intérêt pour l'histoire
musicale du xvme siècle.
104 LA MUSIQUE A LYON
bollioud- n'eurent pas de peine à montrer le mal-fondé. D'ailleurs, l'aca-
mermet démicien qui se qualifiait lui-même de vrai connaisseur et d'amateur
ET LA expérimenté et intelligent, ne craignait point de se contredire, et,
corruption r, . , ' • i • U1 1
après avoir longuement montre ce qui lui semble constituer la
du goût. r . 6 i . . , ,
corruption de 1 art instrumental, il avoue inopinément que la
musique a gagné du côté de l'exécution.
Les idées de Bollioud, comme nous le verrons dans la seconde
partie de notre étude, étaient partagées par un grand nombre de
ses concitoyens. Il ne nous est malheureusement pas parvenu
d'opinions opposées à celles que nous avons résumées en peu de
mots. Mais il est permis de supposer que les séances du Concert,
chaque semaine, fournissaient matière à de longues discussions et
controverses, avivées encore par l'évolution du répertoire de l'Opéra
lyonnais qui suivait assez fidèlement l'exemple de l'Académie
royale de musique de Paris.
VI.
Le Concert de 1759 a 1768.
Dans notre quatrième chapitre, nous avons groupé, avec un
inévitable désordre, les quelques documents mal cohérents
que nous possédons sur la vie musicale de l'Académie
depuis 1736 jusqu'à 1759. Cette réunion en un même chapitre de
vingt-cinq années bien différentes sans doute à tous points de vue,
n'a aucune valeur historique ou artistique ; elle est simplement
commode. Ainsi, et pour la même raison de commodité, nous
relaterons en deux chapitres, et d'une manière simplement
chronologique, l'histoire des quinze dernières années de l'Académie
des Beaux-Arts. La sécheresse des seuls documents que nous
possédons, ne nous permet pas une ordonnance plus artistique.
Sur cette période nous sommes relativement très documentés.
Des Petites Affiches de Lyon, nous avons pu consulter la collection
de quatorze années consécutives, de 1759 à 1772. Cette publication
paraissait toutes les semaines, le mercredi, et publiait très souvent
le programme de la séance musicale du Concert qui avait lieu ce
même jour à cinq heures. Le mercredi était d'ailleurs le jour fixé
par les statuts de 1724 (1). Pour certaines années, nous possédons
jusqu'à trente-six programmes, c'est-à-dire la presque totalité : en
effet, s'il y avait un concert par semaine, les auditions étaient sus-
pendues pendant la quinzaine de Pâques, et depuis le début de
septembre jusqu'à la S* Martin (1 1 novembre). Nous pouvons de
la sorte suivre un peu l'évolution artistique de la Société ; nous
(1) Cependant les concerts eurent lieu le samedi en 1742, et le lundi de 1744
à 1752.
8
IOÔ LA MUSIQUE A LYON Première
le concert savons aussi de la même façon, au moins à partir de 1765, le nom
de 1759 a des principaux solistes et virtuoses de passage.
x7 Jusqu'en 1763, le Concert fut fidèle à sa tradition dans la
composition des programmes : à chaque séance on jouait un ou
deux extraits d'opéras et un motet ; le même programme servait
souvent à deux concerts successifs (1).
Le fonds de la musique latine de 1759 à 1763 est encore
constitué par les motets de La Lande ; c'est ainsi que pendant
l'année 1759 on donna une quinzaine d'auditions d'oeuvres de ce
maître : Exaltate justi, Lauda Jérusalem, Cantate, Confitemini, Exal-
tabo te, Confitebimur , Exurgat Deus. Mais tous les autres anciens
motets du répertoire sont négligés et remplacés par des compositions
récentes, dues à des maîtres de musique de Paris et de la Province
avec qui les directeurs du Concert de Lyon faisaient sans doute de
ces échanges courtois d'oeuvres médiocres, dont la tradition ne s'est
pas perdue. A Mondonville, précédemment applaudi à Lyon
comme violoniste et alors directeur artistique du Concert Spirituel à
Paris, était réservée la place d'honneur: Magnus Dominus fut
souvent exécuté ; on entendit aussi Cantate Domino, Dominus
regna^it, si apprécié à Paris et joué à Lyon pour la première fois
le Ier août 1759, Jubilate Deo dont la première audition ne fut
donnée que le 9 Janvier 1760. Les autres fournisseurs étaient:
Blanchard, qualifié par les Petites Affiches de " maître de musique
de la chapelle du Roi ", et dont le Conserva me fut chanté le
31 janvier 1759 ; Madin, d'abord maître de chapelle en province,
puis sous-maître de la Chapelle du Roi (Cantate Domino) ; Belissen,
maître de musique du Concert de Marseille, dont le Nisi Dominus
avait été souvent exécuté depuis l'année 1742, et dont on donna
YExu/tate justi en première audition le 7 mars 1759; Levens,
maître de chapelle à Bordeaux, puis à Toulouse, auteur d'un
Paratum cor meum; Hardouin, " maître de musique de la Cathé-
drale de Rheims ", dont on entendit pour la première fois un
Lœtatus sum le 22 août 1759, et un Cantate Domino le 25 février
(1) Toutes les indications suivantes concernent les programmes sont tirées des
Petites Affiches. Nous avons cru inutile d'indiquer à chaque ligne les références exactes.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 107
de l'année suivante ; Arnoult, autre " maître de musique de la le concert
cathédrale de Rheims ", qui fit jouer avec succès deux de ses DE x 759 A
œuvres : un Laudate Dominum le 13 août, et " un motet nouveau " l '
le 20 août 1760; Chrétien Lobreau, "de la musique de la
chapelle du Roi ", auteur d'un Benedic anima mea dont la première
exécution eut lieu le Ier juin 1760; Toutain, "maître de musique
de la cathédrale de Dijon, " qui, ainsi que Belissen, avait envoyé
plusieurs de ses œuvres en hommage à l'Académie des Beaux-
Arts (1), et dont le Quare fremuerunt fut joué le 11 et le 18 février
1761. A côté de ces maîtres de chapelle, généralement clercs, on
trouve le violoncelliste Davesne, de l'orchestre de l'Opéra, dont on
entendit le Laudate Dominum, et Giay " maître de chapelle de
S. M. le Roi de Sardaigne " dont on exécuta deux fois de suite, le
12 et le 19 novembre 1760, le Spiendete cœli " motet italien à grand
chœur ". Nous ne savons si ce dernier compositeur doit être iden-
tifié avec Giay, violoniste du Concert dont nous avons parlé (2).
Le même goût pour les œuvres nouvelles, sinon toujours
neuves, se retrouve dans le répertoire de musique française. Lully
a disparu complètement des programmes. Les maîtres les plus
anciens, dont les œuvres reparaissent encore, sont Campra avec
Tancrede, copié en parties dès 171 8, Destouches dont on donne
souvent encore quelque acte extraits des Eléments, Montéclair avec
l'unique et fameux 'Jephté. On rencontre aussi les œuvres plus
récentes de Rebel et Francœur (Zélindor, Ismene, la Paix, Pyrame
et ThisbéJ, Mouret (les Amours des Dieux, le ballet des Sens). Les
auteurs contemporains sont les plus favorisés. A leur tête, Rameau,
dont on a oublié les motets qui auraient dû cependant être chers
aux Lyonnais, mais dont les extraits d'opéras sont donnés sans
cesse : toutes ses œuvres sont utilisées, mais surtout l'acte des
(1) Toutain, dont huit motets faisaient partie de la bibliothèque du Concert,
habitait en 1758 Rouen (Rothomagi), d'où il data son motet Lauda filia (Bibl. du
Concert).
(2) Sur Mondonville, et aussi sur Madin, Blanchard, Toutain, Levens, Davesne,
dont des œuvres furent exécutées au Concert Spirituel de Paris, v. M. Brenet, Les
Concerts en France...
108 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert Sauvages des Indes Galantes, Pygmalion, les Talents Lyriques. On
de 1759 a consacre parfois des concerts entiers au seul Rameau : ainsi, le
30 mai 1759, le programme comprend seulement le prologue des
Indes Galantes et l'acte à' Anacréon du ballet Les Surprises de
F Amour ; quatre semaines plus tard, le 27 juin, on donne le même
programme ; l'année suivante, le 20 février, se célèbre une sem-
blable fête ramiste. Le même honneur est parfois réservé à Mon-
donville dont on joue, au concert du 6 février 1760, deux actes du
Carnaval du Parnasse et le motet Magnus Dominus. A cette époque
d'ailleurs, les rares partitions acquises par le Consulat sont presque
toutes dues à Rameau et à Mondonville. — Ainsi, sur dix-sept
œuvres françaises entrées dans la bibliothèque de 1754 à 1766,
huit sont de Rameau : les Fêtes de l'Hymen, Naïs, Zoroastre " cor-
rigé par M. Rameau, ' les Indes Galantes " comme l'auteur,
M. Rameau, l'a rangé pour l'Opéra ", les Fêtes de Polymnie dont
on donne le troisième acte en première audition le 29 août 1759,
les Surprises de l'Amour, Sibaris (acte de l'œuvre précédente), La
Féerie (troisième acte des Fêtes de Polymnie) ( 1 ) ; trois sont de Mondon-
ville : les Fêtes de Paphos, Titon et l'Aurore, Dap finis et Alcimadure,
dont le prologue et le premier acte sont exécutés pour la première
fois le 2 juillet 1760 et constituent encore tout le programme. Un
auteur tout-à-fait oublié aujourd'hui, Debury, paraît souvent sur
les programmes avec une seule œuvre jouée en " deux concerts ",
les Caractères de la Folie. D'un autre musicien bien ignoré aussi,
de La Garde, on joue une fois des fragments d'Eglé. Enfin Dau-
vergne, directeur de l'Opéra et du Concert spirituel de Paris, qui
devait mourir à Lyon (2), paraît diverses fois sur les programmes :
(1) Il n'apparaît pas que l'Académie ait fait célébrer quelque cérémonie reli-
gieuse ou ait organisé un concert spécial, à l'occasion de la mort de Rameau. Cet
événement avait été commémoré par les musiciens de Paris et par plusieurs académies
provinciales, notamment par le Concert de Marseille qui, le 15 novembre 1764, fît
une grande pompe funèbre. (Mercure, février 1765, p. 197-199).
(2) Etat-civil du Canton nord de Lyon, 24 pluviôse an V (12 février 1797) :
" Antoine Dauvergne, musicien, demeurant quai S1 Vincent, n° 200, âgé de 83 ans,
natif de Moulins, département de la Nièvre, veuf de Clémence Rozet, est décédé
hier soir, à 3 heures, dans le domicile des citoyennes Rozet, susdit quai et n° ".
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE 109
en juillet 1759, on exécute, pour la première fois, un acte des le concert
Fêtes d'Euterpe ; et, en juillet et décembre 1762, paraissent deux DE J759 A
actes des Amours de Tempe, partition vieille de dix années, mais '
dont un exemplaire venait d'être offert à l'Académie par Selonf,
inspecteur de la Société.
Un nom illustre paraît aussi le 17 mars 1762 : celui de
" M. le Chevalier Gluk ". C'est Gluck lui-même, le grand
dramaturge représenté par un de ses opéras-comiques. Il s'agit du
" divertissement italien, le Siège de Cythere ", c'est-à-dire Cythere
assiégée, composé en 1759, sur un poème de Favart (1). Ainsi, au
moment où Gluck commençait sa " révolution ' musicale, son
nom était révélé aux Lyonnais comme celui d'un compositeur de
musique légère ! Ses grandes œuvres ne parurent pas au Concert,
mais on entendit, le 5 décembre 1770, " une scène à'Iphigénie en
Aulide de Racine, mise en musique nouvellement par M**** ".
C'était là sans doute l'œuvre de quelque académicien qui avait suivi,
avant Gluck, le conseil donné par Algarotti dans son Essai sur
Popéra.
Haendel fut plus négligé encore que Gluck ; nous n'avons
pas trouvé trace d'une exécution de ses œuvres. Son nom n'était
pas inconnu, et, d'après le catalogue de la bibliothèque, le Concert
avait dû acquérir en 1759, année même de la mort du maître, la
partition de deux de ses motets : Te Deum et Jubiiate Deo. Ni l'un
ni l'autre ne fut transcrit en parties séparées ; la musique parut
peut-être trop difficile et trop rigoureuse.
Il est permis de croire que, pour varier les concerts, l'Acadé-
mie, pendant ces quelques années, engagea des virtuoses de
passage, mais les Petites Affiches nous en signalent un seul :
" M. Fessel, natif de Widin, dans la Basse-Hongrie, qui doit
séjourner en cette ville, exécutera aujourd'hui (12 août 1762)
dans la salle du grand concert, plusieurs morceaux sur la harpe ".
Encore ce concert eut-il peut-être lieu en dehors des séances de
l'Académie, de même que les deux auditions données le 8 et le
(1) Un acte, joué en 1759 à Schwetzingen. V. Julien Tiersot, Soixante ans
de la vie de Gluck, dans le ^Ménestrel, 1908.
IIO LA MUSIQUE A LYON Première
le concert i 5 octobre de la même année par Godard " musicien ordinaire de
de 1759 a l'Académie royale de musique de Paris". Godard, grand voyageur,
comme il devait le signaler lui-même dans le Mercure de juillet
1767, chantait en s'accompagnant sur la guitare.
Nous pouvons aussi supposer que l'Académie des Beaux-Arts
eut, à cette époque, une existence plus difficile encore que
d'ordinaire. Les Petites Affiches ne nous donnent qu'un très petit
nombre de programmes : silence complet de mars à novembre
1761 ; six programmes seulement pour l'année 1762. Les réunions
musicales devaient être peu suivies, et nous savons que le concert
du 7 janvier 1762 réunit, outre un nombre indéterminé d'au-
diteurs, cinquante-sept auditrices seulement (1) ; peut-être faut-il
attribuer ce peu de succès de l'Académie à la concurrence d'une
société de concerts d'amateurs qui semble avoir existé à cette
époque.
Les Almanachs de Lyon, dans les quelques lignes qu'ils
consacraient à la bibliothèque du Concert, signalaient, à côté des
" Concerts généraux " ou concerts d'orchestre et de chœurs, des
"Concerts particuliers" réservés à la musique de chambre. D'autre
part, les Petites Affiches du 15 mars 1764 annonçaient: "Lundi
prochain, le petit Concert pour les Amateurs tiendra son assemblée
à cinq heures et demie dans une des salles de l'Académie des
Beaux-Arts ; ces assemblées sont un rétablissement des anciens
petits concerts qui avaient été suspendus pendant quelque temps ".
Enfin dans la Petite chronique lyonnaise du xviif siècle (2) de
Morel de Voleine, on lit : " Les réunions musicales [du Concert]
avaient lieu le mercredi ; j'ai un billet pour le concert du 4 février
1762, délivré par M. de la Frasse de Sury, célèbre musicomane.
Au dos on a écrit la note suivante : Exécution remarquable :
(1) A l'issue de ce concert, les dames et demoiselles qui y avaient assisté,
restèrent dans la salle et délibérèrent longuement en vue d'offrir au roi un vaisseau
nommé " le Beau Sentiment ". [Délibération prise dans la salle du Concert de l'Académie
des Beaux-Arts de Lyon par la partie du beau sexe qui s'y est trouvée rassemblée le y janvier
1762; Lyon, imprimerie du Fidèle Bonsujet, imprimeur de l'Association du Beau-
Sentiment, 1762, in-40, 29 p.)
(2) Reyue du Lyonnais, 3e série, 1875, tome XIX, p. 165.
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE III
Cantate de Circé chantée par M. Bollioud-Mermet ; trio obligé le concert
entre M. M. Arthaud de Bellevue pour la flûte, Horace Coignet DE *759 A
pour le violon, et d'Ambérieux pour la basse". Il nous aurait l7
beaucoup intéressé de voir ce billet de concert ; M. Morel de
Voleine le fils, qui a bien voulu le rechercher pour nous, ne l'a
pas retrouvé dans les papiers de son père. Mais nous pouvons
quand même affirmer que, contrairement à l'opinion du collec-
tionneur qui le possédait, ce billet daté du 4 février 1762 (jeudi
et non mercredi) ne se rapporte pas à un concert de l'Académie :
de la Frasse de Sury ne faisait pas partie de l'administration
académique ; et l'exécution du programme de cette séance, exclu-
sivement consacrée à la musique de chambre, genre que négligeait
d'ordinaire l'Académie, n'était confiée qu'à des amateurs. Il s'agit
certainement du Concert des amateurs, dont il ne nous est rien
parvenu, et qui exista peut-être pendant une grande partie du
xvme siècle, depuis que les gagistes avaient composé entièrement
les chœurs et l'orchestre de l'Académie. De tout temps, les ama-
teurs ont préféré à la musique correctement exécutée par des
professeurs, la musique dont ils donnent eux-mêmes une inter-
prétation très médiocre. Et cela suffirait à laisser croire que les
petits concerts de chambre causèrent un tort réel aux grandes
séances de l'Académie des Beaux-Arts (1).
L'Académie suspendit-elle alors ses séances ? Toujours est-il
que nous ne possédons pas non plus un seul programme de janvier
à avril 1763, et que les Petites Affiches n'en publièrent que neuf
depuis la fin d'Avril jusqu'au 30 novembre. Mais, à partir de cette
année, les séances hebdomadaires présentent quelques modifications.
Les programmes s'élargissent un peu ; entre les œuvres tradi-
tionnelles, motets et extraits d'opéras, prennent place parfois quel-
ques pièces de plus petite dimension. Les opéras sont de Mouret,
Mondon ville, Rebel et Francœur, Rameau, Royer ou Dauvergne;
(1) Peut-être, au cours de ces séances, entendit-on des œuvres de Bollioud-
Mermet comme ces Lieder pour soprano avec accompagnement de clavecin qui
furent édités à Leipzig, et dont la bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles possède
un exemplaire.
112 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert en 1764, on retrouve encore les mêmes noms et un acte nouveau
de 1759 a seulement apparaît, tiré de Zénéide d'Yzo. Les motets sont presque
x7 tous de La Lande: deux œuvres nouvelles seulement, un Nisi
Dominus de Madin (4 mai 1763), et un Lauda Jérusalem de Chupin
de la Guitonnière (8 et 15 juin 1763). Ce Chupin de la Guiton-
nière était un ancien maître de chapelle de l'église métropolitaine
de Ste Cécile d'Albi ; il venait de s'installer à Lyon pour enseigner
la musique, le goût du chant et la composition " par principes
démonstratifs ". Il tenait chez lui, rue de la Barre, puis rue
Grenette, " école de musique pour l'éducation des jeunes personnes.
Mme son Epouse qui possédait cet art, leur donnait les leçons con-
venables tant pour le beau langage que pour d'autres talents (1) *\
Ce manque de nouveautés était dû sans doute à la situation
précaire des finances de l'Académie que ne soutenait plus l'ad-
ministration municipale (2). Aussi fallait-il rechercher des œuvres
nouvelles moins coûteuses que les opéras et les motets, et se con-
tenter d'ariettes détachées, de petits motets avec clavecin, de
cantatilles et de symphonies. La mode, il est vrai, était aussi à ces
petites pièces de virtuosité, faciles et brillantes, présentées par des
artistes nomades.
C'est en 1763 qu'apparaissent les airs, ariettes ou duos
détachés. Le 20 avril et le 4 mai, une cantatrice anonyme, la
Signora *** fait entendre des ariettes italiennes; le 18 mai, on
entend aussi "une ariette dans le goût italien de M. Bailleux". En
1764, les petits morceaux abondent : ariettes d'un officier des
gardes suisses, nommé Siberman, cantates et ariettes diverses de
Trial, " de la musique de S. A. le Prince de Conti ", spécialiste de
" petits airs arrangés avec goût, et d'ariettes d'un genre et d'un
style qui n'étaient qu'à lui (3) "; " cantatille du Jour de Le Maire;
(1) Affiches de Lyon, 6 et 27 avril 1763, 27 juin et 13 novembre 1765.
(2) Arch. mun. BB. 338, f° 34.
(3) Cité par M. Brenet dans les Concerts en France... p. 350. Nous devrions, à
chaque page de ces derniers chapitres, renvoyer nos lecteurs à l'ouvrage de M. Brenet,
où ils trouveraient, à propos des concerts parisiens de la même époque, tous les
éclaircissements nécessaires sur le goût et la mode artistique vers 1760.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 113
petits motets de Lefebvre ou de Mondonville ; nombreux duos et LE concert
ariettes de Le Berton ou Le Breton, et surtout de ce dernier DEVo^^ A
certaine "belle chaconne " dont le succès est si vif que l'on
n'hésite pas à l'incorporer aux œuvres les plus diverses, Iphigénie
de Campra, ou Eg/é de de La Garde ( 1 ) .
Au cours de ces mêmes années, apparaissent des "symphonies"
qui ne sont plus les éternelles ouvertures ou danses empruntées aux
tragédies lyriques de Lully, mais bien des compositions indépen-
dantes, suites, ou sortes de sonates à orchestre, dont les débuts
étaient tout récents à Paris même. La première œuvre de cette
espèce fut une symphonie de Stamitz, précurseur et modèle de
Gossec et peut-être même de Haydn, comme l'a indiqué M. Michel
Brenet (2) ; quelques jours après, le 18 mai, apparaissait une
symphonie de Filtz. L'œuvre de Stamitz était évidemment une de
ses nombreuses symphonies avec cors de chasse : en 1764, le 12
décembre, du reste, ne jouait-on pas une " ouverture avec timbales
et cors ? " La vogue de ces symphonies était grande alors à Lyon,
et, sans cesse, les frères Le Goux annonçaient la mise en vente de
quelque œuvre nouvelle de ce genre. C'est ainsi que ces marchands
de musique annoncent successivement dans les ^Petites Affiches six
symphonies de Stamitz, six de Holxbano [Ignace Holzbauer], six
de Filtz (28 novembre 1759), des œuvres de Beck dont une avait
été jouée au concert donné le 14 octobre 1761 par le chanteur-
guitariste Godard (4 juin 1760) ; une "symphonie périodique"
de Zoiieschi (n° 1) avec cors, et on annonçait, en même temps,
(1) Berton ou Le Berton (toujours désigné sous le nom de Le Breton dans les
programmes lyonnais), fut successivement chanteur à Paris et à Marseille, chef d'or-
chestre au Théâtre et au Concert de Bordeaux, chef d'orchestre et directeur de
l'Opéra de Paris. Il avait la spécialité des " arrangements " ou tripatouillages d'oeuvres
anciennes, et des additions aux opéras. Sa fameuse chaconne avait été écrite pour être
incorporée dans un opéra de Rameau. La paternité de cette danse fut discutée, et
attribuée par certains à Granier, alors violoniste à Bruxelles {{Mercure septembre 1765,
II p. 196).
(2) Dans les Qoncerts en France... M. Brenet a repris sa démonstration si inté-
ressante, en la développant, dans un volume consacré à Haydn et paru au cours de
l'impression de notre travail (Paris, Alcan).
114 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert qu'il paraîtrait " une nouvelle symphonie par semaine pour faciliter
de 1759 a je choix de Messieurs les Amateurs" (20 août 1760) ; une sym-
phonie de Tonchmolin [Giuseppe Touchemolin] maître de chapelle
de l'Electeur de Cologne (29 juillet 1 76 1) ; plusieurs symphonies
périodiques, dont six de Canabick [Cannabich] qui " sont les
meilleures que ce célèbre compositeur ait faites " (10 novembre
1762) ; des symphonies à quatre de Van Malder (4 juillet 1764) ;
six symphonies d'Abel (22 août 1764). Enfin on voit annoncer, le
13 février 1765, " les grandes symphonies de Gossec ", et, le 22
mai 1766, " quatre vingt sept œuvres de symphonie et quatuor de
Bodé, Beck, Bach (1), Cirri, Cannabich, Filtz, Fraenzel, Gossec,
Hoffmann, Hassel, Hayden, Hechtki, Holtzbauer, Piccini, Pfeiffer,
Roefer, Richter, Stumpff, Schewindl, Néman, Sarti, Stamitz,
Toeschi, Stephan etc ".
C'est en 1763 aussi que nous pouvons relever l'apparition
des clarinettes. Peut-être furent-elles introduites à l'occasion des
symphonies nouvelles dans l'orchestre lyonnais où elles avaient été
jusqu'alors ignorées : elles y auraient été du reste inutiles, car, si
elles apparurent dès 1751 dans X Acanthe et Céphise de Rameau,
elles ne prirent vraiment place dans l'instrumentation moderne
qu'avec les symphonies de Stamitz, jouées à Paris à partir de
l'année 1754, ainsi que l'a encore montré M. Brenet. Dans les
programmes de Lyon, les clarinettes sont signalées pour la pre-
mière fois au concert du 6 juillet 1763, pendant lequel on joua
" plusieurs morceaux de symphonie avec des Duos de clarinet. " (2)
(1) Le nom de Bach parut à Lyon pour la première fois dans les Petites Affiches
du 27 août 1764 : les frères Le Goux annonçaient alors "six trio pour le clavecin,
un violon et une basse de Bach " au prix de neuf livres. Nous avons encore relevé,
dans la même publication, le nom de Bach désignant Jean-Sébastien ou ses fils : le
22 mai 1766, trio de Bach, et pièces de clavecin de Bach Frïschmuth (chez Le Goux);
le 13 juillet 1768, " sonates pour le Piano-forte de Bach " (chez Castaud); 28 juillet
1768, "symphonies de J.Bach (chez Serrière) ; le 20 septembre 1769, " 6e sym-
phonie de Bach " (chez Castaud). Enfin, comme nous le verrons plus loin, on exécuta
au Concert, le 17 janvier 1770, Dixit Dominus, motet à grand choeur de Chrétien
Bach.
(2) Le 1 1 juillet 1764, les frères Le Goux annoncèrent dans les "Petites Affiches
la mise en vente d'un Essai a" instruction pour les clarinettes et pour les cors, de Roefer.
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE 115
Quelques virtuoses se font entendre aussi au cours des séances le concert
de l'Académie des Beaux-Arts. Un artiste anonyme, le 30 mai DE l7S9 A
et le 29 août 1764, fait entendre sur la harpe un concerto et plu- l7
sieurs morceaux de sa composition ; un autre, également anonyme,
" haute-contre des Concerts du Prince de Conti ", prête son
concours à l'exécution de quelques grandes œuvres, et, le 25
juillet 1764, chante plusieurs ariettes avec accompagnement de
guitare. Un violoniste enfin, qui possédait l'art de ne pas pas-
ser inaperçu, se fit entendre trois fois en 1764 dans une sonate
et des concertos de sa composition. Celui-là " nouvellement
arrivé ", dont le nom n'est pourtant pas indiqué sur les pro-
grammes, est facile à reconnaître : c'est Brijon que M. de la
Laurencie, dans son ouvrage sur le Concert de Nantes, a mis en
vedette.
Brijon, d'après Fétis, serait né et aurait vécu à Lyon. Il fut
certainement un peu nomade ; il était installé à Paris en 1761, et
jouait à Nantes en 1763. Il arriva ou revint à Lyon vers le mois
d'avril 1764, et aussitôt il inonda le seul journal lyonnais, de ses
réclames et prospectus. Plusieurs fois par an, il vante dans les
Petites Affiches les Réflexions sur la musique et la "vraie manière de
l'exécuter sur le violon qu'il avait publiées deux ans auparavant à
Paris et qui, d'après lui, constituaient " l'ouvrage le plus complet
qui ait encore paru dans son genre ". Il vante son expérience, car
il " a beaucoup voyagé ", et se fait fort, en trois mois, de rendre
les amateurs " capables d'amuser dans les différents morceaux qu'ils
joueront, faute de quoi, il ne prétend à aucun honoraire ". Il loue
aussi ses compositions : " romances et menuets agréables et quel-
ques airs aussi variés " qu'il faisait paraître par feuille périodique
pour violon et pardessus de viole, avec une " basse arbitraire " ;
chansons, " dont la musique est travaillée suivant les idées qu'il
a sur cet art " ; " Vers à la louange du Roi (1767), distribués dans
cette ville à l'occasion de la musique exécutée le jour de Sfc Louis
dans l'Eglise de l'Abbaye Royale de S* Pierre " ; l'auteur s'était
" attaché à caractériser les paroles et en exprimer l'action ;... la
symphonie en était brillante ainsi que les accompagnements dans
Il6 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert beaucoup d'endroits, et l'harmonie des plus complètes " (i). Nous
de 1759 a verrons dans la seconde partie de ce volume que Brijon rechercha
l' l'approbation de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de
Lyon pour une théorie personnelle et une de ses inventions,
Patiril/ette, " instrument propre à cultiver l'oreille des enfants. "
Un événement très important fut l'installation d'un orgue
dans la salle de concert. Nous ne savons pas de façon certaine quelle
était la composition de l'instrument acquis par l'Académie, mais
nous avions cru d'abord pouvoir le supposer grâce aux précieuses
Petites Affiches. En 1763, le 16 et le 30 mars, paraissait l'offre d'une
" Orgue à vendre composée de huit jeux, savoir d'un cornet, d'une
flûte, d'une flûte allemande, D. [dessus de] Bourdon, Cromorne,
B. [basse] de Tierce, B. de Nazard, B. de Bourdon, deux claviers
et une montre. " Les amateurs devaient " s'adresser à Mme Lobreau
[directrice du Grand Théâtre] qui la fera voir et conviendra du
prix, à l'Hôtel de la Comédie. " Cette annonce disparut ensuite
jusqu'au 22 juin, date après laquelle elle reparaît sans cesse. Or, le
20 avril, l'Académie annonce un concerto d'orgue, et n'en fait plus
entendre jusqu'au 9 mai de l'année suivante. On serait porté à
croire que le méchant orgue du théâtre, fut pris à l'essai par
le Concert, puis abandonné, et enfin repris en 1764. Cette hypothèse
semblerait d'autant plus vraisemblable que la Société musicale, en
raison du fâcheux état de ses finances, ne pouvait s'offrir qu'un
très médiocre instrument, propre sinon " à embellir le spectacle ",
du moins à " fortifier l'accompagnement " selon les expressions du
Mercure de Novembre 1748. Mais nous verrons tout-à-1'heure, en
parlant du premier organiste du Concert, que ces orgues, utilisées
cinq fois comme instrument soliste au cours de l'année 1 764, appar-
tenaient en réalité à l'organiste lui-même qui les louait à la Société
moyennant une centaine de livres par an. Elles ne furent probable-
ment acquises définitivement que vers 177 1 .
(i) Affiches de Lyon, 11 avril, 25 juillet 1764 ; 15 mai, 9 octobre 1765 ; 12 mars
1766 ; 2 juillet, 4 novembre, 25 décembre 1767 '• 26 octobre 1768 ; 22 août 1770 ;
23 octobre 1 77 1.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 117
Le 5 septembre 1764, les Petites Affiches inséraient le corn- le concert
muniqué suivant : de 1759 a
, 1768
" MM. les Officiers du Concert, dont le zèle ne se ralentit point, se
flattent de rendre à l'avenir cet établissement digne de la seconde ville du
royaume. Le soin qu'ils prennent de faire former à leurs frais de nouveaux
sujets, le choix qu'ils feront des meilleurs musiciens, et la variété qu'ils
mettent dans les nouveaux morceaux, répondront sans doute comme ils
l'espèrent, à l'empressement du public et à la satisfaction que les amateurs
ont sensiblement montrée depuis quelque temps par leur assiduité. "
L'assiduité des amateurs avait été toute relative, puisque le
budget de l'année 1764 fut soldé avec un déficit de plus de
deux mille livres, reporté au budget de 1765. Cependant, le Ier mai
1765, un nouveau communiqué des ^Petites Affiches annonçait que
" les Officiers du Concert, empressés de satisfaire le goût du public,
ont augmenté le nombre des Pensionnaires, principalement en voix
récitantes. "
Nous connaissons le budget du Concert pour l'année 1765 ;
c'est le seul qui ait été conservé aux Archives Municipales.
Les recettes s'élèvent à dix mille sept cent quatre-vingt seize
livres, constituées de la sorte : cinquante quatre académiciens
payaient cent livres ; soixante-huit payaient soixante livres. Quel-
ques amateurs, désignés nommément, payaient diverses sommes :
Bourlier père et fils, cent soixante livres ; Duclaux et Granier frères,
cent-vingt ; Eschet et Stulbert, Gaillard et Pourra, Tournachon,
cent-vingt ; les frères Imbert, dont l'un devait devenir le célèbre
Imbert-Colomès à qui le pianiste Clementi au cours d'une tournée
à Lyon, en 1784, causa des désagréments familiaux, cent cinquante
livres ; un amateur, trente-six ; de Savy, cinquante ; Couppier,
quarante livres, comme supplément à cause de son mariage ; enfin
le duc et le marquis de Villeroy, continuant la tradition de leur
famille, versaient, chaque année, l'un trois cent, l'autre cent livres.
Il y avait donc environ cent quarante académiciens.
En tête du chapitre des dépenses, figure une somme de deux
mille deux cent quatre vingt trois livres représentant l'avance faite
par le comptable en 1764. La dépense de l'année s'élève à douze
n8 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert mille deux cent trente huit livres pour les appointements des pen-
de 1759 a sionnaires du Concert, dont nous verrons le détail, plus cent soixante
l7 douze livres remises " aux arquebusiers qui ont fait la garde " (cinq
livres par séance), et neuf cent quatre-vingt six livres de frais divers :
soixante douze livres de gratification à Chuppin la Guittonière
" à l'occasion de la remise d'un motet de sa composition qu'il a
faite au Concert " ; cent livres à l'organiste pour réparations faites
à son instrument ; quatre-vingt quatorze livres à Philippe pour
copie de musique ; quarante six livres à l'imprimeur de La Roche ;
cinq cent quatorze livres de fourniture de bougie ; vingt huit livres
d'achat de musique à l'hoirie de Grenet, l'ancien maître de musique ;
divers menus frais.
Le détail des appointements des pensionnaires est fort intéres-
sant puisqu'il nous révèle à la fois l'état des artistes engagés par
l'Académie et le chiffre de leur traitement.
Les chœurs se composent seulement de sept hommes et sept
femmes auxquels il faut ajouter sept ou huit solistes qui, selon
l'usage d'autrefois, se joignent aux choristes ordinaires. Parmi eux,
nous retrouvons Philippe, Drougeon, Furin père, Castaud, Colesse,
les demoiselles Chartron et Chady. Les nouveaux venus sont
la Guillot (rue du Bât d'Argent) dont le père, professeur de violon,
violoncelle, pardessus de viole et vielle, fait partie de l'orchestre de
l'Académie : la demoiselle Hode qui fait annoncer, dans les ^Petites
Affiches du 10 août 1768, qu'elle " enseigne la lecture, l'orthographe,
la langue française et les principes de la musique, soit à la ville,
soit à la campagne " ; les demoiselles Barbiée, Thierry, dont nous
ne savons rien, et Genillon, fille sans doute d'un professeur de
clavecin et facteur d'instruments de Lyon ; parmi les hommes,
Degot et Chaussonnet, que nous ignorons aussi. Les appointements
de ces chanteurs sont peu élevés : ils reçoivent douze, quinze ou
dix huit livres par quartier, c'est-à-dire par trimestre. Les mieux
payés sont Degot (vingt-quatre livres), Philippe (trente), et
Colesse, qui doit peut-être à son âge une haute paye de trente-sept
livres et dix sols.
Comme en 1757, l'orchestre comprend vingt instrumentistes
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 119
Dans le tableau de la troupe se trouvent encore les frères Leclair, le concert
Giay, Deloule, Mathieu Bellouard, Loiseau, Déroche, Petit, DE T759 A
Sambat, Dilesius, Guillot, Sauge. Les remplaçants des musiciens l'
disparus depuis huit ans sont Brijon dont nous avons longuement
parlé, les violonistes ou altistes Ducoin et Brun père, le bassoniste
Perrot (place de la Fromagerie St. Nizier), professeur de basson,
de hautbois, de flûte, de vielle et de tympanon, professeur aussi
de solfège, qui, d'après les Petites Affiches du 5 mars 1767, "ne
reçoit le prix de ses leçons qu'après six mois et une réussite
prouvée " ; Furin fils, également bassoniste ; Capelle (place des
Carmes), qui a remplacé Rousset comme flûtiste et hautboïste ;
Marbre, et les frères Moine. Leurs appointements varient de six
livres ou de neuf livres sept sols et six deniers, à vingt-cinq livres
par quartier. Les mieux payés sont les frères Leclair dont les
traitements réunis s'élèvent à cent cinquante livres. Certains, il est
vrai, touchent davantage, comme Petit et Moine cadet, dont la
pension est de quatre cent cinquante livres par an, mais ceux-là
doivent remplir, en dehors de l'orchestre, d'importantes fonctions
administratives. Le corniste Dilesius est aussi parmi les plus favo-
risés : c'est qu'il était en vedette grâce aux symphonies modernes
" à cors de chasse. "
A ces pensionnaires se joignent quelques artistes supplémen-
taires : le guitariste Latour, employé à la Comédie et au Concert ;
le chanteur et violoncelliste Duval, du Grand-Théâtre ; Devert qui
joue du cor de chasse ; les chanteurs Guichard et Rainé ; le
violoncelliste Tangui Frémont ; d'autres encore dont nous ne
connaissons que le nom, tels que Jobert, Foinon, Gerberon,
Calmont, Tilliaire (1).
Enfin, voici les chefs d'emploi : Mme Valdahon (deux cents
livres), Mme Charpentier, peut-être l'épouse de l'organiste que
nous signalerons plus loin (2), et qui fit partie en 1775 des pen-
sionnaires du Concert Spirituel de Paris ; la haute-contre Itasse et
sa femme ; les basse-taille Desormery et Warin ; les demoiselles
(1) Peut-être ce dernier était-il J. B. Tillière, violoncelliste, cité par Fétis.
(2) Dans ce cas son nom serait Marie Bevol (Reg. par. de St. Paul, 4 juill. 1766).
120 LA MUSIQUE A LYON Premier*
le concert Fargues et Wrier. La Wrier est une Lyonnaise, professeur rue
de 1759 a S* Jean. Les Itasse, Warin et Desormery devaient plus tard se
l7 faire connaître à Paris.
Itasse, dont le traitement s'élève à trois cents livres par tri-
mestre, arrive à Lyon à la fin d'avril 1765, et reçoit une indemnité
de cent vingt livres pour frais de voyage ; il s'installe rue Ecor-
chebeuf, débute le iermai, dans les Talents Lyriques de Rameau, et
fait annoncer presque aussitôt dans les Petites Affiches: " M. Itasse,
des Académies royales de musique de France et de l'Académie des
Beaux-Arts de Lyon, avertit le public qu'il commence à donner
chez lui et en ville, des leçons de guitare et de musique pour le
goût du chant. " Il n'est vraisemblablement autre que ce Jean
Itasse qui, en 1754, vient de Laon pour chanter au Concert de
Nantes (1). Il se fit connaître comme compositeur ainsi que nous
le verrons, et dut se trouver satisfait du public lyonnais, puisqu'il
fit engager au Concert sa femme dont les débuts eurent lieu le
1 8 décembre. L'un et l'autre quittèrent plus tard la province pour
la capitale, et firent partie, en 1775 et en 1778, des chœurs de
l'Opéra et du Concert Spirituel.
Desormery, ancien musicien de cathédrale, était, en 1769,
comédien à Strasbourg, lorsqu'il obtint le prix dans un concours
de motets organisé par le Concert Spirituel de Paris (2). Chanteur
à ce concert à partir de 1775, il fournit une certaine quantité de
musique latine. A Lyon, au cours de son engagement, il préluda à
ses succès parisiens en faisant exécuter le 12 juin 1765, un Laudate
pueri à grand chœur et symphonie. Ses appointements étaient de
deux cents livres par quartier.
Warin était une basse-taille qui débuta à l'Opéra de Paris en
décembre 1762, après avoir chanté à Bordeaux (3) Il faisait suivre
son nom de l'indication : " de l'Académie royale de musique de
(1) De la laurencie, Le Concert de Nantes, p. 140.
(2) V. M. Brenet, les Concerts en France, p. 287. Il fut très souvent question
de Desormery dans le {Mercure de 1770 à 1778, le "Journal de Taris, en 1784 et
1785, la Correspondance littéraire de Grimm... en 1775» I77D et T 7 7 7-
(3) {Mercure, janvier 17 63, I, p. 161.
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE 121
Paris.. " Comme Desormery, il devait se produire comme composi- le concert
tion à Lyon, puis à Paris. Ses appointements s'élevaient à cent livres DE *759 A
par mois, et il avait reçu cent vingt livres pour frais de voyage. l~
Il débuta au Concert le 13 février 1765. Comme son collègue
Itasse, il enseignait aussi la guitare.
Le maître de musique était encore, au début de l'année,
André-Louis Le Goux qui mourut le 25 avril. Son frère cadet
Claude, lui succéda aussitôt. L'un et l'autre reçurent successive-
ment, comme directeurs de l'orchestre et des chœurs, une pension
annuelle de quatre cent cinquante livres.
A leur pension, certains de ces musiciens pouvaient ajouter
des appointements supplémentaires en donnant des leçons aux
quelques élèves du Concert. En effet, et ceci est un détail qui a
échappé aux historiographes du Conservatoire de Lyon, l'Aca-
démie avait fondé une sorte de petite école de musique pour former
à ses frais de nouveaux sujets, ainsi d'ailleurs que l'indiquait la note
des ^Petites Affiches du 5 septembre 1764, que nous avons repro-
duite. Les professeurs, en 1765, étaient les Le Goux, Desormery,
la demoiselle Fargues, et Drougeon ; leurs élèves étaient les
demoiselles Michel, Grandon, Bonnet, Lacombe, et le sieur
Nicolas, qui devaient débuter plus tard et devenir les solistes des
années suivantes. Les professeurs recevaient, par élève et par mois,
huit, douze ou vingt-quatre livres. Au mois de septembre 1765,
les professeurs chargés de former des élèves pour l'Académie étaient
Warin et Le Goux. (1)
Nous n'avons pas encore présenté un musicien récemment
entré dans la troupe du Concert, et dont l'importance devait
grandir chaque jour ; nous voulons parler de l'organiste de
l'Académie, Beauvarlet, plus connu sous le nom de Charpentier.
Jean-Jacques Beauvarlet dit Charpentier, originaire d'Abbeville,
d'après Fétis, était le fils de Jean-Baptiste Beauvarlet-Charpentier,
organiste et faiseur d'instruments, qui mourut à Lyon le 7 janvier
1763, âgé d'environ cinquante ans (2). Le père ou le fils était
(1) T 'eûtes Affiches, du 1 1 septembre 1765.
(2) Registres paroissiaux de Sfc Paul.
122 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert organiste à la Charité en 1761 (1). Jean-Jacques Charpentier était
de 1759 a tout désigné pour occuper les mêmes fonctions à l'Académie,
puisqu'il s'était fait entendre sur l'orgue au Concert Spirituel de
Paris en 1759. A Lyon, il recevait cent cinquante livres par an,
plus trente et une livres par trimestre " pour loyer de l'orgue et du
souffleur ", ce qui nous montre que l'organiste avait fourni lui-
même son instrument. Cela n'est pas étonnant, puisque sa mère,
trois mois après la mort de Jean-Baptiste Charpentier, faisait
annoncer, dans les ^Petites Affiches du 20 avril 1763, que la veuve
Charpentier cherchait à vendre " un fonds d'instruments tels que
clavessins, violons, basses, pardessus de viole, tympanons et autres,
tant faits que prêts à faire et tous les outils nécessaires à la facture
des instruments ". Charpentier, d'ailleurs, n'ignorait pas la facture
instrumentale : en 1765, il reçut cent livres pour réparations
faites à l'orgue. Charpentier, pendant son séjour à Lyon, qui se
prolongea au moins depuis 1761, et jusqu'en 1771, habita quai
S* Antoine, rue de Flandres, puis rue Buisson et place des Corde-
liers (2). Dès 1769, il publia un "Nouveau recueil d'ariettes
d'opéra-bouffons, arrangées pour le clavecin ", qu'il fit annoncer
dans les 'Petites Affiches du 26 juillet.
En 1765, l'orgue de l'Académie ne servit guère qu'aux
accompagnements, et l'on entendit deux fois seulement, le 3 et le
1 8 décembre, de ces concertos d'orgue dont le Concert Spirituel
de Paris avait lancé la mode en 1755 : les deux concertos étaient
de la composition de Charpentier lui-même, et celui du 3 décembre
était avec accompagnement de cor de chasse (par M. Devers,
" virtuoso ") et de grande symphonie. L'année suivante, l'organiste
se fit entendre encore sept ou huit fois dans ses œuvres : le
16 juillet, il joua successivement l'ouverture du Maître en droit de
Monsigny, une ariette et une pièce originale ; le 25 décembre,
un " concerto de Noël ".
L'administration de l'Académie n'avait pas tort de vanter la
(1) Arch. de la Charité. E. 1400.
(2) En 1766, le 4 juillet, naquit son fils, Jacques-Marie, qui devint aussi
organiste à Paris (Registres paroissiaux de S1 Nizier).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 123
variété des œuvres nouvelles qu'elle inscrivait à ses programmes, le concert
Au fonds de son répertoire, toujours composé d'opéras en extraits DE l759 A
de Rameau, Mondonville, Debury, La Garde, des ancêtres Cam- l7
pra et Destouches, et des motets de La Lande et de Mondonville,
s'ajoutent peu de grandes œuvres nouvelles. On présente parfois
des pièces peu récentes en termes impressionnants : ainsi l'on parle
de Zaïde " par feu M. Royer, dont la Chasse est le chef d 'œuvre
de la musique dans ce genre ". Pas d'opéras nouveaux, quatre
motets inédits seulement, mais un nombre considérable de cantates,
de cantatilles, de symphonies et surtout d'ariettes de toutes sortes.
La plupart sont fournis par les pensionnaires de l'Académie.
On chante successivement Regina cœli de Chupin de la Gui-
tonnière, qui reçoit à cette occasion une gratification de soixante-
douze livres ; Laudate pueri de Desormery ; Coronate flores à voix
seule de Le Febvre ; et, le 17 juillet, " un motet à voix seule et
grande symphonie de Le Breton, maître de musique de l'Opéra de
Paris, exécuté par M. Warin pour qui il a été composé ".
Pluie d'ariettes de toutes sortes, dues à Trial, à Royer, ou
extraites d'opéras, comme le Rossignol à'Hippolyte et Aricie et, le
plus souvent, annoncées sans nom d'auteur. De même, pour les
symphonies ; les programmes annoncent, diverses fois, sans autre
détail : " Plusieurs morceaux de symphonie avec cors et timbales,
et plusieurs ariettes détachées ". Les œuvres de Stamitz paraissent
fréquemment ; le 30 janvier 1765, on joue "une grande symphonie
de M. Leclair, Ier violon du Concert"; le Ier mai, c'est une
symphonie de Gosset, c'est-à-dire de Gossec. Des cantatilles de
Le Breton et de Bailleux (le 'Prix de la Beauté) auxquelles on
ajoute comme conclusion la chaconne des Indes Galantes. Et
encore des œuvres lyonnaises : Itasse chante deux fois des canta-
tilles de sa composition ; Warin se prodigue dans ses propres ou-
vrages ; le 22 mai il chante une cantate nouvelle dédiée à la
Marquise de Rochebaron ; le 3 juillet, " une musette de sa com-
position qui a été redemandée, avec une ariette italienne "; le
21 août, nouvelle cantate, dédiée à la Duchesse de La Roche-
foucauld, qu'il chante avec un nommé Pons ; le 2 1 août, il fait
124 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert exécuter un motet à grand chœur dédié au Duc de Richelieu,
de 1759 a gouverneur de la Guyanne. Un nom illustre paraît aussi sur les
programmes, celui de J. J. Rousseau, dont M1Ie Fargues interprète,
le 3 juillet, la cantate de la Naissance de Vénus. Et l'Académie,
enfin, rend hommage à la mémoire d'un de ses anciens chefs
d'orchestre, en jouant, le 9 janvier, l'ouverture du Triomphe de
/'Harmonie, de Grenet.
Pendant cette année 1765, un seul virtuose étranger à l'Aca-
démie: c'est "le Signor Schmid" qui occupe à lui seul un concert
presque entier. Il parut le 19 juin ; la séance débuta et fut close
par des " symphonies à grande orchestre " de ce compositeur ;
entre les deux, " le célèbre Virtuoso " joua une sonate de violon et
toucha une sonate de clavecin de sa composition. La séance fut
complétée par des ariettes et un acte d'opéra.
La liste des pensionnaires de l'Académie pour 1766 nous est
donnée fortuitement par les 'Petites Affiches du 20 août, annonçant
pour la Saint-Louis une grand messe en musique à l'église des
Carmes. Cette messe composée par Guichard, haute-contre du
Concert, fut exécutée sous la direction de Warin. Dans l'énuméra-
tion des choristes et des symphonistes qui prirent part à cette fête,
nous trouvons les vingt chanteurs et la vingtaine d'instrumentistes
du Concert. Les choristes sont les demoiselles Chartron, Barbier,
Michel, Mesplet, Bonnet, Grandon, Hode ; les hautes-contres
Guichard, Pons et Vidal ; les hautes-tailles Drougeon, Bertin et
Meunier ; les basses-tailles Warin, Bardet, Rainé, Lambert, Nicolas,
Sosonnet, Colesse. De ceux-là, nous connaissons déjà les demoiselles
Michel, Bonnet et Grandon et le sieur Nicolas, élèves du Concert
en 1765 ; les demoiselles Chartron, Barbier et Hode, les chanteurs
Drougeon, Guichard, Warin, Rainé, Colesse. Parmi les nouveaux
choristes, nous avons quelques renseignements sur Pons ou Saint-
Pons, professeur à l'école royale militaire de Tournon, et qui
enseignait à Lyon, rue S* Dominique, la musique vocale, le violon,
la flûte, le hautbois par des procédés aisés et faciles ; Vidal, nou-
vellement arrivé, et que les Petites Affiches du 4 juin 1766 désignent
comme " ci-devant haute-contre du Concert et de la Métropole
Partie AU D I X - H U IT I È M E SIECLE 125
d'Avignon "; Bertin, vieux professeur de musique vocale française, le concert
habitant rue Mercière. de 1759 a
La symphonie est composée de Carminati, Serrière, Janno l7
[Joannot], Brijon, Deloule, Roche, Fouquet, Delisieux, Furin,
Lebrun, Tauseany, Grenier fils, Grenier, Sambat, Devert et
Delisieux. Les nouveaux pensionnaires sont : Serrière, " musicien
de la Chambre de S. A. R. l'Infant dom Ferdinand, duc de
Parme", qui débuta au Concert, le 19 février 1766, dans une
sonate de violon, et qui fit annoncer, dans les ^Petites Affiches du
même jour, son installation à Lyon comme professeur, luthier et
marchand de musique ; Joannot (rue Sfc Jean, puis rue Désirée)
professeur de musique vocale, de violoncelle, de violon, de par-
dessus de viole et de mandoline ; Tauseany (rue du Bœuf), maître
de luth, de guitare, de pardessus de viole et de mandoline, dont les
Petites Affiches du 28 décembre 1765 annoncent aussi la récente
arrivée ; Fouquet (rue des SoufFetiers), qui enseigne la composition
et divers instruments ; Lebrun ; enfin les Grenier, père et fils, qui
sont sans doute les Granier que nous avons signalés dans la troupe
de 1757.
En dehors de ces artistes, les programmes du Concert nous
indiquent les noms de Mlle Veyron, dont les débuts eurent lieu le
19 février ; de Mme Charpentier, des demoiselles Guillot, de
S* Marcel qui se fit entendre deux fois en s'accompagnant sur la
guitare, Vanier du Concert de Grenoble ; de Mme Itasse ; des
chanteurs Touvoix et Lobreau.
Les programmes ressemblent à ceux de l'année précédente ;
on revient pourtant à quelques œuvres anciennes : les motets de
La Lande obtiennent une dizaine d'exécutions, et l'on exhume, à
la demande du public, la fameuse Messe de Gilles dont la vogue
avait été si grande. Le nom de Campra reparaît. Rameau conserve
la faveur, et l'on annonce, le 17 décembre, le premier acte de
Castor et ^ollux " connu par le succès qu'il a eu, l'hiver dernier, à
Paris, dont on donnera périodiquement les autres actes. " Le succès
accueille toujours "la belle chaconne" de Le Breton. Les pension-
naires de l'Académie ne sont pas oubliés : Warin fait exécuter, le
126 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert iy décembre, un divertissement de sa composition ; et, le 31 du
de 1759 a même mois, " Mme I tasse chante le motet à voix seule de la com-
l7 position de son mari, qu'elle a chanté le jour de la Toussaint, au
Concert Spirituel, aux Tuileries ". Le Mercure de France ', dans son
numéro de décembre 1766, avait parlé avec avantage de cette
interprétation donnée à Paris par Mme Itasse " du Concert de Lyon ".
Deux virtuoses violonistes, de l'Académie, se font entendre
souvent : Carminati et Serrière. Ils jouent des sonates, des concertos,
des solos divers avec des " variations en sons harmoniques ". Le
18 juin, on entend Devers dans un concerto de cor de chasse. Le
19 novembre "les musiciens du corps des volontaires de Soubise
exécutent des pièces de clarinettes et de cors de chasse."
L'année 1766 est marquée par un événement sensationnel
mais tout-à-fait oublié : nous voulons parler d'un concert donnée
par Mozart. Mozart le père poursuivait alors un voyage artistique,
au cours duquel il présentait ses deux enfants, Anne et Wolfgang,
comme clavecinistes (1). La famille Mozart passa quatre semaines
dans notre ville (2), et y donna vraisemblablement plusieurs audi-
tions. La seule trace qui soit restée de ces concerts est cette note
des Petites Affiches du 1 3 août, annonçant que, entre un acte de
de Bury et un acte de Rameau, "M. J. G. Wolfgang Mozart,
enfant de neuf ans, compositeur et maître de musique, exécutera
plusieurs pièces de clavessin seul ". Ce passage du jeune Mozart,
âgé en réalité de dix ans et demi, n'avait pas encore été signalé.
Peut-on en conclure que le futur grand musicien n'avait pas
produit sur les Lyonnais une forte impression ?...
En 1767, nous retrouvons, parmi les solistes les demoiselles
Vannier, Guillot, Michel, Mme Charpentier, la basse Warin. Ce
dernier ne chante que deux ou trois fois : sans doute, il n'est à
Lyon qu' " en représentations " car Y Almanach parisien de cette
année indique qu'il habite Paris, qu'il fait partie de l'Opéra, et
(1) V. A. Kling, (Mozart (tirage à part de la Fédération artistique de Bruxelles,
1904).
(2) Lettre de Mozart le père, datée de Munich, 16 novembre 1766 : " A
Lyon, nous nous arrêtâmes quatre semaines... "
Partie AU DIX-HUITIÈME SIECLE 127
qu'on le considère comme un des maîtres les plus célèbres. A ces le concert
artistes connus s'adjoignent les demoiselles Jonvaux et de Montbrun DE x759 A
ou de Montbran, "première cantatrice du Concert de Besançon"(i) ; *7
" la première cantatrice du Roi d'Angleterre " dont le nom n'est
pas cité, et qui chante le 22 juillet; le sieur Michel, basse-taille du
Concert de Montpellier ; un nommé Fargues, qui débute le 25
novembre. Deux virtuoses connus qui voyageaient ensemble, le
violoniste Manfredi et le violoncelliste Boccherini, jouent l'un et
l'autre, au Concert du 25 novembre, des sonates de leur com-
position.
A cette époque, l'intérêt musical des séances diminue de façon
très sensible. Faute d'argent, on n'acquiert plus de partitions
nouvelles, et l'on se contente du vieux fonds des opéras et des
motets. Les ariettes détachées dominent toujours, les ariettes
italiennes surtout, représentant la musique d'outre-monts, dont les
grandes œuvres semblent avoir toujours été bannies du Concert de
Lyon. Le nationalisme musical des Lyonnais faisait ainsi de petites
concessions à un art officiellement abhorré. Charpentier lui-même
abandonne peu à peu les concertos d'orgue pour faire entendre sur
son grave instrument quelques-unes de ces ariettes variées, extraites
d'opéras à la mode, qu'il arrangeait pour le clavecin. Et nous nous
trouvons ici en face d'un phénomène constant dans l'histoire des
sociétés de concerts : le public se dégoûte progressivement de la
musique, et n'aime plus que la virtuosité ; le sport instrumental
étouffe l'art. En même temps, les recettes fléchissent, car le nombre
des auditeurs diminue lorsque quelque grande vedette n'est pas
annoncée : les organisateurs des séances s'efforcent alors de décou-
vrir chaque semaine de nouveaux prodiges. Cercle vicieux : les
frais d'exploitation augmentent et les amateurs s'éloignent de plus
en plus.
Les Officiers du Concert se trouvent chaque jour en face de
(1) En 1762, une dame Montbrun était la première cantatrice de l'Académie
d'Orléans où elle touchait douze cents livres par an (Archives départementales du
Loiret. Cf. l'article de Leroy et Herluison dans le bulletin de la Réunion des Stés des
B. A. des départ. XXI, p. 788.)
128 LA MUSIQUE A LYON Première
le concert nouvelles difficultés financières et des dettes qui s'accumulent. Ils
de 1759 a s'efforcent de trouver des expédients. Aux sollicitations personnelles
J7 auprès des Académiciens, ils joignent l'action par la publicité des
^Petite s Affiches. Le Ier mai 1765, ils avaient déjà décidé " de rece-
voir, en tout temps de l'année, les abonnements qui commenceront
à la date où ils auront été pris, et finiront à pareille date de
l'année suivante ". Le 22 janvier 1766, nouvel appel aux musiciens:
" Messieurs les Officiers de l'Académie des Beaux-Arts du Concert,
toujours animés de tout ce qui peut contribuer à la plus grande perfection
d'un établissement aussi glorieux qu'agréable aux Citoyens, n'ont rien
épargné pour se procurer une partie de l'Elite des sujets du royaume ; ils
espèrent augmenter le nombre des amateurs, par la variété des concerts
qu'ils seront en état de donner, en y faisant exécuter du Français, du Latin
et de l'Italien. Ils invitent en conséquence ceux qui voudraient s'abonner,
de se présenter avant la fin du mois, terme fixé pour la clôture des
abonnements. "
La fin de ce communiqué nous révèle que les Lyonnais
recherchaient, dès le xvnr9 siècle, la musique gratuite: les Officiers
de l'Académie signalaient leur intention " d'éviter les entrées
proscrites qui se multiplient chaque jour. "
L'année suivante, le 2 1 janvier, note non moins pressante :
" Sur les représentations qui ont été faites par le plus grand nombre
des abonnés, à l'Académie des Beaux-Arts du Concert de Lyon, que
plusieurs particuliers dont la famille est domiciliée dans cette ville, et qui
annuellement y passent plusieurs mois, viennent constamment partager les
plaisirs, sans vouloir participer aux charges, les directeurs et officiers de
cette Académie, jaloux d'accroître le nombre des membres et de faciliter à
ceux des citoyens que leur état oblige à une absence annuelle, les moyens
d'en jouir pendant leur séjour, ont délibéré de recevoir, des personnes
désignées ci-dessus seulement, des abonnements pour la demi-année, et la
moitié du prix ordinaire ; en faveur desquelles dans le cas où on donnerait
dans la salle du Concert un grand bal de nuit, ils seront réputés Chevaliers,
et auront part à la distribution des billets, pour y faire entrer des personnes
qui ne sont pas admises. "
On le voit, pour attirer les amateurs réfractaires, les Officiers
du Concert oublient leur traité de 1724, par lequel ils s'étaient
Partie AU D I X - H U IT I E M E SIECLE 129
engagés à ne pas donner dans leur hôtel des spectacles profanes et LE concert
des bals. Etrange idée que de vouloir organiser des bals réservés DE x 759 A
aux abonnés d'une Académie musicale ! Les bals cependant eurent l'
lieu, tantôt la nuit, tantôt le soir, et furent annoncés dans les Petites
Affiches, du 4 janvier 1769, du 31 janvier 1770, du 30 décembre
1772, à diverses reprises en 177 1 (1). Ces fêtes mondaines ne suf-
firent pas. L'Académie dut user d'autres expédients. Dans l'assemblée
du 23 juin 1767, on décida d'organiser l'abonnement par loterie de
la façon suivante : les abonnements aux séances académiques
n'eurent lieu que par billets de loterie ; on émit six cents billets à
trente-six livres, chaque billet donnant droit d'entrée pendant un
an ; sur les six cents billets, cent lots gagnant l'abonnement de
l'année suivante. Un prospectus expliquant cette combinaison fut
imprimé et encarté dans le numéro des ^Petites Affiches du 23 juin
1767. L'ouverture de la loterie était fixée au 15 juillet. Le résultat
fut médiocre : au mois de décembre, les billets n'étaient pas tous
souscrits, et les Officiers, dans les 'Petites Affiches du 2 décembre,
durent faire un " nouvel appel aux citoyens pour le soutien d'un
établissement qui fait honneur à la Ville, et qui lui procure des
Maîtres dans un art agréable et nécessaire à l'éducation de la jeu-
nesse. " L'expérience fut pourtant renouvelée l'année suivante.
Dans leur nouveau prospectus, les Officiers annonçaient leur inten-
tion " de prévenir les entrées abusives devenues trop faciles et
trop multipliées, et qui ont porté un préjudice considérable à
l'Académie. " Les personnes qui croyaient être dans le cas d'entrer
au Concert sans s'abonner, étaient invitées à se faire inscrire chez
le Directeur ou chez les Inspecteurs de la Société ; quant aux
Etrangers, ils ne devaient être reçus gratuitement que pendant un
mois ; après cette période ils devaient payer un droit de neuf livres
par mois, leur donnant droit à l'entrée aux " danses du Car-
naval (1) "
(1) En 1771, on voit l'annonce de bals pour les lundi 21, 28 janvier, 4 et
il février, 23 décembre.
(2) Prospectus imprimés chez Delaroche. Arch. mun. Dossier du Concert.
VIL
Dernières années de l'Académie (1768- 1773)
Au milieu de ses difficultés financières, l'Académie des Beaux-
Arts et du Concert fit une grande perte : Nicolas Bergiron
du Fort Michon mourut au début de l'année 1768 (1), à
l'âge de soixante-dix sept ans. Bergiron, depuis la mort de son
co-fondateur de l'Académie, Jean- Pierre Christin, c'est-à-dire
depuis 1755, avait rempli sans interruption les fonctions de
bibliothécaire de sa société. Il s'était, comme nous l'avons vu,
activement ocrupé d'enrichir le répertoire musical, et il avait
accepté, pour les années 1763 et 1764, le poste de directeur du
Concert. Sa veuve fit vendre aux enchères sa riche collection
d'opéras, de motets, de cantatilles et autres morceaux de musique,
et les Petites Affiches, en annonçant cette vente qui eut lieu au
mois de mai 1768, fournirent quelques renseignements sur la
carrière du musicien défunt :
" On sait, lit-on dans le numéro du 27 avril, que c'est une collection
faite pendant bien des années et à grands frais, par cet amateur qui, par la
supériorité de ses talents, concourut avec les plus grands maîtres de l'Art,
et partagea leur gloire. Le célèbre M. Barnier [Bernier], le grand Rameau,
ce père de la musique française, estimèrent ses talents et le distinguèrent
toujours. Le titre d'Examinateur et Censeur des Ouvrages destinés au
Théâtre, lui acquit tant de confiance qu'on recourait à lui pour avoir, dans
les Cathédrales et dans les Concerts, les maîtres de son choix. Lyon lui
(1) Nous n'avons pu trouver la date exacte de la mort de Bergiron, ni dans les
registres paroissiaux de Lyon, ni dans ceux de S1 Lager, Odenas, Dracé, etc.
132 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières doit l'établissement de l'Académie des Beaux-Arts ; et la bibliothèque de
années de musique de cette Société, copiée en partie de sa main, est un monument
l'académie de son goût et de son amour pour sa patrie...
1768-1773
Nous savons d'autre part que Bergiron fut regretté, non
seulement comme musicien, mais aussi comme homme privé, et,
l'année même de sa mort, un de ses voisins de la campagne beau-
jolaise écrivait : " La mort de Bergiron a été affligeante pour tous
ceux qui l'ont connu ; ses amis le regretteront éternellement ; elle
a enlevé aux cultivateurs de la Province, aux malheureux de tous
les pays, un père, une âme sensible, un consolateur... " (1)
Le musicien remarquable qui, à l'âge de vingt-deux ans,
avait doté sa ville natale de la plus vivace des sociétés artistiques,
l'homme dévoué et intelligent dont la perte dut se faire cruelle-
ment sentir, fut oublié aussitôt après sa mort, et de la façon la
plus complète : nul écrivain lyonnais ne fit allusion à son existence ;
nul historien ne signala son bel effort artistique ; son nom même
ne se rencontre dans aucune biographie générale ou locale, et,
quand nous entreprîmes l'étude actuelle, nous restâmes de longs
mois sans pouvoir identifier ce musicien dont nous rencontrions
sans cesse le nom sur des partitions jouées par la Société du
Concert. Nous pardonnera-t-on, au cours de cet ouvrage imper-
sonnel et purement documentaire, d'abandonner pour un instant
l'impassibilité du compilateur, et de saluer, avec une émotion
peut-être déplacée et un peu ridicule, la mémoire d'un vaillant
musicien dont la vie tout entière fut consacrée au premier des arts,
et dont le nom même avait sombré dans le plus injuste oubli ?...
Nous avons signalé l'envahissement des programmes de l'Aca-
démie par les petites œuvres mettant en vedette chanteurs et
virtuoses. Cette tendance à la diminution de la musique propre-
ment dite s'accentue au cours des années 1768 et 1769. Peut-être
Bergiron s'était-il opposé à ce " rapetissement " des programmes,
en attirant l'attention des directeurs de l'Académie sur les richesses
anciennes de sa bibliothèque, car, après sa mort, l'évolution vers la
(1) C. S. [Brac de la Perrière], ouvr. cité, p. 153 des notes.
Partie AU D I X- H U IT I E M E SIECLE 133
virtuosité pure fut singulièrement rapide. Sans doute on joue bien dernières
encore de temps en temps un motet du vieux La Lande, et l'on années^ de
reprend même parfois des œuvres latines de Belissen et d'Yzo, quel- L AcADEMIE
que cantate de Campra, un fragment de Montéclair, ou un extrait
de Grenet ; mais ces retours en arrière sont de plus en plus rares :
Rameau et Mondonville eux-mêmes sont presque abandonnés, et
les quelques motets que l'on exécute encore sont des œuvres récen-
tes. De Torlez, joué plusieurs fois au Concert Spirituel de Paris
en 1767 et 1768, on choisit un petit motet ; les autres pièces
latines sont dues à des pensionnaires de l'Académie, comme l'orga-
niste Charpentier, le violoniste Leclair, ou le chanteur Lobreau
qui, en 1768, prend, comme maître de musique de l'Académie, la
succession de Claude Le Goux, retiré depuis deux ans de son com-
merce de musique. Comme grandes œuvres nouvelles, on entend
le Devin du Village de Rousseau, joué trois fois de suite, et ad-
ditionné de l'inévitable " belle chaconne " de Le Breton ; des
extraits de Tom Jones ou à'Ernelinde de Philidor. Ce dernier musi-
cien retrouve à Lyon ses succès parisiens, et ses ariettes (le 'Père
de famille, la Guerre) sont très goûtées. On voit aussi paraître
plusieurs extraits d'œuvres récentes de Monsigny telles o^x Aline
reine de Golconde (juin 1768) ou de Le Breton (Erosine). Mais le
fonds du répertoire est constitué par mille petites pièces, airs,
ariettes ou duos italiens, le plus souvent sans nom d'auteur et
spécifiés uniquement par le nom de l'interprète, courts fragments
de Dezède, musicien anonyme et peut-être lyonnais, ariettes de
Leclair le second, d'Itasse, du violoncelliste Duval, tous trois pen-
sionnaires de l'Académie. Une symphonie, non désignée le plus
souvent, ouvre le concert ; quelques-unes sont encore dues à des
Lyonnais, comme Leclair (1), le violoniste Kautz, le violoncelliste
Granier, ou Horace Coignet, l'auteur de la musique pour le
T'ygmalion de Rousseau.
Le répertoire de l'orgue suit ce mouvement, et s'amenuise de
(1) On verra, dans le chapitre consacré à la bibliothèque du Concert, que
Leclair composa, soit seul, soit en collaboration avec un nommé Charville, deux
" divertissements ", malheureusement disparus.
134 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières plus en plus. Jusqu'à son départ pour Paris où Mgr de Montazet,
années de archevêque de Lyon, l'avait appelé pour tenir l'orgue de l'abbaye
LA5^D MIE de S* Victor, c'est-à-dire jusqu'au mois de mars 1 77 1, Charpentier
oublia les œuvres sérieuses et se contenta de faire entendre de
toutes petites pièces en vogue, réunies ou soudées en forme de
concerto. Les ouvertures et les romances les plus goûtées, extraites
d'oeuvres récentes de Philidor, de Monsigny et de Grétry sont
ainsi souvent entendues sur l'orgue. Les programmes annoncent
successivement, en dehors d'une pièce de l'organiste Balbastre : plu-
sieurs airs connus ainsi que la belle chaconne de Le Breton ; un
concerto composé de l'ouverture de Rose et Colas, d'un air du
Jardinier de Sidon et d'un air du Diable à quatre ; un concerto com-
posé de l'ouverture du Roi et le Fermier, de l'ariette de Sancho Pança
et du Jardinier et son Seigneur ; " une symphonie de Schobert avec
l'air de Laschi Son ja tre di che Nina, avec des variations et le
quatuor de Lucile, le tout arrangé pour cet instrument." On le voit,
l'opéra-comique triomphant et ses airs faciles envahissaient jusqu'à
l'instrument grave et majestueux dont, dès 1746, Bollioud-Mer-
met déplorait la profanation. Que devait penser, vers 1770, le
solennel auteur de la Corruption du goût ?,..
En 1768, les chanteurs solistes sont très nombreux : les
demoiselles Vannier, Perrin, Dumey, Nicoli, Ferton, Pelletier,
Lacombe, Maubrun, les dames Charpentier et Itasse ; les sieurs
Lobreau, Itasse, Michel, Peré ou Perret, Warin, Lauras, Suin.
Quelques-uns d'entr'eux, comme la Dumey, ou la Nicoli, cantatrice
napolitaine, sont de passage et ne chantent qu'une fois. L'année
suivante, il est vrai, l'effectif de la troupe chantante est bien
diminué ; il ne reste plus que sept chanteurs : Mme Charpentier, les
demoiselles Vannier, Olivier, Ferton, et Renaud, les sieurs Lobreau,
et Dupuis " haute-contre nouvellement arrivé dans cette ville et qui
désire de s'attacher à l'Académie. "
Parmi les instrumentistes qui se font entendre comme solistes,
on remarque, en 1768, les violonistes Gaetano, Serrière, Jobert, le
vieux Carminati, le corniste Devert, les violoncellistes Tangui-
Frémont et Duval, le jeune Lebrun " enfant de neuf ans, qui
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 135
blouse les timbales" (1). Le Ier Juin " des musiciens de S. A. R. dernières
le Prince héréditaire de Brunswick jouent de# la clarinette." L'aigre AfNNEES de
mandoline fait aussi son apparition officielle, présentée par Cre- LA?%D MIE
masqui ; elle est d'ailleurs très en vogue à Lyon depuis une dizaine
d'années, et Castaud vend en si grand nombre des méthodes de
Leone que les exemplaires viennent à manquer, comme l'annoncent
les ^Petite s Affiches du 25 janvier 1769. L'année suivante, la man-
dore, jouée par Suin, artiste du Grand-Théâtre (2), sert parfois à
accompagner des chanteurs, et trois virtuoses de passage viennent
se faire applaudir : le violoncelliste Duport et le corniste Rodolphe,
tous deux de la musique du Prince de Conti, jouent " plusieurs
morceaux" le 19 juillet; le 30 août " Leopold Valenti, virtuose
allemand, joue un concerto de sa composition sur un instrument à
vent nouvellement inventé et qui n'a jamais paru en France. "
Nous ignorons et le nom de cet instrument et l'état-civil du vir-
tuose. Enfin, on voit reparaître, pour un jour, le pardessus de viole,
toujours apprécié dans le monde des amateurs. C'est Fouquet qui
en joue, et l'artiste avait fait annoncer qu'il était l'élève du célèbre
Joli et des plus grands maîtres de Paris, et qu'il possédait la mé-
thode la plus brève. Fouquet avait écrit quelques duos très faciles
pour deux pardessus de viole et les avait fait graver à Paris ; il
vendait aussi des duos de sa composition pour la mandoline et
différentes pièces de musique instrumentale manuscrite. (3)
L'esprit est le même, qui préside à la composition des pro-
grammes pendant les années 1770, 1771 et 1772. D'opéras nou-
veaux, ou n'entend guère que Sylvie de Trial et Berton (13 juin
1770) ; le quatuor de Lucik de Grétry (28 décembre 1 77 1), de
qui le nom, en dehors des arrangements de Charpentier, a paru
pour la première fois, le 20 novembre, avec une Elévation à trois
(1) Il s'agit peut-être de Jean Lebrun, né à Lyon en 1759, et qui devint un cor-
niste remarquable. V. FÉtis, Biographie des musiciens.
(2) Suin publia un " recueil d'airs choisies pour la guitare, avec accompagnement
violon ad libitum " et un " recueil d'ariettes avec accompagnement de harpe " [Petites
Affiches du 16 juin 1768.)
(3) Petites affiches : 28 Novembre 1759, 16 juillet 1766, 21 décembre 1768,
Il octobre 1769.
136 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières voix d'hommes ; enfin la Cinquantaine de La Borde qui plus tard
années de s'installa à Lyon (1). Les motets sont dus au violoncelliste Duval, ou
L A5^DEMIE à Lobreau " ordinaire de la musique du Roi, " qui n'est peut-être
autre que le chef d'orchestre de l'Académie ; à Chrétien [Johann
Christian] Bach, dernier fils de Jean-Sébastien, et le seul Bach dont
le nom ait paru, à cette époque, sur les programmes de Paris et de
Lyon : son Dixit "Dominus à grand chœur est exécuté le 17 janvier
et le 14 février ; à Francesco Zannetti ; à Fanton ; à Fiocco ; à
Olivier ; enfin à quelques Lyonnais tels que Tauseani, professeur
de musique installé à Lyon en 1765 et compositeur fécond, ou le
jeune Després, organiste dont nous parlerons plus loin. Un motet,
chanté le 13 février 1771, est dû à la collaboration d'un anonyme
et de Charpentier. On chante aussi un motet de Rousseau sur
lequel nous aurons à revenir, et l'on reprend même In convertendo
de Rameau.
Le principal fournisseur de symphonies est un nommé Stabingher
virtuose sur la flûte et la clarinette, dont les œuvres sont parfois
écrites avec quatorze parties obligées (18 mars 1772). Le compo-
siteur lui-même se fait souvent entendre en soliste. Le 10 janvier
1770, le bassoniste Comi, ordinaire de la musique du Prince de
Conti, de passage à Lyon, accompagne une ariette sur le basson et
fait exécuter une symphonie nouvelle écrite par lui. Huit jours
après, la symphonie d'ouverture est de Gaétan Vaï. Le 29
avril 1772,1e nom de Haydn paraît pour la première fois: ce
jour-là, on joue " une symphonie à grand orchestre à quatre cors
obligés de Hayden. " On peut supposer que cette musique parut
difficile à comprendre et ne plut pas aux Lyonnais, car, contraire-
ment à l'usage, il n'en fut pas donné de seconde audition. A cette
musique sérieuse et pourtant si charmante, on préfère les cantatilles
de Légal de Furcy (13 mai 1772), les trios de cors, les quatuors
avec clarinette, les duos de bassons et de clarinette, les petits airs
(1) " 1774, 26 janvier: De La Borde, ci-devant valet de chambre de Louis XV
vient s'établir à Lyon avec sa femme et ses enfants " (Morel de Voleine, Petite
chronique lyonnaise dans la Revue du Lyonnais). — La partition de la Cinquantaine fut
la dernière acquise par le Concert.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 137
mis en concerto pour le violon, les ariettes de Philidor, du dernières
"signor" Monze, de Desprès, de "l'auteur de l^ygmalion" Horace ANNEES de
Coignet, et, naturellement, l'indispensable " belle chaconne " de L A<rADEMIE
Le Breton, en somme mille petits riens qui amusent l'esprit léger ^
des nombreux amateurs des bals organisés par le Concert. Cette
médiocrité des programmes est peut-être la cause du silence de
l'Anglais Burney. Celui-ci, au cours des voyages qu'il fait en vue
d'écrire une histoire de la musique, s'arrête à Lyon : il note ses
impressions sur le théâtre où " le chant est détestable, ': signale les
concerts donnés dans un café par une famille italienne, mais ne
dit rien de l'Académie musicale où certainement il avait été reçu.
Reproduirons-nous, à titre documentaire, un ou deux pro-
grammes de l'Académie ? Voici un " concert extraordinaire "
donné le 1 1 mars 1 77 1 : Symphonie nouvelle composée pour servir
d'ouverture au drame de Mélanie; Baër, musicien du duc d'Orléans,
et Kautz jouent un concerto à deux clarinettes ; on chante
plusieurs ariettes nouvelles ; Baër joue un deuxième concerto de
clarinette ; " le tout est terminée par une harmonie composée de
deux clarinettes, deux cors et deux bassons ". Voici encore le
programme du 15 janvier 1772 : un acte de Titon et P Aurore de
Mondonville ; une symphonie à grand orchestre ; un motet de
Fiocco ; une sonate de violon ; une ariette de Koaull ; un concerto
de flûte ; un air italien ; un concerto d'orgue ; un motet de Mon-
donville. — Copieuses séances, on le voit, mais où la musique
n'occupe qu'une place secondaire, et où la virtuosité domine.
Mais, aussi, quel nombre imposant de solistes ! les cantatrices
Ferton, Boileau, Charpentier, Olivier, Dupuy, Guillot aînée et
cadette, d'Antoine, Rosette Gilli, Pezé, Rosambert ; les chanteurs
Dupuy, Lobreau, Péré, Le Tellier, Pontlaville... A ceux-là se
joignent encore deux chanteurs illustres : Albanese et MIIe Fel. De
cette dernière nous raconterons tout-à-1'heure les aventures. Les
virtuoses instrumentistes ne sont pas moins nombreux : les
violonistes Kautz, Gaetano, Paquet, Serrière, Carminati, Garnier ;
le violoncelliste Duval, les cornistes Andriol et Brun fils ; Stabin-
gher, flûtiste et clarinettiste ; Comi, basson ; Hus le fils, futur
10
I38 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières directeur du Grand-Théâtre, qui se fait applaudir dans un concerto
années de de clavecin de sa composition ; Mercier, musicien de Charles de
LA£q MIE Lorraine, professeur de chant, de clarinette, de basson et de
' ^ serpent ; Foisses qui, le 10 octobre 1770, annonce qu'il " arrive de
Rome où il a enseigné à pincer de la harpe pendant six ans ", et
qui joue, le 14 novembre, un concerto et une sonate de harpe ;
Mme Latour, également harpiste. Les instruments les moins usités
comme tels paraissent en solistes : c'est, un jour, un concerto de
basson ; un autre jour, le tympanon ou orphéon, joué par Henne-
quin ; ce virtuose remporte un si grand succès qu'il se fixe aussitôt
à Lyon pour enseigner à jouer de son instrument. (1)
Au cours de ce défilé de virtuoses, quelques événements
méritent l'attention : c'est le passage de J. J. Rousseau à Lyon ;
celui de quelques organistes notables ; l'apparition d'un nouvel
instrument, le piano.
Il y aurait tout un ouvrage à écrire sur " Rousseau et les
musiciens lyonnais ". Nous avons déjà signalé ses rapports avec un
des premiers maîtres de musique de l'Académie, nommé David ;
tout le monde a lu, dans les Confessions du philosophe, sa
dégoûtante conduite vis-à-vis de Le Maître, abandonné, malade,
dans notre ville, ou ses aventures comme copiste de musique avec
un religieux Antonin. La tentative qu'il fit pour dépouiller
Horace Coignet de la musique de ^Pygmalion, est fameuse ; elle a
été relatée souvent, et notamment avec beaucoup de détails par
M.Antoine Salles (2). L'histoire du De^in du village n'est peut-
être pas épuisée encore, et la malveillante hypothèse de Castil-
Blaze est singulièrement attirante, qui attribue à un compositeur
lyonnais la paternité de l'agréable partition...
(1) Tetites Affiches, 31 octobre 1770. Le 14 mai 1760, la même publication
avait annoncé qu' " une dame étrangère enseigne à jouer du tympanon avec la
dernière délicatesse, ayant été applaudie par plusieurs connaisseurs et personnes de
distinction de cette ville."
(2) Sur le séjour de Rousseau à Lyon, sur Horace Coignet, et sur l'aven-
ture de Pygmalion, v. Antoine SallÈs, Horace Coignet et le " Pygmalion " de Rousseau
{Revue musicale de Lyon, 24 et 31 décembre 1905). V. aussi F. Z. Collombet,
y. y. Rousseau à Lyon (Revue du Lyonnais, 1838, VIII, 5)-
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 139
En 1770, à la fin de mars, Jean-Jacques Rousseau, quittait dernières
Monquin où il avait fait un séjour assez long (1) et arrivait à années de
Lyon ; il assistait à des représentations du "De^in de village organi- L academie
sées en son honneur (2), et à quelques concerts de l'Académie, ' ''
notamment au concert spirituel du Vendredi-Saint. Ce jour-là, il
était placé dans une tribune au plus haut de la salle avec Fleurieu
de la Tourette. On exécutait le Stabat mater de Pergolèse. C'est là
qu'il fit la connaissance d'Horace Coignet, alors âgé de trente-
quatre ans. Coignet était le fils du garde de bibliothèque du
Concert, et avait fait exécuter déjà, comme nous l'avons indiqué,
quelques piécettes de sa composition. Rousseau fit bon accueil au
jeune amateur et le chargea d'écrire une musique de scène pour
cPygmalion. Il voulut encore, lui qui avoua pourtant dans un
moment de sincérité qu'en musique il était un barbouillon (3), il
voulut se produire comme compositeur. Horace Coignet a raconté
lui-même l'anecdote :
" Rousseau, voulant faire entendre, au grand concert, un motet qu'il
avait composé, il y avait alors vingt ans, me chargea, à la première répéti-
tion, de conduire l'orchestre. Les musiciens en prirent de l'humeur contre
lui, disant qu'il ne les croyait donc pas capables d'accompagner sa mu-
sique (4). Celle-ci, froide et sans effet, se ressentait du temps où elle avait
été composée. Le samedi, veille du jour où l'on devait exécuter sa
musique (5), était précisément celui qu'il avait choisi pour m'envoyer à
cette maison de campagne ou s'étaient donné la mort les deux amants dont
j'ai parlé. Rousseau, voulant que je laissasse son motet à la disposition des
musiciens, me pressa fort de partir... Enfin son motet eut le sort que
j'avais prévu : il ne réussit point. Une nombreuse réunion était allée pour
l'entendre. Rousseau s'en prit aux musiciens. Le chagrin qu'il éprouva de
ce mauvais succès le décida à quitter Lyon. Le lendemain, je vins lui
(1) V. Lettres inédites de J. J. Rousseau (H. de Rotschild).
(2) V. Lettres inédites de J. J. Rousseau publiées par M. Philippe Godet dans la
Revue des Deux-Mondes du Ier septembre 1908, p. 39.
(3) Confessions. I, livre 5.
(4) C'est un motet à voix seule et symphonie chanté par MUe Ferton. Pour
l'exécution de ce genre d'œuvres, il n'y avait pas de batteur de mesure.
(5) Cette indication semble résulter d'une erreur de Coignet. Le motet de
Rousseau fut chanté le mercredi 9 mai.
I40 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières rendre compte de ma mission ; il me témoigna ses regrets de ce que je
années de n'avais pas accompagné sa musique, et dit que, si j'y avais été, elle aurait
l'académie été mieux rendue... (i) "
1768-1773
Lorsque Beauvarlet-Charpentier eut quitté Lyon pour se
rendre à Paris où il fit de nouveaux débuts au Concert spirituel du
19 mai 1771, il fut remplacé par Broche dont l'histoire est connue
par la biographie de Fétis. Broche, qui s'intitulait à Lyon " élève
de Desmasures", exécuta, le 3 et le 10 juillet 1 771 , un trio sur
l'orgue. Son nom disparaît ensuite des programmes pour reparaître
le 11 mars 1772. Peut-être est-ce dans cet intervalle de huit mois
que Broche se rend en Italie. A son retour en France, il joue, le
1 1 mars, un concerto d'orgue avec grand orchestre, de sa compo-
sition; et, le 25 mars, le 20 mai, le 17 juin, le 29 juillet, le
19 août, le 2 septembre et le 18 novembre, il joue tantôt des con-
certos, tantôt, selon la méthode de Charpentier, différents airs
arrangés pour son instrument. Pendant son absence, quatre orga-
nistes se font entendre à l'Académie: le 24 juillet 1 77 1 , et le
15 janvier 1772, c'est Colesse jeune, (le neveu du facteur), alors
titulaire des orgues de la Charité (2) ; le 4 septembre 1771, c'est
un nommé Belmard ; le 18 décembre 1771, et le 8 juillet 1772,
c'est Després qui s'était produit le 1 3 novembre précédent, comme
compositeur d'une ariette chantée par la Ferton et accompagnée
par lui-même ; Després était présenté comme " jeune clavessiniste
de cette ville", et, le Ier juillet 1772, il succédait à Colesse jeune
comme organiste de la Charité (3). Enfin, le 12 août 1772, on
annonça simplement : " un concerto d'orgues par un amateur. '
Peut-être cet amateur anonyme était-il Louis Bollioud-Mermet
(1) Notice d'Horace Coignet publiée dans Lyon tu de Fourrières; Lyon, Boitel,
1833. Tous les détails fournis par Coignet ne sont peut-être pas d'une parfaite
authenticité. Ainsi, la rencontre avec Rousseau n'aurait pas eu lieu le Vendredi-
Saint (13 avril), car on a cru pouvoir établir que le séjour de Rousseau à Lyon a été
compris entre le 18 avril et le 8 juin.
(2) Archives de la Charité, E. 1402.
(3) Archives de la Charité, E. 1403.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 141
très réputé comme organiste à Lyon et même à Paris, selon le dernières
témoignage de deux de ses contemporains (1). années de
C'est le jeune organiste Després qui eut l'honneur de présenter L académie
pour la première fois au Concert le piano-forte. Le nouvel instru- ' " ' ' *>
ment avait fait ses débuts à Paris au mois de septembre 1768. Dès
l'année suivante, un facteur lyonnais publiait dans les Petites Affiches
(du 12 juillet 1769) la note que voici :
" Le sieur Charron, organiste et facteur d'orgues chez les R. R. P. P.
Cordeliers de S1 Bonaventure, a fait depuis peu un clavessin d'un mécanisme
nouveau et de son invention, sur lequel on exécute avec autant de facilité que
sur une épinette ; l'on y fait forte, piano et crescendo avec un seul clavier, et
sans le secours des plumes, qui, comme l'on sait, exigent beaucoup de soin;
il a dans le forte autant de force qu'un clavessin ordinaire, et dans le piano ,
il va jusqu'à smorzato. Son harmonie est plus moelleuse que celle du
clavessin, et approche beaucoup de celle de la harpe. L'applaudissement que
les connaisseurs de cette ville ont donné à cette nouveauté, engage l'auteur
à en faire part au public... On le trouvera toutes les après-dînées des
dimanches et fêtes, et les jours ouvriers seulement dans la matinée, étant
occupé dans l'après-midi à former les jeunes élèves qu'on lui confie. "
Le 11 avril 1770, nouvelle réclame pour un piano:
" Le Sieur Barbarini, machiniste, facteur de Clavessins et de Forte e
piano, autrement dit Clavessin à marteau, instrument qui n'a jamais paru
dans cette ville, en a déposé un chez le sieur Valentini, maître de clavessin,
près de la place du collège de la Trinité, où les Curieux et les Amateurs
peuvent le voir... Barbarini fixera son séjour dans cette ville. "
Le 1 1 juillet, le même facteur annonce qu'il a fait déposer
chez Valentini " un clavessin du célèbre Rukers ; les instruments
de cet auteur, excellent au-dessus de tous les autres... "
Pourtant, malgré ces réclames, l'instrument ne fait son appa-
rition à l'Académie que le 12 février 1772. Ce jour-là, on annonce
(1) Bollioud-Mermet "jouoit si bien de l'orgue que les meilleurs organistes ne
manquoient pas d'aller l'entendre lorsqu'on savoit qu'il alloit s'amuser à quelque
orgue ; ce qui lui arrivoit quelquefois, surtout dans l'église des Chanoines réguliers de
S1 Antoine de Lyon." (La Borde, Essai sur la musique...). Boisgelou fils dans son
Catalogue manuscrit des livres sur la musique de la Bibliothèque du Roi, écrit une phrase
presque identique : "... Les meilleurs organistes ne manquaient pas d'aller l'entendre
lorsqu'il s'amusait à jouer de l'orgue dans les églises de Paris " (Cité par Fétis).
142 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières simplement " un quatuor sur le ^Piano-forte par Després avec
années de accompagnements. " Le 29 avril, Després joue " divers morceaux
l académie gur je forte-piano. " Puis, sept mois se passent sans que l'on entende
*7 _I773 le piano. Le 2 décembre, MUe Olivier et le sieur Dupuy chantent
un duo d'Albanese " accompagné du 'Pianoforte. " Le nouvel
instrument ne s'imposait guère : les Lyonnais partageaient peut-être
l'opinion de Voltaire qui écrivait, en 1774, à Mme du Deffand :
" Un piano-forte n'est qu'un instrument de chaudronnier en com-
paraison du clavecin. "
Cependant, la situation financière du Concert ne s'améliorait
pas, et les Officiers se voyaient contraints à de nouveaux expé-
dients. Au mois de mars 1770, ils recoururent au Consulat, et
réclamèrent le versement de la subvention de mille livres accordée
en 1741 et payée jusqu'en 1763 seulement. Dans leur requête, ils
déclaraient que les dépenses du Concert avaient toujours dépassé
les recettes ; que, depuis cinq ans, l'Académie avait consommé plus
de six mille livres en acquisition de meubles et de musique et en
réparations à la salle ; et que le déficit actuel, le Ipide, dépassait
douze mille livres. Ils suppliaient en conséquence le Consulat de
faire payer cinq mille livres pour arrérages échus de la subvention.
Mais le temps n'était plus aux extrêmes libéralités, et la situation
financière de la Ville s'était aggravée depuis l'époque où elle payait
deux fois l'immeuble et le mobilier du Concert. Les Echevins
observèrent que l'Académie ne devait pas faire un titre d'un acte
de pure générosité, et offrirent simplement une subvention annuelle
de quatre cent quatre-vingts livres (1).
Les Officiers durent trouver une autre combinaison ; ils
augmentèrent le prix de l'abonnement et annoncèrent dans les
^Petites Affiches le 2 8 novembre :
" Mrs les Officiers de l'Académie des Beaux-Arts et du Concert
éprouvent, depuis trois années, que la recette ne peut fournir les dépenses
absolument nécessaires, quoique le nombre des abonnés soit considérable ;
le vuide est occassionné par la modicité du prix qu'il est indispensable
d'augmenter. En conséquence, par délibération, ils ont arrêté qu'à com-
(1) Arch. mun. BB. 338 f° 34. Délibération consulaire du 28 mars 1770.
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE 143
mencer au Ier janvier 1 77 1, l'abonnement pour une personne sera de dernières
48 livres ; pour le mari et la femme, 84 livres ; pour une famille entière, années de
100 livres. " l'académie
Le résultat de cette augmentation ne fut pas suffisant ; les ' ' '**
administrateurs eurent l'idée d'engager une artiste très célèbre,
Mlle Fel, qui avait fait une brillante carrière à l'Opéra et au
Concert Spirituel de Paris. La cantatrice avait alors cinquante-cinq
ans, mais l'âge, si nous en croyons La Borde, n'avait pas altéré la
fraîcheur de sa voix (1). Elle débuta le 28 décembre 1771 en
chantant " plusieurs morceaux ", chanta encore aux séances du
mois de janvier 1772, et les 5 et 12 février. Elle dut se retirer
ensuite car le climat de Lyon altérait son organe. Nous avons
trouvé, concernant cette aventure, un témoignage contemporain
fort intéressant dans un éloge funèbre de Soubry, trésorier de
France et ancien directeur du Concert (2). L'auteur de cet éloge,
Bruyzet de Manévieux, transcrit le dialogue d'une Académicienne
et d'un Officier de l'Académie, après l'audition d'une nouvelle
artiste :
" Ah ! Monsieur, quelle voix vous nous avez procurée ! Ah ! que le
concert est mauvais ! L'officier du Concert répondit modestement : Il est
vrai, Madame, que nous n'avions pas entendu cette chanteuse ; car nous
avons fait prix avec elle à cent lieues d'ici : mais notre directeur a reçu de
bons témoignages sur sa vie et sur ses mœurs ; et, si nous la renvoyons, il
lui faut des dédommagements. — C'est donc le public, Monsieur, qui
est la victime de l'engagement que vous prenez. — Ah ! Madame, c'est
ce même public qui est la cause de la ruine du concert ; car, pour le
contenter, nous prîmes des gagistes de haut prix, et nous fîmes de petites
recettes ; ensuite, nous diminuâmes les honoraires des gagistes, et nous
augmentâmes le prix des abonnements ; enfin, les chanteurs, les chanteuses,
et tous les chœurs se révoltèrent. Le trésorier, qui payait toujours et
(1) La Borde, Essai sur la musique. (1780.) Tome III, p. 510. " Mlle Fel
chantoit également bien le François et le Latin, et est une des Françoises qui a le
mieux chanté l'Italien. Sa voix est toujours aussi jeune, et étonne encore le petit
nombre d'amis à qui elle a consacré les dernières années de sa vie, et qui chérissent
autant ses qualités personnelles, qu'ils ont toujours admiré ses différents talents '.
(2) Eloge de M. Soubry, trésorier de France.... par M. Bl D. M. ..eux ; Chambéry,
1 775 5 P- l3 et smv- en note.
144 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières recevait peu, s'aperçut que la place était ruineuse (i) : il montra, dans une
années de assemblée convoquée, le tableau de ses avances et les dettes que l'académie
l'académie des beaux-arts avait contractées avec lui. Il fallut prendre un parti ; nous
1 768-1 773 annonçâmes mademoiselle Fel : c'était effectivement une ressource usée
pour un mal pressant ; mais l'on écrivait de Paris que l'âge n'avait point
altéré la douceur de son gosier, et que la voix n'avait que vingt-cinq ans.
L'on ne stipula point dans les conventions que si, à son arrivée, elle tom-
bait malade, le traité serait nul : cette sirène parut dans la province, dont
l'air lui fut si contraire qu'elle prit un rhume opiniâtre. Malgré cette
indisposition, elle eut le courage de chanter les jours de concert ; mais l'on
connut bien que c'était plutôt pour se rendre aux désirs du public qu'à
des vues d'intérêts ; car, quoiqu'elle n'eût chanté que deux mois, elle
accepta, par désintéressement, la moitié de la somme qu'on lui avait offerte
pour six mois d'engagement, sans excepter les frais de voyage qui lui
furent remboursés. Ainsi, voyez, Madame, quel fut notre succès, en
croyant faire le mieux pour le public et pour nous. — Eh ! Monsieur,
d'où vient donc la cause du bagarre des chanteurs et des chanteuses ? —
Ce fut celle de toutes les assemblées susceptibles de rivalité, de jalousie et
de prédilection. Des propos tenus, des, etc. Enfin, Madame, je ne saurais
vous donner de grands détails à ce sujet : quoique je ne connaisse pas
une note de musique, j'étais, il est vrai, officier du Concert ; mais je
n'étais occupé dans mon emploi qu'à donner la main aux dames...
Le dernier document que nous possédons sur l'Académie est
encore un appel de détresse. Le 23 décembre 1772, les Affiches
annoncent :
" Les billets de l'abonnement pour l'année prochaine se délivreront
ce soir. On prévient les citoyens que le peu d'abonnements qu'il y a eu
cette année, et les dépenses que le Concert a été obligé de faire pour se
soutenir jusqu'à présent, empêchent de le promettre pour l'année entière.
Les abonnements ne seront que pour les six mois d'hiver, à commencer
du Ier janvier 1773. En conséquence, le prix en a été diminué et fixé à
36 livres par personne, à 48 livres pour mari et femme, et à 72 livres pour
les familles. Les danses auront lieu pendant le Carnaval, et les demoiselles
seront reçues, comme par le passé, sans abonnements. On espère que
MM. les abonnés voudront bien agréer cette précaution que les circon-
stances ont rendue indispensable. "
(1) Le trésorier du Concert, à partir de 1767, fut Valesque fils aîné, receveur
des tailles.
Partie AU DIX-HUITIEME SIECLE 145
Cette saison de six mois fut sans doute la dernière de l'Aca- dernières
demie des Beaux-Arts et du Concert, qui vécut ainsi soixante années de
années. Les Almanachs de Lyon, il est vrai, mentionnèrent encore L académie
la composition de la société dans leur édition de 1774. Les ^Petites ' ''^
Affiches de 1773 et 1774 qui auraient pu nous renseigner exacte-
ment, nous n'avons pu nous les procurer. Il semble d'ailleurs que
les amateurs lyonnais aient pris sans trop de peine leur parti d'être
privés de leur vieille institution artistique. Ils se consolèrent de
cette fâcheuse disparition en s'inscrivant nombreux au Concert des
Amateurs. Cette société était sans doute la continuation des petits
concerts qui existaient dès 1762 ; elle se développa naturellement
à la suite de la disparition de l'Académie. Son existence nous est
formellement révélée par l'auteur de V Eloge funèbre de Soubry qui,
dans la note que nous avons citée plus haut, écrit ces quelques
lignes :
" L'étranger que l'on a prévenu avant que d'arriver à Lyon, que le
Concert de cette ville n'existe plus, est agréablement détrompé, quand,
introduit au Concert des amateurs, il s'y voit entouré d'une assemblée plus
brillante qu'aucune province puisse fournir, y entend une musique des
mieux exercées, et que les voix qui l'enchantent sont celles des dames qui
joignent le goût des talents aux charmes de la beauté...
L'hôtel du Concert survécut encore longtemps à la Société
qui l'avait fait construire, et il fut affecté à divers usages. Dès
1759, une des petites salles servait aux cours de l'Ecole gratuite
de Géométrie pratique (1). En 1774, les Chirurgiens de Lyon y
tenaient leurs assemblées publiques et privées (2). On y installa
plus tard, avant 1787, des logements pour les officiers du Roi (3) ;
le contrôleur de la milice bourgeoise y habitait aussi. En 1787,
l'Assemblée provinciale de la Généralité de Lyon voulut y tenir
ses séances, et demanda au Consulat l'autorisation nécessaire qui
(1) Petites affiches du 19 avril 1759.
(2) Jean Bernoulli, Lettres sur différents sujets écrites pendant le cours d'un
voyage... en 1774 et 1775... ; Berlin, 1777, II, p. 129. — Almanachs de Lyon.
(3) Arch. mun. BB. 348, f° 100.
146 LA MUSIQUE A LYON Première
dernières lui fut refusée (1). Aussitôt, les Procureurs Syndics adressèrent au
années de
l'académie
I768-I773
années de Contrôleur général une lettre dont voici le passage qui nous
l'académie intéresse .
" Quelque intérêt d'agrément que cet établissement du Concert ait
pu avoir autrefois pour les amateurs qui le formèrent, cet intérêt pourroit-
il balancer celui que doit inspirer à tous les citoyens le bienfait signalé que
le Roi vient d'accorder à cette province ? et le Consulat, qui paroit en
sentir tout le prix ne s'honoreroit-il pas en s'empressant de le fixer dans
nos murs ! mais nous devons nous borner à répondre à ses objections.
" Les prévôt des marchands et échevins conviendront que depuis
nombre d'années, le Concert a cessé (il y a prez de vingt ans), qu'on a
tenté plusieurs fois de le rétablir, mais toujours vainement ; les amateurs
devenus plus difficiles ne sont plus ni assés riches, ni assés nombreux
pour en faire les fonds, et le nouveau plan dont s'occupe le Consulat et
que le public ignore, échouera toujours contre le double écueil que
présentent le changement de goût et l'insuffisance des moyens.
" Les concerts spirituels qu'on dit avoir lieu dans la quinzaine de
Pâques, sont très rares et presque toujours déserts ; les seuls qu'on puisse
citer ont été donnés dans la salle ordinaire des spectacles. A l'égard des
virtuoses étrangers, ils sont obligés de donner le quart franc de leur
recette à la direction des spectacles pour obtenir la permission d'afficher à
leur bénéfice, ils préfèrent la salle du spectacle, comme plus spacieuse et
susceptible d'une variété de prix qui convient mieux au plus grand
nombre des auditeurs. Mais cela fût-il autrement, ne seroit-il pas étonnant
que la ville de Lyon réservât un hôtel pour y faire entendre un joueur
d'instruments ou un chanteur quelconque et n'en eût point pour les
assemblées qui traitent des plus grands intérêts de la province et de la
cité ? Quant à la bibliothèque du Concert, le Consulat en estime la valeur
sur une vieille tradition qui s'est transmise jusqu'à nous, mais pour
l'apprécier, il suffira de dire que la partition de Titon et V Aurore est la
dernière acquisition de ce dépôt célèbre (2).
"Enfin, si, en 1764, le Roi excepta l'hôtel du Concert ainsy que
la Loge des Changes, de la vente générale des immeubles de la
ville, ce fut parce que la loge avoit, comme elle l'a encore, une utilité
(1) Procès-verbaux de la commission intermédiaire de l'Assemblée Provinciale
de la Généralité de Lyon : ire séance, lundi Ier oct. 1787. (Arch. départ. C. 772).
(2) Cette affirmation n'est pas exacte. Titon et VJÏurore fut acquis avant 17 66,
et une dizaine de partitions françaises entrèrent ensuite dans la bibliothèque.
Partie AU D I X- H U ITIÈ M E SIÈCLE 147
apparente, et si le Concert n'étoit pas en activité, il avoit au moins une dernières
sorte d'existence... (1) " années de
l'académie
Ces quelques lignes, dépourvues de bienveillance, furent 1 768-1 773
toute l'oraison funèbre de l'Académie des Beaux-Arts et du
Concert... La requête de l'Assemblée Provinciale fut agréée par le
Roi (2), et l'hôtel devint le siège des séances de l'Assemblée Pro-
vinciale, de sa Commission intermédiaire, des Assemblées du
département de la ville de Lyon et du Lyonnais, et de leurs bureaux
intermédiaires. Plus tard, l'immeuble fut loué au Conseil de
district, mais l'orgue occupait toujours sa place dans la salle des
concerts, et les Officiers municipaux refusèrent de le faire dis-
paraître, parce que, disaient-ils, " indépendamment de ce que ce
déplacement lui ôteroit toute sa valeur, l'orgue constate l'objet et
la destination primitive de la construction de l'Hôtel du Concert,
nos concitoyens y ont des droits et nous ne pouvons leur enlever
l'espérance de voir renoître un jour un établissement agréable dont
la chute avoit excité leurs regrets " (3).
Plus tard encore, on établit au rez-de-chaussée un corps de
garde, et un entrepôt de pompes et seaux ; l'étage était occupé
sans bail par la Société des Amis de la Constitution et par les
sieurs Poncet et Allard. Enfin, en exécution de la loi du 10 août
1791, sur la vente des biens des Communes, le bâtiment du Con-
cert fut vendu aux enchères publiques. Estimé à 90.000 livres, il
fut adjugé au prix de 1 15.100 livres à Jean-Laurent Lauras pour
le compte de Jean-Baptiste Larchier, négociant lyonnais (4). Il
avait été spécifié (5) que l'adjudication ne comprendrait point
certains effets, parmi lesquels six lustres en cristaux, les galeries
garnies de balustrades en fer, les boiseries de l'orchestre, une caisse
(1) Lettre des Procureurs Syndics au Contrôleur général, 16 octobre 1787.
Arch. départ. C. 775, p. 12.
(2) Procès-verbaux des séances de l'Assemblée Provinciale, 17 novembre 1787.
Arch. dép. C. 772.
(3) Lettre au Président du district de Lyon, Ier octobre 1790.
(4) Arch. dép. Q. 1-16, n° 6.
(5) Arch. dép. District de Lyon. Q. 422.
148 LA MUSIQUE A LYON
dernières d'orgue, une paire de timbales, un clavecin et d'autres instruments
années de Je musique. Toutes ces épaves du Concert furent dispersées aux
l académie ench£res . n0us n'en avons pas retrouvé les traces.
I *70o— 1 11 1
/%i L'Hôtel du Concert, après la période révolutionnaire, ne fut
pas racheté par la ville ; devenu maison d'habitation, il fut démoli
en 1856, lors de la transformation de la place des Cordeliers.
Plus de cent années se seront écoulées avant que Lyon ait
possédé de nouveau une salle de concerts. Pendant tout le xixe siècle,
les sociétés musicales durent se contenter de petites salles insuffi-
santes ou demander un abri aux cirques et aux cafés-concerts. Il y a
quelques jours seulement, a été inaugurée une grande salle à qui
fut donné le nom illustre de Rameau. Peut-être faut-il attribuer
en partie à cette absence d'hôtel pour la musique, le peu de durée
de tant de sociétés artistiques dont aucune ne posséda la vitalité de
de l'Académie des Beaux-Arts.
VIII
La Bibliothèque du Concert.
" T~ A Bibliothèque de Musique du Concert peut passer pour
la plus belle et la plus complète du Royaume. Elle est
composée d'une très grande quantité de Motets à grand
chœur, tels que Lalande, Bernier, Campra, recueillis avec soin etc.
Il y en a aussi qui ont été composés par les meilleurs Maîtres
d'Italie, un très grand nombre d'Opéras, dont tous ceux de Lulli
qui y sont complets, et d'autres de bons Auteurs, avec plusieurs
Divertissemens formant un assemblage intéressant de Pièces fran-
çoises à grand chœur. Outre ces pièces qui servent à remplir les
Concerts généraux, cette Bibliothèque en renferme beaucoup
d'autres qui sont propres aux Concerts particuliers, tels que des
livres de cantates, sonates à violon seul, duo et trio, et des motets
de tous les genres à une, deux, trois et même quatre voix avec et
sans symphonie. On y trouve encore des Concerts à grande sym-
phonie et des Oratorio en Latin et en Italien, genre de musique
particulièrement en usage en Italie..."
Telle était la note que les Almanachs de Lyon publièrent
pendant une trentaine d'années au sujet de la bibliothèque " la
plus belle et plus complète du Royaume." Quoiqu'ait prétendu
l'Assemblée Provinciale dans la lettre reproduite au cours du
chapitre précédent, cette bibliothèque était vraiment d'un grande
richesse. Elle renfermait les partitions d'orchestre et les parties
séparées de près de trois cents motets à grand chœur et sym-
phonie, de plus de cent cinquante grandes œuvres dramatiques,
150 LA MUSIQUE A LYON Première
la biblio- françaises ou italiennes, environ de deux cent cinquante motets
thèque du sans chœurs, et une certaine quantité de musique pour orchestre
concert seuj et je musique de chambre. La bibliothèque avait été con-
stituée peu à peu grâce aux acquisitions successives de l'Académie,
et à deux dons ou legs faits par des Académiciens.
Les deux premiers bibliothécaires, qui avaient le titre de
bibliothécaires perpétuels, furent les fondateurs de l'Académie :
Christin et Bergiron. Christin occupa cette fonction jusqu'à sa
mort, en 1755, et Bergiron lui succéda. A la mort de ce dernier, le
bibliothécaire fut Boulet, de 1768 à 1771, et d'Eguillon de la
Chaux, de 1772 jusqu'à la fin de la société.
Christin avait légué à l'Académie sa bibliothèque personnelle,
formée de douze livres de motets, trente-trois opéras, trente et un
livres de cantates et trente-quatre livres de symphonies (1). De
plus, un amateur nommé Hedelin, qui était probablement le
conseiller du Roi, inspecteur général de la Monnaie, fit don, à une
époque que nous n'avons pu déterminer, de la presque totalité des
motets sans chœur que possédait l'Académie.
L'entretien d'une telle bibliothèque était une tâche trop
lourde pour le bibliothécaire perpétuel ; aussi l'Académie nom-
ma-t-elle, vers 1743, un garde pour assister ce dernier. Elle choisit
Coignet, le père de l'auteur de ^Pygmah'on, qui au début de ses
fonctions, recevait un appointement de quatre cents livres par an (2).
Coignet devait chaque année, fournir au secrétariat de la Ville
l'état des acquisitions de la bibliothèque : il semble s'être acquitté
de cette charge sans trop de précision.
Pourtant, le 27 mai 1754, quelques semaines après sa recon-
(1) Ce legs ayant été fait postérieurement à l'acquisition du Concert par la
Ville, le Consulat acheta à l'Académie toute cette bibliothèque au prix excessif de
deux mille cinq cent vingt-trois livres. (Acte consulaire du 26 février 1757 : BB. 324.
f° 35).
(2) Par acte consulaire du 2 avril 1754, Coignet fut reconnu par la Ville
comme garde de la bibliothèque et appointé par la municipalité BB. 321. f° 64-65.
Il cumulait cette fonction avec celle de commissaire de police et d'inspecteur des
lanternes. Son traitement fut réduit à 300 livres en raison du mauvais état des affaires
de la Ville, le 7 janvier 1766, puis à 100 livres le 30 décembre 1775.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 151
naissance officielle par la Ville, il déposait au secrétariat municipal la biblio-
l'inventaire de la Bibliothèque, qui a été conservé dans les papiers th^que du
du Concert, et qui fut complété irrégulièrement jusqu'en 1766. concert
Les partitions de l'Académie étaient réunies dans l'Hôtel du
Concert, où elles restèrent vraisemblablement jusqu'en 1791. Lors
de la vente des immeubles communaux où furent-elles déposées ?
— Nous l'ignorons complètement. Toujours est-il qu'une partie
de ce fonds musical se trouve aujourd'hui dans la Bibliothèque du
Palais des Arts. Quatre-vingts partitions de motets à grand chœur
environ sur trois cents, quatre-vingt dix volumes d'opéras sur cent
cinquante, un petit nombre des autres ouvrages s'y retrouvent.
Toutes les parties séparées, sauf celles de quatre ou cinq œuvres,
ont disparu. Le dossier de la bibliothèque du Palais-des-Arts est
muet sur la date à laquelle le fonds musical du Concert fut versé
dans cette bibliothèque. Nous n'avons pu découvrir non plus la
trace des œuvres manquant. Peut-être, lors du prochain trans-
fert des bibliothèques dans l'ancien archevêché, retrouvera-t-on
quelques nouvelles épaves du Concert, de même que nous avons
eu la chance d'en mettre au jour quelques-unes, et non des
moins importantes, au cours de nos recherches personnelles. (1)
Pourtant une seule hypothèse nous semble pouvoir expliquer la
disparition des trois quarts des partitions anciennes de l'Académie,
et la voici :
Quand Bergiron du Fort-Michon mourut, en 1768, sa
bibliothèque musicale fut vendue aux enchères publiques, et les
Petites Affiches du 27 avril, en annonçant la vente, publièrent la
note suivante, un peu amphigourique, que nous avons déjà citée en
partie et dont voici les lignes qui nous intéressent ici :
" On sait que c'est une collection faite pendant bien des années et à
grands frais par cet amateur Lyon lui doit l'établissement de l'Académie
des Beaux-Arts ; et la bibliothèque de musique de cette Société, copiée en
(1) C'est ainsi que nous avons trouvé des manuscrits musicaux comme le traité
de J. B. Prin sur la trompette marine, et la partition du Notus in Judœa de l'arche-
vêque de Villeroy : œuvres qui n'avaient pas été cataloguées et n'étaient pas " entré "
dans la bibliothèque du Palais des Arts.
152 LA MUSIQUE A LYON Première
la biblio- partie de sa main, est un monument de son goût et de son amour pour sa
thèque du patrie. Un grand avantage qui se trouve dans cette bibliothèque de musique,
concert c'est que toutes les partitions ont leurs parties de remplissage, ce qui ne
se trouve pas dans les partitions gravées. Cette vente se fera au domicile
de feu de M. Bergiron... "
Ce communiqué semble confondre la bibliothèque personnelle
de Bergiron avec celle du Concert. Peut-être les deux se confon-
daient-elles réellement, en partie au moins. Nous n'avons pu
retrouver un exemplaire du catalogue de la vente Bergiron, qui fut
pourtant imprimé, et qui nous aurait renseigné là-dessus d'une façon
certaine. Il est permis de supposer, étant donné le caractère des
relations habituelles du Consulat avec l'Académie, que celle-ci, lors
de l'acquisition du mobilier du Concert par la Ville, avait fait entrer
dans l'inventaire de sa bibliothèque une partie de la collection de
Bergiron, de façon à faire élever le prix d'achat. A la mort de Ber-
giron, l'Académie aurait restitué à sa famille les partitions appar-
tenant au musicien défunt, et la Ville se serait vue de la sorte
frustrée d'une grande partie du fonds musical qu'elle avait acquis.
Tel qu'il existe aujourd'hui, ce fonds musical réduit dont
nous avons, l'an dernier, établi le catalogue, présente encore un vif
intérêt par sa collection importante de partitions imprimées, et
surtout par les quelques œuvres inédites et inconnues de composi-
teurs lyonnais qui y sont conservées en manuscrit. Les œuvres de
Bergiron, par exemple, ne sont pas méprisables, non plus que celles
d'Estienne, de Villesavoye, ou de l'archevêque de Villeroy, et nous
nous efforcerons de faire connaître prochainement les plus intéres-
santes au moyen du concert et de l'édition.
Nous n'avons pas cru sans intérêt de publier le catalogue
complet de la bibliothèque du Concert d'après l'inventaire conservé
aux Archives municipales. Nous en avons conservé les grandes
divisions en dix-neuf parties ou ordres, mais, dans chacune de ces
parties, nous avons adopté le classement alphabétique par noms
d'auteurs, qui pourra faciliter les recherches. Nous avons spécifié
les œuvres disparues et celles conservées, et au nom de ces
dernières nous avons joint les indications biographiques habituelles.
CONCERT
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE iS3
ORDRE A. LA biblio-
MOTETS à GRAND CHŒUR. thèque du
Anonymes. — Non conservé : Kyrie et Gloria. — Omnes génies. — Exultate
Deo. — Jubilate, cantate. — Magnus Deus. — Judica me. — Dixit domi-
nas. — Exaltabo te (v. Valette).
Conservé : Domine sahum fac regem : Pas de partition, quinze
parties d'orchestre et choeurs (MSS in-40).
Aphrodize. — Non conservé : Dominus regnavit.
Aresti. — Non conservé : Kyrie et gloria. — Credo.
Banau. — Non conservé : Magnificat.
Bassani. — Non conservé : Jam exulta. — Almaparens. — 4 Messes, dont
une Messe des Morts.
Belissen. — Non conservé : Jubilate Deo. — Magnificat. — Beatus vir. —
Exultate, Justi. — Credidi propter. — Cum invocarem. — Benedicam
Dominum.
Conservé : Ch(isi Dominus (M S. in f° obi. de 1 15 p., Lyon 1742.)
Bellouard. — Non conservé : 2 Regina cœli.
Conservé : Dominus regnavit decorem (MS. in f° 92 p.)
Belot. — Non conservé : Exurgat Deus.
Bergiron du Fort-Michon. — Non conservé : In te Domine speravi. —
Jubilate Deo. — Dies irœ. — Sahum me fac, fragments.
Conservé : Misericordias Domini (M S. in f° obi. 58 p.)
Bernard. — Non conservé : Domine, quid multiplicati sunt.
Bernier. — Non conservé : Domine, quid multiplicati sunt. — Te Deum. —
Lauda anima mea. — Miserere mei Deus. — Beatus vir. — Credidi
propter. — Judica me, Deus. — Regina cœli. — Exultate, Justi.
Conservé: Cum invocarem (M S. in 40 ni p.) Cantate Domino
(MS. in 40 105 p.)
Blamont (Colin de) — Conservé : Te Deum, " motet à grand choeur et
Symphonie avec Trompettes et Timballes": in f° obi. s.l.n.d.
Blanchard. — Non conservé : De profundis. — Venite exultemus. — Con-
serva me.
Bournonville. — Non conservé : Lauda Jérusalem.
Bouzon. — Non conservé : Nunc dimittis.
Campra. — Non conservé : Ferte coronas. — Quam fremerunt gentes. — Te
Deum. — Exurgat Deus. — Messe des Morts. — Beatus vir. — 2 Dixit
Dominus. — Magnificat. — Usquequo. — Exulta Sancta Sion. — Beau
11
54
LA MUSIQUE A LYON Première
LA BIBLIO-
THÈQUE DU
CONCERT
omnes. — Deus in adjutorium. — Quemadmodum. — Confitebor. — Confi-
temini Domino. — Nisi Dominas.
Conservé : In convertendo : Dans le 3e livre de " Motets à 1, 2 et
3 voix... avec basse continue", Paris, Ballard, 1703, in f° — Deus noster
refugium (MS. in f° 72 p.) — In exitu Israël (MS. in f° 66 p.)
Chellery. — Non conservé : Kyrie et Gloria. — Credo.
Clérambaut. — Non conservé : Laudemus cantemus.
Collasse. — Non conservé : Beatus ïir.
Davesne. — Non conservé : Laudate Dominum.
David. — Non conservé : Qui habitavit.
Delaunay. — Non conservé : Diligam te Domine.
Conservé : Confitebor (MS. in f° obi. de 48 p.)
Desmarets. — Non conservé : Cum invocarem. — Beau omnes. — De pro-
fundis. — Dominus regnavit. — Lauda Jérusalem. — Nisi Dominus.
Conservé : Usquequo Domine (MS. in f° obi. 69 p. Lyon, 171 8.)
Te Deum, "motet à grand choeur à 4, avec des trompettes ou hautbois."
(MS. f° obi. 45 p.)
Desmasures. — Non conservé : Messe des Morts.
Destouches. — Non conservé : Diligam te Domine. — Cantate Domino laus
ejus. — Deus, Deus meus, de luce. — Te Deum. — De profundis.
De Villeroy (Mgr) — Non conservé : Miserere mei Deus.
Conservé : Notus in Judœa Deus. (MS. in 40 30 f.)
Dorléan (Philippe d'Orléans ?) — Conservé : Deus in nomine : Pas de par-
tition; 30 parties d'orchestre et choeurs (MSS in-40.)
Dornet. — Non conservé : Eructavit cor meum. — Domine, audivi, —
Deus, Deus meus. — Dominus regnaVit.
Drouart de Bousset. — Non conservé : Domine, ne in furore. — Notus in
Judœa Deus.
Conservé : Deus noster refugium. (MS. in 40, 46 p.)
Dupin. — Non conservé : Salvum me fac Deus. — Omnes gentes.
Estienne. — Non conservé : Super flumina. — Omnes gentes. — Benedictus
Dominus Deus. — Veni Virgo. — Deus in adjutorium. — Misericordias
Domini. — Beatus vir. — Super flumina.
Conservé : Cum invocarem (M S. in 40 94 p.) — Beau quorum
(MS. in 40 132 p.) — Confitebor (MS. in 40 128 p.) — Domine, quis
habitabit (MS. in 40 54 p.) — Venite exultemus (MS. in 40 100 p.)
Gaudete cœlites, motet pour la fête de Sfc Pierre. (MS. in 40 113 p.)
Partie AU D IX- H U ITIÈ M E SIÈCLE 155
— O Félix, motet pour la fête de S* Louis. (MS. in 40 117 p.) — la biblio-
Benedictus Dominus Deus Israël (M S. in 40 112 p.) — Dominus régit me thèque du
(M S. in 40 159 p.) — Accurite, motet pour la fête de S* Joseph concert
(MS. in 40 107 p.) — Exaudiat (MS. in 40 106 p.)
Fago. — Non conservé : Alta collis.
Fideli. — Non conservé : Magnificat.
Garon. — Conservé : Laudemus viros fortes, motet à grand chœur par M.
l'Abbé Garon, mis en symphonie par M. l'Abbé Bouzon. (MS. in
4° 38 p.)
Gautier. — Conservé : Ecce Domine (MS. in f° 13 p.)
Giay. — Non conservé : Cœli splendentes. — Dixit Dominus.
Gilles. — Non conservé : Messe des Morts. — Diligam te, Domine. —
Gaudete fidèles concentibus. — Deus in adjutorium. — Gaudete fidèles lœ-
tantes. — Domine Deus meus. — Lœtatus sum. — Te Deum. — Cantus
D. uberes. — Lauda anima.
Grenet. — Non conservé : Te Deum. — Lœvavi oculos. — Benedic anima.
— Omnes gentes.
Gui. — Non conservé : Cum laude décora.
Haendel. — Non conservé : Te Deum. — Jubilate Deo.
Hardouïn. — Non conservé : Jubilate Deo. — Lœtatus sum. — Laudate
Dominum. — Quam dilecta. — Beati omnes. — Cantate Domino.
La Croix. — Non conservé : Domine in virtute tua. — Jubilate Deo Lugdu-
num. — Deus Dominus Deorum.
La Guittonnière (Chupin de). — Non conservé : Regina cœli.
La Lande. — Non conservé : Exaudi Deus. — Te Deum. — Benedictus
Dominus qui docet. — Dixit Dominus. — O Filii et Filiœ. — Lauda Hie-
rusalem. — Exultate justi in Domino. — Domine in virtute tua. — Nisi
Dominus. — Beatus vir qui timet. — Deus meus ad te. — Lœtatus sum. —
Deus in nomine.
Conservé : Confitebor. — Nisi quia Dominus. — Dominus regnavit.
— Sacris solemniis. — Deus in adjutorium. — Exurgat. — Cantate Do-
mino. — Confitemini Domino. — Notus in Judœa. — Miserere mei. —
Judica me Deus. — Quam fremuerunt gentes. — Regina cœli, lœtare. —
Usquequo Domine. — Beati omnes qui timent. — Quemadmodum desiderat.
— De profundis. — Exaltabo Deus. — Deus noster refugium. — Dominus
régit me. — Venite exultemus. — Ad te, Domine, clamabo. — Credidi
propter. — In con)>ertendo Dominus. — Fange lingua. — Exaltabo te Domine.
— Benedictus Dominus Deus. — Confitebor tibi Domine. — Laudate Do-
156 LA MUSIQUE A LYON Première
la BiBLio- minum quoniam. — Magnus Dominus. Tous ces motets sont publiés dans
thèque du la même édition in f° (Paris, Boivin, 1729) sauf Dominus regnavit
concert (MS. in 40 85 p.) Cantate Domino (MS. in 40.) Il existe des doubles
manuscrits de Confitebor (in f° obi. 68 p.) et de Exurgat (in 40 Lyon,
Taunat, 1725.)
Lalouette. — Non conservé : De profundis. — Confitebor. — Judica me. —
Super flumina. — Ad Dominum quum tribularem.
Conservé : Te Deum (M S. in f° 168 p.) — Miserere mei Deus
(MS. in f° 110 p.) — Domine in virtute tua (MS. in f° 64 p.) —
Beatus vir (MS. in f° 46 p.)
Laubreau. — Non conservé : Benedicy anima mea.
La Valette. — Non conservé : Exaltabo te Deus meus. (v. Valette)
Lavocat. — Non conservé : Usquequo. — Qui habitat.
Levens. — Non conservé: Deus noster. — Verba mea. — Benedictus Dominus.
Conservé : Paratum cor meum (M S. in 40 42 p.)
Lotti. — Non conservé : Laudate pueri.
Lully. — Non conservé : Magnificat.
Conservé : Miserere mei Deus. — Benedictus. — Te Deum. — De pro-
fundis. — Dies irœ. — Plaude, lœtare, Gallia. Ces six motets en un seul
volume MS. in f° 358 p.
Madin (abbé). — Non conservé : Lauda Jérusalem. — Cantate Domino. —
In Domino confido. — Deus Deorum Dominus. — Deus venerunt gentes. —
Benedic anima mea. — Nisi Dominus.
Mallet. — Non conservé : Domine in virtute tua. — Benedicam.
Manchini. — Non conservé : Plaude cœlum.
Melani. — Conservé : Veritas mea. Pas de partition; 7 parties MSS in f° obi.
Michel. — Non conservé : Notus in Judœa Deus.
Mondonville. — Non conservé : Magnus Dominus. — Cantate Domino. —
Dominus regnavit.
Conservé : Jubilate Deo. (M S. in f° obi. 42 p.)
Moreau. — Non conservé : Exaltabo te.
Olivier. — Non conservé : Dominus regnavit.
Pellegrin. — Non conservé : Benedictus. — In convertendo.
Pergolèse. — Conservé : Stabat Mater (MS. inf° obi. 83 p.)
Petouille. — Non conservé : Quam dilecta. — Lauda Jérusalem. — Dixit
Dominus. — Domine, quid multiplicati sunt. — Confitebor tibi.
Conservé : Confitebor. (MS. in f° obi. 49 f.) — Beau omnes.
(M S. in 40 69 p.)
\ \
Par™ AU DIX-HUITIEME SIECLE 157
Pipereau. — Non conservé : Dixit Dominus. la biblio-
Pitoni. — Non conservé : Te Deum. — Miserere met Deus. — Omnes gentes. theque du
Planton. — Non conservé : Deus ^enerunt. concert
Rameau. — Non conservé : Deus noster refugium. — In converlendo. —
Quam dilecta.
Renoult. — Non conservé : Incipite Domino.
Salomon. — Conservé : De profundis (MS. in f° 79 p.) — In te, Domine,
speravi. (M S. in f° 6 2 p.)
Scarlatti. — Conservé : Buccinœ. Pas de partition ; 7 parties d'orchestre
(MSS in f° obi.)
Stradella. — Conservé : Qui habitai, motet à cinq voix (M S. in f° obi.)
Torry. — Non conservé : Confitebor magna opéra.
Toutain. — Non conservé : Regina cœli. — Lingua dolorosa. — Miserere
mei. — Confitebor tibi.
Conservé : Cantate Domino. (MS. in 40 102 p.) — Lauda filia.
(MS. in 40 74 p. Rothomagi 1758). — Incipite Dominus. (MS. 65 p.
1757). — Quare fremuerunt (M S. inf°obl. 65 p. "envoyé par l'auteur.")
Tous ces motets de Toutain semblent être des manuscrits de l'auteur.
Valette. — Non conservé : Judica me, Domine. — Lauda Jérusalem.
Conservé : Surge propera. (MS. in 40 62 p. signature de l'auteur.)
Exaltabo te (Auteur douteux v. La Valette). Pas de partition; 7 par-
ties d'orchestre. (MS. in 40.)
Villesavoye. — Non conservé : Kyrie et Gloria.
Weidner. — Non conservé : O anima mea.
ORDRE B.
PIECES DE MUSIQUE FRANÇAISES ET ITALIENNES
A GRAND CHŒUR.
Anonyme. — Non conservé : Les stratagèmes de Vamour.
Alarius et Matho. — Non conservé : La Jeunesse.
Aubert. — Conservé : Ballet de Chantilly, Paris, chez l'auteur, 1723 in f°.
Batistin. — Non conservé : Mèlèagre, prologue et un extrait — Polidore
opéra.
Bellouard (Mathieu.) — Non conservé : Le triomphe de la constance,
V amour Vainqueur.
I58 LA MUSIQUE A LYON Première
la biblio- Bergiron du Fort Michon. — Non conservé : Arèthuse. — U apothéose
thèque du d'Hercule. — La Pastorale. — La fête marine. — Le désespoir. — Les
concert Vendanges de Neuville. — La chasse.
Conservé : L 'Impromptu (M S. in 40 68. p.) — Le retour de la
paix (MS. in 40 121 p.) — Hipermenestre et Lincée (MS. in f° 123 p.
1746.) — La Jalousie (MS. in f°obl. 110 p. 171 8.) — Thétis et Pelée
(MS. in f° 64 p.) — Pentezilée (MS. in f° 60 p.) — Les fêtes de
} amour. (MS. in f° obi. 127 p.)
Bertin. — Conservé : Le Jugement de Paris, opéra extrait en un concert par
Bergiron (MS. in f° obi. 68 p.) — Ajax, Paris ,Ballard, 1716, in f°obl.
Plus, du même opéra, un extrait en 2 concerts par Bergiron (2 MSS
in f° obi. 120 et 115 p.)
Blamont (Colin de). — Conservé : Le caprice d'Erato, Paris, Mont Parnasse,
s.d. in f° obi. — Les fêtes grecques et romaines, Paris, Ballard, 1723,
in f° obi. — Les fêtes de Diane, nouvelle entrée ajoutée aux Fêtes
grecques et romaines en 1734 : titre absent, in f° obi. — Le retour des
Dieux, Paris, Ballard, 1727, in f° obi.
Bourgeois. — Non conservé : Les amours déguisés.
Campra. — Non conservé: La Sérénade. — Les Muses. — Orpheo nel inferi,
divertissement du Carnaval de Venise. — Hébé, prologue des Amours
de Mars et Vénus. — Camille. — Les Amours de Vénus.
Conservé : Les Fêtes Vénitiennes, Paris, Ballard, 17 10, inf°obl. —
L'Europe galante, Paris, Ballard, 1724, in f°. — Tancrede, Paris, Ballard,
1702, in f° obi. — Enèe et Didon : MS. in f° obi. 40 p. — Hésione,
Paris, Ballard, 1701, in fc obi. (2 exemplaires.) — Iphigénie, Paris,
Ballard, 171 1, in f° obi. plus un extrait de cet opéra (MS. 1722 in
f ° 209 p.) — Idoménée, Paris, Ballard, 1 7 1 2 in f ° obi. — Les Ages,
en 2 concerts (2 MSS in f° obi. 92 et 92 p.)
Charpentier. — Conservé : Médée, Paris, Ballard, 1694, in f°.
Charville. (vz. Le Clerc)
Christin. — Conservé : Le Triomphe de Vénus : MS. in f° obi. 79 p.
Clérambaut. — Non conservé : Daphnis et Sylvie.
Colasse. — Non conservé : Le ballet des saisons. — Achille et Polixene.
Conservé : Thétis et Pelée, Paris, Ballard, 1689, in f°.
Dauvergne. — Non conservé : Les Fêtes d'Euterpe.
Conservé : Les Fêtes de Tempe, Paris, chez l'auteur, s.d. in 40.
David. — Non conservé : L'amour et l'Hymen réconciliés.
Debury. — Conservé : Caractères de la Folie, en 2 concerts : 2 MSS in 40,
118 et 126 p.
Partie AU D IX- H U ITI È M E SIÈCLE 159
Desmarets. — Non conservé : Iphigénie (vz. Campra.) la btblio-
Conservé : Vénus et Adonis, Paris, Ballard, 1697, in f° obi. thèque du
Destouches. — Non conservé : Callirohé. — Tèlèmaque et Calypso. — Les CONCERT
Eléments. — Omphale. — Marthesie. — Le carillon d'Orléans.
Conservé : Sèmiramis, extraits en deux concerts par Bergiron, 2
MSS in f° obi. 128 et 133 p. — Le Carnaval et la folie, extraits en
deux concerts par Bergiron, 2 MSS in f ° obi. 110 et 124 p. — Amadis
de Grèce, Paris, Ballard, 1699, in f° obi. (2 exemplaires) et Paris, Bal-
lard 1712, in f° obi. (3 exemplaires) — Issé, Paris, Ballard, 1712, in
f ° obi. — Le Professeur de Folie, Paris, Ballard, 1 7 1 1 in f ° obi.
Dubreuil. — Conservé : Idas et Doris, MS. in 40 127 p.
Francœur. (vz. Rebel.)
Gervais. — Non conservé : Les amours de Prothée.
Gillier. — Non conservé : La musette de Suresnes.
Granet (sic) [Grenet]. — Conservé: Le triomphe de V Harmonie, Paris,
chez l'auteur, 1737, in 40. — Apollon, berger d'Admele, Paris, Boivin,
et Lyon, chez l'auteur, 1745, in f°.
Hardouïn. — Conservé : Le retour du Printemps, M S. in f° obi. 114 p.
Iso (Yzo). — Non conservé : Zemide.
La Borde (de). — Conservé : La cinquantaine, Paris Moria, s.d. in 40.
La Croix : Non conservé : 11 'Amour et la Folie.
La Garde (de). — Conservé : Œglè, Paris, chez l'auteur, s.d. in 40.
La Lande. — Conservé : U Amour fléchi par la constance, MS. in 40 63 f.
Le Clair (l'aîné). — Conservé : Scylla et Glaucus, Paris, chez l'auteur,
1746, in 40.
Le Clerc (le cadet). — Non conservé : Divertissement champêtre. — Le
Rhône et la Saône (avec Charville.)
Lully. — Non conservé : Çadmus. — Achille et Polixène (v. Colasse). —
La Fête de Versailles.
Conservé : Phaéton. Plusieurs exemplaires: Ie édition, Paris, Bal-
lard, 1683, in f°; 2e édition, id. 171 8 ; 3e édition id. 1721. — Atys,
Ballard, 1720, in f° et une partition manuscrite in f° de 156 p. —
Acis et Galathée, Ballard, 1686, in f°. — Amadis des Gaules, Ballard,
1684, in f° et une partition manuscrite. — Proserpine, ire édition, Ballard
1680; 2e édition id. 17 14. — Idylle de Sceaux, MS. f°obl. 27 p. — Grotte
de Versailles, Ballard, 1685, in f° et une partition manuscrite in f°obl.
17 p. — Persée, ire édition, Ballard, 1682; 2e édition id. 17 10 in f°. —
IÔO LA MUSIQUE A LYON Première
la biblio- Roland, Ballard, 1685, in f°. — Le Triomphe de T amour, Ballard, 1681,
thèque du in f°. — Thésée, Partition manuscrite in f° de 127 f. — Armide,
concert Ballard, 1686, in f° et une partition manuscrite in f° de 322 p. —
Bellérophon, Ballard, 1679, in f°. — Psyché, partition manuscrite in f° de
126 f. — Alceste, partition manuscrite in f°de 125 p. — Le temple de la
paix, Ballard, 1685, in f°. — Isis, Ballard, 17 19, in f° et une partition
manuscrite in f° de 295 p.
Les Frères de M. de Lully. — Conservé : Zephire et Flore, Paris, Bal-
lard, 1688, in f°.
Lully (de) (l'aîné). — Conservé : Orphée, Paris, Ballard, 1690, in f°
Marais. — Non conservé : Sémelê.
Conservé ; Alcione, Paris, chez l'auteur, 1706, in f° obi.
Marin. — Non conservé : V Hymen et V amour. — Alcine.
Mathieu (vz. Bellouard).
Matho (vz. Alarius.)
Mondonville. — Non conservé : Thisbè. — Le Carnaval du Parnasse. —
Les f estes de Paphos. — Daphnis et Alcimadure.
Conservé : Titon et l'Aurore, Paris, chez l'auteur, s.d.
Montéclair. — Non conservé : Jepté.
Conservé : Les fêtes de Pété, Paris, Ballard, 17 16, in fQ.
Morin. — Non conservé : La chasse au cerf.
Mouret. — Non conservé : Les fêtes de Thalie. — Le Triomphe des sens.
Conservé : Arianne, extrait en 3 concerts par Bergiron. 3e concert:
MS. in f° obi. 103 p. — Les Amours des Dieux, M S. in f° 156 p. —
Le ballet des Grâces, fragments : M S. in f° obi. 107 p.
Ni el. — Non conservé : Les romans.
Rameau. — Non conservé : Indes galantes. — Zaïs. — Les f estes de l'Hymen.
— Nais. — Les Fêtes de Polymnie. — Les surprises de l'amour. — Sibaris,
acte des Surprises de l'amour. — La Feérie, 3e acte des fêtes de Polymnie.
Conservé: Hippolyte et Aride, divertissement composé de fragments,
Ier concert, MS. in f° obi. 130 p. — Dardanus, Paris, chez l'auteur,
s.d. in f° obi. plus un extrait, M S. in f° obi. 156 p. — Les talents
lyriques, extrait 2 concerts, 2 MSS in f° obi. 49 et 86 p. — Zoroastre,
Paris, Boivin, s.d. in 40 et un extrait M S. in f° obi. 89 p. — Pigmalion,
MS. in f° obi. 69 p. — La Guirlande, Paris, chez l'auteur s.d. in 40.
— Platée, in f° obi. s.l.n.d. — Castor et Pollux, Paris, chez l'auteur,
s.d. in f° obi. plus des fragments, MS. Lyon, Thaunat, 1740, in f°
obi. 114 p.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 161
Rebel et Francœur. — Non conservé : Pyrame et Thisbê. — Le retour du la biblio-
Roy. — Zélindor. — Le trophée. thèque du
Conservé : Scandelbergy Paris, Francœur, s.d. in f° obi. — Le concert
ballet de la paix, M S. in f° obi. 255 p. — Les Augustales, Paris,
Boivin, 1744, in f° obi. — Ismène, MS. in f° obi. 109 p.
Royer. — Conservé : Zaïde, MS. in f° obi. 182 p. — Almasis, MS. in
f°obl. 116 p.
Salomon. — Conservé : Mêdêe et Jason, MS. in f° 212 p.
Villesavoye. — Non conservé : Idylle héroïque.
Conservé : Le retour de Pyrrhus Neoptolème, M S. in f°obl. 113 p.
ORDRE C.
SYMPHONIES.
Anonymes Italiens. — Non conservé : Ouverture et plusieurs menuets et
autres symphonies.
Alberti. — Non conservé : Concerto Ier œuvre; deux Concerts.
Albinoni. — Non conservé : Concerts : 2e, 5e, 7e et 9e œuvres.
Aubert. — Non conservé : 4 suites de symphonies.
Bernasconi. — Non conservé : Ouverture.
Boismortier. — Non conservé : Noël en concert.
Chambord. — Non conservé : Concert.
Corelli. — Non conservé : 5me œuvre mis en concert par Geminiani. —
Ouverture.
Conservé : Concerti grossi con duoi violoni e violoncello
opéra sesta; Amsterdam, Roger, s.d. (Partition et 2 parties.)
Dandrieu. — Conservé : Les caractères de la guerre, suite de Symphonies
ajouté à l'opéra... Paris, Mont Parnasse, 17 18, in f° obi.
Estienne. — Non conservé : Noël en symphonie.
Fiore (André). — Non conservé : Concert.
Huguenet. — Non conservé : Le double trio en sonate.
Jomelli. — Non conservé : Deux ouvertures.
Manna. — Non conservé : Ouverture.
Rebel. — Non conservé : Messe en symphonie. — Caprice. — Boutade.
Les caractères de la danse.
Sabatini. — Non conservé : Ouverture.
IÔ2 LA MUSIQUE A LYON Première
la biblio- Scarlatti. — Non conservé : Ouverture.
thèque du Sicard. — Non conservé : Concert, op. 13.
concert Valentini. — Non conservé : Concert.
Vivaldi. — Non conservé : 2 Concerts.
Conservé : Concerts L'Estro armonico, Amsterdam, Roger, s.d.
8 vol. in f°
ORDRE D.
MOTETS A VOIX SEULE SANS SYMPHONIE.
Anonymes. — 31 motets de divers auteurs.
Brossard. — Conservé : Sonitus armorum^ prodromus musicalis, Paris, Ballard,
1702, in f°*
Valette. — Non conservé : Super Flumina Babylonis.
ORDRE E.
MOTETS A VOIX SEULE ET SYMPHONIE.
Anonymes. — Non conservé : Cinquante motets de divers auteurs
(inventaire Hedelin.)
Brossard. — Non conservé : Qui diligit te.
Bernier. — Non conservé : Venite exultemus. — Recédant lacrymœ. —
Regina cœli.
Campra. — Non conservé : Florete prata. — Laudate Dominum.
Chellery. — Non conservé : Cessati.
David. — Non conservé : In hoc mundo. — Quid me tentabis.
Lotti. — Non conservé : Vos ad gaudia. — Magnojucundio. — De profundo.
— No'ïo foco. — Mœsta hirondo.
Polavoli. — Non conservé : Çor dilecti. — Cordis mei. — Ferœ in monte. —
Venite volate. — Prater sihœ.
Savioli (Savioni ?) — Non conservé : Levavi oculos.
Valette de Montigny. — Conservé : In coniïertendo, motet à voix seule,
accompagnée d'une flûte allemande et de deux basses en plusieurs en-
droits, MS. in f° de 11 p. 1717 (envoyé par l'auteur.)
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 163
ORDRE F. LA BIBLIO-
MOTETS A DEUX VOIX SANS SYMPHONIE. theque du
xt 1 n/r -j" ^ • • CONCERT
Anonymes. — Non conserve : Magnificat. — (^Juis strepitus. — 53 motets
de divers auteurs (inventaire Hedelin.)
Morin. — Non conservé : Festini martires.
ORDRE G.
MOTETS A DEUX VOIX ET SYMPHONIE.
Anonymes. — Non conservé : 24 motets de divers auteurs (inventaire
Hedelin.)
Chellery. — Non conservé : Laudate pueri.
C. S. — Non conservé : In tam festiva die.
Polavoli. — Non conservé : Laudate pueri.
Ziani. — Non conservé : Nisi Dominus.
ORDRE H.
MOTETS A TROIS VOIX SANS SYMPHONIE.
Anonymes. — Non conservé : 78 motets de divers auteurs (Inventaire
Hedelin.)
Bernier. — Non conservé : De profundis.
Lully. — Non conservé : Un livre contenant 10 motets à 3 voix.
ORDRE I.
MOTETS A TROIS VOIX ET SYMPHONIE.
Aucun nest conservé.
Anonyme : Confitebor.
Le P. Benoît de S* Joseph. — Messe à 3 voix et symphonie et 10 motets
à 1, 2 et 4 voix, avec symphonie, œuvre 9.
Brunet de Molan. — ExaltaVit cor meum.
La Croix. — Jubilate. — Salve Regina. — Lauda Sion. — Miserere mei Deus.
La Touche. — De profundis en français.
Rameau. — Exulte t cœlum laudibus.
Valette. — Ecce quant bonum.
164 LA MUSIQUE A LYON Première
LA BIBLIO- ORDRE K.
I
theque du ORATOIRES EN LATIN (pas de liste.)
CONCERT
ORDRE L.
MOTETS A i, 2, 3 et 4 VOIX AVEC ET SANS SYMPHONIE.
Lotti. — i livre contenant 5 motets, dont le Ier est Laudate peuri.
Scarlatti. — 1 livre de 10 motets, dont le Ier est Veni in altitudinem.
(Ces deux volumes n'ont pas été conservés.)
ORDRE M.
CANTATES FRANÇAISES EN PARTITION.
Batistin. — Conservé : Ier, 2e, 3e et 4e livres.
Bergiron de Briou. — Non conservé : Cantates françaises.
Bernier. — Conservé: Ie, 2e, 3e, 4e et 6e livres, Paris, Foucault, s.d. 5 vol.
in 40 — 7e livre, Paris, Boivin, 1723, in 40.
Campra. — Conservé: Ier et 2e livres. Livre Ier, Paris, Ballard, 1721 (2e éd.)
in f° obi. Livre II, Paris, Ballard, 17 14, (ire éd.) in f° obi.
Clérambaut. — Non conservé : Ier livre de Cantates.
Conservé : 2e, 3e, et 4e livres. Paris, chez l'auteur, 17 13, 171 6, 1720,
in f° obi. — Le soleil vainqueur des nuages.
David. — Non conservé : Un livre imprimé de principes pour la musique.
Conservé : Un livre de "Principes de la musique... " (v. Ch. II
p. 43) MS. in 40, 28 p.
Lully. — Conservé : Recueil des plus beaux endroits de 8 opéras, M S.
in f° de 121 p. (copie de l'ouvrage publié chez Foucault).
Montéclair. — Non conservé: 2e livre de Cantates. — Brunettes anciennes
et modernes avec des paroles accordées à la flûte. — Brunettes ou
petits airs tendres avec le double et la basse.
Morin. — Conservé : 3e livre de Cantates, œuvre 6, Paris Foucault,
17 12, in f°.
ORDRE N.
CANTATES FRANÇAISES EN DUO ET TRIO (pas de liste)
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 165
ORDRE O. la
BIBLIO-
SYMPHONIES. THEQUE DU
CONCERT
Albicastro. — Non conservé : Trio.
Albinoni. — Non conservé : Œuvre 3e Balletti en trio.
Aubert. — Non conservé : 1e1", 2e et 3e livres.
Besson (Gabriel). — Conservé : Ier livre sonates violon seul et b.c., Paris,
chez l'auteur, 1720, in f°.
Boismortier. — Non conservé : Sonates Ier, 2e, 3e, 11e, 13e, et 17e œuvres,
Sonates en duo : 6e, 8e, 19e 20e, 22e, et 25e oeuvres.
Conservé : Petites sonates in trio pour deux flûtes traversières
avec la basse ; 4e 7e et 12e oeuvres, Paris, chez l'auteur, s.d. 3 vol. in 40.
Chambon. — Non conservé : 1 livre.
Conservé : Sonates en trio (œuvre 3 et 4). Partie du 2e violon,
M S. in 40.
Corelli. — Non conservé : Sonates.
Conservé : 5e œuvre, sonates à violon seul et basse, 2 vol. MSS
in f° obi. — Ier, 2e, 3e et 4e œuvres en trio, Amsterdam, Roger, s.d.
4 vol. in f°; 2 vol. MSS in 40 (parties de second violon et de basse.)
Cossini (Cosimi ?). — Non conservé : Sonate, œuvre I.
Couperin. — Conservé : Six sonates en trio, 4 vol. MSS in 40.
Dornel. — Non conservé : Sonates, 2e œuvre et plusieurs suites pour la
flûte. — Sonates en trio, 3e œuvre.
Conservé : Livre de Symphonies contenant six suites en trio
avec une sonate en quatuor, Paris, chez l'auteur, s.d. 5 vol. in f° obi.
Finger. — Conservé : 12 sonates en trio : 4 vol. MSS in 40.
Francœur. — Non conservé : un livre*
Giannotti. — Conservé : Sonates in trio, œuvre 3, 4,6, 9, 10, Paris, chez
l'auteur, s.d. 5 vol. in 40.
La Barre (de). — Non conservé : Suites à deux flûtes sans basse.
Conservé: Trios, Ier, 2e et 3e livres, Paris, Ballard, 1707 (les
3 livres en un seul volume. Il ne reste que la partie de second dessus).
Leclair (l'aîné). — Non conservé : Un livre de sonates.
Lœillet. — Non conservé : Sonates.
Lully. — Conservé : deux basses de symphonie, 2 vol. MSS in 40.
Marais. — Conservé : Trio, Paris, chez l'auteur, 1682, un vol. (ier dessus
seulement).
l66 LA MUSIQUE A LYON Première
la biblio- Mascitti. — Non conservé : Sonates, œuvres 3 et 4.
thèque du Conservé : Sonates. Œuvres ire, Paris, Foucault, 1704, in 4°,
concert (partie de second violon seule) — Œuvre 2, id. 1706 in 40. — Œuvre
5, id. 17 14, in 40.
Maubert. — Non conservé : Pièces à deux flûtes.
Mangean. — Non conservé : Sonates à deux violons sans basse.
Conservé : Concert de symphonie en trio, ire et 2 e suite, Paris,
Boivin, et Lyon, Le Clerc et de Brotonne, 1735, 6 vol. in f°.
Montéclair. — Non conservé : six concerts sans basse. — Sérénade en
concerts.
Naudot. — Conservé : Sonates en trio pour deux flûtes traversières et basse,
Paris, chez l'auteur, 1726, in 40 (la basse seulement.)
Philidor. — Conservé : Suite de trio de divers auteurs, Paris, Ballard,
1699, 2 vol. in f° obi.
Provençal. — Non conservé : Six suites de pièces, dessus et basses.
Prunier. — Conservé : Ier et 2e concerts à deux flûtes sans basse, Paris,
chez l'auteur, 1723, in 40.
Rebel. — Non conservé : Duos et trios.
Renier. — Conservé : Concert pour deux flûtes traversières sans basse
Paris, chez l'auteur, 1723, in f° obi.
[Rippert.] — Conservé: Sonates à deux parties (ire œuvre), Paris, Boivin,
1722, in f° — Airs de brunettes mis à deux dessus sans basse et Noëls
dans le même genre, Paris, Boivin, 1722, in f°
Senaille. — Non conservé : Sonates (cinq livres).
Vaudot. — Non conservé : Sonates en trio.
ORDRE P.
ORATOIRES EN LATIN.
Tous conservés.
Androvandini. — Ste Cécile, MS. in f° obi. de 140 p.
Bononcini. — St Nicolas, MS. in f° obi. 115 p.
Manssa (du). — Adam, MS. in f° obi. 201 p.
Melani. — Ste Eugénie, MS. in f° obi.
Scarlatti. — Ste Ursule, M S. in f° obi. (il ne reste que la partition et
une partie de chœur. — David, MS. in f° obi. 180 p.
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE 167
ORDRE Q. LA BIBLIO-
CANTATES ITALIENNES EN PARTITION. thèque du
CONCERT
Toutes conservées : Cinq volumes manuscrits de divers auteurs.
ORDRE R.
CANTATES ITALIENNES ET ARIETTES EN PARTIES SÉPARÉES.
(pas de liste.)
ORDRE S.
AIRS ITALIENS EN PARTITION ET PARTIES SÉPARÉES.
Pas de liste. Il reste 2 partitions MSS: Airs de Scarlatti et duos de Savioni.
ORDRE T.
MÉMOIRES SUR LA TROMPETTE ET ŒUVRES.
Prin (J.B.) — Non conservé : Livre d'airs de trompette de 9 opéras de
Lully. — Partie de trompettes de plusieurs sonates. — 3 parties de
concerto.
Conservé : Mémoire sur la trompette marine, MS. in f° obi.
Strasbourg, 1742 (v. ch. Ier p. 13-14). Airs de trompette, 2 vol. MSS
(ier dessus et basse). — Concerts de trompette et hautbois avec basse,
4 vol. MSS in f° obi. 1723-24.
BIBLIOTHEQUE DE CHRISTIN.
pour cette bibliothèque, nous n'indiquons que les ouvrages conservés.
MOTETS.
Œuvres de Bournonville, Paris, Ballard, 171 1, in f°, livre Ier. — Campra,/*/.
1700- 1703, in f°. — Guido, Paris, Foucault, 1707 in f°, livre Ier. —
Lalouette, Paris, chez l'auteur, 1726, in 40, livre Ier. — Lochon,
Ballard, 1701, in f°, livre Ier. — Morin, Ballard, 1704, in f°. —
Suffré, Ballard, 1703, in f°, livre Ier. — Différents auteurs 2 vol.
MSS in f °.
i68 LA MUSIQUE A LYON
LA BIBLIO- OPERAS.
theque du Bourgeois, Les amours déguisés, Paris, Ballard, 17 13, in f° obi. — Campra,
concert Hésionne, Ballard, 1700, in f° obi. ; Les Muses, id. 1703 ; Aréthuse, id.
1701 ; le Carnaval de Venise, id. 1699 ; Alcine, Paris, Riboud, 1705,
in f°. — Desmarets, Didon, MS. in f°, 215 p. — Lully, Amadis,
des Gaules, Paris, Ballard, 1684, in f° ; Proserpine, id. 1707 ; Armide,
MS. in f°, 151 p. ; V Idylle de Sceaux, MS. in f° 47 p. ; La grotte de
Versailles, MS. in f° 34 p. ; Le triomphe d'Alcide, MS. in f°, 93 p. —
Moreau, choeurs à'Esther, Paris, Thierry, 1689.
CANTATES.
Batistin, Livre Ier, Ballard, 1721, in 40, livre II, id. 17 14, livre III, id.
171 1, livre IV, id. 17 14. — Bergiron, le Supplice de Cupidon, M S.
in 40, 36 p. — Bourgeois, Zéphire et Flore, MS. in f°, 20 p. —
Mancini et Scarlatti, Cantates Italiennes, MS. in f°, 90 p. —
Montéclair, Ier 2e et 3e livres, Paris, chez l'auteur, 3 vol. in f°.
SYMPHONIES.
De Caix, Pièces de viole, Paris, chez l'auteur, s.d. in f° obi. — Marais,
Pièces de violes, Ie, 3e, 4e, 5e livres, Paris, chez l'auteur, 1687-1711-
17 17, 4 vol. f° obi.
DEUXIEME PARTIE
LES DISCUSSIONS MUSICALES A
L'ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS ET
A L'ACADÉMIE DES SCIENCES
ET BELLES-LETTRES
(1700-1793)
12
I
La Musique dans les deux Académies.
Dès la fondation de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres,
alors qu'elle n'était que la réunion de quelques beaux
esprits de notre ville, et qu'aucun statut ne la régissait,
nous trouvons trace de préoccupations musicales. Un Jésuite, le
Père Fellon (i 672-1759), lut en effet, au mois de juillet 1700, au
Cours d'une séance, un poème latin sur la musique. Nous n'en
avons connaissance que par une lettre de Brossette à Boileau :
" Ce poème, écrivait Brossette à son illustre correspondant, n'est
pas encore dans sa perfection, et quand l'Auteur, qui est un de nos
Académiciens, l'aura achevé, je vous en enverrai une copie. Vous
y trouverez de la force, de la douceur, une noble imitation des
Anciens, car, afin que vous le sachiez, notre Académie lutte tant
qu'elle peut contre le goût du siècle et nous tenons tous pour
l'antiquité (1)."
Cette même correspondance contient un leçon de musique
inattendue donnée par Brossette à propros de la traduction du
Traité du Sublime de Longin :
" Au commencement de ce chapitre, remarque l'académicien lyonnais,
vous dites : Car, comme dans la musique, le son principal devint plus agréable
à V oreille, lorsqu'il est accompagné des différentes parties qui lui répondent ; un
très habile Musicien qui sait quelque chose de plus que la Musique, m'a
fait observer qu'en termes de Musique, on ne disoit pas ordinairement
(1) Correspondance de Boileau et de Brossette. Edition Laverdet ; Paris, Téchener,
1858, p. 51
172
LA MUSIQUE A LYON Deuxième
la musique le son principal, mais que l'on disoit le sujet, ou la principale partie, pour
dans les exprimer cette suite mesurée de sons variés, lesquels étant soutenus par
deux d'autres sons qui composent les parties d'accompagnement, forment un air,
académies un sujet, un concert, une pièce de Musique. Car un son tout seul accom-
pagné de ses parties, produit à la vérité une harmonie, mais non pas une
Mélodie, comme disent les Musiciens. (1) "
Charmante leçon, doucement pédante, et sans doute inutile :
selon le témoignage de Louis Racine, le poète satirique " était un
peu sourd et se connaissait fort peu en musique," ce qui ne l'em-
pêchait pas d'en parler souvent.
Mais ce n'est qu'à partir de 1731 que des mémoires concer-
nant la musique sont soumis à l'Académie des Sciences et Belles-
Lettres. D'ailleurs, régulièrement, cette Académie n'aurait pas dû
traiter des questions musicales, et nous avons eu déjà l'occasion
de signaler les polémiques suscitées par les empiétements récipro-
ques des deux Académies sur leurs domaines respectifs. Elle s'en
occupa, à vrai dire, assez peu, avant la fusion de 1758, et la
plupart des mémoires qui lui furent soumis avaient été lus déjà à
l'Académie des Beaux-Arts par des sociétaires communs aux deux
compagnies. Aussi bien, étudierons-nous les divers mémoires
académiques consacrés à des études musicales, en les rangeant
simplement par ordre de matières, sans distinguer ceux présentés à
chaque Académie. Pourtant, à titre documentaire, nous donnons
ci-dessous l'état des mémoires sur la musique en deux listes sépa-
rées, et selon l'ordre chronologique pour chaque société (2).
Académie des Sciences et Belles-Lettres, et
Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts.
1 73 1. 27 novembre : La Musique des Anciens, par de Regnauld.
1738. 25 novembre : Liaison de la musique avec les autres arts, par de
Glatigny l'aîné.
1741. 25 avril : Le Tempérament, par Bollioud-Mermet.
(1) Lettre du 3 Octobre 1708: Id. p. 274-275.
(2) Nous n'avons pas compris dans ces listes les brefs rapports faits sur des
œuvres, des machines ou des inventions musicales, qui seront pourtant signalés dans
la suite.
Partie AU D IX- H U ITI È M E SIÈCLE 173
1743. 14 mai : L'Harmonie, par Cheinet. la musique
1744. 11 février: La musique instrumentale ou organique, par Bollioud- dans les
Mermet. deux
1747. Ier août : Projet d'un traité général de musique, par Mathon de la académies
Cour.
1748. 13 août : La Musique des Grecs, par Mathon de la Cour.
1749. 25 février : V. Académie des Beaux-Arts, 22 janvier 1749.
1 75 1 . 11 mai : Apologie des sciences et des arts (contre J. J. Rousseau),
par Bordes.
1752. 25 janvier : Les fausses relations; l'origine de la tierce mineure,
par Cheinet.
30 mai : La Critique, par Bollioud-Mermet.
Ier août : 2e discours contre J. J. Rousseau, par Bordes.
1 1 décembre : 3e discours sur le même sujet, par Bordes.
1757. 18 janvier: Traduction d'un ouvrage d'Algarotti sur la musique
italienne, par Bordes.
1758. 28 novembre : Examen du Ludus melothedicus ou Jeu des harmoniques
par le Père Dumas.
1759. 8 mai : Le Sublime dans les Arts, par Clapasson.
4 septembre : Cause physique de la formation des accords, par le
Père Dumas.
1762. 15 juin: Le tempérament et l'accord du clavecin, par le Père
Dumas.
1763. 21 juin : Fondement de l'harmonie, par le Père Dumas.
1764. 2 août : Le Sublime dans la musique, par Clapasson.
Académie des Beaux-Arts ou Société Royale des Beaux-Arts.
1736. 13 juin : La musique vocale, par Bollioud-Mermet.
27 juin : L'harmonie, par Joannon.
26 juillet : La proportion harmonique, par Mathon de la Cour.
29 août : L'harmonie (suite) par Joannon.
1737. 28 janvier : La musique instrumentale, par Bollioud-Mermet.
8 avril : Traité de composition, d'après Rameau, par Mathon de la
Cour.
1738. 13 janvier : L'orgue, par Bollioud-Mermet.
10 mars : La génération harmonique et la basse universelle, par
Mathon de la Cour.
1739. 16 mars : Les échos et la salle du Concert, par Joannon.
5 août : Nouvelle lecture du mémoire précédent.
174
LA MUSIQUE I74O.
DANS LES
DEUX I741'
ACADÉMIES 1742.
!743'
1744.
1745-
I746.
1747-
1748.
1749.
1750.
1751.
1752.
1753-
1754-
1755-
1756.
1757.
LA MUSIQUE A LYON Deuxième
13 janvier: Le tempérament et l'accord des instruments, par
Bollioud-Mermet.
1 1 janvier : Le tempérament des voix, par Bollioud-Mermet.
5 décembre : La liaison des sciences avec les arts, par Bollioud-
Mermet.
5 juin : L'harmonie, par Cheinet.
13 mai : Le Phtongomètre et le tempérament des instruments à
touches, par Bollioud-Mermet.
13 janvier : L'unité de l'harmonie, par Bollioud-Mermet.
12 janvier : De la Corruption du goût dans la musique française,
par Bollioud-Mermet.
1 1 janvier : Le chronomètre harmonique, par Bollioud-Mermet.
10 janvier : Accord du clavecin et de l'orgue, par Bollioud-Mermet.
24 janvier : Discussion sur le sujet précédent.
27 mars : L'harmonie ancienne et moderne, par Cheinet.
3 avril : La Musique et la Peinture des Anciens, par le Père
Tolomas.
8 janvier : La Mélographie, par Bollioud-Mermet.
22 janvier : Ier mémoire sur l'histoire de la musique, par Bollioud-
Mermet.
2 juillet : La Mélographie (ire partie), par le Père Tolomas.
17 décembre : La Musique et la Médecine, par le Dr Olivier.
29 juillet : La Mélographie (2e partie), par le Père Tolomas.
1 8 novembre : 2e mémoire sur l'histoire de la musique, par Bollioud-
Mermet.
19 mai : Méthode pour noter le plain-chant, par l'abbé de Valernod.
14 juillet : 3e mémoire sur l'histoire de la musique, par Bollioud-
Mermet.
13 décembre : 4e mémoire sur l'histoire de la musique, par Bollioud-
Mermet.
30 novembre : 5e mémoire sur l'histoire de la musique, par Bollioud-
Mermet.
2 août : Le 3e mode (de Blainville), par Cheinet.
21 mars : Plan d'un traité d'harmonie, par le Père Dumas.
26 mars : Le tempérament, par le Père Dumas.
1 8 mars : Le tempérament, discussion entre le Père Dumas et
Bollioud-Mermet.
Des nombreux académiciens admis dans les deux sociétés
pendant près d'un siècle, depuis 1700 jusqu'en 1793, une quin-
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE i7j
zaine seulement s'occupèrent de musique ; encore, de ce nombre, la musique
faut-il éliminer quelques amateurs qui ne traitèrent que par occasion DANS LES
des questions qui nous intéressent : parmi ceux-là on peut citer DEUXr
l'avocat Glatigny (i 690-1 755) ; Gauthier de Montdorge, (1701-
1768) installé dès 1729 à Paris, qui devint, en 1740, le librettiste
de Rameau pour les Fêtes d'Hébé ou les Talents lyriques ; le Docteur
Olivier (1706- 1780), qui fut médecin de l'armée française en
Italie, puis médecin de Stanislas de Pologne; Antoine-François
de Regnauld (1682-1766), Conseiller à la Cour des Monnaies ;
l'architecte Soufflot, (171 3-1780) qui construisit en 1754 la salle
des spectacles ; l'abbé de Valernod (1704-17 18). Le groupe des
musiciens était donc très réduit, et l'on est surpris de n'y pas
voir figurer Bergiron du Fort Michon qui, nous ne savons pour-
quoi, ne fit jamais partie des Académies ; on n'y peut comprendre
son camarade Christin qui, secrétaire perpétuel de l'Académie des
Beaux-Arts, ne traita, dans les assemblées, que des questions de
thermométrie. On doit en éliminer aussi deux "critiques musicaux"
Charles-Joseph Mathon de la Cour (1 738-1 793), fondateur du
Journal de musique de Paris (1764), qui ne s'occupa pas de ques-
tions musicales à l'Académie dont il fit partie dès 1780 ; et Thoral
de Campigneulles (1737- 1809) qui ne touche à la musique que
par ses " correspondances " sur le théâtre de Lyon adressées au
Mercure de France, vers 1765, et par ses polémiques concernant les
spectacles. Ainsi, nous voyons le nombre des musiciens de l'Aca-
démie réduit à huit fervents amateurs: Bollioud-Mermet, Bordes,
Cheinet, Clapasson, le Père Dumas, Joannon de Saint-Laurent,
Mathon de la Cour le père, et le Père Tolomas. Nous allons
abandonner l'ordre alphabétique pour présenter en quelques mots
chacun d'eux (1).
Voici tout d'abord celui qui fut longtemps le doyen des deux
Académies, et qui mourut, à la fin de l'année 1762, à l'âge de
(1) On trouvera, dans VHistoire de l'Académie de J. B. Dumas, quelques rensei-
gnements sur ceux de ces musiciens qui firent partie de l'Académie des Sciences et
Belles-Lettres. Fétis a cité, d'après Delandine, Bollioud, Cheinet, Clapasson, Dumas,
Mathon et Tolomas.
176 LA MUSIQUE A LYON D
EUXIEME
DEUX
ACADÉMIES
la musique quatre-vingt dix sept ans : Charles Cheinet. Cheinet, né à Mon-
dans les télimar en Janvier 1666, avait d'abord été précepteur d'un jeune
gentilhomme dauphinois ; il vint à Lyon vers la fin du xvne siècle,
et " obtint un emploi dont l'exercice lui laissa des moments de
loisir pour s'occuper de la culture des lettres. La philosophie fut
l'objet principal de ses études... Il cultiva la musique moins comme
un art d'agrément que comme une science mathématique, et
s'appliqua à développer les principes de l'harmonie (1)." Ses pré-
occupations théoriques ne l'empêchaient pas, du reste, d'aimer la
musique en tant qu'art, et la bibliothèque du Concert possède une
copie manuscrite, faite par Cheinet lui-même, d'un " Recueil des
plus beaux endroits de 8 opéra de Lully. " La lecture de ses
mémoires sur l'harmonie nous prouve qu'il était un esprit très vif,
très fin, un humoriste sachant égayer par des boutades les plus
graves sujets. Nous verrons plus loin sa joyeuse façon de " mettre
en lumière " ses propres compositions, et c'est lui qui commençait
en ces termes un discours sur la théorie musicale :
" Rien de plus charmant que d'entendre l'harmonie, mais ordinaire-
ment rien de plus ennuyeux que d'en entendre parler : et c'est sur ce sujet
Messieurs, que je dois avoir l'honneur de vous entretenir aujourd'hui.
Aussi me garderai-je bien de dire qui pote st capere capiat, mais bien plutôt
qui potest dormire dormiat\ je serai bien moins inquiet de voir dormir une
bonne partie de mes auditeurs que de les voir bâiller à tout moment, et
s'ennuyer en voulant s'efforcer de suivre mon discours. Prenez là-dessus
votre parti, Messieurs, je commence (2)."
Un autre amateur fut pendant longtemps aussi le doyen de
l'Académie, dont il fit partie pendant cinquante huit années et
dont il vit la dispersion en 1793 : celui-là, c'est le fécond " musi-
cographe " de la Corruption du goût dans la musique française ', Louis
Bollioud-Mermet. Bollioud-Mermet se tint toujours à l'écart de
toute occupation commerciale ou consulaire ; musicien distingué, (3)
(1) Bollioud-Mermet, Histoire de V<Acadèmie (Mss acad. n° 270).
(2) Mss acad. n° 161, f° 106-122.
(3) Dans son Histoire manuscrite de l'Académie, Bollioud signale plusieurs
œuvres de musique latine de sa composition, (v. notre article que nous citons dans la
note suivante).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 177
organiste très habile, chanteur de goût, il ne fut même jamais la musique
Officier du Concert. Resté célibataire, il s'occupa exclusivement DANS LES
de l'Académie des Beaux-Arts et de l'Académie des Sciences et DEUXf
Belles-Lettres : par la liste des mémoires publiée ci-dessus, on peut
voir que plus du tiers des communications sur la musique lui est
dû. Il fut le sociétaire le plus diligent et le plus ponctuel ; nul
incident ne put mettre un frein à son ardeur ; les réfutations les
plus solennelles et les plus humiliantes ne calmèrent jamais son
entrain ; ses échecs successifs dans la petite guerre qu'il fit contre
Rameau ne purent éteindre sa ferveur anti-ramiste qui n'était
qu'un des symptômes de sa manie réactionnaire et rétrograde.
Infatigable louangeur du temps passé et des choses défuntes, il eut
la douleur d'achever sa longue, médiocre et brillante carrière au
travers des scènes révolutionnaires, des journées du siège et de la
destruction de sa ville natale, alors que sa chère Académie n'exis-
tait plus, et que plusieurs de ses collègues étaient montés sur
l'échafaud. Après avoir vécu toute sa vie dans la rue du Plat, près
de l'Arsenal, il avait dû, peu de temps avant sa mort, se réfugier
à Fourvières, chez son cousin Bourgeat qualifié de "cultivateur";
Lyon s'appelait encore Commune-Affranchie, quand il mourut,
le 31 Août 1794, à l'âge de quatre-vingt six ans. (1)
Le musicien le plus important avec Bollioud-Mermet, et un
des plus sérieux, était le Père Jean Dumas, Jésuite, que Fétis, dans
sa biographie des musiciens, a confondu avec un Père Cordelier qui
passa toute sa vie à Lyon et fut bibliothécaire du couvent de
Saint-Bonaventure. Le Père Jean Dumas (1696- 1776) fut mission-
naire au Canada et dans la région de l'Illinois, d'où il fut chassé
avec tous les Français ; après avoir été régent d'humanités à Dole,
il fut nommé professeur d'hébreu au collège de la Trinité de
Lyon ; il mourut à Avignon (2).
(1) V. Léon Vallas, Un musicographe lyonnais au XVIII0 siècle : Bollioud-Mer-
met [Revue Musicale de Lyon, Août et Septembre 1907). Toutes les biographies
indiquent l'année 1 793 comme date de la mort de Bollioud. Nous avons trouvé son
acte de décès à la date du 14 fructidor, an IL (Arch. mun.)
(2) D'après l'histoire de l'Académie, de Bollioud-Mermet.
178
LA MUSIQUE A LYON
LA MUSIQUE
DANS LES
DEUX
ACADÉMIES
Un autre Jésuite académicien était le Père Charles-Pierre-
Xavier Tolomas (1706- 1762) qui succéda au Père de Colonia
comme professeur de rhétorique et bibliothécaire du Collège de la
Trinité. Il est surtout connu par son différent avec d'Alembert
(*775)-
Charles Bordes, (1711-1781), poète et prosateur, fut l'ami,
puis l'adversaire de Jean-Jacques Rousseau : ses seules œuvres
touchant à la musique sont ses mémoires contre les théories
artistiques de Jean-Jacques. Joannon de Saint Laurent (1714-1783)
habita peu de temps à Lyon. André Clapasson (1708- 1770) fut
avocat, puis succéda à son père comme receveur général des
domaines et bois du Lyonnais. Enfin Jacques Mathon de la Cour,
(171 2-1777) Ie P^re du fondateur du Journal de musique de Paris,
partisan convaincu des théories de Rameau qu'il voulait rendre
accessibles à tous.
II
L'actualité musicale et l'histoire de la musique
Notre surprise fut grande, en parcourant les nombreux
registres de procès-verbaux des deux Académies, de ne
pas rencontrer de fréquentes allusions aux événements
artistiques contemporains, et de ne trouver qu'un seul mémoire,
celui de Bollioud-Mermet sur la Corruption du goût, consacré à la
brûlante actualité musicale. L'Académie semble avoir vécu, com-
plètement indifférente, au milieu des luttes et des polémiques
qui agitèrent si violemment, pendant tout un siècle, le monde des
musiciens : débats entre les partisans de la musique française et de
la musique italienne, lutte entre les Lullystes et les Ramistes,
Guerre des Bouffons (i), ou révolution gluckiste. L'Académie des
Beaux-Arts elle-même, alors qu'elle était liée au Concert, ne
s'inquiète de cette institution et de ses séances hebdomadaires si
intéressantes et si variées, que pour régler quelques détails d'admi-
nistration intérieure, tels que des changements de jour pour les
séances. Nous avons cité (p. 79) les lignes impassibles signalant,
dans le registre des délibérations, la séparation de l'Académie et du
Concert ; la disparition de ce dernier, précieuse institution vieille
de soixante années, ne fut même pas signalée (2), et il semble
(1) Pourtant nous verrons dans le dernier chapitre que Bordes lut un mémoire
en réponse à la lettre de Jean-Jacques Rousseau sur la musique française.
(2) Relevons cependant cette phrase dans un des premiers mémoires présentés
à l'Académie des Beaux-Arts. " Cette Académie, disait Mathon de la Cour dans son
discours sur la musique lu le 8 avril 1737, cette Académie fait fleurir la pratique de la
i8o
LA MUSIQUE A LYON Deuxième
L HISTOIRE
DE LA
MUSIQUE
l'actualité même que, pendant quelque temps, les conférences sur les Beaux-
M)USICALE ET Arts aient eu lieu au jour et aux heures des séances musicales (i).
Nous ne croyons pas que le mémoire de Bollioud-Mermet sur le
Concert fut lu à l'Académie, et nous n'en avons pas trouvé l'indi-
cation dans les procès-verbaux (2). Il n'est question de concerts
que le 16 novembre 1784, quand "M. Mathon [le fils] termina
la séance par la lecture d'un projet d'établissement d'un Concert
d'amateurs pour la ville de Lyon, et proposé par souscription."
Cette profonde indifférence qui étonne, faut-il en chercher l'expli-
cation dans l'esprit rétrograde en matière artistique de la majorité
des Académiciens ? Quelques menus faits nous poussent vers cette
hypothèse.
C'est d'abord le succès obtenu par le mémoire de Bollioud-
Mermet que nous avons examiné longuement dans le cinquième
chapitre de l'Histoire du Concert. Ce mémoire, lu le 12 janvier
1746, fut analysé avec complaisance par Christin, alors secrétaire
perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts ; il fut choisi ensuite pour
être lu dans la séance publique du 27 avril suivant, et nous savons
que les mémoires ainsi choisis étaient approuvés par l'Académie,
puisque le discours du Docteur Olivier, lu dans cette même
assemblé, dut être modifié, ainsi que le notent les procès-verbaux,
parce que " certaines parties sont bonnes pour une Académie, mais
ne le seraient pas en pareil cas pour le public ". En même temps,
Bollioud était solennellement autorisé à publier son œuvre " en
musique avec tant de magnificence dans ses concerts, qu'il est naturel que nous nous
appliquions à en perfectionner la théorie dans ces conférences..." (Mss acad. n° 161,
(1) Délibérations du 22 et du 29 novembre 1752 : "Le concours des assemblées
de la Société Royale avec l'exécution du grand concert se trouvent, depuis quelque
temps, être le même jour, mercredi..." On décide "que les jours des séances particu-
lières continueront d'être le mercredi, et qu'à l'égard des séances publiques, elles seront
renvoyées aux jeudis pour éviter leur concours avec le concert dans le même jour. "
Pourtant, peu de temps après, le 17 janvier 1753, on décida de tenir les séances
ordinaires le vendredi à cause du concert.
(2) Observations sur l'établissement, le progrès et le décadence au Concert de Lyon.
L'existence de ces Observations ne nous est signalée que par Bollioud lui-même dans
son histoire manuscrite de l'Académie.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 181
prenant dans l'impression sa qualité d'Académicien des Beaux- l'actualité
Arts (i) ". Le 20 juillet, il remettait à l'Académie un exemplaire musicale et
du volume édité par l'imprimeur lyonnais de la Roche et commu- L HISTOIRE
niquait à ses confrères une lettre flatteuse que Voltaire, le 12 juillet,
~1 1 ' J ' MUSIQUE
lui avait adressée de Versailles à ce sujet : " Votre ville, écrivait
peut-être sans ironie l'illustre littérateur, sera bientôt plus connue
par ses Académies que par ses manufactures (2). " L'année suivante
enfin, le 28 juin 1747, on lut, en séance ordinaire, une lettre de
l'abbé Arnaud de Carpentras dans laquelle cet ecclésiastique annon-
çait son dessein d'écrire une nouvelle dissertation " pour appuyer
le sentiment de M. Bollioud et donner des réponses aux critiques
qui ont été faites de son ouvrage, desquelles il fait sentir le faux. "
C'est que les critiques avaient été terribles, et il semble que les
" éreintements ' publiés par le Mercure de France et le Journal de
Trévoux, dont nous avons parlé, eussent dû détourner à tout jamais
Bollioud de la musicologie (3). Mais Bollioud habitué aux réfuta-
tions, ne s'émut guère et trouva de naïves échappatoires pour
atténuer l'effet des comptes-rendus publiés sur son livre : " On a
lu, rapporte le procès-verbal de la séance du 29 décembre 1746,
on a lu dans le Journal de Trévoux de décembre 1746 l'article 131
qui est une analyse un peu critique du discours de M. Bollioud
sur la corruption du goût dans la musique française... Il paraît
dans cette analyse que plusieurs endroits du discours n'ont pas été
(1) Séances du 30 mars et du 20 avril 1746.
(2) Corr. acad. Ms. n° 267, I, p. 231 v°. On sait que Voltaire dit un jour de
l'Académie de Lyon : " C'est une honnête fille qui fait peu parler d'elle. "
(3) L'article du Mercure de France était précédé de cette note d'une ironie un
peu cruelle : " Il y a quelques mois que nous reçûmes une dissertation intitulée de la
Corruption du goût dans la Musique, et notre intention étoit de lui donner place dans
notre Journal, mais ayant des engagemens antérieurs à remplir, l'Auteur nous a
prévenus et nous a privés de sa dissertation en la faisant imprimer à Lyon : voici une
réponse que l'on nous adresse et que nous imprimons comme nous eussions imprimé
la dissertation si l'Auteur nous en eût laissé le temps. Le Mercure est un champ de
bataille livré aux combats littéraires ; nous sommes spectateurs neutres de ces joutes,
et nous nous contentons de dire aux combattants :
Non nostrum in ter vos. . . cornponere lit es.
{Mercure, Septembre 1746, p. 58).
182 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'actualité entendus dans le sens de l'auteur. " Et personne, dans l'Académie,
musicale et ne critiqua une seule des opinions de l'élégant musicographe.
l histoire rjn autTe fait qui tend à nous montrer l'esprit peu novateur
DE LA
musique ^e ^'Académie en ce qui concerne la musique, est le suivant : en
1754, le 25 janvier, on lut dans une séance de la Société Royale
une lettre de Montucla, avocat au Parlement. Celui-ci, installé
depuis peu à Paris, envoyait sa démission d'académicien ; il avait
été malade pendant quelques semaines, et il ajoutait :
" Quelques prises de musique italienne... ont remis ma machine dans
son état ordinaire. La musique italienne a surtout été pour moi un spéci-
fique heureux. Aussi ne vous étonnerez-vous point si, dans la querelle qui
divise aujourd'hui les amateurs de la musique, je me suis décidé pour le
parti italien. Je le dois par reconnaissance, et, comme je me pique d'en
avoir, j'ai arboré l'écharpe du coin de la reine. Je crois que vous n'êtes pas
encore à sçavoir que c'est comme le quartier-général ou plutôt l'état-major
des amateurs de la musique italienne ; il y a là une demi-douzaine de con-
jurés, gens de génie, qui ont fait serment d'exterminer la musique françoise,
ou de la faire si fort changer que Lulli et même Rameau, revenants dans
un demi-siècle d'ici, ne la reconnoîtront plus...
" ... Vous avez sans doute été informé par la renommée de l'écrit
lâché par M. Rousseau de Genève sur la Musique françoise, écrit qui a causé
ici une fermentation étonnante, et un torrent d'injures contre son autheur.
On n'a vu pendant assez longtemps que paroître de jour à autre des écrits
contre lui, presque tous pitoyables, et sans doute nous n'en sommes pas
encore quittes. Tout ce que ces écrits ont opéré sur nous autres du coin de
la reine, a été de nous prouver de plus en plus qu'il étoit difficile de
répondre, car quand on a de bonnes raisons, on s'y attache, et l'on ne
s'exhale pas en injures qui ne dévoient être que l'accessoire pour répondre
aux duretés choquantes que je conviens être dans la lettre de Rousseau.
Quant à moi, je tiens pour bien démontré plusieurs des articles de cette
lettre, sçavoir que notre récitatif est un peu plus que détestable, que ce
beau morceau à'Armide, si longtemps admiré, est pitoyable et même
indigne de Lulli, et qu'il faut bien plus d'art pour faire des paroles
françoises pour être mises en musique qu'on n'y en met ordinairement.
Quant à ceux qui sont les autheurs, ou plutôt l'occasion de la querelle,
sçavoir les Italiens qui jouent leurs intermèdes sur notre théâtre, on ne
sçait point encore s'ils resteront ou non. Du moins la caballe de cette
canaille de l'opéra est poussée contre eux à l'extrême. Car à peine leur
donne-t-on des décorations, et nous avons déjà vu deux fois un ciel de
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 183
nuages bleus et blancs au lieu du plafond d'une salle, une partie du fond l'actualité
de la décoration n'être mise à sa place que longtemps après le temps où musicale et
elle auroit dû y être, enfin, quoi qu'ils offrent de mettre une nouvelle l'histoire
pièce sur pied, on ne veut point le leur permettre. Néant moins leur pièce de la
intitulée Pertolde à la cour (1) quoique jouée 25 fois de suite se soutient musique
toujours à peu près comme le premier jour. Je l'ai vue 12 à 15 fois et
toujours avec un nouveau plaisir. Car c'est une musique presque divine.
On vient de donner Castor et Pollux de M. Rameau, qui aura probablement
un grand succès dans ce temps de fermentation où des sotises en musique
françoise seroient toujours admirées par une partie de la nation, seulement
parce qu'un certain nombre de gens les siffleroient. Mais je me trompe
bien si dans un autre temps il en auroit beaucoup. Il y a cependant des
beautés répandues en très petit nombre dans le premier et le second acte,
un peu plus dans le 3e, beaucoup dans le 4e, et peu dans le 5e. Mais en
somme ce n'est ni le triomphe de la musique françoise, ni le tombeau de
l'italienne, et j'aime mieux, avec bien du monde, certains airs de Pertolde
que tout Castor et Pollux, car d'ailleurs il n'y a point d'air de chant sinon à
la fin du 3e acte calqué d'après Mondonville, avec un accompagnement
italien, et la pièce, si l'on en ôte l'accessoire des danses et des décorations
qui font l'illusion des sots, n'est qu'un récitatif perpétuel, c'est-à-dire un
braillement de haut en bas d'autant plus ennuyeux que Geliote paroît peu,
car il est Castor qui meurt au premier acte et qui ne reparoît qu'à la fin du
4e, que quelques morceaux de récitatif qui devroient être pathétiques, sont
exécutés par une voix qui ne leur convient pas, sçavoir Mlle Fel ; que le
reste est exécuté en grande partie par Chassé qui est grand acteur, mais
qui ne chante plus du tout, et par MUe Chevalier qui a une belle voix
mais qui crie et détonne souvent... " (2)
L'occasion, certes, était belle pour l'Académie de discuter
tant de questions brûlantes que Montucla traitait avec l'irrespect
et le parti-pris d'un critique musical occasionnel. Pourtant cette
lettre, violente à l'excès ne suscita pas de discussions ; elle n'éveilla
sans doute que le mépris et le dégoût des Académiciens, et le
procès-verbal de la séance, enregistra simplement la démission de
l'académicien Montucla sans faire la moindre allusion à sa diatribe.
L'Académie devait peu goûter d'ailleurs, en principe, une
critique désinvolte. Bollioud-Mermet qui, nous l'avons vu, avait
(1) Il s'agit de Bertoldo in corte de Ciampi.
(2) Correspondance académique, Ms. n° 267, II, f° 114-115.
i84
LA MUSIQUE A LYON Deuxième
DE LA
MUSIQUE
l'actualité de bonnes raisons de redouter l'opinion des journalistes, lut, quel-
musicale et ques années après ses mésaventures de la Corruption du goût, le
30 mai 1752, un long mémoire sur l'usage de la critique et les
moyens de la rendre utile. Ce mémoire a disparu ; mais le procès-
verbal de l'Académie en contient une longue analyse.
" Après avoir fait connoître les avantages d'une critique bien réglée,
et les inconvéniens de celle qui s'affranchit de la règle, M. Bollioud observe
que rien n'est plus rare qu'une saine critique parce qu'on ne sait pas la
faire et parce qu'on ne sait pas la recevoir. Pour rendre plus utile à la
république des lettres la censure qui établit une espèce de police parmi les
savants, M. Bollioud désigne les qualités nécessaires au censeur ; il tient
son autorité de l'aveu du public, ainsi l'équité doit le rendre intègre,
sincère et impartial ; il faut que sa fermeté soit tempérée par la prudence
et par la modération, que la satire et le ton railleur soit banni de la censure.
Si ces dispositions sont nécessaires dans l'auteur de la critique, il en est
d'autres qui ne sont pas moins importantes pour celui qui en est l'objet.
Tout écrivain doit s'attendre à être jugé, et doit être son premier juge et
se défier de lui-même, observer le précepte d'Horace qui veut qu'il laisse
pour ainsi dire reposer pendant un long temps son ouvrage pour le retou-
cher ensuite de sang-froid, consulter avec docilité, choisir un conseil éclairé,
et s'en tenir à ses décisions. Toutes ces précautions soigneusement obser-
vées, l'écrivain peut se flatter d'être à l'abri des traits d'une critique injuste.
Le public est équitable ; si l'ouvrage est bon, les mauvaises critiques ne
sauroient le discréditer ; s'il est médiocre, la censure sera utile à l'auteur.
Surtout qu'il fasse réflexion que la critique est en même temps nécessaire
et inévitable ".
Ces observations, un peu intéressées, d'une victime de la
critique, furent d'ailleurs approuvées en 1774 par Bordes qui, con-
sacrant un mémoire aux qualités de la critique, nota qu'il était
indispensable qu'elle ne présentât rien d'injuste ou d'odieux (1).
Ce même académicien eut l'occasion, le 18 janvier 1757, de
dire un mot sur l'opéra italien, à la suite de la lecture d'une
traduction qu'il avait faite de V Essai sur l'Opéra d'Algarotti. Le
texte italien imprimé avait été communiqué par l'auteur lui-même à
l'académicien lyonnais au cours d'un voyage de ce dernier à Venise.
(1) Mémoire (non conservé) du 13 décembre 1774.
Partie AU D I X - H U I TI È M E SIÈCLE 185
Les observations de Bordes sont intéressantes. Ce qui l'avait frappé l'actualité
surtout dans l'opéra transalpin, c'était la grandeur et la beauté des musicale et
décorations, la richesse des costumes, la légèreté des danses, la L HISTOIRE
iustesse et la précision des chanteurs et des symphonistes. La
. J x MUSIQUE
musique lui avait semblé facile, abondante, légère, brillante, ingé-
nieuse : ses yeux avaient été enchantés ; ses oreilles, ravies ; mais
son cœur était resté vide. " L'opéra italien, rapportait notre auteur,
consiste en vingt-cinq ou trente scènes de récitatif, terminées
fidèlement chacune par une ariette. " Le récitatif est mauvais : c'est
une psalmodie monotone et forcée, sans analogie avec la déclama-
tion, sans vie, sans âme. Les Italiens, du reste, ne l'écoutent pas.
" L'ariette arrive à la fin de chaque scène ; le personnage ne peut
quitter le théâtre sans l'avoir chantée : qu'on assassine son père, il
ne peut aller au secours sans avoir rempli cette loi ; il faut qu'il
chante, et sans faire grâce d'une seule répétition... " On place des
" roulements " très longs et très légers dans la tristesse et la douleur;
des points d'orgue terminent des ordres donnés par un roi ; le déses-
poir le plus violent attend la fin de la ritournelle pour éclater.
Bordes cherche alors à considérer l'ariette simplement en musicien:
" il trouve souvent un sujet heureux, brillant, naturel même ; mais
bientôt il lui échappe, noyé, perdu sous ses ornements: l'oreille la plus
exercée à se varier, a peine à saisir ce protée actif à se contraster,
à se tourmenter en cent façons ; toujours même nombre de reprises,
de variations, de doubles, qu'il soit question de tendresse, de fureur,
ou d'une simple chanson ; la même marche existe, on n'y peut rien
changer... " Dans l'opéra italien, pas de trace de la variété qui
règne dans l'opéra français : " Point de chœurs, point de fêtes liées
au sujet; vous n'y verrez aucune de nos belles imitations de la
nature, qui annoncent le débrouillement du chaos, le lever de
l'aurore, des bruits de guerre ou de chasse, le soulèvement des flots,
le sifflement des vents, la tempête et le calme renaissant, nos belles
chaconnes, nos symphonies célestes, infernales, persanes, sauvages,
pastorales.... " A tant de richesses, les Italiens opposent vingt
ariettes enfilées au bout de vingt scènes d'ennui.
Et voici la conclusion de l'académicien : " L'opéra italien
13
i86 LA MUSIQUE A LYON D
EUXIEME
l'actualité n'est qu'une ariette, il est absolument inécoutable dans la moitié au
musicale et moins de sa durée ; les Italiens n'écoutent jamais la scène, et c'est
l histoire en ceja qU>jis ont raison; nous écoutons la nôtre; il me semble que
le procès est jugé... Les Italiens possèdent sans doute à un haut
musique f , , . J & . ■■1*1.
degré le génie de la musique, mais il est chez eux presque en pure
perte, parce qu'ils n'ont passu s'éleverjusqu'à l'imitation de la nature...
L'oreille seule a été l'objet de leurs travaux... La routine s'est
emparé de leurs talents... Leur danse est toute en entrechats, leur
poésie en sonnets, et, à voir leur fidélité singulière à ne composer
leur musique que d'ariettes, on croirait que c'est en vertu d'un
décret de l'Inquisition (i). "
Telle est l'opinion de Bordes, qui devait être partagée par
presque tous les académiciens: l'opéra italien était donc condamné...
Si l'actualité musicale fut presque complètement laissée de
côté par l'Académie (2), l'histoire de la musique ne fut guère plus
cultivée: quatre ou cinq mémoires seulement furent consacrés à cette
branche de l'art qui, aujourd'hui, nous apparaît comme essentielle;
et tous sont réservés à la musique des anciens, ce qui n'est pas sur-
prenant, car la musique du moyen-âge ou de la Renaissance était,
au xviii6 siècle, complètement négligée.
Dès le 20 août 171 4, Cheinet, rapporte un procès-verbal,
" lut un projet de l'histoire de la musique, avec une épître dédica-
toire à Mgr le Duc d'Orléans, ouvrage de l'auteur d'un poème sur
la musique. " Cet auteur était-il le Père Fellon ? Nous ne le savons
pas.
Les discussions sur l'histoire de la musique sont un dernier
écho de la lutte des Anciens et des Modernes. Selon le témoignage
de Brossette, que nous avons rapporté, les fondateurs de l'Académie
s'efforçaient de réagir contre le goût du siècle, et tenaient tous
pour l'antiquité. La ferveur classique de leurs successeurs était
(1) V. plus loin, page 225.
(2) Dans son Catalogue, Delandine indique bien un mémoire sur les Progrès de
la musique en France depuis le règne de Louis XIV. De ce manuscrit dû à Clapasson, et
dont l'intérêt pour nous serait très vif, il n'a été conservé que les premières pages
(Mss acad. n° 161, f° 186-189).
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 187
moindre, et, sur quatre mémoires comparant et opposant les musi- l'actualité
ciens de l'antiquité aux modernes, deux accordent la supériorité musicale et
aux derniers venus. La première dissertation est isolée. Présentée L HISTOIRE
par de Regnauld à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres le
27 novembre 173 1, elle nous est connue seulement par le procès-
verbal qui la résume en ces termes :
•
" M. de Regnauld a lu un discours où, après avoir fait l'éloge de la
musique et expliqué son pouvoir et ses avantages, il s'est renfermé dans
l'explication des concerts que faisoient les Anciens, et dans le rapport que
ces mêmes concerts avoient avec les nôtres, dont il y a des établissemens
dans toutes les principales villes de ce royaume. Il a touché en passant la
question fameuse qui a divisé nos savans modernes, savoir si la musique
des Anciens étoit composée ou non de parties différentes. M. de Regnauld
a semblé adopter l'affirmative et a soutenu cet avis par de nouvelles
réflexions.
" M. le Directeur [de Glatigny], dans sa réponse, a ramené la même
question, et l'a laissée indécise, par la difficulté de juger d'une chose dont
nous ne pouvons avoir des exemples sensibles. "
La question, on le devine, avait été traitée de façon bien
vague, et la conclusion était restée douteuse. Le sujet ne fut repris
qu'en 1748. Cheinet rouvrit le débat avec son mémoire sur l'har-
monie ancienne et moderne, lu à l'Académie des Beaux-Arts le
27 mars. Il proclamait, en débutant, la supériorité complète des
Grecs et des Romains en éloquence, en poésie, en architecture et
sculpture, et même en peinture. Pour ce dernier art cependant, il
signalait la maîtrise des modernes en ce qui concerne le clair-
obscur. Quant à la musique, disait-il " on peut démontrer comme
géométriquement que nos derniers modernes surtout ont porté la
perfection de cet art infiniment plus loin que les Grecs et les
Romains n'ont pu le faire." Cheinet justifie son affirmation par
cette seule phrase : " Les uns et les autres, comme dans la peinture,
n'en ont sûrement connu pour ainsi dire que le bas-relief, sçavoir
la mélodie, et cela doit paroître ainsi puisque, de tous les effets les
plus merveilleux que l'on nous rapporte de leur musique, il n'en
i88
LA MUSIQUE A LYON Deuxième
L HISTOIRE
DE LA
MUSIQUE
l'actualité est point qui n'ait été produit par un seul musicien particulier, et
r pas un qui l'ait été par un concert de plusieurs (i)."
Huit jours après la lecture de ce mémoire, le Père Tolomas
présentait ses Réflexions sur la musique et la peinture des ^Anciens,
que, remarquait-il lui-même, il aurait mieux fait d'intituler
" Réflexions sur le discours que vous entendîtes lire mercredi
dernier. "Le Père Jésuite, tout comme ses prédécesseurs de 1738,
commence et conclut son discours en signalant que les discussions
les plus serrées ne peuvent aboutir qu'à des probabilités, parce que
rien n'est resté de la musique des Anciens, et que la Vérité est
encore au fond du puits. Il lui semble pourtant que la privation
du contrepoint ne peut diminuer en rien l'excellence et le prix de
la musique antique : c'est là du reste, ajoute-t-il, l'opinion de
Burette, dont le témoignage n'est pas suspect, parce qu'il est celui
d'un partisan des modernes. Le Père Tolomas a relevé, dans cer-
tains auteurs anciens, tels que Athénée et Macrobe, des passages
qui lui semblent prouver que l'antiquité n'a pas ignoré l'harmonie
et le contrepoint. Une citation de Macrobe lui apparaît comme
un argument péremptoire ; c'est celle-ci : " Voyez, écrivait
Macrobe, quel est le nombre de voix qui forment nos chants de
musique. Leur multitude toutefois se rapporte à une harmonie.
Là, vous entendrez à la fois des tons aigus, des tons graves, des
tons moyens, des voix d'hommes, des voix de femmes. Là, tout
se marie avec les accords de la lyre. Toutes les voix s'entendent, et
vous n'en distinguez aucune. " Ne retrouve-t-on pas sur ce texte
tous les caractères de notre musique? "Et si on employait les
mêmes termes, en parlant de quelque chœur de La Lande, serait-
on accusé avec justice d'avoir donné une fausse idée, je ne dis pas
de la manière propre de ce savant musicien, mais de la musique de
son siècle, dans le goût de laquelle il a composé ? On peut subtiliser
sur ce texte... et prétendre que la diversité des tons ne prouve pas
l'existence des accords; puisque, ces tons étant à l'unisson, il ne
pouvait y avoir de contraste dans les parties. Mais un mot de
(1) Mss acad. n° 161, f° 91-105.
Partie AU D IX- H UITI È M E SIÈCLE 189
Macrobe anéantit cette défaite, car l'auteur ajoute : Et le concert l'actualité
résulte des dissonances mêmes (1). " musicale et
Ce mémoire invoquait l'autorité de Burette, l'historien bien L HISTOIRE
connu, mort en 1747. C'est sous le couvert de ce même nom, et DE LA
aussi du théoricien anglais Wallis, que fut présenté le dernier
mémoire académique consacré à la querelle des Anciens et des
Modernes. C'est Mathon de la Cour qui le rédigea : son travail
n'a pas été conservé, et ce n'est qu'une petite perte, car, comme
nous le verrons dans le chapitre suivant, Mathon n'était pas riche
en idées originales, et redoutait les travaux de première main. Nous
le voyons, sur ce sujet historique comme dans les questions d'har-
monie, se contenter de résumer des ouvrages antérieurs. Voici
l'analyse de son mémoire, publiée dans les procès-verbaux.
" M. Mathon a lu une dissertation sur la musique des Grecs. Il a
donné une notice des principaux auteurs anciens qui en ont traité et que
Meibomius a traduits en latin et rédigé en un seul corps. M. Mathon a
fait mention des autres auteurs que Wallis anglois a mis au jour. Tous
deux infectés de la folie des nombres. Il a rappelé le traité de Plutarque ;
le peu qu'en dit Athénée ne lui a pas échappé. Ce sont les sources qu'il
nous a indiquées comme les plus sûres pour connaître la musique ancienne.
De là, il a passé à l'examen des ouvrages de M. Burette qui a rectifié,
selon lui, les idées des anciens auteurs et a assoupi les disputes élevées à
ce sujet par d'excellens raisonneurs. M. Mathon est entré ensuite dans le
détail d'un de ses ouvrages sur la mélopée des Grecs, et on peut regarder
sa dissertation comme un supplément aux découvertes de M. Burette " (2).
Mathon, partisan des théories de Wallis et de Burette, croyait
donc à la supériorité des modernes en matière musicale. Un mot
intéressant à signaler : " Tous deux infectés de la folie des nom-
bres. " Notre auteur s'intéressait pourtant vivement aux questions
d'harmonie mathématique, et savait, à l'occasion, comme nous
allons le voir, discuter sur la proportion harmonique, la proportion
géométrique et la proportion arithmétique (3).
A l'histoire de la musique peuvent se rattacher deux mémoires
(1) Mss acad. N° 158, 1, f° 29-35.
(2) Séance de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres, 13 août 1748.
(3) On ne s'étonnera pas que nous nous tenions tout-à-fait en dehors des débats
historiques ou harmoniques que nous rapportons. Nous ne faisons que présenter les
190 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'actualité consacrés par le Père Tolomas à la Mélographie ou Déclamation notée
musicale et jes anciens. Ces deux mémoires, conservés l'un et l'autre (i), et
l histoire jus au cours ^es séances du 2 juillet 1749 et du 29 juillet 1750,
présentent une réfutation point par point d'un discours de Bol-
lioud-Mermet. Bollioud s'était proposé de prouver que la décla-
mation en usage sur l'ancienne scène était une véritable musique,
et que, si elle n'avait pas été telle, il aurait été impossible de la
noter. Ce mémoire a disparu, et son auteur, se rendant peut-être
compte de son erreur, oublia même de le signaler dans la liste de
ses travaux lorsqu'il écrivit son histoire de l'Académie. C'est que
la réfutation avait été écrasante, bien que conçue dans la forme la
plus correcte. Voici le début de la dissertation du Père Tolomas
qui nous montre l'urbanité des discussions académiques :
" C'est sans doute rappeler à vos Esprits un souvenir bien agréable
que de remettre sous vos yeux le sujet que j'entreprends de traiter. Le
nom de la Mélographie doit ici réveiller l'idée d'une dissertation où brilloit
une érudition peu commune dispensée avec goût et parée de toutes les
grâces du style. C'est pourtant contre un ouvrage si estimable et si digne
des applaudissemens qu'il a reçus dans cette Compagnie que j'oseroi pro-
poser modestement mes doutes ; ou, pour annoncer mon dessein avec cette
noble franchise qui sied si bien dans les écrits littérairement polémiques, je
diroi avec liberté que j'entreprends de réunir sous un point de vue des
autorités, d'alléguer des faits, d'établir des principes, de développer des
conséquences, d'où il résulte au sujet de la mélographie un sentiment
contradictoirement opposé à l'opinion qui, sous la plume de son ingénieux
défenseur, auroit captivé vos suffrages, si la Vérité, quoiqu'ingénieusement
attaquée, pouvoit jamais perdre sa cause dans un tribunal éclairé...
Résumons, en quelques mots, l'argumentation très serrée du
Père Tolomas :
On ne peut puiser un argument pour la thèse de Bollioud
dans l'identité du sens de cantus, carmen, versus, numen, modi, de
même que l'on ne pourrait conclure, à l'avenir, que les poèmes
sont des œuvres musicales quand leurs auteurs emploient l'expres-
sion : je chante. Des arguments tirés de Cicéron et de Juvénal
discussions des académiciens lyonnais. D'ailleurs la plupart de ces questions sont
depuis longtemps classées.
(1) Mss acad. n° 161, f° 73-79 et 82-89.
Partie AU D IX- H UITIÈ M E SIÈCLE 191
montrent que les poètes comiques latins ne faisaient presque pas l'actualité
sentir le nombre et le rythme de leurs vers, afin que leurs dialogues musicale et
ressemblassent davantage à la conversation ordinaire. Sans doute, L HISTOIRE
les acteurs antiques empruntaient un secours du ministère des DE LA
, V.. f, ii- 1 • r 1 MUSIQUE
musiciens : les artisans de la modulation scenique fixaient sur le
papier, selon les règles d'une tablature connue, toutes les inflexions
de la voix de l'acteur, et tous les sons aussi que devait tirer ou de
sa flûte, ou de sa lyre, ou de quelque instrument à cordes, le musi-
cien accompagnateur, qui soutenait par son jeu la déclamation des
paroles. Mais cela n'a rien de commun avec la basse continue. Le
musicien aidait l'acteur, le suivait pas à pas pour jouer à son oreille,
mais ne se faisait pas entendre du public : ce moyen de soutenir la
diction parut même si heureux que de la scène il passa sur la
tribune aux harangues.
Bien que la déclamation ne soit pas un véritable chant, on en
notait les inflexions, et une telle notation n'est pas impossible. Si
la variété des signes dans ce cas doit être grande, elle ne l'est pas
plus que dans la langue chinoise ou dans la chorégraphie. Les
maîtres de ballet notent tous les pas et toutes les figures des ballets
les plus composés, et une telle notation, pour complexe qu'elle soit,
est déchiffrée par tous les danseurs, même les plus médiocres. Ces
inflexions, dans le théâtre ancien, étaient non pas rigoureusement
fixées ; elles étaient simplement indiquées au goût de l'exécutant
" de même que le goût du chant n'est que très imparfaitement
déterminé par la tablature de nos musiciens. "
Le Père Tolomas cite enfin l'exemple célèbre de Racine qui,
selon le témoignage de son fils, dictait à la Champmeslé les tons
" que même il notait " (1).
La démonstration du Père Jésuite, comme nous l'avons dit
convainquit tout-à-fait Bollioud-Mermet. Ce dernier devait subir
une fois encore une réfutation conçue en termes plus vifs, et dont
le retentissement fut certainement plus considérable en raison de la
célébrité du contradicteur qui ne fut autre que Rameau lui-même.
(1) Des articles sur la Mélographie furent publiés dans le Mercure de novembre
1756 et d'avril 1757.
III
L ' H ARMONIE
" "T" a Musique, écrivait Rameau en dédiant sa Génération harmo-
nique aux membres de l'Académie des Sciences de Paris, la
Musique n'est pour le commun des hommes qu'un Art
destiné à l'amusement, et dont il n'appartient qu'au goût d'enfanter
et déjuger les productions: pour Vous, elle est une Science fondée
sur les principes, et qui, en enseignant à flatter l'Oreille, fournit à la
raison de quoi s'exercer. " Ainsi, et comme leurs collègues de Paris,
les Académiciens lyonnais envisageaient la musique ; ils la considé-
raient moins comme un art que comme une science dont " la
théorie ne saurait manquer d'avoir des charmes pour ceux qui
aiment les mathématiques, puisqu'elle n'est fondée que sur les rap-
ports et les proportions des nombres, et que c'est uniquement à
cause de ces rapports qu'on a mis la musique au nombre des parties
des mathématiques... (i) " La musique classée dans les " mathé-
matiques sensibles ", voilà qui nous étonne vivement aujourd'hui,
car nous avons séparé depuis longtemps l'art musical des théories
acoustiques, mais qui n'était pas surprenant à une époque où floris-
sait l'esprit, nous dirons même la manie géométrique, et où les
découvertes de Rameau donnaient de l'actualité aux questions
harmoniques. Près de la moitié des mémoires académiques de Lyon
est consacrée à l'harmonie en général ou à la question du tempéra-
ment égal appliqué à l'accord des instruments à clavier. Bollioud-
(i) Mathon de la Cour, Discours sur la génération harmonique (Académie
des Beaux-Arts. 10 Mars 1738).
I94 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'harmonie Mermet, Cheinet, Mathon, Joannon, le Père Dumas reprennent
sans cesse pour leur compte les théories ramistes ou, très rarement,
les discutent, et Rameau lui-même, un jour, intervient dans le
débat.
Le premier mémoire sur l'harmonie fut lu à l'Académie des
Beaux-Arts le 27 Juin 1736, c'est-à-dire deux mois et demi après
le début des conférences de la société (12 avril). C'était le discours
de réception du jeune Joannon qui comprenait naturellement le
compliment d'usage à l'Académie et au Prévôt c s Marchands (1).
La première partie, précédée de l'épigraphe :
Concordia parvœ res crescunt,
Discordia vero maximœ dilabuntur,
est réservée à des généralités sur l'harmonie universelle, la musique
surnaturelle selon les principes de laquelle, pour employer les termes
d'un écrivain du xvnf siècle : Dieu aurait créé l'univers et en
aurait formé l'arrangement avec la première matière (2). Joannon
débutait ainsi :
" Tel est l'assujettissement des choses créées qu'elles ne peuvent se
soutenir sans cette union, sans ce je ne sçay quoy d'harmonique, si
essentiel à leur existence, assujettissement ordonné par la sagesse du
Créateur, assujettissement enfin sans lequel les créatures fussent retombées
dans le chaos... "
Puis c'est la constatation de l'existence de l'union et de l'har-
monie dans toute la nature, dans tous les êtres matériels, spirituels,
ou métaphysiques ; de l'union du corps et de l'âme ; ce sont encore
d'imprévues considérations historiques sur l'histoire de Rome et de
la France ; enfin mille banalités sur la musique naturelle des vents
et de la mer, des cris des animaux, du chant des oiseaux ; la nota-
tion, d'après le Père Kircher, du chant du rossignol, du coq, de la
poule, de la caille et du coucou ; le bourdonnement musical de la
mouche " où nous distinguons alternativement la tierce, la quinte
(1) Mss acad. n° 161, f° 160 à 175.
(2) Jacques Bonnet, Histoire de la danse ; 1725.
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE 195
et l'octave " ; le coassement de la grenouille " qui a ses tons " ; les l'harmonie
cris de l'enfant...
La partie essentielle du mémoire est consacrée à la recherche
du principe de l'harmonie d'après Rameau, et Joannon " met en
parallèle avec la corde de Rameau une expérience bachique. "
" L'an passé, dit-il, me trouvant avec quelques amis à souper, las
enfin d'une séance trop longue, et plein d'ennuis, je ne sçay dans quelle
vue je portay le doigt sur l'extrémité de mon verre rempli de vin, et, à
force de le frotter, j'en fis naître un son : mais peu flatteur, et c'est ce qui
me fit abandonner ce manège ; je le bus à moitié, et ensuite toujours par
le même hazard, je recommençoy le même frottement, un son vint frapper
mes oreilles : mais ce n'étoit plus le même ; je sentis un son beaucoup plus
élevé, cela me donna lieu de faire quelques réflexions, et enfin à force
d'épreuves j'ay trouvé, dans la même proportion de la corde de Rameau,
tout le sistème de l'harmonie dans un verre ".
Ce détail n'est pas inconnu ; au cours des quelques lignes
consacrées à Joannon, dans sa Biographie des musiciens^ Fétis le
rapporte, d'après Delandine, et écrit : " On trouve dans cet
ouvrage, daté de 1739 [ce qui est une erreur (1)], la description
de l'effet du frottement des verres pour la production des sons ;
l'harmonica de Franklin est de beaucoup postérieur à cette date. '
En rapportant cette expérience, Joannon buvait-il dans son verre ?
Nous aimerions pouvoir attribuer une découverte intéressante à un
jeune académicien de vingt-deux ans... (2).
Après l'avoir rapportée, Joannon abandonne sa trouvaille ; il
examine la production de la douzième et de la dix-septième par le
pincement d'une corde grave de clavecin, et résume ensuite la
théorie ramiste de l'origine des consonnances et du renversement
de l'harmonie, puis renvoie à plus tard l'étude des dissonances.
Il conclut en demandant la censure de l'Académie pour " rectifier
ses faibles idées qui peuvent avoir quelque chose de vrai. ' Ces
(1) Erreur commise par Delandine et bien excusable : sur le manuscrit de ce
mémoire, qui porte la signature de Joannon, est indiquée l'année 1739.
(2) On sait que Gluck, dès 1746, donnait à Londres, avec un vif succès, des
concerts d'harmonica, et jouait " un concerto pour vingt-six verres à boire accordés par
l'eau de source. " {Daily Adverther du 31 mars 1746, cité par Wotquenne).
196 LA MUSIQUE A LYON D
EUXIEME
l'harmonie faibles idées, l'académicien l'avait déclaré lui-même, sont celles
de Rameau.
Peu de temps après, le 29 août 1736, Jdannon donnait son
second mémoire, nouveau résumé des idées de Rameau sur les
dissonances (1).
Un autre académicien, Mathon de la Cour le père, se plaisait
à refaire à l'usage du public les ouvrages de Rameau. Il avait
débuté à l'Académie des Beaux-Arts le 24 Mai 1736 en signalant
à ses collègues le fameux " clavessin des couleurs " nouvellement
inventé par le Père Castel, et en leur disant quelques mots du
rapport de l'harmonie des couleurs avec l'harmonie des sons. Le
26 juillet de la même année, il lut un mémoire très court et peu
explicite sur la proportion harmonique, dont la conclusion est
celle-ci :
" La proportion harmonique produit toutes sortes d'intervalles faux
et dissonans, ce n'est donc qu'accidentellement et non par une propriété
spéciale qu'elle divise harmoniquement l'octave, la quinte et la tierce
majeure. J'ai donc eu raison de dire que ce n'estoit pas dans cette proportion
qu'il falloit chercher l'origine de l'harmonie pour laquelle je ne crains pas
d'avancer qu'elle n'est d'aucun usage (2) ".
Cette idée-là est encore empruntée à la Génération harmonique
de Rameau qui, publiée en 1737 seulement, avait été présentée,
le 12 janvier 1734, à l'Académie des Sciences de Paris.
C'est le 8 avril 1737 que Mathon de la Cour donna à
l'Académie des Beaux-Arts un résumé des principes de la compo-
sition d'après les règles de Rameau :
" Quelles obligations, dit-il en débutant, n'avons-nous donc pas à
M. Rameau d'avoir réduit l'art de la composition en système, et de nous
avoir découvert les sources et les principes de ses règles. Il ne tient qu'à
nous d'apprendre aujourd'huy en peu de mois ce qui demandoit auparavant
plusieurs années d'un travail pénible et dégoûtant. L'envie et la prévention
qui ne manquent presque jamais de s'élever contre les nouvelles décou-
(1) Mss acad. n° 161. 70 176 à 183.
(2) Mss acad. n° 154. p. 3 à 7. Delandine dans son catalogue indique ce
mémoire comme anonyme.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIECLE 197
vertes, ont empêché la plupart des Musiciens de vouloir s'instruire de ce l'harmonie
qu'il contenoit ; ils le méprisent et le condamnent avant que de l'avoir lu.
D'un autre côté, beaucoup de personnes ont esté effrayées de l'obscurité
avec laquelle il est écrit... Il faut l'avouer : Rameau est plus habile musi-
cien qu'il n'est bon écrivain...
Et l'académicien lyonnais insiste sur ce défaut évident du
grand harmoniste : style peu clair semblant destiné aux seuls
savants ; livre grossi de répétitions, de longues digressions sur les
erreurs anciennes. Aussi, Mathon veut-il donner de l'important et
précieux ouvrage un résumé clair et concis à l'usage du public.
Tel devait être encore, quinze années plus tard, le but de d'Alem-
bert quand il publia ses Elémens de musique théorique et pratique,
édités à Paris d'abord, et à Lyon, à partir de 1759 (1).
Mathon définit d'abord une pièce de musique qui " n'est
autre chose qu'une suite d'accords entremêlés avec art. La science
de la composition consiste donc uniquement à connaître les différents
accords, et la place qui convient à chacun d'eux." Il étudie en
quelques pages les accords, les sons fondamentaux et la basse
fondamentale, les cadences, les tons et les modes, l'usage des
dissonances. Il indique enfin " comment on met en pratique les
règles précédentes. " Son résumé de l'art de la composition mérite
d'être cité tout entier ; il ne tient qu'une page :
" Quand on veut composer, on commence par choisir le ton et le
mode qu'on veut faire dominer dans la pièce, et on met à la clef le nombre
de dièses ou de b mois qu'ils demandent.
" On fait ensuite un chant à son goût qu'on destine à estre le dessus
ou la basse, car il est indifférent par laquelle que ce soit des parties qu'on
commence.
" La grande difficulté pour ajouter les autres parties, est de sçavoir
bien distinguer tous les changemens de ton qui arrivent dans le cours de
la pièce.
" Le moyen de les connoître est d'observer les dièses ou b mois qui
(i) " Elèmens de Musique théorique et pratique suivant les Principes de M. Rameau,
éclairas, développés et simplifiés, par M. d'Jlembert" ire édition, Paris, 1752. En 1759,
d'Alembert céda son privilège à Jean-Marie Bruyset, libraire à Lyon, qui en fit
plusieurs éditions.
198 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'harmonie surviennent, mais cette marque n'est pas toujours suffisante parce qu'il
arrive souvent qu'une partie des notes qui devroient avoir des dièses ou
des b mois, ne se trouvent pas dans le chant, et qu'ainsi on ne sçait pas
combien il y a de dièses ou de b mois pour former le nouveau ton. En
ce cas il faut observer les cadences ou chutes du chant qui arrivent de
temps en temps ; ces repos nous indiquent les notes toniques.
" L'oreille et l'habitude servent beaucoup pour appercevoir facile-
ment ces changemens de ton, et pour sçavoir dans le doute se déterminer
en faveur de ceux qui conviennent le mieux.
" Rameau veut qu'après le repos du chant sur une tonique, on
rapporte les notes plutôt à la tonique qui suit qu'à celle qui précède, et que
par conséquent on conforme l'harmonie des accords au ton qui suit, plutôt
qu'à celui que l'on quitte.
" Quand on sçait en quel ton est le chant, on en trouve facilement la
basse fondamentale, et on connôît quel accord il faut à chaque note.
" Pour faire ensuite chaque partie en particulier, on prend à son gré
dans chaque accord parmi les sons qui le composent celuy qui convient le
mieux pour donner à cette partie le chant et l'expression qu'on désire.
" Si l'on compose à plusieurs parties, on a soin de faire entendre les
accords en entier, c'est-à-dire qu'il n'y ait aucun son de l'accord qui ne soit
dans quelqu'une des parties. On double aussi ceux qu'on veut de ces sons,
c'est-à-dire qu'on les fait entendre en diverses parties à l'octave ou à
l'unisson. Il faut observer là-dessus qu'il convient de doubler le son
fondamental de l'accord préférablement à tout autre, et sa quinte préféra-
blement à sa tierce " (1).
On le voit par cet extrait, l'art de la composition était à la
portée de tout le monde, et l'on comprend sans peine que plusieurs
des académiciens aient été tentés, après cette exposition, de s'y
livrer. Ce bref traité de composition n'était, à vrai dire, qu'un
résumé des règles de l'harmonie à l'usage des élèves, et l'on est
étonné que Mathon se soit permis de reprocher à Rameau son
méchant style...
Cependant, dix années plus tard, Mathon de la Cour reprit
son idée en la développant, mais, cette fois, il se contenta d'indiquer
ce que devrait être un manuel élémentaire et complet de musique.
C'est à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres qu'il soumit son
projet dont le texte n'a pas été conservé.
(1) Mss acad. n° 161, p. 1 à 19.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 199
" M. Mathon, rapporte le procès-verbal du Ier août 1747, se plaint l'harmonie
du défaut de livres élémentaires capables de donner une idée de cette
science [la musique] à ceux qui veulent s'en instruire ; il en attribue la
cause au peu de principes et de théorie de la plupart des musiciens qui ne
connoissent leur art que par pratique et par routine. Il incite les savants à
travailler à un traité complet de la musique, qui sera divisé en deux
parties, l'une dogmatique, et l'autre historique. Dans la première on
s'attachera principalement à chercher la cause, l'origine et les premiers
principes de l'harmonie, et M. Mathon pense que si on parvenoit à les
connoître à fond, il seroit possible de déterminer le vrai goût de la musique
de même qu'on discerne celui de l'éloquence, de la poésie, de la peinture.
On expliqueroit ensuite le détail des règles de la composition, on y join-
droit la manière de lire et de noter la musique, avec des observations sur
le goût et sur la propreté du chant ; la partie historique contiendroit
l'invention de la musique et des instrumens, les progrès et les variations
de cet art chez tous les nations connues ".
On voit percer ici un louable souci qui tracassait peu les
académiciens lyonnais : celui de l'histoire musicale, bien négligée
naguère encore. C'est peut-être pour répondre aux souhaits de son
collègue, que Bollioud-Mermet entreprit en 1749 son grand
mémoire sur les moyens de perfectionner la musique, dont nous
parlerons plus loin.
Quelque temps après la publication de la Génération harmonique,
Mathon, selon son habitude, présenta, en son nom personnel, un
résumé des idées exposées par Rameau dans son nouvel ouvrage.
Son mémoire, lu le 10 mars 1738, n'a pas été conservé. En voici
l'analyse d'après le procès-verbal de la séance.
" M. Mathon a lu un mémoire sur la génération harmonique et la
basse universelle. Il est divisé en trois articles : le premier, qui est sur la
génération harmonique, est fondé sur ce qu'un son n'est jamais seul, mais
qu'il porte toujours son accord, c'est-à-dire son octave, sa quinte, et sa
tierce ; M. Mathon prétend que les sons qui composent cet accord doivent
aussi à leur tour porter le leur, et ainsi jusqu'à l'infini, et que cette suite
d'accords compris les uns dans les autres est l'origine de tous les tons,
modes, intervalles et accords naturels ; pour rendre la chose plus sensible,
il a dressé une table qui contient cette progression d'accords, et qui montre
que l'harmonie n'est point arbitraire.
200 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'harmonie " Le second article donne les règles du calcul des intervalles de la
musique, c'est-à-dire de leur addition, soustraction, multiplication et
division.
" Le troisième article donne la résolution d'un problème assez singu-
lier : on demande un son qui soit consonnant avec toutes les notes d'un
air. M. Mathon dit que ce son doit être celui qui répond à l'unité dans sa
table ; en effet, ce son étant le fondement des autres n'est dissonant avec
aucun deux ; c'est pourquoi il lui donne le nom de son fondamental ou
basse universelle. "
Ce mémoire avait été envoyé à Dom Charles Hébert de
Quincy, religieux de Boulogne. Celui-ci envoya à Mathon un
travail contenant quelques objections à la théorie renouvelée de
Rameau, objections auxquelles l'amateur lyonnais répondit avec
succès. Les diverses pièces de ce procès harmonique furent sou-
mises à l'Académie dans les séances du 20 mai et du 18 novembre
1739. Les lettres écrites par le Père de Quincy existent dans la
collection des manuscrits académiques. (1).
Un autre mémoire, dû à Bollioud-Mermet, se rapporte à un
sujet voisin du précédent et s'inspire encore de Rameau ; nous ne
le connaissons encore que par le procès-verbal de l'Académie des
Beaux-Arts daté du 13 janvier 1745 :
" M. Bollioud a lu un mémoire sur l'unité de l'harmonie. Son dessein
a été de prouver que la connaissance de la basse fondamentale de quelque
air de musique que ce soit, est la règle naturelle et invariable de l'harmonie
qui convient à cet air. On trouve la règle dans ce mémoire ; il est vrai
qu'il y a des chants qui paroissent susceptibles de plusieurs basses conti-
nues, mais M. Bollioud prétend que, si la basse continue qu'on aura choisie
ne dérive pas de la basse fondamentale, elle ne peut être dans la vraie
harmonie, et qu'en un mot elle est unique. Un air entier pourroit être
équivoque tandis que sa basse ne sauroit l'être. Les exemples et les preuves
rapportées dans ce mémoire contribuent à justifier le sentiment de son
auteur ".
Avec les mémoires de Cheinet et du Père Dumas, nous arri-
vons heureusement à des travaux plus sérieux que ceux résumés
jusqu'à présent.
(1) Mss acad. n° 161, f° 30; et 267 (Correspondance académique) vol. I, f° 107.
Partie AU D I X - H U ITIÈ M E SIÈCLE 20I
Le premier mémoire composé par Cheinet fut présenté suc- l'harmonie
cessivement aux deux Académies, le 14 mai 1743 et le 5 juin
suivant. Il débute par un éloge enthousiaste de Rameau :
" ... De nos jours, dit-il, le goût de la musique est devenu si général
que, tout comme autrefois parmi les Grecs, on commence à la regarder
comme devant entrer dans l'éducation de toute personne bien élevée. Mais
une chose qui doit surprendre, quand on veut y faire attention, c'est
comment les Musiciens, sans aucune véritable connaissance de leur art, ont
cependant pu le porter au point de perfection où nous le voyons aujour-
d'hui : et cela uniquement à force de tâtonnemens et d'expériences, dont
ils n'ont jamais connu les vraies liaisons. Ce n'est que de nos jours que les
vrais principes de l'harmonie et de la musique nous ont été découverts.
Principes si féconds et si lumineux qu'à la clarté desquels on voit s'évanouir
une fourmilière de règles toujours incertaines ou très inutiles, et paroître à
leur place les véritables règles de l'harmonie et de la musique, non moins
certaines, ni moins faciles à apprendre que celles de l'arithmétique ; et par
le moyen desquelles, on peut sans exagération, acquérir dans un mois de
tems ce que l'on n'aqueroit autrefois qu'après plusieurs années d'un travail
assidu.
" C'est maintenant que la connoissance peut toujours précéder l'ex-
périence et que l'on a la satisfaction de les voir à chaque instant s'accorder
si bien ensemble.
" Jusques à présent, les Maîtres ont toujours pris le contrepied en
enseignant la composition, c'est-à-dire l'art de se servir de l'harmonie ; ils
n'ont jamais manqué de faire commencer leurs élèves par leur apprendre à
composer un dessus sur une basse donnée ; ensuite une basse sur un
dessus donné : après quoi, ils faisoient ajouter une troisième partie, et,
quand ils en étoient venus là, il les abandonnoient à l'usage etc. Au lieu
que, par la connoissance des véritables principes, on voit clairement qu'il
est plus aisé à un commençant de composer à quatre ou cinq parties qu'à
deux ou trois : parce qu'il ne sauroit se tromper en rendant toujours
l'harmonie complète ; au lieu qu'en ne composant qu'à deux ou à trois, il
faut qu'il sache faire un juste choix des parties de l'harmonie qui lui con-
viennent le mieux.
" Nous devons ces heureuses découvertes à M. Rameau, qui, après
avoir porté son art peut-être plus loin qu'aucun Musicien, ne se trouvoit
pas cependant entièrement satisfait : parce qu'il ne faisoit alors que sentir
sans connoître. Ce rare génie, né pour nous découvrir les routes les plus
cachées de l'harmonie, voulut savoir la cause ou l'origine de ces accords
202 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'harmonie dont il faisoit, au gré des connoisseurs, un si charmant usage sur son
orgue...
Cheinet vante alors la première découverte de ce principe que
" la musique consiste essentiellement dans deux accords "; il indique
que Rameau continue ses recherches dont il a publié le résultat
dans son dernier ouvrage,
" ouvrage, au reste, rempli de faits et d'expériences physiques les plus
curieuses et les plus recherchées : mais ouvrage en même temps qui ne
laisse rien à souhaiter à quiconque l'a bien entendu, pour tout ce qui
regarde l'harmonie et la composition. De sorte qu'on peut dire hardiment
de son auteur que la musique ne lui doit pas moins que la Géométrie à
M. Descartes. Mais pourquoi donc les Musiciens se sont-ils toujours
révoltés contre lui ? Cela ne pouvoit être autrement.
Urit enim fulgore suo^ qui prœgravat arîes
Infra se positos... " (i)
Ce préambule très vibrant était peut-être destiné spécialement
à Bollioud-Mermet qui se plaisait à critiquer Rameau au sujet du
tempérament. Cheinet eut l'occasion, quelques années plus tard,
en 1748, de rappeler son opinion sur le père de l'harmonie moderne,
et de vanter de nouveau " son rare génie ".
" J'avais dit longtemps avant M. de Voltaire, écrivait-il le 27 mars
1748, que l'on pouvait placer cet auteur [Rameau] à côté de M. Descartes ;
et cela, parce que si l'un a fourni aux géomètres le moyen de ne rien
ignorer en géométrie, l'autre a procuré aux musiciens tout ce qui peut leur
être nécessaire pour découvrir à l'infini les secrets et les ressorts dont
l'harmonie peut se servir agréablement " (2).
Dans son mémoire de l'année 1743, Cheinet, en exposant le
principe de l'harmonie, déclarait n'avoir rien à dire que d'après
Rameau. Dans celui de 1748, après avoir, comme nous l'avons
indiqué plus haut, établi une comparaison entre la musique des
Grecs et des Romains et la moderne, il fait de nouveau le plus
grand éloge du musicien de Castor et Pollux, en tant que compo-
(1) Mss acad. 154, f° 129 et suiv.
(2) Mss acad. 161, f° 91-105.
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE 203
siteur et harmoniste. Pour profiter de ses ouvrages théoriques, l'harmonie
remarque-t-il, il est indispensable de connaître les premiers éléments
de la géométrie et du calcul. Pour ceux qui ne les possèdent pas,
quelque expérimentés qu'ils soient dans leur art, " ils ne sont pas
plus en état de profiter et encore moins de juger les œuvres théori-
ques de cet auteur que les plus expérimentés maîtres maçons
pourraient l'être s'ils s'avisaient de vouloir décider d'un traité d'ar-
chitecture raisonnée et fondée uniquement sur les principes de la
géométrie Mais ces sortes d'ouvrages se lisent-ils comme une
gazette ? Du moins, ce n'est pas ainsi que je les ai lus ; je les ai
médités la plume à la main sans en laisser un mot en arrière." Et
Cheinet fait encore ressortir la haute valeur de ces œuvres, en
les comparant au plus récent traité de composition, dû à Masson,
" tant goûté et vanté par les plus habiles maîtres ", et qui n'est
pourtant qu'un " amas confus de règles sans liaison, sans aucun
principe, uniquement fondées sur des expériences de sentiment
auxquelles l'esprit ne saurait prendre aucune part." Le manuscrit,
malheureusement incomplet, se termine par un examen des idées
du Père Parran sur la composition des tierces. (1)
En 1752, le 25 janvier, Cheinet avait lu, à l'Académie des
Sciences, un discours dans lequel, rapporte le procès-verbal, il avait
" prétendu démontrer, contre ce qu'avance Rameau, que la tierce
mineure naît, comme tous les autres accords, de la basse fondamen-
tale et qu'elle ne lui est ni étrangère, ni contre l'ordre naturel. '
Ce discours n'a pas été conservé, mais, le 2 août 1754, il reprit sa
théorie concernant l'origine de la tierce mineure et la présenta à
la Société Royale des Arts. Cette théorie dut paraître trop
ardue au secrétaire de la Société, qui ne l'analysa pas, et se con-
tenta de relater dans son compte-rendu : " M. Cheinet a lu un
discours sur l'harmonie dans lequel il a parlé d'une 3e mode pro-
posé par M. de Blainville ". Dans ce discours, dont l'exorde était
constituée par les lignes humoristiques que nous avons déjà citées
(page 176), Cheinet parlait en effet d'abord du mode inventé par
(1) Mss acad. n° 161, f° 91-105.
204 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'harmonie Blainville (i). Il s'arrêta peu d'ailleurs là-dessus, et traita gaiement
la question.
Il avait appris l'existence de ce nouveau mode par la lettre
de J. J. Rousseau publiée dans le Mercure du mois de juin, et
aussitôt, pour éprouver la beauté de l'invention nouvelle, il avait
eu la curiosité de composer un trio dans ce mode de fantaisie. Son
essai, il le rapporte en ces termes :
" Après avoir brouillé dix à douze feuilles de papier de musique, et en
avoir mis au net quinze à vingt mesures, je me ravisoi sagement, quoiqu'un
peu tard, lorsque je fis attention à la peine qu'il me restoit encore à prendre
pour finir mon entreprise. Car, faisant ensuite réflexion que, ma pièce finie,
faite et parfaite suivant mes souhaits, elle ne pourroit cependant jamais
servir honnêtement qu'en hiver, à table, pour y faire cuire des œufs au
jus, cette triste réflexion me fit prendre sur le champ la généreuse résolu-
tion de mettre en lumière ma nouvelle composition, c'est-à-dire d'en
allumer mon fagot à la flamme duquel, soutenue encore de celles de tous
mes brouillons musiquaux, je me chaurfoi très agréablement, bien résolu de
n'entreprendre rien de pareil en ma vie ".
Dans la seconde partie de son mémoire, Cheinet s'efforce de
montrer, contrairement à l'opinion de Rameau dont, de nouveau,
il vante l'extraordinaire génie, que la tierce mineure, comme la
tierce majeure, a pour générateur le son fondamental. Il démontre
sa proposition en divisant la corde de Rameau successivement en
2, 3, 4, 5 et 6 parties égales. La corde, réduite à sa moitié, donne
l'octave du son fondamental ; ses deux tiers donneront la quinte
sol; ses trois quarts donneront la quarte^; ses quatre cinquièmes
la tierce majeure mi ; et ses cinq sixièmes, sa tierce mineure mi
bémol. La progression harmonique suit ainsi la progression numé-
rique 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Cheinet s'étonne que Rameau n'ait pas fait lui-même une si
heureuse trouvaille. Cette découverte lui semble confirmée par
l'expérience des facteurs d'orgues, qui accompagnent toujours le
(1) Sur le 3e mode de Blainville, v. Fétis, Biographie des Musiciens. Il fut ques-
tion de ce mode dans le Mercure de France en 1 75 1 : 2e volume de juin, p. 174;
volumes de septembre, p. 166, et de novembre, p. 120.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 205
gros tuyau donnant le son fondamental ut, de quatre autres tuyaux l'harmonie
dont l'un fait sonner son octave, l'autre sa quinte, le troisième sa
tierce majeure, et le quatrième sa tierce mineure. Cette origine
commune de la tierce majeure et de la tierce mineure explique la
facilité avec laquelle on change naturellement de mode sans chan-
ger de ton. Et Cheinet cite comme exemple une scène célèbre de
Lully, celle de Mercure et de Méduse, dans Persée, au cours de
laquelle Mercure ne quitte pas le mode mineur, non plus que
Méduse, le mode majeur (1).
Cette trouvaille de Cheinet présente un très grand intérêt
historique. Il semble en effet que l'Académicien lyonnais fut
réellement le premier à signaler l'authentique génération de la
tierce mineure. Sans doute, Rameau, qui se tenait au courant de
toutes les discussions harmoniques, eut-il connaissance de cette
découverte ; peut-être même pourrait-on interpréter son silence
là-dessus comme une approbation de la juste théorie de Charles
Cheinet.
Les diverses communications du Père Jean Dumas consistaient
en la lecture d'extraits du Traité d'Harmonie physique et géométrique,
théorique et pratique, dont le texte manuscrit est resté dans les
archives de l'Académie (2) ou en éclaircissements sur les questions
exposées. Là encore, on rencontre un très vif éloge de Rameau.
" 11 faut l'avouer, écrit le Père Dumas à la première page de son
traité, cette vue générale [les rapports numériques d'une corde à ses
parties entre elles] est restée comme stérile jusqu'au célèbre Rameau. Il
est le premier qui en ait déduit les véritables principes, et l'application
qu'il en a faite à ses grandes découvertes, lui assure, dans le temple de
Mémoire, sa place parmi les génies uniques de leur siècle. Le principe
renfermé dans les nombres 1, 3, 5, est si simple et si fécond, qu'après
l'avoir médité et approfondi avec ce grand homme, on n'a qu'à se laisser
entraîner au cours naturel des conséquences... "
Plus loin, il déclare encore qu'il s'applaudit d'avoir " travaillé
(1) Mss acad. 161, f. 106-122.
(2) Les écrits du Père Dumas forment le volume n° 160 des manuscrits acadé-
miques,
20Ô LA MUSIQUE A LYON Deuxième
l'harmonie sur le fonds riche et inépuisable du traité d'harmonie du célèbre
Rameau ".
Plusieurs de ces extraits se rapportent à la question du tempé-
rament : nous les examinerons dans le prochain chapitre. Deux ont
pour objet la théorie proprement dite de l'harmonie ; ils furent
présentés à l'Académie, après la fusion des deux sociétés, le 4 sep-
tembre 1759, et le 21 juin 1763.
La première dissertation traite de la formation des accords
consonnants et dissonants, et de sa cause physique : c'est une
introduction au traité d'harmonie. L'auteur rappelle les principes
harmoniques, les expériences, et conclut que les sons qui s'accordent
le mieux doivent être produits par les oscillations qui se réunissent
le plus souvent, et que la distinction des accords se fixe par le rap-
port numérique des vibrations contemporaines. Par cette méthode,
l'acoustique et la physique venant, au secours de l'harmoniste, se
joindre à l'arithmétique, il est aisé de découvrir la nature et les
proportions des sons.
Dans le mémoire de 1763, le Père Dumas établit qu'il n'est
point d'harmonie directe et fondamentale sans l'accord de quinte,
et que toute harmonie fondamentale est contenue dans l'étendue de
l'octave. Il conclut que, pour former la dissonance, il suffit de
joindre à l'accord parfait quelqu'une des notes qui restent depuis la
quinte jusqu'à l'octave du son fondamental.
Le traité d'harmonie du Père Dumas, contenu en soixante-
quatre pages in-folio, comprend, en guise d'introduction, une brève
méthode de solfège, qui, comme le traité proprement dit, se recom-
mande par de la clarté, de la simplicité et un réel agrément de style.
Çà et là, se rencontrent quelques " nouveautés " que le bon Jésuite
estimait " propres à reculer les limites du règne de l'harmonie ",
mais dont le plus grand nombre, pour ne pas dire la totalité, nous
a échappé.
IV
Le Tempérament.
Combien d'amateurs du piano, ou même de virtuoses et de pro-
fesseurs, ignorent aujourd'hui le sens du titre d'une œuvre
qu'ils jouent sans cesse: le Clavecin bien tempéré de J. S. Bach !
Combien même de professionnels de l'accord des instruments à clavier
ne savent rien de la théorie ou de l'histoire du tempérament ! Au
xvme siècle par contre, au moins dans la première moitié, la
question du tempérament était tout-à-fait d'actualité. Le tempéra-
ment égal n'était pas adopté par tous, et bien des clavecinistes
étaient encore partisans du tempérament inégal qui leur permettait
d'obtenir une grande variété dans les modes. Aussi les discussions
au sujet de l'accord des instruments à clavier et à touches, furent-
elles nombreuses dans les séances de l'Académie : elles se réduisaient
à vrai dire à des échanges d'idées entre Bollioud-Mermet, partisan
du tempérament inégal, et le Père Dumas, champion du nouveau
tempérament que l'autorité de Rameau contribuait à propager.
Le premier mémoire présenté sur cette question par Bollioud
provoqua même l'intervention personnelle de Rameau. La Géné-
ration harmonique était publiée depuis plus de deux années, quand
Bollioud présenta des observations sur la pratique de l'accord des
clavecins. Le 13 janvier 1740, en effet, il lut un discours que le
procès-verbal de l'Académie analyse en ces termes :
" Le premier article fait connoître la théorie du tempérament, après
avoir rapporté le sentiment des auteurs qui ont traité de cette matière et
sur laquelle il prétend que Rameau n'a rien déterminé pour en fixer la
208 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
le tempe- pratique. M. Bollioud propose, dans le deuxième article du mémoire, un
rament moyen sûr pour le tempérament par la division de l'octave en ses moyennes
proportionnelles. Il a inventé un instrument qu'il a fait exécuter et diviser
suivant son système ; il l'appelle phtongomètre, et il en a expliqué l'usage
dont les principes sont de fixer les touches des instrumens à cordes,
déterminer le diapason de l'orgue et fixer sa partition. M. Bollioud a fait
présent de cet instrument à l'Académie. "
Nous reproduisons seulement le procès-verbal du secrétaire,
car Bollioud, comme nous le verrons, fit disparaître plus tard son
premier mémoire pour le remplacer par un autre moins affirmatif.
En juillet 1740, le Mercure de France publia le discours
prononcé par le président de l'Académie des Beaux-Arts, de Ruolz,
dans la séance publique du 4 mai. Ce discours présentait au public
les travaux des Académiciens, le détail du " fruit de leurs veilles, '
et reproduisait les quelques lignes d'analyse ci-dessus. Au mois de
mai de l'année suivante, le Mercure insérait cette note commi-
natoire :
" Une Personne qui s'intéresse aux ouvrages de M. Rameau nous
prie avec insistance de vouloir bien engager Messieurs de l'Académie de
Lyon de publier le discours que nous avons annoncé dans le Mercure de
juillet 1740, p. 1555, où l'un des membres de cette Académie prétend que
M. Rameau n'a rien déterminé dans son tempérament pour l'accord des
Instrumens de Musique.
" Il y auroit beaucoup de négligence et même quelque injustice de
laisser plus longtemps le Public prévenu contre cet ouvrage, car s'il étoit
vrai qu'on se fût trompé, chacun soufFriroit également de l'erreur.
" Ce discours est entre les mains de la même personne qui nous
sollicite, et qui est résolue de le faire imprimer elle-même si la démarche
que nous faisons aujourd'hui n'a pas son effet. " (1)
Ce communiqué émanait vraisemblablement de Rameau lui-
même ; sa forme menaçante décida l'Académie à se rendre à cette
invitation anonyme et, dans la séance du 14 septembre, en l'absence
de Bollioud-Mermet, les Académiciens décidèrent que le mémoire
visé serait envoyé par extrait au Mercure. L'envoi fut fait, le
20 septembre, au sieur Moreau, commis du Mercure de France. Le
(1) ^Mercure, mai 1741, p. 990.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 209
document ne fut cependant pas inséré ; l'administration du journal le tempé-
se contenta sans doute de le communiquer à Rameau qui, le RAMENT
3 novembre, adressa à Christin, secrétaire de l'Académie, la lettre
suivante. (Nous en donnons, avec la transcription, un fac-similé,
en raison de la grande rareté des autographes de Rameau et de
l'importance de celui-ci) :
" C'est sans réflexion, Monsieur, qu'on a publié que je n'ai rien
déterminé dans mon Tempéramment de Musique, puisque je donne, moi-
même, p. 96 de ma Génération Harmonique, Exe IX, les puissances d'une
formule, par laquelle on prétend prouver ce qu'on avance, et puis qu'on a
fait, en cela, que d'exécuter à la lettre ce quej'ai prescrit : ainsi je nenlaisse
pas simplement le soin aux curieux, comme on l'insère dans l'extrait. Si je
donne ensuite un moyen auriculaire, ce n'est que pour me prester aux
facultés des gens de l'Art : Marius n'avoit-il pas fabriqué un monochorde
pour le tempérament en usage, et s'en est-on servi ? il y aurait de la surprise
à vouloir fonder sa critique sur ce qui n'est que de surabondance ; et s'il y
a de petits inconvéniens, peu importans d'ailleurs dans la pratique, n'y en
a-t-il pas aussi dans les nombres de la formule en question ? on ne peut, à la
vérité^ avoir ces moyennes proportionnelles, dit l'extrait, que par approximation :
j'ai donc fait plus, puisqu'en exprimant mes puissances avec des lignes, on
aura les justes divisions en rigueur.
" D'un autre côté, on me confond avec tous ceux qui n'ont, en effet,
que proposé des Tempérammens au hazard, en disant simplement que je
propose une méthode, etc.. Le mémoire dit plus positivement, le Tempéramment
que M. R. propose etc..
" Prenez-y garde, s'il vous plaît ; et si vous craignez d'insulter à la
mémoire des grands géomètres qui ont traité cette matière, vous ne pouvez,
aussi, vous dispenser de rendre justice à la vérité : ne faites point de com-
paraison, à la bonne heure ; mais reconnoissez du moins qu'ils n'ont fondé
leurs conséquences que sur des suppositions, sur des hipothèses ; au lieu
que je les fonde sur un principe, dont le fait d'expérience a été reçu et
avéré, même avant que je l'eusse établit pour tel : je fais plus qu'aucun, je
démontre d'abord la nécessité de ce tempéram* par une infinité d'expé-
riences incontestables, je le fonde ensuite sur une des progressions que ce
principe m'a données, je prouve que ne pouvant être en proportion Harmo-
nique, il doit suivre, du moins, la Géométrique, renfermée dans cette pro-
gression, et je pousse en fin la chose jusqu'à donner la méthode en
puissances : c'est là plus que proposer, ce me semble, et si cela ne s'appelle
pas découvrir et démontrer, je ne connois donc pas la force de ces termes.
2IO LA MUSIQUE A LYON Deuxième
le tempe- " Relisez le mémoire de Monsieur votre Académicien, et quelques
rament chap. de ma Génération harmonique, surtout le VIIe, vous verrez qu'il
a puisé dans mes foibles idées tout ce dont il autorise ce qu'il m'oppose :
je ne crois pas qu'on l'applaudisse beaucoup de s'être attaché à critiquer,
$«* mjïtïZL.e*&. on »** t*iu/inJ outccf*** c***€^>at*î ' n*m^j ^*t*^y /jUA^/,*7''
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Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 211
dans mon nouveau système, ce que j'en ai réfuté moi-même, dans ma le tempé-
Gén. Harm : et s'il eût voulu du moins honorer par quelques endroits rament
flatteurs celui qu'il ne ménage pas assez ailleurs, il auroit pu nommer
/itfavy (t /^< w«»^ )4 /^i^^v" fS^ Û^^L^ict^^ e. autrui (ZAy- S" "i**—
£<Jl« *UU n*- m/my*J> u,*t Afjt*c oiiwi s/tvcrvU- pZ rf^f*-^- /gtJ+Z/ ft*.' C*> m+*A~ik*
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VHM.
212 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
le tempe- l'auteur qui l'a enhardi à dire que les Anciens ont trop négligé la science de la
rament musique etc.. mais a présent que nous sommes dans un siècle ou la lumière a
enfin dissipé les ténèbres, etc.. Je cite par tout le fond des choses, sans me
souvenir précisément de l'ordre, parce que je suis à la campagne, où je n'ai
pas le mémoire sous les yeux.
" Je crois, Monsieur, qu'il est de l'honneur de l'Académie, comme du
mien, de désabuser le public sur les fausses idées dans lesquelles on le
laisse depuis près de deux ans ; ne doutez pas que je n'y sois extrêmement
ygcmcu* ut. /fat tc***^MSHMm*-? J*j mu J*tvC** pc(*u</*fé+i atuS) */**"* *tt** U* AÀf*4fx*-> —
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Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 213
sensible : comme la matière est peu connue, on croit l'auteur et l'ouvrage le tempé-
dernier, quoique sans preuve, parce que tout ce qui part de vos mains passe rament
pour des arrêts ; de quelle conséquence cela n'est-il donc pas pour les per-
sonnes intéressées ? je me garderois bien de m'inscrire en faux contre le
premier venu, sauf à ne le jamais prouver. Je ne sçai comment la chose s'est
passée, mais il paroît qu'on y a eu un peu trop de condescendance au senti-
ment d'un seul ; et il vaut bien mieux que l'Académie s'en justifie en me
justifiant, que de m'obliger à répondre : on n'a jamais tort quand on
avoue, excepté que, comme quelques-uns, on ne se fonde sur l'ignorance du
lecteur.
" Jamais je n'ai tant présumé de mes foibles découvertes que depuis
qu'on les attaque ; je n'y pensois plus, je les avois tout-à-fait oubliées, il
faut donc que je me les rappelle encore. Quel honneur pour moi qu'une
aussi célèbre Académie que la vôtre voulut bien descendre jusqu'à en dire
son sentiment ! elle y est presque forcée pour son propre intérêt, et si je
me suis trompé, j'en tirerai du moins le fruit d'un éclaircissement, dont je
tâcherai de proffiter.
" J'ai été charmé de trouver votre nom au bas de la lettre adressée à
M. de la Roque, cela m'a fait naître le dessein de vous adresser celle-ci,
pour vous assurer en partie de ma reconnoissance sur le passé, et pour
vous assurer de l'estime et de la considération avec laquelle je suis,
Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
" Rameau
« A Paris ce 3 9bre 174.1."
La réplique était cruelle ; aussi l'Académie n'en fit-elle pas
mention dans ses registres : l'autographe fut simplement conservé
dans un des volumes de la correspondance de la Compagnie (1).
La lettre de Rameau eut deux conséquences. Elle amena d'abord,
comme nous l'avons dit, la disparition du mémoire original et son
remplacement par un manuscrit assez différent ; voici le texte
conservé où l'on ne retrouvera pas les phrases citées dans la lettre
de Rameau :
" Le moindre usage de l'orgue et du clavecin fait bientôt connoître
combien l'accord en est difficile, et les diverses manières de l'accorder
défectueuses : en voici la principale raison ; dans ces sortes d'instru-
mens à touches fixes, pour n'en pas multiplier le nombre, on en fait
servir une seule à deux sons différens qui quoique très voisins, ne
(1) Mss acad. n° 267, I, f° 159-160.
214 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
le tempe- sont pas cependant, suivant les principes de l'harmonie, parfaitement les
rament mêmes. Prenons pour exemple le la dièse et le si b mol ; ni l'un ni l'autre
ne partage précisément par la moitié le ton entier qui se trouve du la au
si : cependant, comme une seule touche leur est destinée, il faut leur fixer
un son commun, et déterminer le point où il sera le plus propre à les
exprimer tous les deux. On appelle la recherche de ce ton mitoyen le
tempérament : la méthode d'accorder les instrumens en observant le tempé-
rament se nomme ■partition. On n'a pas eu jusqu'à présent de règle assez
fixe pour la partition, l'oreille et l'expérience en ont été les seuls guides ;
de là résulte la fâcheuse nécessité où se trouvent ceux qui jouent du
clavecin de recourir perpétuellement au facteur pour l'accorder.
" M. Rameau, qui a fait sur la musique de si profondes recherches,
qui, par les principes féconds de la basse fondamentale et du renversement
des accords, en a si fort éclairci la théorie, propose dans son livre de la
Génération harmonique^ chap. 7, une méthode pour le tempérament : elle
consiste à partager l'octave en douze semi-tons égaux. Pour appliquer ce
principe, la pratique qu'il prescrit est d'accorder les quintes justes, puis de
les diminuer si peu que rien en sorte que le son aigu de la douzième
quinte qui devroit surpasser d'un comma de Pythagore le son grave de la
première si les quintes n'étoient pas affaiblies, fasse avec lui l'octave juste.
" On ne sçauroit exprimer en nombres ou en lignes ces douze semi-
tons, qu'en déterminant onze moyennes proportionnelles entre 1 et 2 dont
le rapport désigne celui de' la vitesse de vibration des deux sons qui
forment l'octave ; c'est un soin que M. Rameau laisse aux curieux.
" Quoique sa méthode soit meilleure que celle qui étoit auparavant
en usage, elle a cependant encore des inconvéniens.... (1)
Nous arrêtons ici cette citation car, ensuite, Bollioud expose
son procédé personnel déjà signalé dans le procès-verbal de la
séance du 13 janvier 1740. Cet extrait suffit à nous montrer que
notre académicien se rendit tout-à-fait aux invitations de son
contradicteur. L'éloge de Rameau remplace les critiques, et la
phrase du premier mémoire " Rameau n'a rien déterminé... " a
disparu. Pourtant Bollioud ne pardonna pas à son adversaire, et,
après cette discussion, il ne manqua pas une occasion de se livrer
à des attaques indirectes contre le grand musicien. La Corruption du
goût (1746) le vise sans doute ; en 175 1, il déclare qu'une grande
(1) Mss acad. n° 154, f° 86-87.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 215
théorie fait rarement un bon musicien, (1) et si, en 1747, il le tempé-
propose avec insistance à ses collègues et aux amateurs d'adopter rament
certain métronome, c'est peut-être parce que Rameau, dans une
de ses préfaces, estimait que, lorsqu'on possède une œuvre musicale,
on en saisit insensiblement le goût, et bientôt on en sent le vrai
mouvement (2). La ferveur anti-ramiste poussa même Bollioud
à condamner le tempérament égal et à lui faire adopter l'ancien
système : Et c'est là la deuxième conséquence de l'intervention de
Rameau.
Dans l'intervalle de cette polémique, Bollioud-Mermet avait
présenté successivement à l'Académie des Beaux-Arts, le 1 1 janvier
1 741, et à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres, le 25 avril,
un mémoire sur le tempérament que les voix observent en chantant
quand elles sont accompagnées par des instruments. Il posait quatre
questions et y répondait : comment la voix forme-t-elle ses sons ?
— forme-t-elle ses intervalles justes et proportionnels entre eux ?
— dans quel cas tempère-t-elle ses intervalles ? — de quelle
manière les modifie-t-elle ? Tous ces problèmes, l'académicien les
résout en empruntant toutes les idées que Rameau avait exposées
dans le septième chapitre de la Génération harmonique, mais en les
démarquant avec adresse (3).
Plus tard, le 13 mai 1744, il présenta de nouveau son phton-
gomètre et déclara que son usage pouvait s'étendre aux instru-
ments tels que la viole et la vielle pour en fixer les touches, et
même à la facture des clavecins pour fixer la courbure des chevalets
qui en forment le diapason. Dans ce mémoire, qui n'existe pas
(1) Séance de l'Académie des Beaux-Arts, du 14 juillet 1 75 1 .
(2) Nouvelles suites de pièces de clavecin... Paris Boivin, s. d. — Rameau pensait
sans doute à Bollioud-Mermet quand il écrivait : " Quelques écrivains ont essayé de
se faire connoître tantôt en défigurant mes principes, tantôt en m'en disputant la
découverte, tantôt en imaginant des difficultés dont ils croyoient les obscurcir. Ils n'ont
rien fait ni pour leur réputation, ni contre la mienne ; ils n'ont rien ajouté ni
retranché à mes découvertes, et l'art n'a retiré aucun fruit du mal qu'ils ont voulu me
faire. Que c'est peu connoître l'intérêt de sa propre gloire que de prétendre l'établir
sur les ruines de celle d'autrui !... " (Lettre à d'Alembert. ^Mercure, mai 1752).
(3) Mss acad. n° 161, f° 42-47.
2i6 LA MUSIQUE A LYON D
EUXIEME
le tempe- dans les archives de l'Académie, il souhaitait encore que les touches
rament dg }a viole, du quinton, de la vielle, du théorbe, fussent d'ivoire
pour que la sonorité soit meilleure, et indiquait aussi qu'il lui
semblait indispensable que la place des pieds des chevalets mobiles
fût marquée sur la table, et que l'on donnât une attention particu-
lière à ce que le haut du chevalet fût toujours bien perpendicu-
laire... Tous conseils de facture instrumentale dont personne ne
profita, et qui peut-être n'avaient pas grande valeur.
Enfin, Bollioud-Mermet exposa, le 10 janvier 1748, ses
idées personnelles sur le tempérament. Les Mémoires de Trévoux
avaient annoncé et vanté, en 1746 et 1747, un nouveau système
d'accord proposé par de Monvallon et dont la partition était celle-
ci : " Accordez les quintes d'ut, ton fondamental à sol, de sol à ré,
de ré à la, le plus juste que vous pourrez, et, comme la commence
à entrer dans les suites chargées de dièses, on le baissera jusqu'à ce
qu'il fasse la tierce mineure juste avec ut, qui est au-dessus. On
accordera ensuite de quinte en quinte avec ce la ainsi tempéré,
mi, si, fa dièse, ut dièse, sol dièse, qui ramène à ré dièse ou mi bémol.
On le haussera un peu ce mi bémol jusqu'à ce qu'il fasse avec ut
qui est au-dessous une tierce mineure juste... (1) " Ce système basé
sur la tierce mineure, avait été " éprouvé à Aix, dans l'orgue de
la Cathédrale, dont l'accord fait l'admiration de tous les Connais-
seurs de cette ville et des Etrangers qui y passent (2)." Un tel
procédé parut inadmissible à notre académicien, parce qu'il partait
de la tierce mineure, accord hors des sons fondamentaux, hors de
la nature (idée que devait combattre Cheinet) ; il proposa cette
autre partition : commencer par ut au milieu du clavier, accorder
de quinte en quinte, les quintes un peu faibles ; vérification par
les tierces majeures justes ; à mesure qu'on avance, rendre les
quintes plus justes et les tierces plus fortes afin de laisser quelque
variété entre les modes naturels et les transposés. Cette partition
semblait à Bollioud devoir satisfaire à la fois l'oreille et la raison. (3)
(1) 3Témoires de Trévoux, Novembre 1746, p. 2369.
(2) Mémoires de Trévoux. Août 1747, p. 1 599*
(3) Mémoire non conservé.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 217
En pratique, un clavecin accordé selon cette partition serait tout-à- le tempé-
fait désaccordé. rament
L'adoption de cette partition curieuse souleva une discussion
qui occupa une partie de la séance du 24 janvier suivant, mais
Bollioud " persista dans le sentiment qu'il doit y avoir une diffé-
rence entre les tons transposés et les naturels pour donner une
différente expression aux divers sujets de musique que l'on traite."
Après cette profession de foi, l'académicien ne s'occupa de la
question du tempérament que pour poser des objections au Père
Dumas.
Dans le premier extrait de son traité, lu le 21 mars 1755, le
Père Dumas voulut démontrer que l'affaiblissement des intervalles
ne peut et ne doit affecter ni l'octave, ni la tierce majeure, mais
seulement la douzième, ou plutôt la tierce mineure comprise dans
cette douzième ; par un long calcul, il fixa la quantité de l'affai-
blissement que doit supporter cette tierce mineure (1). L'année
suivante, le 26 mars 1756, il réédita sa même théorie, et en éten-
dit la pratique à l'accord de tous les instruments à touches, au
moyen d'un violoncelle dont les cordes sont divisées en raison de
299 à 200 (rapport établi par ses calculs) ; en partageant les cor-
des en 299 parties égales, si l'on marque sur le manche la deux-
centième division depuis le chevalet, ce point donne la hauteur
exacte des quintes convenablement affaiblies (2). C'est ce procédé
et sa théorie qui donnèrent lieu à des doutes proposés par Bollioud,
et auxquels le Père Dumas répondit dans une série à' Eclaircissements
en forme d'entretiens sur l'harmonie tempérée (3). La lecture de ces
dialogues eut lieu dans la séance du 18 mars 1757, à l'Académie
des Beaux-Arts, et dans celle du 15 juin 1762, à l'Académie des
Sciences et Belles-Lettres.
La première objection de Bollioud signalait la difficulté
pratique de diviser les cordes d'un instrument en 299 parties
égales, difficulté renouvelée sans cesse par les différences de longueur
(1) Mss acad. n° 160 f° 2-6.
(2) Mss acad. n° 160 f° 12- 16.
(3) Mss acad. n° 160 f° 20-32, 34-47, et 86-87.
l5
218 LA MUSIQUE A LYON
le tempe- de chaque instrument. Le Père Dumas n'eut, comme réponse,
rament qU'à indiquer le procédé facile et commode de la règle de trois
permettant instantanément de trouver, pour n'importe quel instru-
ment, l'équivalent exact du rapport de 200 à 299. La seconde
objection portait sur le choix du si bémol pris comme point de
départ de l'accordage. La réponse, un peu vague, fut celle-ci :
le tempérament doit être comme un nuage léger au travers duquel
on aperçoive toujours le vif, le brillant, le piquant du dièse, et
jusqu'aux moindres nuances du doux, du tendre, du sombre qui
caractérisent le bémol ; en partant du bémol, le dièse se soutiendra
toujours assez, au lieu qu'en partant du bécarre, on ne rencontre-
rait aucun dièse, et il serait à craindre que le clavecin ne fût pas
accordé d'une manière également convenable à tous les tons. Le
troisième et le quatrième entretien établissent que la véritable
harmonie tempérée était depuis longtemps pratiquée sans qu'on
le sût, que la nature et le sentiment de la modulation l'avaient
révélée à l'oreille dans l'accord usité des instruments à cordes, et
qu'il ne restait plus qu'à l'appliquer au clavecin. Le Père Dumas
combat aussi cette idée que les voix et les instruments suivent
chacun un système particulier de tempérament, qu'un trio ou un
chœur chante plus juste sans accompagnement que lorsqu'il est
soutenu par des instruments.
La principale objection de Bollioud était- que le système du
Père Dumas ou celui de Rameau ne conserve plus de différence
entre les modes. L'auteur des entretiens montre alors que cette
uniformité, exigée par Rameau et d'Alembert, est justifiée par la
raison et l'expérience.
Ces divers entretiens, au nombre de neuf, mettent en scène
trois personnages : Eugène, Ariste et Eudoxe. Il ne faut pas
s'étonner que le dialogue de ces êtres imaginaires, dont les noms
révèlent la belle origine, l'excellence et la brillante instruction, ait
vaincu les hésitations de Bollioud-Mermet, et clos définitivement
les discussions académiques au sujet de l'harmonie tempérée.
V
Divers mémoires. Travaux et inventions soumis a
l'approbation de l'Académie
Nous réunissons dans ce chapitre, avec l'examen rapide de
toute une série de mémoires peu importants consacrés à
la théorie musicale et à l'esthétique, l'énumération des
nombreux travaux ou inventions soumis à l'approbation de l'Aca-
démie. Presque tous les mémoires sont dus à Louis Bollioud-
Mermet qui s'était spécialisé dans les questions musicales.
Dès le 13 juin 1736, c'est-à-dire dès les premières séances de
l' Académie, Bollioud fait ses débuts d'académicien et de musicologue:
après avoir parlé avec éloge du renouvellement des conférences
régulières et de leurs grands avantages (1), il déclare qu'il s'occupera
de la musique " plus conforme à la faiblesse de son génie ", et lit
une dissertation sur la musique vocale (2). Fait exceptionnel, il se
propose de donner une idée de l'histoire de la musique ; malheu-
reusement son mémoire est une suite de banalités, et, après un
vague résumé de l'histoire de la notation musicale, se termine par
l'exposé des effets surprenants qui distinguent la musique des autres
arts " par le caractère de conviction et d'empire sur les passions
qui lui sont propres. " Et, à l'appui de cette affirmation, sont
énumérés les exemples fameux de Timothée apaisant la fureur
d'Alexandre, de Thaïes de Candie calmant une sédition, et enfin
quelques considérations sur la musique et la médecine.
Deux discours complètent le mémoire sur la musique vocale;
(1) Correspondance acad. Ms. n° 267. I. p. 1 et 2.
(2) Mss acad. n° 261, f° 32-41.
220 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
divers ils sont également dépourvus d'intérêt : l'un est consacré à la
mémoires musique instrumentale, l'autre à l'étude de l'orgue. Dans le premier,
que l'auteur considère comme une continuation de l'histoire de la
musique, quelques instruments sont décrits. Instruments à percus-
sion : cloches timbales, cymbales ; instruments à cordes : kinnor,
nebel, hasur, dont les noms barbares devaient étonner les académi-
ciens et faire admirer l'érudition facile de l'orateur ; instruments à
vent. Il est tour à tour question du passage de la Mer rouge, du
retour de Jephté, de David, de Nabuchodonosor, de S* Augustin,
de S* Jérôme..., de l'orgue d'après l'Ancien Testament, et de la
trompette marine. A propos de l'orgue, Bollioud signale la nécessité
d'un mécanisme pour faire jouer les soufflets de l'instrument, et il
engage ses collègues à inventer une machine spéciale pour assurer
automatiquement la soufflerie ; invitation qui ne fut pas vaine,
car, à la séance suivante, un des académiciens soumettait deux
projets de mécaniques (i). Quelques années plus tard, Bollioud
présenta à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres un nouveau
discours, non conservé, sur le même sujet (il février 1744). Le
mémoire sur l'orgue (13 janvier 1738) contient une description
assez précise d'un mécanisme et de secrets " qui n'ont été connus
jusqu'à présent que des facteurs (2) ". Il mérita l'honneur d'une
nouvelle lecture dans l'assemblée publique du Ier décembre suivant.
De 1749 à 1753, Bollioud-Mermet travailla sans doute exclu-
sivement à la composition d'un gros ouvrage sur les moyens de
perfectionner la musique, dont il exposa le plan dans la séance de
l'Académie des Beaux-Arts du 22 janvier 1749. Ce jour-là, après
avoir réédité les ordinaires banalités sur l'agrément et l'utilité de la
musique, il annonça que le travail qu'il se proposait de soumettre
à l'Académie en une série de mémoires, traiterait des questions
suivantes : de l'utilité que l'art peut retirer de l'histoire ; de la
science et de la théorie nécessaire à un bon harmoniste; des méthodes
pratiques pour la musique ; du goût du temps et du génie des
(1) Le mémoire de Bollioud fut lu le 28 janvier 1737 ; il est conservé (Mss
acad. n° 161, f° 48-54).
(2) Mss acad. n° 161, f° 56-62.
Partie AU DIX-HUITIEME SIÈCLE 221
artistes contemporains ; enfin des connaissances propres à former le divers
musicien par les véritables règles de son art. C'était là un vaste et mémoires
intéressant projet. Comment fut-il réalisé ? nous l'ignorons. Lu par
fragments à l'Académie des Beaux-Arts, le 18 novembre 1750, le
14 juillet 175 1, le 13 décembre 1752, le 30 novembre 1753, cet
ouvrage n'a pas été conservé. Les comptes-rendus de l'Académie
en parlent, il est vrai, avec complaisance, mais on ne saurait se fier
à l'opinion du secrétaire chargé des procès-verbaux des séances :
le plus souvent les auteurs remettaient eux-mêmes l'analyse de
leurs travaux au secrétaire qui se contentait de la transcrire sur son
registre.
Un autre mémoire de Bollioud se rapporte un peu à la
musique : c'est celui du 5 décembre 1742 consacré à la liaison des
sciences avec les arts ; un sujet analogue avait été traité déjà par
Glatigny l'aîné, le 25 novembre 1738, devant l'Académie des
Sciences et Belles-Lettres. Nous ne possédons pas ces deux travaux.
Enfin, en 1 75 1 et 1752, Charles Bordes présenta deux mémoires con-
sacrés à la réfutation des idées de son ami J. J. Rousseau sur l'utilité
des sciences et des arts: les deux mémoires furent imprimés (1).
Une autre réfutation des théories de Rousseau par le même
académicien fut lue le 1 1 décembre 1753, à l'Académie des Sciences
et Belles-Lettres. Celle-là était une réponse à la Lettre sur la Mu-
sique Françoise ; elle était certainement d'un vif intérêt, mais nous
ne la connaissons que par le procès-verbal :
" M. Bordes a lu la première partie d'une réponse qu'il se propose de
faire à la lettre de M. Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, sur la
musique françoise, qui vient de paroître. M. Bordes a entrepris la défense
de la langue françoise contre M. Rousseau qui l'accusoit de n'être point
(1) Le premier mémoire, lu le 11 mai 175 1 et répété dans l'assemblée publique
du 22 juin, fut publié d'abord dans le Mercure de décembre 1 751 (I, p. 25) puis sépa-
rément et sans nom d'auteur : Discours sur les avantages des sciences et des arts.... avec
la réponse de J. J. Rousseau ; Genève, Barillot, 1752. Le second mémoire, lu le
Ier août 1752 fut publié sous ce titre : Second discours sur les avantages des sciences et des
arts par M. B*** de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Lyon ; Avignon,
François Gérard, 1753.
222 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
divers du tout propre à la musique ; il examine en détail les reproches sur les-
mémoires quels son adversaire se fonde et les détruit les uns après les autres.
" Selon lui, notre langue a en effet beaucoup de consonnes qui
effroyent à la lecture, mais qui disparoissent à la prononciation, ainsi que
toutes les s finales au pluriel, les r des infinitifs des verbes, et la plupart
des consonnes qui terminent les autres temps des verbes : sitôt que les
consonnes ne sont pas prononcées, le son reste aussi simple que celuy
d'une voyelle. Les sillabes nasales sont autant de sons que nous avons de
plus que l'italien réduit à ses cinq voyelles. Les e muets relèvent l'harmonie
de la sillabe qui les précède; ils ont un son dans le chant, ce son est doux:
la musique a plusieurs manières de traiter Ye muet qui en sauvent les
défauts ou qui même font beauté. L'élision en supprime un grand nombre
dans le chant. Les Italiens sont forcés, pour varier l'harmonie de leur
langue, de prononcer souvent leurs finales comme si elles étoient muettes.
Des sillabes muettes sont nécessaires dans toute musique, en sorte quelque
simphonie que nous entreprenions de parolier (?), nous y trouverons tout
naturellement la place de nos rimes féminines. Notre langue a des termi-
naisons très harmonieuses où les consonnes se prononcent. La langue
grecque et la latine en ont aussy ; à cet égard, notre langue surpasse
l'italienne en variété et en énergie. Nous avons autant de mots qu'il nous
en faut pour le genre lyrique ; exemple tiré de Métastase : on n'y trouve
pas un seul mot qui ne puisse être rendu en françois d'une manière propre
au chant. Le genre lyrique n'en comporte pas davantage. Nous avons une
prosodie : les défauts qu'on lui reproche ne sont propres qu'à laisser plus
de liberté au génie du musicien. Enfin les différences des deux langues
sont si légères qu'il est absurde de conclure que la différence des deux
musiques qui en résulte... (i)"
On sait que Rousseau redoutait beaucoup les critiques de
Bordes et qu'il ne pardonna pas à son ancien ami ses réfutations
répétées.
Les derniers ouvrages concernant la musique sont celui de
Clapasson sur le sublime dans la musique, et un travail du médecin
Olivier sur la musique et la médecine. Le discours d'Olivier a
pour but de prouver que la musique est fille de la médecine ; il fut
présenté à l'Académie des Beaux-Arts le 17 décembre 1749, et
relu dans la séance publique du 21 avril 1750. Olivier prétend
qu'en raison de l'action physique du son et de la correspondance
(1) La dernière ligne de ce compte-rendu est illisible.
Partie AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE 223
de l'air extérieur avec l'air qui se trouve dans nos canaux, les divers
vibrations de la musique peuvent se communiquer à ceux-ci, mémoires
modifier la circulation, rendre le sang plus fluide, rétablir le jeu
des esprits animaux, maintenir l'équilibre entre nos différentes
humeurs, et il souhaite que, dans bien des occasions, on substitue
la musique aux remèdes ordinaires (1). Quant au mémoire
présenté par Clapasson sur le Sublime dans la musique il renferme
une intéressante appréciation sur Lully qui se prêta trop au goût
du Roi et de la Nation et qui n'a pas su faire, de l'opéra, autre
chose qu'un tissu de chansons et de madrigaux ; on y trouve
encore une critique de La Lande et un vif éloge du Te Deum de
Calvières qui est " un des ouvrages les plus parfaits de notre
musique latine ". Au sujet de La Lande, Clapasson écrit :
" Ce que Lalande me paroît surtout avoir trop négligé dans ses com-
positions, et qui eut été bien propre selon moi à en rehausser le caractère,
c'est l'emploi de ces images vives et brillantes qui enrichissent nos canti-
ques sacrés avec tant d'abondance. Mais je n'ai garde de convenir que ce
soit remplir dignement cet objet que de s'amuser à ces gentillesses passa-
gères auxquelles nos Musiciens ne manquent guère de se livrer sur le sens
d'un mot qui prête à leurs fredons. Ce n'est là, l'on peut dire que le
clinquant de l'Art. C'est le sujet bien plus que le mot qu'il faut étudier... "
L'éloge de Calvières présente une brève analyse musicale de
la partition, et l'on sait combien de telles pages sont rares chez les
écrivains du xvme siècle :
" Après avoir fait annoncer par un récit simple et majestueux la
venue du juge souverain à qui tous les mortels doivent compte de leurs
actions, Calvière, en homme qui sent vivement les choses, a peint par
anticipation le jour formidable du grand jugement. Les fluttes commencent
par imiter le sifflement des vents ; tout le corps de la symphonie exécute
une tempête qui fait frémir. Un tambour placé dans le milieu de l'orchestre,
par un roulement continuel, toujours en enflant le son, marque le bruit
affreux du tonnerre joint à celui des flots irrités. Pendant que tout annonce
le bouleversement de l'univers entier, deux trompettes placées vis-à-vis
l'une de l'autre dans les tribunes des côtés font alternativement l'appel,
tandis que tous les peuples saisis de crainte s'écrient en s'adressant au
(1) Mss acad. n° 262.
224-
LA MUSIQUE A LYON D
EUXIEME
divers Christ rédempteur du genre humain par un chœur pathétique : Te ergo
mémoires quaesumus famulis tuis, subveni quos pretioso sanguine redemisti " (i).
Il nous reste, pour compléter cette revue des travaux musicaux
des Académies de Lyon au xvnf siècle, à signaler les inventions
et les travaux offerts en hommage aux compagnies savantes, ou
soumis à leur approbation.
Parmi les travaux ayant pour auteurs quelques-uns des acadé-
miciens, nous avons déjà noté les soufflets d'orgue proposés par
Grollier, le phtongomètre de Bollioud pour faciliter l'accord des
instruments, et aussi un métronome présenté par le même amateur
(il janvier 1747). Cet appareil était qualifié de " chronomètre
harmonique ". L'idée d'un appareil de ce genre, pour fixer la
durée des mesures, n'était pas très nouvelle, certes, et plus d'un
musicien avait imaginé déjà quelque dispositif analogue. Quelques
années avant la proposition de Bollioud, en 1740, s'était produit
un intéressant échange d'idées entre deux prêtres, l'abbé Soumille
et le chanoine Boëry (2). D'ailleurs, le nom de Bollioud ne mérite
pas d'être ajouté à la longue liste des précurseurs de l'ami de
Beethoven, Maèlzel, car son invention n'en était pas une ; il
proposait simplement d'étendre à l'usage de la musique en général,
l'instrument utilisé par un chorégraphe parisien, instrument qui
n'était autre chose qu'un pendule, ou métronome à l'envers. Il se
contentait donc de donner un nom assez prétentieux à un ancien
appareil, et de souhaiter que son usage se répandît rapidement
dans le monde des compositeurs, de façon à permettre à chaque
amateur de " déterminer exactement la durée précise des mesures
convenables à nos plus belles pièces de musique " ; ce mécanisme
lui semblait indispensable surtout à ceux " qui, n'étant jamais sorti
de la Province, n'ont pas eu l'occasion de se former le goût sur des
exécutions parfaites. "
Le 19 mai 1751, l'abbé de Valernod proposa une nouvelle
méthode pour noter le plain-chant sans barres et sans clefs, qui se
(1) Mss acad. n° 161, f° 123-/29.
(2) ^Mercure, Septembre 1740, p. 2038.
Partie AU D I X- H U I T I È M E SIÈCLE 225
réduisait à ceci : chaque note remplacée par une lettre {ut par «, divers
ré par / etc.) ; points placés au-dessus ou au-dessous des lettres pour mémoires
indiquer que les notes montent ou descendent d'une octave ; signes
Habituel de la prosodie qui distinguent les notes brèves et les notes
longues. L'abbé de Valernod ne prétendait pas lancer un système
de notation ; son procédé lui permettait simplement de renfermer
dans deux petits in- 12 toutes les pièces de chant à l'usage de son
église.
Deux autres académiciens firent hommage à l'Académie
d'ouvrages littéraires concernant la musique et le théâtre. Bordes,
le 18 janvier 1757, lut une traduction française de l'ouvrage
d'Algarotti sur la musique italienne, et y joignit ses propres ré-
flexions sur les opéras qu'il avait vu jouer en Italie ; sa traduction
fut lue une seconde fois dans la séance publique du 19 avril
1757. Nous en avons déjà parlé plus haut (p. 184-186) (i).En 1776,
le 1 3 août, Thorel de Campigneulles déposa sur le bureau de
l'Académie une brochure de sa composition sur les spectacles de
Lyon. Nous n'avons trouvé ni à Lyon, ni à Paris d'exemplaire de
ce petit ouvrage ; peut-être était-ce un résumé ou un extrait des
" correspondances " sur le théâtre de Lyon, que le Mercure publia
à diverses reprises. Nous connaissons du moins une réponse qui y
fut faite sous le titre Réponse d^un habitant de Chaillot a la lettre
a" un Lyonnois à un Parisien : brochure de seize pages, sans lieu ni
date, conservée à la Grande Bibliothèque de Lyon (n° 351. 877).
Parmi les inventions soumises à l'Académie par des personnes
étrangères à l'Académie, quelques-unes sont dépourvues d'intérêt :
ce sont le bureau musical de Blain dont a parlé Fétis dans sa
Biographie des Musiciens ; les serinettes et boîtes à musique de
Micot (2) ; un instrument nouveau " à l'instar d'un clavecin ou
(1) Cette traduction fut publiée sans nom d'auteur dans le Mercure de mai 1757,
p. 40. Elle fut rééditée dans le tome II des Œuvres diverses de M. Borde (Lyon,
Faucheux, 1783), tome II, partie 1, p. 1-32. Là, elle est suivie, sans solution de
continuité et sans indication, des réflexions personnelles de Bordes que nous avons
relevées au cours du Chapitre II de cette partie.
(2) Le Mercure de juin 1751 (II, p. 252) signale un instrument nouveau inventé
par Micot, de Lyon.
226 LA MUSIQUE A LYON Deuxième
divers d'un piano-forte " présenté, le 14 février 1786, par Leoni,
mémoires " célèbre musicien de retour en cette ville qu'il a habitée long-
temps " (1), au nom d'un facteur aveugle " piedmontois ", nommé
Jean-Dominique Carretti.
Des tables de musique, dédiées à l'Académie par un de ses
membres associés, de Montsabert, conseiller au Parlement de Paris,
furent longuement examinées par Bollioud et le Père Dumas, qui
conclurent à l'extrême ingéniosité, mais à l'inutilité complète d'un
tel travail, sorte d'abrégé de l'harmonie réduite en mathématique (2).
Un candidat au titre d'associé de l'Académie, le célèbre Roland de
la Platière fit hommage d'un manuscrit aujourd'hui disparu et
intitulé : Lettres sur l'état actuel des spectacles, de la langue, et de la
musique en Italie (14 novembre 1780). En 1770, le 29 août, l'abbé
Roussier avait offert à l'Académie un exemplaire de son Mémoire
sur la musique des ^Anciens (3). L'Académie des Beaux-Arts avait
été indirectement mêlée à la polémique qui se prolongea, en 1756
et 1757, entre ce même abbé Roussier, professeur de musique à
Lyon, et l'auteur du Sentiment d'un Harmoniphile : le Père Dumas
avait en effet, le 12 septembre 1755, exposé la méthode d'accom-
pagnement au clavecin que Roussier reprochait à Morambert de
lui avoir empruntée. C'est du moins ce qu'affirma Roussier : les
comptes-rendus de l'Académie ne signalent pas cette communica-
tion du Père Dumas (4).
La dernière invention soumise au jugement et à l'approbation
de l'Académie, est due au violoniste Brijon dont nous avons, dans
(1) C'est Leoni que Burney disait être le meilleur claveciniste de Lyon (Etat
présent de la musique).
(2) Séances du 2 juin 1761, du 6 juillet et du 3 août 1762.
(3) Paris, Lacombe, 1770.
(4) V. ^Mercure de France, octobre 1756, II, p. 171 ; janvier 1757, I, p. 181 ;
avril 1757, I, p. 167 ; septembre 1757, p. 157. — La Borde disait de l'abbé
Roussier qui l'avait conseillé : " C'est le théoricien le plus étonnant qui ait jamais
existé... Dans Athènes, on lui eût élevé des statues. " (Essai sur la musique, III, p.
678-680). Cf. jugement porté par Fétis (Biographie des musiciens.) L'abbé Roussier
est indiqué sur les Almanachs de Lyon, comme professeur de composition et de musique
vocale française, de 1737 à 1763.
Partie AU D IX- H U ITI È M E SIÈCLE 227
notre première partie, indiqué l'ingéniosité et le sens de la réclame. divers
Brijon avait présenté un manuscrit intitulé : " Développement des mémoires
organes par les sons de la musique ; ou première culture des en/ans, par
M. C. R. Brijon ". Les commissaires, nommés pour examiner ce
travail, étaient Bollioud-Mermet, Mathon de la Cour et Collomb ;
ils le jugèrent ainsi :
" Les vues de l'auteur sur l'éducation en général nous ont paru saines,
et son zèle est digne d'éloges. Il a observé que le sens de l'ouïe étoit l'un
des premiers qui se développât chez les enfans, et il en conclut que l'on
devroit faire usage du pouvoir de l'harmonie pour développer leur sensibi-
lité et les préparer à recevoir une bonne éducation : passionné pour son
art, il s'exagère peut-être le pouvoir de la musique sur l'âme, et ses effets
moraux si souvent célébrés par les Grecs. Il nous a paru que son plan
exigeoit un développement de plusieurs années, et nous doutons que les
parens se déterminassent aisément à adopter cette marche. Cette réflexion
nous dispense de présenter à l'Académie une plus longue analyse de sa
méthode, et d'examiner l'instrument appelé aurillette qu'il propose pour
former l'oreille des enfans. Sans entrer dans des détails plus approfondis,
nous croyons que les intentions de l'auteur sont louables et qu'elles méri-
tent l'estime de l'Académie et des bons citoyens (1). "
Ce rapport, qui constituait un échec pour l'inventif Brijon,
porte la date du 21 juin 1791. L'époque était troublée: les Aca-
démiciens devaient bientôt remplacer l'aristocratique appellation de
" Monsieur " par celle de " Citoyen ". Bollioud de Mermet signait
simplement Bollioud, et Mathon de la Cour, qui, en 1793, monta
sur l'échafaud, Mathon La Cour. Ce compte rendu fut le dernier
acte musical de l'Académie. Les séances régulières de la Compagnie
se tinrent encore jusqu'au 6 août 1793, mais elles furent de plus en
plus brèves, et réservées à des discussions d'ordre pratique : le temps
n'était plus aux spéculations harmoniques.
Après sa reconstitution, au sortir de la période révolution-
naire, l'Académie de Lyon ne s'occupa que rarement de questions
musicales. Au point de vue qui nous intéresse, le xvme siècle
fut la période la plus brillante de l'érudite Compagnie.
(1) Mss acad. n° 161, f° 184.
Vu :
Le doyen de la Faculté des Lettres
de l'Université de Lyon
L. Clédat.
Vu et permis d'imprimer :
Lyon, le 15 septembre 1908
Le Recteur
P. JOUBIN.
TABLE DES NOMS CITÉS
Les noms d'auteurs sont imprimés en caractères italiques ;
les noms de personnes en caractères romains ; les noms de lieux en
PETITES CAPITALES.
ABREVIATIONS : ac: académicien. — am.: amateur. —
ch.: chanteur ou chanteuse. — c: compositeur. — cl.: clave-
ciniste. — clar. : clarinettiste. — fl. : flûtiste. — h.: harpiste. —
htb.: hautboïste. — 1.: luthier. — m. de m.: maître de musique.
— org. : organiste. — sym.: symphoniste. — v.: violoniste. —
vl. : violoncelliste.
Nous n'avons pas relevé dans cette table un certain nombre
de noms sans intérêt musical (amateurs, " officiers " de l'Académie,
éditeurs, etc.)
Abel, c, 1 14.
Alarius, c, 44, 157.
Albanese, ch., 137, 142.
Alberti, c, 18, 33, 161.
Albi, 1 12.
Albicastro, c, 165.
Albinoni, c, 33, 161, 165.
Alembert (cT\ 178, 197, 215, 218.
Algarotti, 109, 171, 184, 225.
Amaury, libraire, 19.
Ancelet, 102.
André (Je Père), 58.
Andriol, corniste, 137.
Andro (MIle) ch., 93.
Androvandini, c, 46, 166.
Antoine (Mlle d'), ch., 137.
Aphrodize, c, 153.
Aresti, c, 44, 153.
Aristoxène de Tarente, 99.
Arnauld (abbé), am., 181.
Arnoult, c, 107.
Arthaud, ch., 83.
Arthaud de Bellevue, ni.
Athénée, 188, 189.
Aubert, c, 34, 157, 161, 165.
Avig
NON,
I25.
Aynard (Th.), 9.
B
Bach (la famille), 114.
Bach (Chrétien), c, 114, 136.
Bach (Frischmuth), c, 114.
Bach (Jean-Sébastien), c, 114, 136,
207.
Baër, clar., 137.
Bailleux, c, 1 12, 123.
Balbastre, org., 134.
Baldensperger (Fernand), xi, 19.
Banau, c, 153.
Barbarini, fact. d'orgues, 141.
Barbier, 41, 47.
Barbier (Nicolas), ac, 40, 42.
Barbier (Mlle) ch., 118, 124.
Bardet, ch., 124.
TABLE DES NOMS CITES
232
Bassani, c, 153.
Batistin, vz. Stuck.
Beauvarlet-Charpentier, (Jacques-
Marie), org., 122.
Beauvarlet-Charpentier (J. B.), org.,
121, 122.
Beauvarlet-Charpentier, (J. J.), org.,
121, 122, 133, 134, 135, 136,
140.
Beck, c., 1 13, 1 14.
Belissen,c., 97, 106, 107, 133, 153.
Bellouard (Mathieu), m. de m., 91,
93, 95, 97, 98, "9> J53> i57> 160.
Belmard, org., 140.
Belot, c., 153.
Benoît (MIle), c, 93, 94-
Benoît (le Père), c., 163.
Bergiron de Briou (vz. le nom sui-
vant).
Bergiron du Fort-Michon (Nicolas)
ac- c-, 3, 4, 5, 6, 9, H, lS> l6, 2°
à 27, 33, 37, 38, 44, 45, 46, 52,
63, 97, 98, 131, 132, 150, lSh
152,153,158,159,164,168,175.
Bernard, c, 153.
Bernasconi, c, 161.
Bernier, c, 20, 44, 50, 80, 131,
149, !53, l62, l63, l64-
Bernoulli, 145.
Bertin, c, 46, 52, 158.
Bertin, ch., 124, 125.
Berton (ou le Berton, le Breton),
c, 113, 123, 125, 133, 134, 135,
137-
Besançon, 65, 66y 127.
Besson (G.), c, 165.
Besson, ch., 83, 84.
Bevol (Marie), vz. Mme Charpentier.
Biolet (Suzanne), épouse de Pierre
Leclair, 66.
Blain, 225.
Blainville, c, 203, 204.
Blamont (Colin de), c, 97, 153,
158.
Blanchard, c, 106, 153.
Boccherini, vl., 127.
Bodé, c, 114.
Boëry {abbé), 11\.
Boileau, 27, 171, 172.
Boileau (Mlle) ch., 137.
BoisjeloUj 141.
Boismortier, c, 161, 165.
Bollioud-Mermet, ac, xviii, 3, 17,
18, 29, 32, 74, 99 à 104, m,
134, 140, 141, 172, 173, 174,
175, !76, *77i i79> l8°, l8l>
183, 184, 190, 191, 193, 199,
200, 202, 207 à 221, 224, 226,
227.
Bon (Mlle), ch., 89.
Bongard, 1., 12.
Bonnet (MUe), ch., 121, 124.
Bonnes (Jacques), 191.
Bononcini, c, 46, 166.
Bordeaux, ii, 73, 106, 113, 120.
Borde (Charles), ac, 21, 173, 178,
184, 185, 186, 221, 225.
Bordes, ac, 9, 21, 22.
Borjon de Sce//eryy 13.
Bouchard (£.), 66.
TABLE DES NOMS CITÉS
Boulet, ao, 150.
Bourdelon (abbé), 31.
Bourg (du), ch., 6$.
Bourgeois, c, 158, 168.
Bournonville, c, 153, 167.
Bouzon (abbé), ac. c. 30, 153, 155.
Boy de la Tour (Mme), 12.
Brac de la Perrière , 4, 132.
Brèghot du Lut, 85.
Brenet (Michel), xi, xx, 6, 13, 15,
3o> 31, 45» 48, 52, 8o, 89> 91,
107, 112, 113, 114, 120.
Breuil (du), ac. c, 20, 46, 159.
Brijon, v., 1 15, 1 16, 1 19, 125,226,
227.
Broche, org., 140.
Brossette, ac, 27, 28, 171, 186.
Brossard, c, 33, 162.
Brotonne (de), v. et march. de m.,
93> 95-
Brouchoud, 5.
Brun père, v., 119.
Brun fils, corniste, 137. vz. Lebrun
(Jean).
Brunet de Molan, c, 163.
Brunswick (musiciens du Prince
héréditaire de), 135.
Bruyzet de Manévieux, 143.
Burette, 188, 189.
Burney, 88, 137, 226.
Caen, 58.
Caillo, c, 93, 94.
233
Caix (de), c, 168.
Calmont, sym., 119.
Calvières, c, 223.
Campra, c, 18, 19, 23, 33, 43,
44, 45» 46, 47, 52, 93, io7,
113, 123, 125, 133, 149, 153,
158, 162, 164, 167, 168.
Cannabich, c, 1 14.
Capelle, fl. et htb., 119.
Cardinal (M,le), ch., 93, 94.
Carminati (Lorenzo), v., 88, 89,
124, 126, 134, 137.
Carminati (fils), v., 89.
Carretti (J. D.), fact. d'instr., 226.
Castan (A.), 66.
Castaud, ch. et march. de m., 93,
94, n8, 135-
Castel (le Père), 196.
Castil-Blaze, 138.
Chabanon, 35.
Chady (Mlle), ch., 93, 118.
Chambéry, 96.
Chambon, c, 34, 165.
Chambord, c, 161.
Champmeslé (M1Ie), actr., 191.
Charpentier, c, 158.
Charpentier (Mme), ch., 119, 125,
126, 134.
Charpentier, vz. Beauvarlet-Char-
pentier.
Charron, org., 141.
Chartron (MUe), ch., 93, 118, 124.
Charville, c, 98, 133, 158, 159.
Chasse, ch., 183.
Chaussonet, ch., 118.
16
TABLE DES NOMS CITÉS
234
Cheinet (Charles), ac, 173, 174,
175, 176, 186, 187, 194, 200 à
205, 216.
Chelleri, c, 33, 44, 154, 162, 163.
Chevalier (MUe), ch., 183.
ChifFeri, sym., 93, 97.
Chinzer, sym., 87.
Christin (J. P.), ac, 3, 4, 6, 11,
37> 38> 40, 46, 73, I31! IS°>
158, 175, 180.
Chupin de la Guitonnière, m. de
m., 1 12, 1 18, 123.
Chupin de la Guitonnière (Mme),
m. de m., 112, 115.
Ciampi, c, 183.
Cirri, c., 114.
Clapasson, ac., 173, 175, 178, 186,
222, 223.
Clavel (M1Ie), ch., 93.
Clementi, cl., 117.
Clérambaut,c.,20,44, 154,158, 164.
Clerici, c, 33.
Clermont-Ferrand, 36, 39,40.
Clerual, 94.
Coignet, bibl., 77, 150.
Coignet (Horace), c, ni, 133,
137 et suiv.
Colasse, c, 19, 44, 154, 158.
Collesse jeune, org., 140.
Collesse, ch., 93, 95, 118, 124.
Collesse, fact. d'orgues, 140.
Collomb, ac, 227.
Collombet{F. Z.), 138.
Colonia (le P. de), xviii, 9, 27, 28,
59, 178.
Comi, basson, 136, 137.
Conti (Prince de), 112, 115, 135,
136.
Corelli, c, 18, 33, 161, 165.
Cossini, c, 165.
Couperin, c, 101, 103, 165.
Creiser, sym., 93, 97.
Cremasqui, mandoliniste, 135.
Cuinier ou Cunier, ch., 93, 94.
D
Dandrieu, c, 161.
Daquifty 34, 84, 85.
Dauvergne, c, 108, ni, 158.
Davesne, vl., 107, 154.
David, m. de m., 42, 43, 63, 98,
138, 154, !58> l62> l64-
Debury, c, 93, 108, 123, 126, 159.
Deffand (Mmc du), 142.
Degot, ch., 118.
Delandine (A. F.), xix, 86, 186,
195, 196.
Delaunay, c, 154.
Delisieux, sym. 125. (vz. Dilesius :
ces deux noms semblent désigner
le même symphoniste).
Deloule, v., 93, 95, 119, 125.
Déroche, v., 93, 1 19.
Descartes, 202.
Des Marais, c, 49.
Desmarais (Mme), directrice du
Grand-Théâtre, 65.
Desmarets, c, 44, 45, 49, 97, 154,
159, 168.
TABLE DES NOMS CITÉS
Desmasures, org., 140, 154.
Desormeaux, ch., 83, 84.
Desormery, ch., 119, 120, 121,
123.
Després, cl. org. et pianiste, 136,
r37> Ho, 141, 142.
Destouches, c, 44, 46, 107, 123,
ï$4j 159-
Devers, corniste, 119, 122, 125,
126, 134.
Dezède, c, 133.
Dietsch, 47.
Dijon, 36, 47, 107.
Dilesius, corniste, 87, 88, 89, 119,
(vz. Delisieux).
Donzelague, cl., 77, 93, 97.
Dornel, c, 165.
Dornet, c, 154.
Drouart de Bousset, c, 154.
Drougeon, ch., 93, 94, 118, 121,
124.
Dubreuil (ou du Breuil), ac. c, 20,
46, 159.
Ducoin, v., 119.
Dugas (le Président), 47, 52.
Dumas (le Père), ac, 173, 174,
175, I77j J94, 195, !96> 2°°>
205, 206, 207, 217, 218, 226.
Dumas (J. B.), xin, xv, 3, 175.
Dumey (MUe), ch., 134.
Dupin, c, 154.
Duport, vl., 135.
Dupuy, ch., 134, 142.
Dupuy (M1Ie), ch., 137.
Dutilleu (J. Ch.), ac, 85.
235
Dutillieu (Pierre), c, 85.
Duval, ch. et vl., 119, 133, 134,
i36> 137-
E
Ecorcheville (J.), 100.
Eguillon de la Chaux (d'), ac, 150.
Estienne, m. de m., 47, 72, 82, 97,
152, 154, 161.
Estienne (Pierre), org., 47.
Fago, c, 155.
Falais (abbé), ac, 30.
Fanton, c, 136.
Fargues, ch., 127.
Fargues (Mlle), ch., 120, 121, 124.
Faure (M1Ie), c, 93.
Fayard (J.)> 4.
Fel (Mlle), ch., 14, 137, 143, 144,
183.
Fellon (le Père), ac, 171, 186.
Ferton (M1Ie), ch., 134, 137, 139.
Fessard, ac, 20.
Fessel, h., 109.
Fétisi 80, 115, 119, 121, 140, 141,
i75» i77s J95> 2°4> 225, 226.
Fideli, c, 155.
Filtz, c, 113, 1 14.
Finger, c, 165.
Fiocco, c, 136, 137.
Fioco (Antoine), org., 37.
Fiore (André), c. 161.
236
TABLE DES NOMS CITÉS
Foinon, sym. 119.
Foisses, h., 138.
Fontenay, ch., 83, 84.
Fontenelle, 34.
Fortis, 14.
Fouquet, sym. 125, 135.
Fraenzel, c, 1 14.
Francœur, c, 107, 1 1 1, 159, 161,
165.
Franklin, 195.
François, L, 13.
Furin (le père), ch., 93, 94, 118,
124.
Furin (le fils), bassoniste, 119.
G
Gacon, 41.
Gaëtano, v., 134, 137.
Garnier, v., 137.
Garon (abbé) ac. c, 30, 155.
Gaumenil (Mlle) ch., 65.
Gautier, c, 155.
Geminiani, c, 161.
Genillon, 1., 118.
Genillon (MUe), c, 118.
Gerberon, sym., 119.
Gervais, c, 44, 45, 159.
Giannotti, c, 165.
Giay, v., 93, 95, 107, 119.
Gilles, c, 44, 71, 155.
Gilli (MUe Rosette), ch., 137.
Gillier, c, 15, 159.
Glatigny (de), ac, 172, 175, 187.
221.
Gluck, c, 100, 109, 195.
Godard, c, 110, 113.
Gossec, c, 113, 114, 123.
Gouget, ch., 83, 84.
Gouirand (A.)y xx.
Goutenoire, 1. 14.
Grandon (MUe), ch., 121, 124.
Granier, v. 113.
Granier, vl., 93, 96, 133.
Grenet, m. de m., 80 et suiv., 86,
88, 89, 91, 97, 98, 118, 123,
lSS, !59-
Grenier, père et fils, sym. 125.
Grenoble, 96, 125.
Grétry, c, 134, 135.
Grimm, 120.
Grisard, 71.
Grollier, ac, 224.
Gui, c, 155.
Guichard, ch., 119, 124.
Guido, c, 167.
Guignon, v., 84, 85, 86, 102.
Guillot, vl. 93, 96, 118.
Guillot (Mlle), ch. 118, 125, 126,
137-
H
Haendel, c, 109, 155.
Haydn, c, 136.
Hainl (F.-G.)y xix.
Halincourt (marquis d'), 41, 42.
Hardouin, c, 106, 155, 159.
Hassel, c, 1 14.
Haydn, c, 113, 1 14.
TABLE DES NOMS CITÉS
Hébert de Quincy (le Père), am.,
200.
Hechtki, c, 1 14.
Hedelin, ac, 150, 162, 163.
Hennequin, joueur de tympanon,
138.
Héricourt, sym., 87.
Herluison, 127.
Hode (Mlle), ch., 118, 124.
Hoffmann, c., 114.
Holzbauer, c, 113, 114.
Hohtein (P.), xix.
Honns, sym. 93, 97.
Hotteterre, 1. 13.
Houdar de la Motte, 38, 39.
Huguenet, c., 161.
Huguenot (Marguerite), ch. 67, 74.
Hullot (Gabrielle et Angélique),
ch., 81.
Hus fils, cl., 137.
I
Imbert, 1. 24.
Imbert-Colomès, ac, 117.
Iso, vz., Yzo.
Itasse, ch., 119, 120, 121, 123,
126, 133, 134,.
Itasse (Mme), ch., 119, 120, 125,
126, 134.
J
Jacquet (Mlle), ch., 83, 84.
Jacquier (le Père), org. 37.
^37
Jambe-de-fer (Ph.), 1 1 .
Jéliotte, ch., 183.
Joannon de S* Laurent, ac, 61, 62,
*73* i75> 178, 194-
Joannot, sym., 125.
Jobert. v., 119, 134.
Joli, v. 135.
Jomelli, c, 161.
Jonvaux (Mlle), ch., 127.
K
Kauts ou Kautz, v., 133, 137.
Kautz, clar., 137.
Kircher (le Père), 191.
Koaull (Kohault?), c, 137.
La Barre (de), c, 165.
La Borde (J. B. de), c, 135, 141,
H3» :59» 226-
Lacombe (M1Ie), ch., 121, 134.
Lacoste, c. 45.
La Croix (abbé de), ac. c, 30, 44,
5°» l5S> J59» l63-
La Frasse de Sury (de), am. 1 10,
1 1 1.
La Garde (de), c, 108, 113, 123, 159,
La Guittonnière (de), vz. Chupin.
Laisné, ac. 28.
Lajarte (de), 80.
La Lande, c, 31, 32, 44, 47, 84,
97, 100, 101, 106, 112, 123, 125,
133» H9» lSS> lS9> l88» 223-
238
TABLE DES NOMS CITÉS
La Laurencie (Lionel de), xi, xx, 3 1 ,
33, 35, S2, 65, 91, 94, "5. 12°-
Lalouette, c, 97, 156, 167.
Ltf/cry (Louis) , 35.
Lambert fils, 1., 13.
Lambert, ch., 124.
Lantin de Damerey, 30.
La Touche, c, ^3, l63-
Latour, guitariste, 119.
Latour, (Mmo), h., 138.
Laubreau,c, 156 (vz. les Lobreau).
Lauras, ch., 134.
La Valette (de) ac. 27.
Lavocat, c, 156.
Laï>oix (H.), 13.
le Berton, vz. Berton.
Le Blanc (H.), 11, 12, 74.
Le Breton, vz. Berton.
Lebrun, sym. 125, 134, 135.
Lebrun (Jean) corniste, 135,137 (?)
Le cerf de la Vièville, 10, 17, 18.
Leclair (Antoine-Remi), 65.
Leclair (Antoine, le père), sym. 87,
93, 96, 98.
Leclair (J. M. l'aîné), v. 6 s, 86,
87, 159, 165.
Leclair (J. M. le second), v. 6$
et suiv., 80, 87, 88, 93, 95, 98,
119, I23, J33< l59-
Leclair (Pierre) v. 66, 87, 93, 95,
1 19.
Le Clair, vz. Leclair.
Le Clerc, vz. Leclair.
Leclerc, vz. Leclair.
Lefebvre (Léon), xx, 31.
Lefebvre, c, 113, 123.
Légal de Furcy, c, 136.
Le Gay, directeur de l'Opéra de
Lyon, 19.
Le Goux (les frères, André-Louis
et Claude Marie), marchands de
m., 113, 114.
Le Goux (André-Louis), m. de m.,
91 et suiv. 121.
Le Goux (Claude-Marie), m. de
m-, 92,93,95, I2I> :33-
Le Goux (Claude), m. de m., 95.
Le Maire, c, 1 12.
Le Maître, m. de m., 138.
Leone, mandol. 135.
Leoni, cl., 226.
Lepry (M1Ie), ch., 88.
Leroy, 127.
Lestoublon, copiste, 43.
Le Tellier, ch., 137.
Le Tourneur (Etienne), org., 37.
Levens, c, 106, 156.
L'Hospital (MUe), c, 93, 94.
Lille, 31, 40.
Lissieux, 1., 13.
Lobreau (Mme), directrice du
Grand-Théâtre, 1 1 6.
Lobreau (Chrétien), 107.
Lobereau (abbé Michel), m. de m.,
94.
Lobreau, ch., 93, 94, 125, 133,
134, I36, 137-
Lobreau (Jean, Gabriel et quelques
autres indéterminés), 94.
Lobstein, 71.
TABLE DES NOMS CITÉS
Lochon, c, 167.
Lœillet, c, 165.
Loiseau, v., 93, 96, 119.
Longin, 171.
Lorraine (Charles, prince de), 87,
t38.
Lotti, c., 33, 156, 162, 164.
Lubert (P»), 3.
Lully (J. B. de),c, 13, 18, 19, 23,
33, 43> 44> 47i 77, 83, 98, 100,
101, 107, 113, 149, 156, 159,163,
164, 165, 168, 182,205,223.
Lully (les frères de), 160.
Lully (les fils de), c., 45, 160.
Lully (Louis), c, 19.
M
Macrobe, 183, 189.
Madin (abbé), c., 106, 112, 156.
Maëlzel, 224.
Mallet, c., 156.
Manchini, c., 156.
Mancini, c., 168.
Manfredi, v., 127.
Mangean, c., 95, 165.
Mangot (Jacques Simon), vz. le
suivant.
Mangot, m. de m., 91, 92, 97.
Mangot (Marie-Louise), 91.
Manna, c, 161.
Manssa (du), c, 46, 166.
Marais (Marin), c, 34, 101, 160,
165, 168.
Marais (Mathieu), 6, 41.
239
Marbre, sym., 1 19.
Marignan (de), comédien, 81, 91,
96.
Marin, c, 160.
Marius, 1., 209, 210.
Marmini, bassoniste, 87.
Marseille, 73, 106, 108, 113.
Masciti, c, 33, 34, 166.
Masson, 203.
Mathieu, vz., Bellouard.
Matho, c, 44, 160.
Mathon de la Cour (Jacques), ac,
173, 178, 179, 189, 193, 194,
196 à 200.
Mathon de la Cour(Charles Joseph),
ac, 175, 180, 227.
Maubert, c, 166.
Maubrun (Mme), vz., Montbrun.
Meibomius, 189.
Melani, c, 46, 156, 166.
Mercier, sym., 138.
Mesplet (MUe), ch. 124.
Métastase, 222.
Meunier, ch., 124.
Michel, c, 156.
Michel, ch., 127.
Michel (Mlle), ch., 121, 124, 126.
Micot, 1., 225.
Modène (duc de), 87.
Moine (les frères), sym., 119.
Mondonville, v. et c. 84, 85, 86,
97, 102, 106, 108, ni, 123, 133,
137, 156 160, 183.
Montdorge (Gauthier de),ac, 175.
Monsigny, c, 122, 133, 134.
TABLE DES NOMS CITÉS
240
Montazet (Mgr), arch. de Lyon,
134-
Montbrun (Mme de), ch., 127, 134.
Montéclair, c, 44, 45, 107, 133,
160, 164, 166, 168.
Montpellier, 127.
Montsabert, ac, 226.
Montucla, ac, 182, 183.
Monvallon (de), 216.
Monville (Mlle), ch., 65.
Monze, c, 137.
Morambert, 226.
Moreau, c, 156, 168.
Morel de Voleine, 29, no, m,
136.
Morin, c, 20, 33, 160, 163, 164,
167.
Morin-Pons (H.), 20, 28.
Morlet (Jacques), facteur d'orgues,
36.
Mouret, c, 45, 107, ni, 160.
Moyria (G. de), 100.
Mozart (W. A.), c, 126.
Mozart (le père et Anne), 126.
N
Nantes, 120.
Naudot, c, 166.
Néman, c, 1 14.
Nicolas, ch., 121, 124.
Nicoli (M1Ie), ch., 134.
Niel, c, 160.
Noverre, maître de ballets, 96.
o
Olivier, c, 136, 156.
Olivier (Mlle), ch., 134, 137, 142.
Olivier, ac, 174, 175, 222.
Olympe, c, 99.
Orléans, 127.
Orléans (Philippe d'), c, 154.
Orléans (duc d'), 137.
Palais (Suzanne), ch., 63, 64.
Paquet, v., 137.
Parran (le Père), 203.
Pellegrin, c, 44, 156.
Pelletier (Mlle), ch., 134.
Peré, ch., 134, 137.
Pergolèse, c, 139, 156.
Pernetti, 3.
Perret, vz. Peré.
Perrichon (Camille), prévôt des
marchands, 43.
Perrin (Mlle), ch., 134.
Perrot, bassoniste, 119.
Pesé (Mlle), ch., 137.
Petit, fl. et htb., 93, 96, 1 19.
Petouille, c, 97, 156.
Pfeiffer, c, 114.
Philidor, c, 133, 134, 137, 166.
Phillippe, c, 93, 94, 118.
Piccini, c, 114
Pietra Santa (F.), arch. 59.
Pinet, ch., 83, 84.
Pipereau, c, 156.
TABLE DES NOMS CITÉS
Pitoni, c, 157.
Planton, C, 157.
Platon, 99.
Pluche, 34.
Plutarque, 189.
Poidebard (W.), 47.
Polavoli, c, 33, 162, 163.
Pons, vz. Saint-Pons.
Pontlaville, ch., 137.
Pougin {A.), 81.
Poulletier de Nainville, intendant
de Lyon, 47 à 52.
Poulletier de Nainville (Mme), 47
à 51.
Prin (J.B.), joueur de trompette
marine, 13, 14, 151, 167.
Provençal, c, 166.
Prunier, c., 166.
Q
Quinault, 17.
R
Racine {Jean), 191.
Racine (Loui), 172.
Rainé, ch., 1 19, 124.
Rameau (J. Ph.), c, 34, 35 à 41, 42,
46, 95, 103, 107, 108,111, 114,
120, 123, 125, 126, 131, 133,
136, 157, 160, 163, 173, 178,
182, 183, 191, 193,194 à2i8.
Rebel, c, 107, ni, 161, 166.
Regnauld (de), ac, 172, 175, 187.
241
Reims, 106, 107.
Renaud (MUe), ch., 134.
Renier, c, 166.
Renoult, c, 157.
Reuchsel (Maurice), xix.
Richter, c, 114.
Rippert, c, 166.
Roche, sym., 125.
Rodolphe, corniste, 135.
Roefer, c, 1 14.
Roland de la Platière, ac, 226.
Rolland (Romain), 100.
Rosenmuller, c, 18.
Roset (Mlle) ch., 93.
Rotschild (H. de), 12.
Rousseau (J.B.), 27, 95.
Rousseau (JJ.)> 10, 12, 42, 43,
102, 124, 133, 136, 138 et suiv.
I73> 178, i79> l82> 2°4> 221,
222.
Rousset, fl. et htb., 93, 96, 119.
Roussier, (abbé), m. de m., 96, 226.
Royer, c, m, 123, 161.
Rucker, sym., 87.
Rukers, facteur d'instr., 141.
Ruolz (de), ac, 208.
Sabatini, c, 161.
Sacchini, c, 100.
Saint-Fonds, 47, 52.
Saint Marcel (MUe de), ch., 125.
Saint-Pons, ch., 123, 124.
Saiz (Angelica), ch., 87.
TABLE DES NOMS CITÉS
242
Salles (Antoine), 138.
Salomon, c, 44, 45, 157, 161.
Sambat, vl., 93, 96, 119, 125.
Sarrau, ac, 11, 73.
Sarti, c, 1 14.
Sauge, sym., 93, 97, 119.
Savioli, c, 162.
Savioni, c, 162, 167.
Scarlatti, c, 33, 46, 157, 162, 164,
166, 167, 168.
Schewindl, c, 114.
Schmid, sym., 124.
Schobert, c, 134.
Selim (MUe), ch., 80, 82, 83, 86,
87, 88, 89, 93, 94.
Senaillé, c, 18, 34, 10 1, 166.
Seraillac, 1., 14.
Serré de Rieux, 34.
Serrière, v., 125, 126, 134, 137.
Siberman, c. am., 112.
Sicard, c, 162.
Sosonnet, ch., 124.
Soubise (musique des volontaires
de), 126.
Soubry, ac, 88, 143, 145.
SoufHot, ac, 175.
Soumille (abbé), 11^.
Stabingher, c fl. et clar., 136, 137.
Stamitz, c, 113, 114, 123.
Stephan, 1 14.
Stradella, c, 157.
Strasbourg, 13, 71, 120.
Stuck (J. B.) dit Batistin, c, 20,
157, 164, 168.
Stumpff, c, 1 14.
Suffré, c, 167.
Suin, ch., 134,135-
Tanguy Frémont, vl., 119, 134.
Tauseani, sym., 125, 136.
Thorel de Campigneulles, ac, 175,
225.
Tiersot (Julien), 40, 109.
Tilliaire, sym., 119.
Tillière, vl., 119.
Toeschi, c, 1 14.
Tolomas (le Père), ac, 174, 175,
178, 188, 190, 191.
Torlez, c, 133.
Torry, c, 157.
Touchain, c, 89, 90.
Touchemolin, c, 114.
Toulouse, 106.
Tournon, 124.
Toutain, c, 107, 157.
Touvoix, ch., 125.
Trial, c, 112, 123, 135.
Tribuot (Julien), facteur d'orgues,
Tticou (Georges), xi, 11, 6$.
Tulou (Mlle), ch. 65.
Valdahon (Mme) ch., 119.
Valenti, virtuose, 135.
Valentini, cl., 141.
Valentini, c, 162.
TABLE DES NOMS CITÉS
Valernod (abbé), ac, 174, 175, 224,
225.
Valette de Montigny, c, 33, 157,
162, 163.
Vallencier, c, 93.
Vanier ou Vannier (M1Ie) ch., 125,
126, 134.
Van Malder, c, 114.
Vaudot, c., 166.
Vestri, sym., 87.
Veyron (MUe) ch., 125.
Vidal, ch., 124.
Viller, ch., 93.
Villeroy (Duc de), gouverneur de
Lyon, xiv, 20 et suiv., 27, 29,
41,49) 5°, 52, S3> 70,71, 77-
Villeroy (Duc de), gouverneur de
Lyon, 78, 80.
Villeroy (François-Paul de Neuf-
ville de), archevêque de Lyon,
ac. c, 12, 29 et suiv., 44, 50, 51,
52,63,64,70, 71, 77, 151,152,
157.
Villeroy (la famille), 1 1 7.
243
Villesavoye (Paul), m. de m., 42,
63, 64, 71, 152, 157, 161.
Villiers, ch., 6^.
Vingtrinier (E.)t xix.
Vivaldi, c, 33, 162.
Voltaire, 142, 181, 202.
w
Warin, ch., 119, 120, 121, 123,
124, 125, 126, 134.
Weidner, c, 157.
ÎVotquenne, 195.
Wrier (MUe), ch., 120.
Yzo, c, 112, 159.
Zannetti (F.), c, 136.
Ziani, c, 33, 163.
Zoûeschi, 113.
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NOVEMBRE MIL NEUF CENT HUIT
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(ED. VERBEKE & CO.) CANAL, PORTE
STE. CATHERINE, BRUGES, BELGIQUE
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